3. Pourquoi maintenir le tarif ?
Votre mission d'information soutient totalement la position constante et argumentée des autorités françaises, qui rappelle notamment que les directives ne s'opposent pas à l'existence de tarifs dès lors qu'ils couvrent les coût s. Votre mission en veut d'ailleurs pour preuve que si tel n'était pas le cas, EDF, qui assure l'essentiel de ses fournitures d'électricité sur la base des tarifs et non de prix de marché, ne dégagerait pas de bénéfices.
S'agissant de la mise en cause communautaire au titre des aides d'Etat, votre mission d'information ne peut que faire part de son incompréhension : par quels mécanismes la puissance publique aurait-elle été amenée à subventionner l'activité d'entreprises bénéficiant de tarifs couvrant les coûts du producteur ? Elle se déclare également perplexe quant à l'affirmation selon laquelle les tarifs provoquent des distorsions de concurrence puisque la référence prise à l'appui de ce raisonnement est celle de prix de marchés déconnectés des réalités économiques. Enfin, elle s'interroge sur la nature des conséquences qui pèseraient sur les entreprises si l'enquête de la Commission devait aboutir à une suppression de ces tarifs : dans quelles conditions seraient-elles amenées à se fournir en électricité ? Devraient-elles rembourser les sommes considérées par Bruxelles comme des aides d'Etat ? Dans cette hypothèse, sur quelle période de référence devrait porter un tel remboursement ?
Heureusement, des éléments d'information très précis devraient être prochainement disponibles pour appuyer le raisonnement des autorités françaises puisque, conformément aux dispositions de l'article 25 de la loi du 10 février 2000 222 ( * ) , EDF et les DNN sont désormais tenus d'établir une comptabilité interne permettant de distinguer la fourniture aux consommateurs bénéficiant de tarifs réglementés de vente de celle aux consommateurs finals n'en bénéficiant pas .
Par ailleurs, votre mission d'information souligne que, si les tarifs ne couvraient pas les coûts, il y aurait lieu de s'interroger sur la rationalité économique d'une entreprise comme Poweo 223 ( * ) , qui, depuis le 1 er juillet 2007, propose aux consommateurs domestiques des offres commerciales inférieures au niveau des tarifs réglementés (de l'ordre de 10 %). A l'évidence, le fait même d'envisager ce type de stratégie économique démontre qu'il est possible pour une entreprise autre qu'EDF d'exercer des activités de fournisseur d'électricité et dément les affirmations de la Commission européenne sur les barrières à la concurrence que constitueraient les tarifs.
Plus largement, c'est la logique d'ensemble de la Commission européenne que conteste votre mission d'information. Comme le souligne très opportunément le rapport d'orientation du Conseil d'analyse stratégique sur l'énergie 224 ( * ) , « il n'est pas acquis que les signaux des marchés reflètent une concurrence parfaite ». Il relève, tout aussi justement, que « pour la plupart des grands producteurs européens en place, au premier rang desquels EDF, les prix de revient moyens du MWh seront sans doute sensiblement inférieurs à des prix de marché reflétant le coût de développement, CO 2 compris, d'une unité de production moderne brûlant du charbon. Si les prix de vente étaient calés sur les prix de marché de gros, il en résulterait des profits substantiels sans réelle justification économique pour les producteurs en place et des hausses importantes de prix au niveau du consommateur final, pénalisantes pour les entreprises soumises à la concurrence internationale et difficilement acceptables socialement pour les consommateurs domestiques ».
En définitive, votre mission d'information ne voit aucune justification à un processus devant, par principe, conduire à caler les prix français de l'électricité sur un prix de marché dénué de fondement économique. En revanche, elle admet que la sécurité d'approvisionnement et la préparation de l'avenir commandent l'intégration dans le système tarifaire des éléments économiques tenant au renouvellement du parc de production. Il est légitime que les tarifs évoluent afin de permettre le financement de nouvelles capacités de production, aussi bien pour l'entreprise bénéficiant aujourd'hui du monopole de fourniture d'électricité au tarif que pour les autres producteurs qui ne peuvent, dans un marché concurrentiel, que se caler sur ce niveau de prix.
* 222 Introduites par l'article 13 de la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie.
* 223 Voir les déclarations récentes de M. Charles Beigbeder, président-directeur général de Poweo.
* 224 Synthèse du rapport d'orientation du Conseil d'analyse stratégique - Perspectives énergétiques de la France à l'horizon 2020-2050 - Avril 2007.