IV. LA MINORITÉ : DES DROITS AUX CONTOURS DIFFÉRENCIÉS POUR UN ACTEUR ESSENTIEL DE LA VIE PARLEMENTAIRE
Les rapports entre la majorité et l'opposition structurent l'organisation et le fonctionnement de la plupart des Parlements où se sont rendus vos rapporteurs. Ainsi, les droits de la minorité sont respectés et encadrés dans tous les pays visités, selon des modalités et dans des proportions variables.
Vos rapporteurs soulignent que ces droits sont d'autant plus effectifs que le pouvoir exécutif repose sur une majorité claire. En effet, lorsque le pouvoir s'appuie sur une coalition, la réalisation du programme négocié entre les partenaires laisse souvent peu de place aux initiatives de la minorité, comme l'ont observé vos rapporteurs au Luxembourg, en Autriche et en Slovaquie.
En outre, les droits de la minorité parlementaire n'apparaissent pas plus étendus chez nos voisins européens qu'en France. Dans certains Parlements, l'opposition bénéficie de larges possibilités d'expression ; dans d'autres, sa place dans l'organisation des travaux est définie plus précisément, sans qu'il en résulte nécessairement des capacités d'initiative plus étendues. Dans nombre de pays visités, l'application de la règle de la représentation proportionnelle permet à la minorité d'être un acteur essentiel de la vie parlementaire. Seule la Chambre des communes britannique, où vos rapporteurs se sont rendus en 2006, reconnaît un statut officiel à l'opposition.
A. UNE PARTICIPATION SYSTÉMATIQUE À L'ORGANISATION DES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE
L'opposition est présente au sein des organes directeurs de tous les Parlements visités . Les présidents de groupe font en effet partie de la Conférence des présidents, généralement chargée de se prononcer sur l'ordre du jour des séances publiques. Aussi les groupes minoritaires peuvent-ils au moins y exprimer leur avis sur l'organisation des travaux parlementaires.
En Belgique, une proposition de modification de l'ordre du jour peut être présentée par huit députés au moins. Elle fait alors l'objet d'une discussion et d'un vote, après lequel l'ordre du jour ne peut plus être remis en cause que par une motion émanant du tiers des membres de la Chambre. En République tchèque, deux groupes politiques ou cinquante députés peuvent s'opposer à une modification de l'ordre du jour ou à la mise en oeuvre de la procédure accélérée d'examen des projets de loi.
Dans certains pays où les droits de l'opposition sont plus précisément définis, une part de l'ordre du jour lui est réservée.
Ainsi, au Portugal, tous les groupes parlementaires ont la possibilité de contribuer à la programmation de l'ordre du jour des séances publiques, en fonction de leur importance numérique. Un groupe ne comptant que dix députés peut fixer l'ordre du jour d'une séance par session ; il peut le faire pour deux séances s'il rassemble au moins un dixième des 230 députés et pour deux séances supplémentaires par dixième de l'effectif au-delà de ce seuil. En outre, tout parlementaire n'appartenant à aucun groupe peut obtenir l'inscription à l'ordre du jour d'une proposition de loi ou de résolution par session, dès lors que la commission compétente en a proposé l'examen.
Vos rapporteurs avaient par ailleurs relevé en 2006 qu'au Royaume-Uni, la Chambre des communes réservait une partie de l'ordre du jour de chaque session aux initiatives de l'opposition 17 ( * ) , le Gouvernement conservant toutefois la maîtrise du calendrier. En Italie, si le programme des travaux n'est pas approuvé par les présidents des groupes représentant les trois quarts des députés, l'opposition décide d'un cinquième des points à examiner ou du temps disponible.
Enfin, dans nombre de Parlements, des présidences de commissions permanentes législatives ou de commissions de contrôle sont confiées à la minorité.
Ainsi, l'opposition préside trois des dix-huit commissions de la Chambre des représentants belge et exerce régulièrement les fonctions de rapporteur. Elle préside sept des dix-neuf commissions permanentes en Slovaquie. En Espagne, aux termes d'un accord conclu en début de législature, la présidence de la commission des finances des deux assemblées est confiée à la minorité. Au Luxembourg, l'opposition préside, selon une règle coutumière, les quatre commissions appelées réglementaires, dont celle chargée de l'exécution budgétaire et des comptes et la commission de contrôle du service de renseignement de l'État. En République tchèque, la présidence de la Chambre des députés est traditionnellement confiée à un membre du principal parti d'opposition.
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