EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 26 juin 2007, sous la présidence de M. Yann Gaillard, vice-président, la commission a entendu une communication de Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial, sur le rapport d'information portant sur le pilotage de la politique de l'eau.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a tout d'abord indiqué qu'elle avait souhaité savoir, six mois après l'adoption par le Parlement de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, si notre administration était en « ordre de marche » pour tirer parti du nouveau cadre législatif et financier dont le législateur l'avait dotée. Ainsi avait-elle procédé à un contrôle en application de l'article 57 de la LOLF. Elle a ajouté que cette volonté avait été renforcée par l'émergence d'enjeux cruciaux dans le domaine de l'eau, liés notamment au problème des pollutions diffuses et en particulier des pollutions dues aux pesticides. Ces enjeux imposaient de faire preuve d'ambition dans la conduite de la politique de l'eau.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a conclu de ses travaux qu'il convenait d'approfondir les notables améliorations apportées à l'organisation des services de l'Etat en charge de la politique de l'eau, d'améliorer le cadre budgétaire donné à cette politique, et de mieux coordonner l'action de l'Etat avec celle des collectivités territoriales.

Après avoir brièvement rappelé la complexité de l'organisation des services de l'Etat dans le domaine de l'eau, elle a souligné que l'administration avait accompli des efforts de rationalisation réels, consistant notamment à simplifier l'architecture administrative pour doter les services d'une masse critique et à faire en sorte que, sur un territoire donné, une mission corresponde à un service identifié. Elle a à cet égard cité la constitution de services uniques de police de l'eau et le regroupement des 52 services d'annonce des crues en 22 services de prévision des crues.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a également salué les initiatives prises pour favoriser l'échange d'information et de savoir-faire, parmi lesquelles la réforme des missions interservices de l'eau (MISE). En associant les services, les établissements publics de l'Etat et les collectivités territoriales, elles permettent de mieux articuler la politique de l'eau avec les politiques connexes telles que la politique sanitaire ou le contrôle des installations classées, et d'intégrer les enjeux « eau » au sein des politiques sectorielles telles que la politique agricole ou de l'urbanisme. Elle a vu dans les MISE le moyen de diffuser un « réflexe eau » chez des acteurs territoriaux à qui leurs domaines de spécialisation ne permettent pas toujours d'être familiers des enjeux de la politique de l'eau.

Elle a en outre noté que l'amélioration du pilotage de la politique de l'eau était passée par un cadrage national renforcé des agences de l'eau, établissements publics situés à l'interface entre l'Etat et les acteurs locaux représentés au sein des comités de bassin. Reconnaissant qu'il convenait de concilier une stratégie nationale claire de pilotage des agences avec des marges de manoeuvre suffisantes laissées aux acteurs du bassin pour exercer les missions que la loi leur confiait, elle s'est félicitée de la tutelle équilibrée exercée par la direction de l'eau, notamment fondée sur un dialogue permanent avec les agences et un renforcement de la gestion « managériale » des personnels.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a toutefois considéré que des problèmes demeuraient au sein de l'administration de l'eau. Elle a principalement cité le doute qui persistait sur le rôle exact que serait celui de la direction de l'eau lorsqu'une partie de ses compétences aurait été transférée à l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques. Elle a également noté la nécessité de parachever la simplification de l'architecture administrative, en s'interrogeant notamment sur l'opportunité de conserver des missions de politique de l'eau au sein des directions régionales d'environnement (DIREN), alors qu'elles pourraient probablement être regroupées au sein des DIREN de bassin ou sur le maintien de prérogatives de police de l'eau au sein des services de la navigation, exception qui semblait plus justifiée par un héritage historique que par des nécessités opérationnelles.

Elle a enfin regretté les faiblesses inhérentes au pilotage des directions départementales de l'agriculture et de la forêt (DDAF) et des directions départementales de l'équipement (DDE), alors même que ces services mettaient en oeuvre des volets significatifs de la politique de l'eau, et notamment la police de l'eau et la prévention des inondations. A ce titre, elle a mentionné l'absence de maîtrise par le ministère chargé de l'écologie des équivalents temps plein travaillés consacrés par ces directions aux missions de politique de l'eau et les possibles « conflits d'intérêts » qui pouvaient survenir entre les missions liées à l'eau et les attributions exercées dans les domaines de l'agriculture et de l'équipement.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a poursuivi en abordant la question de la traduction donnée à la politique de l'eau dans les « bleus budgétaires ». Elle a fait valoir que cette politique, qui devait constituer une priorité de l'action environnementale, n'était pas budgétairement lisible du fait de l'extrême dispersion des actions qui y concouraient au sein des programmes et des missions ainsi que du poids des ressources extra-budgétaires qui lui étaient consacrées.

Par ailleurs, elle a jugé que la répartition du faible montant de crédits budgétaires qui demeuraient consacrés à la politique de l'eau ne favorisait pas son pilotage efficace : la scission des crédits entre les deux programmes de politique publique de la mission « Ecologie et développement durable » était, ainsi, contraire à l'objectif de gestion intégrée de la ressource et l'utilisation faite de ces crédits dans le cadre du programme d'interventions territoriales de l'Etat de la mission « Politique des territoires » était parfois peu compatible avec les orientations nationales de la politique de l'eau.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a rappelé que, sur les questions budgétaires, le « cheval de bataille » du ministère chargé de l'écologie consistait à prôner la création d'un programme spécifiquement dédié à l'eau. Admettant qu'il était indispensable de remédier à la scission actuelle des crédits de politique de l'eau, elle a toutefois manifesté son scepticisme face à l'hypothèse de création d'un programme « a minima », par le simple regroupement des crédits actuellement répartis entre les deux programmes de politique publique de l'actuelle mission « Ecologie et développement durable ».

