CONTRIBUTION DU GROUPE SOCIALISTE ET APPARENTÉS
Le rapport qui vient de nous être proposé à la suite de la mission d'information commune sur les dispositifs de formation professionnelle revêt un intérêt majeur car il présente un état des lieux exhaustif de la situation, mettant en évidence la complexité et le cloisonnement de l'ensemble des dispositifs allant de la formation professionnelle initiale sous statut scolaire à la formation continue des salariés, en passant par l'apprentissage, la formation des demandeurs d'emploi ou la validation des acquis de l'expérience. Cet état des lieux révèle également les enjeux financiers (près de 30 milliards d'euros par an) et politiques (responsabilité partagée entre État, régions, départements, partenaires sociaux). Force est de constater que la situation actuelle est le résultat de la défense par les acteurs, d'intérêts particuliers, voire de corporatismes.
Le rapport permet de pointer, voire de confirmer que :
- la formation ne va pas à ceux qui en ont le plus besoin (plus on sort diplômé de la formation initiale, plus on utilise la formation continue) ;
- la formation est considérée par les financeurs (particulièrement les entreprises) comme une dépense et non comme un investissement ;
- la question de la gouvernance et du pilotage est d'une incontestable actualité.
Pour ce qui concerne les propositions faites par les membres de la mission, elles nous semblent trop nombreuses, trop disparates ; la contribution que nous faisons ci-dessous a pour objet de reprendre certaines propositions en les priorisant, d'en supprimer d'autres qui nous paraissent davantage relever de la mise en oeuvre et d'en rajouter d'autres en particulier sur la nécessaire évaluation.
I - PERMETTRE À L'EDUCATION NATIONALE DE QUALIFIER TOUS LES ÉLÈVES AVANT LEUR SORTIE
A - Une orientation préparée et choisie
Généraliser à tous les collégiens des classes de troisième des modules de « découverte professionnelle »
1 - Professionnaliser sur le volet « connaissance des métiers » les acteurs de l'orientation : stages de connaissance de l'entreprise dans la formation initiale et continue des enseignants, ainsi que des conseillers d'orientation psychologues qu'il convient de renommer conseillers d'orientation professionnelle et psychologues (COPP).
2 - Mobiliser la communauté éducative (familles, élèves, enseignants, personnels de direction, COPP), afin de mieux informer les élèves et les familles sur les métiers qui recrutent et les différentes filières de formation. A ce titre, la généralisation de « l'orientation concertée » réunissant l'ensemble des acteurs précités, permettra de choisir en connaissance de cause.
B - Une formation professionnelle diversifiée
1 - Favoriser l'accès au contrat d'apprentissage pour tous les élèves qui le souhaitent, indépendamment de leur milieu social et leurs origines, les collèges et les CIO rapprocheront les élèves des entreprises et aucun jeune ayant un contrat d'apprentissage ne sera amené à y renoncer faute de place en centre de formation d'apprentis.
2 - Poursuivre la mise en oeuvre des lycées de métiers, permettant aux jeunes accueillis un parcours de qualification professionnelle, du niveau V (CAP-BEP) au niveau III (BTS), en passant par le niveau IV (baccalauréat professionnel, baccalauréat technologique) ; cette mise en oeuvre des lycées de métiers s'accompagnera d'une simplification des cursus, de l'évolution, voire de la suppression des diplômes qui ne correspondent plus aux besoins, de la possibilité de parcours plus itératifs entre études et activités jusqu'au diplôme, de statut du lycéen professionnel.
II - PERMETTRE L'ACCÈS À LA FORMATION PROFESSIONNELLE TOUT AU LONG DE LA VIE
A - La structuration et la mise en réseau des services d'orientation
Au-delà de la professionnalisation des acteurs de l'orientation, il est indispensable qu'une coordination existe entre les différentes structures, pour une meilleure information conseil aux personnes. Dans cet objectif, les services d'orientation de l'AFPA seront intégrés à l'ANPE, le rapprochement entre l'ANPE et l'UNEDIC sera effectué pour permettre à tout chômeur indemnisé l'accès à l'accompagnement nécessaire à la formation et au retour à l'emploi ; la décentralisation vers les régions de l'ensemble des services d'orientation sera achevée afin d'assurer un service global d'orientation territorialisé.
B - Le droit permanent à la formation
Le Droit individuel à la formation (DIF), instauré par les partenaires sociaux, doit constituer une véritable modalité de formation négociée. L'objectif est bien que l'ensemble des actifs ait accès à la formation professionnelle, quel que soit le type d'entreprise (grande entreprise, PME, TPE).
C - La validation des acquis de l'expérience
Intensifier le dispositif de validation des acquis de l'expérience pour offrir « une deuxième chance » à la qualification. A cette fin, renforcer l'accompagnement des candidats en y impliquant de façon plus dynamique l'ensemble de organismes d'accueil : ANPE, OPCA, missions locales, CIO.
Ouvrir aux élus locaux, aux élus associatifs et syndicaux l'accès à la VAE afin de reconnaître les compétences qu'ils ont développées dans le cadre de leurs responsabilités et de favoriser leur reconversion à la fin de leur mandat.
