CONTRIBUTION DU GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN
Les applications de la recherche pénètrent aujourd'hui dans nos vies à des rythmes bien plus rapides que celui du renouvellement des générations. Ainsi, la transmission des savoirs et des savoir-faire ne s'opère plus par la seule imprégnation et transmission familiale ou corporatiste. C'est ainsi que la nécessité d'adaptation aux avancées scientifiques et techniques s'impose à toutes et tous, en permanence, tout au long de la vie. Aussi, la formation tout au long de la vie professionnelle doit répondre tant aux besoins des salarié(e)s qu'à ceux des entreprises.
Pour notre part, nous défendons une vision humaniste et à long terme de la formation tout au long de la vie : un droit individuel, attaché à la personne, quel que soit son contrat de travail, garanti collectivement, transférable et opposable ; ce droit doit s'accompagner d'un nouveau statut progressiste du travailleur, permettant à chaque salarié ayant suivi une formation, d'obtenir une promotion professionnelle et sociale et sa reconnaissance par l'employeur en termes de qualification, classification, rémunération, conditions de travail...
C'est là tout le sens de la proposition du parti communiste de la création d'une sécurité sociale de la formation professionnelle. En effet, la concentration sur l'adaptation au poste de travail et la difficulté de s'inscrire plus largement dans des logiques de développement professionnel et personnel sont autant de dérives qu'il faut aujourd'hui combattre, notamment pour les salarié(e)s les moins stables ou les plus vulnérables sur le marché du travail, les salarié(e)s privé(e)s d'emploi, les plus de cinquante ans, les femmes, les jeunes sans qualification, les saisonniers, les intermittents...
C'est ainsi que la formation professionnelle tout au long de la vie, mise en avant lors du Conseil européen de Feira, se définit comme « toute activité d'apprentissage entreprise à tout moment de la vie, dans le but d'améliorer les connaissances, les qualifications et les compétences, dans une perspectives personnelle, civique, sociale et/ou liée à l'emploi ». Mais, et nous pouvons le regretter, c'est ainsi également que « la formation va à la formation », comme cela a très justement été rappelé au cours des nombreuses auditions : en situation d'emploi ou en situation de recherche d'emploi, les salarié(e)s les plus diplômé(e)s bénéficient davantage de la formation professionnelle. En effet, la formation est considérée par l'employeur sous l'angle d'un investissement ; dès lors, elle est dirigée vers les catégories les plus susceptibles de la traduire en gains de productivité ; par ailleurs, l'accès est d'autant plus difficile que le ou la salarié(e) est issu(e) d'une petite entreprise. En outre, des inégalités de genre et d'âge s'ajoutent aux difficultés d'accès des futur(e)s stagiaires.
A ce parcours déjà bien difficile se rajoute la complexité de l'offre de formation professionnelle, de son financement, de sa gestion... Aujourd'hui, 24 milliards d'euros sont investis dans la formation professionnelle, gérés par un nombre important d'OPCA (organisme paritaire collecteur agréé), et une multitude d'organismes, publics comme privés, proposent des formations : le (la) stagiaire, qui n'est pas seul(e) dans la prise de décision de sa formation est, pour sa part, bien démuni(e) lorsqu'il s'agit de faire son choix.
Nous souhaitons ajouter que la formation professionnelle doit se concevoir sur la base d'une formation initiale de qualité, en lien avec nos lycées et universités, s'appuyant sur une éducation nationale à la hauteur des ambitions de notre nation. Nous l'indiquions tout à l'heure, « la formation va à la formation », aussi nous ne pouvons nous satisfaire du nombre trop élevé, et qui a tendance à stagner, de jeunes sorti(e)s du système scolaire sans qualification ; en effet, les études du CEREQ confirment que « les jeunes non diplômés restent fortement soumis aux aléas de la conjoncture ». Aussi, bien que nous attachions une très grande importance à la formation professionnelle tout au long de la vie, nous souhaitons insister sur la place prépondérante que doit avoir la formation initiale dans la construction des projets personnels et professionnels de chaque individu.
