D. QUELLE PLACE POUR LES BOURSES DE L'ÉLECTRICITÉ ?
Votre mission d'information est convaincue que les marchés de l'électricité ne peuvent constituer, à eux seuls, l'unique vecteur par lequel s'effectuerait l'ensemble des transactions électriques européennes. Pour autant, cette analyse ne la conduit pas à rejeter en bloc leur existence puisqu'ils présentent une réelle utilité pour assurer la satisfaction de divers besoins spécifiques, notamment pour fluidifier certains ajustements. Les représentants des consommateurs, précédemment cités, reconnaissent d'ailleurs que le marché de gros, pour autant qu'il fonctionne correctement, est adapté à la problématique de l'ajustement, c'est-à-dire de l'équilibre à court terme.
1. L'émergence de marchés de gros de l'électricité
Avec la libéralisation du secteur de l'électricité, des places d'échanges se sont constituées en Europe, permettant de réaliser des transactions immédiates ou à terme, de manière bilatérale ou dans le cadre de marchés organisés portant sur des livraisons physiques ou accueillant des opérations strictement financières.
Comme l'a souligné M. Jean-François Conil-Lacoste, directeur général de Powernext 243 ( * ) , la bourse française de l'énergie et du CO 2 « a été créée en juillet 2001, en étroite coordination avec RTE, pour assurer la cohérence des règles du marché électrique avec les contraintes de gestion du réseau. Elle a pour actionnaires Euronext et les gestionnaires de réseau français, belge et hollandais qui assurent une neutralité à l'ensemble, des producteurs européens et des acteurs financiers du monde de l'énergie. Sa fonction économique première est de fournir des références de prix ». Dans ce cadre, les acteurs du marché de gros sont essentiellement les producteurs, les fournisseurs et les traders .
Le rapport annuel de la CRE pour l'année 2006 relève qu'en France, le marché de gros de l'électricité englobe les transactions s'effectuant via la bourse de l'électricité Powernext et celles s'effectuant au travers d'échanges bilatéraux (OTC 244 ( * ) ). Il comprend ainsi des échanges purement financiers et des transactions débouchant sur une livraison physique d'électricité sur le réseau français. En 2006, sur les 582 TWh injectés sur les réseaux français, 225 TWh ont fait l'objet d'une transaction sur ces marchés de gros, la plupart cependant par le biais d'échanges bilatéraux.
La CRE note que les données de volumes concernant les transactions bilatérales n'étant pas publiques, seul le volume des échanges de blocs (transactions donnant lieu à livraison) est connu. Elle estime ainsi le volume des transactions purement financières à environ deux fois le volume livré.
En 2005, les transactions de gré à gré ont atteint un volume total de 200 TWh, en hausse de 27 % par rapport à 2004 (157 TWh). Après avoir affiché une forte progression au dernier trimestre 2005, les volumes traités ont été en léger recul au 1 er trimestre 2006, au cours duquel ils ont atteint 19,4 TWh en moyenne mensuelle (contre 16,4 TWh au 1 er trimestre 2005).
En ce qui concerne le marché organisé qu'est Powernext, M. Jean-François Conil-Lacoste a souligné qu'il existait trois types de place de marché :
- depuis novembre 2001, un marché pour livraison d'électricité sur chacune des 24 heures du lendemain, dit Powernext Day-Ahead , qui permet de gérer les risques d'équilibrage ou de volume sur le réseau français. Ce marché compte cinquante-six membres parmi lesquels les principaux producteurs d'électricité européens, des fournisseurs d'électricité, des institutions financières et des sociétés de négoce. 30 TWh y ont été traités en 2006, soit une augmentation de 50 % par rapport à 2005. Tout en relevant que ces flux ne représentent que 7 % de la consommation nationale globale, il a précisé qu'au regard du marché réellement ouvert, ils constituent une part supérieure à 23 % de la consommation libre ;
- depuis juin 2004, un marché de moyen terme a été lancé, Powernext Futures , permettant de gérer le risque de fluctuation du prix de l'électricité d'un mois à trois ans : « les produits échangés s'adressent à des acteurs économiques qui veulent disposer d'un outil de gestion dynamique de leur risque électrique dans un horizon de court à moyen terme. Ils apportent de la fluidité, de la flexibilité dans la gestion des risques ». Notant que cette place de marché était la deuxième en Europe après l'Allemagne, M. Jean-François Conil-Lacoste a indiqué que 83 TWh avaient été échangés en 2006, soit une progression de 33 % par rapport à 2005. Il a souligné que seulement 14 % des volumes échangés sur les 83 TWh avaient cependant été effectivement livrés et observé que ces échanges avaient subi « un coup d'arrêt très significatif depuis l'été 2006 » à la suite de la mise en place du TaRTAM. Contrairement aux apparences, ce marché ne vise pas à répondre à des besoins à long terme mais à proposer aux acteurs des produits de couverture du risque, ce qui explique le faible pourcentage d'électricité livrée par rapport au volume total des transactions ;
- enfin, en juin 2005 a été créée, dans le cadre du protocole de Kyoto et en collaboration avec la Caisse des Dépôts et Consignations, une référence de prix au comptant des quotas d'émission de CO 2 , Powernext Carbon . M. Jean-François Conil-Lacoste a précisé que « ce marché a connu une expansion spectaculaire, avec près de 32 millions de tonnes échangées en 2006, dont un record de 5,8 tonnes pour le seul mois de décembre. Cette bourse française offrant un produit européen représente 75 % de part de marché parmi les bourses qui traitent de ce type de produit, notamment nos concurrents allemands et scandinaves ».
La CRE indique par ailleurs dans son rapport annuel que la bourse allemande de l'électricité (European Energy eXchange - EEX) propose depuis le 29 août 2005 des produits de livraison physique à terme en base et en pointe en France. Ainsi, du 29 août au 31 décembre 2005, EEX France, qui regroupe 17 membres, a traité un volume de 1,6 TWh.
* 243 Audition du 1 er février 2007.
* 244 Over The Counter .