3. Le bassin d'emploi : la mise en oeuvre
a) Le lieu privilégié pour la mise en oeuvre des actions de formation
La question du territoire pertinent pour l'action est assez délicate.
Le territoire est un espace d'observation, de partenariats et d'actions concertées dans le champ de l'emploi et de la formation. Agir au niveau du territoire doit permettre d'assurer l'interface entre tous les acteurs : branches professionnelles, secteurs d'activité, OPCA de branche, groupes d'entreprises, État et collectivités territoriales, autres acteurs institutionnels, réseaux économiques de la région ou du bassin d'emploi, etc.
Tirant les conséquences de l'évolution du système de formation qui a été synthétisé encore récemment par le Centre d'analyse stratégique 115 ( * ) : (« La déconcentration des interventions centrales et la montée en puissance de politiques territoriales ont pour point de rencontre le territoire ») , la mission d'information suggère que l'approche territoriale pour les actions de formation soit faite à l'échelon du bassin d'emploi.
La mission considère que le bassin d'emploi est le territoire d'action pertinent, d'ailleurs reconnu par l'État, notamment pour mener sa politique de l'emploi . Les représentants des partenaires sociaux auditionnés ont ainsi appelé l'attention sur « les mutations territoriales » qui conduisent à reconsidérer les questions au niveau du bassin d'emploi. Paradoxalement, la mondialisation a remis le territoire local au centre des réflexions, en particulier du fait des délocalisations. Le maillage du bassin d'emploi, ses ressources en compétences, ses infrastructures et son environnement, redeviennent autant d'atouts et d'enjeux pour la réussite économique de la France.
Le bassin d'emploi est l'espace à l'intérieur duquel la plupart des actifs résident et travaillent et où les entreprises trouvent généralement l'essentiel de la main-d'oeuvre nécessaire pour occuper les emplois offerts.
Le niveau du bassin d'emploi présente donc plusieurs atouts.
Il permet d'abord une logique partenariale , qui met autour d'une table, élus, chefs d'entreprises, partenaires sociaux, associations et services publics.
Ensuite, il permet de traiter les besoins spécifiques existant dans les bassins en difficulté et dans les pôles de compétitivité . De nombreuses expérimentations peuvent ainsi être menées sur les territoires afin d'accompagner les entreprises dans la définition de leurs besoins, de les sensibiliser aux besoins spécifiques des publics fragilisés et de les engager dans une démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, en partenariat avec les autres acteurs locaux, tels que les chambres de commerce, les organismes de formation et les collectivités territoriales.
Ainsi, comme l'a signalé M. Jean-Raymond Lépinay, président de l'Union nationale des missions locales (UNML), les missions locales disposent, par exemple, de leurs propres réseaux locaux d'accès à l'emploi, à l'échelle des bassins d'emplois, auxquels participent des employeurs qui acceptent de prendre en compte la nécessité de recruter une certaine proportion de jeunes en difficulté.
Le choix de bassin d'emploi facilite également la mutualisation des moyens en s'appuyant sur les orientations définies au niveau régional et l'implication des instances régionales mises en place pour le pilotage de la formation professionnelle.
Il pourrait rendre possible une plus grande fongibilité des fonds disponibles, par la recherche de synergies, ou encore par un déploiement de politiques territoriales concertées, allant de l'orientation à l'emploi, sur des projets précis susceptibles d'être évalués quant aux résultats.
Il est aussi mieux adapté à la conduite de projets , qui engage les différents acteurs locaux et les décideurs des autres niveaux dans un processus « vertueux » : diagnostic - plan d'action - évaluation. Ces projets peuvent, en quelque sorte, être « modularisés » et évalués, selon les objectifs ou les besoins identifiés.
De tels projets existent déjà et donnent des résultats intéressants, a rappelé M. Jean Michelin de la Fédération française du bâtiment : « Je ne vous ai pas parlé de toutes les initiatives que nous menons ici ou là, lorsqu'un conseil général décide par exemple de mettre en oeuvre le CI-RMA, c'est-à-dire le retour des RMIstes au travail. Nous savons dans ce cas nous adapter en créant un groupement d'employeurs et de qualification dans un bassin d'emploi . Les ouvrages d'art du TGV-Est ont exigé que nous formions des coffreurs-plancheurs ; nous sommes donc allés chercher des demandeurs d'emploi dans les bassins d'emploi locaux et avons pu les former avec l'AFPA. »
De même, pour l'AGEFOS-PME, cette approche permet d'optimiser la réponse aux besoins concrets de formation ; « nous analysons les besoins et les compétences en partenariat actif avec les OREF et ASSEDIC. Les plates-formes Emploi-PME aident les entreprises à formuler des fiches de poste et nous relayons ces informations au service public de l'emploi, au conseil régional. Nous aidons, avec nos autres partenaires, à articuler les dispositifs existants. Nous proposons désormais ce type de partenariats aux maisons de l'emploi. Enfin, nous permettons la mobilisation de ressources financières. Après avoir assuré l'assistance technique FSE du ministère de l'emploi sur la période 1998-2001, chaque AGEFOS-PME a été partenaire de l'État et des régions, notamment sur les programmes en faveur des salariés des plus petites entreprises ».
Cette approche est cohérente enfin avec les évolutions du service public de l'emploi. L a loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 a précisé le service public de l'emploi, dans son périmètre et dans son contenu, afin notamment de mieux l'ancrer à l'échelon territorial.
En fonction de ces éléments, et à titre expérimental, la mission propose la mise en place de conseils locaux de la formation (CLF) au niveau des bassins d'emploi.
Ce conseil local de la formation se réunirait trois à quatre fois par an, et plus si nécessaire, à l'initiative de la région, pour échanger des informations, faire des propositions et trouver des solutions concrètes à des difficultés signalées dans l'articulation entre orientation et formation.
Présidé par un représentant du président de région, le conseil local de la formation serait composé notamment de représentants de l'État, et en particulier de la communauté éducative (les proviseurs et principaux des lycées et collèges inclus), des partenaires sociaux, des prestataires de formation, ainsi que des associations de parents d'élèves pour aborder concrètement les difficultés d'orientation.
Dans le cadre de ces rencontres, la mission est favorable à une approche pragmatique, avec un véritable souci d'efficacité par rapport à l'emploi. Il paraît aussi essentiel que les opérations fassent en outre l'objet d'un suivi pour encourager les « formules » qui fonctionnent.
* 115 Lettre n° 62- juin 2007.