III - RATIONALISER ET OPTIMISER LES FINANCEMENTS DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE
A - Poursuivre le paritarisme, le dialogue social, la négociation
- Mettre en place de nouvelles modalités de financement du paritarisme ;
- distinguer ce qui relève directement de la participation des partenaires sociaux à la gestion de la formation professionnelle (le « 0,75 % » versé aux organisations professionnelles membres des OPCA) et ce qui n'en relève pas directement (le « 0,75 % » versé au FONGEFOR) et doit par conséquent être financé dans le cadre du budget de l'État au titre du fonctionnement de la démocratie ;
- relever à 1 % le plafond de 0,75 % de rémunérations versées aux organisations professionnelles membres des OPCA dans le contexte d'un développement des services rendus par les OPCA aux entreprises ;
- engager une nouvelle configuration des OPCA. Afin de les mettre en mesure d'assurer dans les meilleures conditions d'efficacité les services d'ingénierie et d'accompagnement attendus par les entreprises, favoriser le regroupement des OPCA en relevant par la voie réglementaire le plancher de collecte qui conditionne la délivrance de l'agrément administratif. Porter à 50 millions d'euros le seuil de collecte actuellement fixé à 15 millions ;
- créer un cadre incitatif au regroupement des OPCA interprofessionnels, dans la perspective de l'attribution à un fonds régional ad hoc , qui pourrait être un OPCA interprofessionnel régional, de la mission d'encaisser, de gérer collectivement et de mobiliser les fonds dégagés par les financeurs de la formation professionnelle en faveur d'actions finançables par le compte d'épargne formation.
B - Mutualiser les fonds perçus par les OPCA
Il s'agit de rendre obligatoire la mutualisation des fonds collectés par les OPCA afin d'aider les PME et le TPE dans leurs démarches et formalités liées à l'accès à la formation continue. Les OPCA exerceront la fonction de conseil, d'ingénierie et d'accompagnement auprès de ces entreprises.
IV - CONSTRUIRE LA GOUVERNANCE ET ÉVALUER
A - Centrer plus efficacement l'État sur la mission d'assurer sur l'ensemble du territoire l'équité du système de formation professionnelle
- Assurer l'équité sur les quatre grands axes de réforme de la politique de formation : le lien avec l'emploi et la formation, l'accès à la formation, l'efficacité de l'appareil de formation et la rationalisation des circuits financiers. L'État doit être garant de l'équité au plan national, en lançant et en animant les débat concernant les objectifs de la politique de formation professionnelle, en mobilisant les instruments normatifs et de contrôle qu'il possède, en contractualisant des objectifs et des moyens avec les régions ;
- définir les grands objectifs nationaux de la formation dans le cadre d'états généraux de la formation professionnelle initiés par l'État en s'appuyant sur les travaux du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV), du Conseil d'analyse stratégique (CAS), de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) ;
- donner le caractère prioritaire à la mission de corriger les inégalités territoriales que la régionalisation est susceptible de provoquer ;
- renforcer la coordination de la politique de l'État en plaçant sous l'autorité du Premier Ministre un secrétaire d'État ou un Haut commissaire chargé de coordonner l'action des administrations compétentes en matière de formation professionnelle continue et initiale.
B - Le Conservatoire National des Arts et Métiers comme « laboratoire » de l'ingénierie de formation
Le savoir faire du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) pourrait utilement être diffusé auprès des :
- organismes qui n'ont pas la taille suffisante pour pouvoir financer des recherches en ingénierie de formation ;
- organismes qui, à l'instar de certains établissements scolaires ou universitaires, ont besoin d'une impulsion pour évoluer vers des pratiques pédagogiques mieux adaptées aux besoins.
C - Confier aux régions le pilotage territorial des politiques de formation professionnelle
- Désigner la région comme lieu privilégié de mise en cohérence des politiques de formation professionnelle ;
- faire du Plan régional de développement des formations professionnelles ( PRDFP) l'instrument de la stratégie de formation au niveau régional en associant à son élaboration l'ensemble des parties concernées : les services de l'État (le rectorat, l'ensemble des services déconcentrés intéressés) les partenaires sociaux, les autres acteurs présents dans la région et dans les bassins d'emploi(conseils généraux, organismes consulaires, prestataires de formation, communauté éducative, associations familiales) ;
- modifier la loi afin de donner au PRDFP une valeur prescriptive de sorte que les signataires, notamment l'éducation nationale et le monde économique, soient engagés par leur signature et que soit ainsi lancée la nécessaire démarche de gestion partagée des compétences.
D - Structurer le dialogue social au niveau régional
- Favoriser l'émergence, du côté des partenaires sociaux, de « pôles paritaires » régionaux de nature à structurer le dialogue social en région dans un cadre qui pourra être variable (conférence des financeurs, GIP, comités de coordination) ;
- maintenir le dialogue social régional à tous les stades de la procédure d'élaboration au suivi du PRDFP.
E - L'évaluation des politiques de formation : une nécessité
Elle doit être faite chaque année. Une mission parlementaire d'évaluation des politiques de formation sera créée à cette fin. Elle remettra annuellement un rapport au Parlement qui portera notamment sur :
- l'évolution de la qualité des formations dispensées ;
- l'adéquation entre l'offre de formation et les attentes du marché du travail ;
- le respect du principe constitutionnel d'égalité.