A notre sens, la création d'un pôle de service public, en quelque sorte une « maison de la formation et de l'emploi », dans laquelle, bien sûr, les associations en direction des personnes handicapées seraient agréées et auraient toute leur place, permettrait non seulement d'établir le lien indispensable entre ces deux formations, initiale et professionnelle, mais également de trouver une suite logique à toute formation, l'insertion professionnelle durable. Cette « maison de la formation et de l'emploi » permettrait, en outre, d'appréhender la formation professionnelle de manière différente, dès lors qu'elle s'adresse à des publics différents : des demandeurs d'emploi pour une entrée dans la vie active, des demandeurs d'emploi en cours de parcours professionnel, des salarié(e)s en reconversion ou en changement de qualification, des personnes à qualification différentes... En effet, la diversité des publics appelle la diversité des solutions. Aussi, nous ne pouvons que regretter l'abandon progressif du service public de formation professionnelle, dont l'ensemble des structures, GRETA, AFPA, CUEFA, CNAM... ou encore lycée professionnel, proposent pourtant, au niveau territorial, un réseau adapté et complémentaire, répondant aux besoins au plus près des populations concernées ; en ce sens, la généralisation de la procédure dite « d'appel d'offres », entre autre, les met en difficulté, laissant la place à des organismes de formation privés, dont les services ne répondent pas toujours aux critères de qualité requis. Par ailleurs, se pose également la question pour nos territoires ruraux, plus fortement impactés lorsqu'un organisme de formation de proximité cesse son activité, de la réponse à apporter à leur population.
Le rapport qui nous est présenté ici permet d'appréhender dans toute sa diversité, pour ne pas dire complexité, l'ensemble de notre système de formation professionnelle ; en ce sens, il est une contribution de qualité au débat nécessaire qui nous attend. La richesse et la multitude des auditions, des déplacements, ont permis à l'ensemble des membres de cette mission d'aborder sans tabou tous les « points noirs » mais aussi tous les atouts des organismes existants, leur financement, leur gestion, leur offre... qu'ils soient dispensateurs de formation ou collecteurs de fonds !
Pour autant, si nous partageons le constat des dysfonctionnements et l'idée de la nécessité d'une révision de notre système de formation professionnelle, initiale et continue, nous ne sommes pas en accord avec l'ensemble des propositions faites par notre rapporteur, d'autant que le ministre de l'éducation nationale annonce dans le même temps 10 000 suppressions de postes d'enseignants pour la rentrée 2008 ! En effet, le fil conducteur de ces propositions, devant répondre aux principaux destinataires, la nation, l'individu et l'entreprise, tend en réalité à répondre aux seuls besoins économiques, éloignant l'État de son rôle de régulateur et l'individu de ses choix de parcours personnel et professionnel. Les 24 milliards d'euros investis aujourd'hui dans la formation professionnelle ne doivent pas seulement servir à donner aux entreprises une main-d'oeuvre bien formée, avec une employabilité immédiate et à court terme, adaptée au poste de travail et qui s'avérerait inutile en cas de rupture dans le parcours professionnel de l'individu. De plus, il ne s'agit pas de chercher à tout prix à faire des économies ; il s'agit de permettre à toutes celles et tous ceux qui en expriment le souhait, de bénéficier d'une formation professionnelle choisie et adaptée, les assurant de la reconnaissance de cette formation lors de leur entrée ou de leur retour dans l'emploi en répondant par la même occasion aux besoins des entreprises ; en quelque sorte, une sécurisation des parcours professionnels.
Aussi, bien que ce rapport soit d'une qualité incontestable, mais au vu de l'ensemble des propositions, dont nous sommes en accord avec certaines seulement, nous ne pouvons lui accorder un vote positif.