Elle a par ailleurs indiqué que ce problème pouvait trouver une solution soit dans la fusion des trois programmes composant actuellement la mission et dans la redéfinition du périmètre de cette dernière consécutive à la constitution du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, soit dans la constitution d'un programme au périmètre élargi intégrant les actions supports de la politique de l'eau et certaines actions de politique publique actuellement confiées aux ministères de la santé ou de l'agriculture.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a enfin abordé la question de la coordination de l'action de l'Etat et des collectivités territoriales en matière d'eau, à travers le cas du contentieux qui oppose la France à la Commission européenne en matière de traitement des eaux résiduaires urbaines.

Après avoir fourni quelques éléments de contexte, elle a vu dans ce contentieux un cas typique où l'Etat, responsable de sa politique de l'eau devant les autorités communautaires, était tributaire de l'action des collectivités territoriales pour remplir les obligations contractées au niveau européen. Elle a ensuite mis en évidence les responsabilités partagées de l'Etat et des collectivités territoriales, le premier n'ayant pas créé les conditions d'une action rapide et les secondes ayant longtemps différé des investissements coûteux.

Elle a par ailleurs indiqué que les solutions mises en oeuvre pour mettre la France en conformité avec les dispositions de la directive sur les eaux résiduaires urbaines combinaient le renforcement du caractère incitatif des aides des agences de l'eau et une action régalienne forte de l'Etat, matérialisée par une circulaire qui invitait les préfets à mettre en demeure les collectivités territoriales, puis à consigner les fonds nécessaires aux travaux, à procéder d'office aux travaux, à geler l'ouverture de nouveaux territoires à l'urbanisation, voire à engager des poursuites pénales en cas de défaut de traitement particulièrement grave.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , est revenue sur la possibilité de faire assumer par les collectivités territoriales, dont les stations d'épuration n'étaient pas conformes, la charge budgétaire d'une éventuelle condamnation pécuniaire par la Cour de justice des Communautés européennes. Elle a rappelé que cette forme d'action « récursoire » lui paraissait inacceptable, dans la mesure où les responsabilités dans le retard français étaient largement partagées, et qu'il serait incohérent de faire payer aux collectivités territoriales le non-respect de normes communautaires à la négociation desquelles elles n'ont jamais été associées.

Afin de remédier aux insuffisances diagnostiquées, elle a enfin jugé nécessaire de tenir compte des positions exprimées par les collectivités territoriales lors de la négociation d'actes communautaires susceptibles d'avoir un impact sur leur action dans le domaine de l'eau, de pérenniser et de systématiser le caractère fortement incitatif des financements des agences de l'eau et de mieux coordonner l'action de l'Etat avec celle des collectivités territoriales en assurant un suivi efficace de leur action et en favorisant des échanges permanents, notamment au sein des missions interservices de l'eau.

M. Bruno Sido, membre de la commission des affaires économiques , est revenu sur l'absence de programme de politique de l'eau au sens de la LOLF et a constaté que la « dispersion » des actions relatives à l'eau ne renforçait pas la cohérence et l'unité de cette politique. Après avoir rappelé que les débats sur le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques avaient été l'occasion de s'interroger sur le rôle des collectivités territoriales, il a jugé qu'il convenait d'être attentif à l'utilisation par les agences de l'eau de leurs moyens financiers considérables, dont il a douté qu'ils soient totalement mobilisés au cours des prochaines années. Il a par ailleurs évoqué la question de la mise aux normes des stations d'épuration, pour regretter que les communes rurales ne disposent pas de moyens suffisants pour investir dans l'assainissement.

M. Bruno Sido s'est enfin dit peu surpris des retards accumulés par la France en matière de politique de l'eau, et rappelé que depuis sa première nomination comme rapporteur de la loi sur l'eau en 2001, plusieurs ministres et plusieurs textes s'étaient succédé avant l'adoption définitive de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de décembre 2006.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a rappelé que la politique de l'eau était financée par des ressources extrabudgétaires à hauteur de 94 %, et notamment par l'affectation de redevances aux agences de l'eau. Elle a par ailleurs vu dans ces agences des interfaces indispensables entre l'Etat et les autres acteurs de l'eau et salué leur capacité à anticiper les enjeux européens, bien que leur pilotage national n'ait pas toujours été suffisant.

Elle a rappelé que le subventionnement des investissements dans le domaine de l'assainissement en milieu urbain était inférieur à celui pratiqué en milieu rural, et souligné à quel point la réalisation d'équipements d'épuration constituait un « chemin difficile » pour les élus locaux, notamment en raison des répercussions qu'elle avait sur le prix de l'eau.

S'agissant de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), elle a enfin appelé à ce que les structures territoriales du nouvel établissement public ne soient pas trop complexes et se déploient en harmonie avec les niveaux de gestion déjà existants.

M. Bruno Sido a confirmé que l'ONEMA, en se substituant au Conseil supérieur de la pêche, ne devait pas constituer un acteur supplémentaire et devait permettre au ministère chargé de l'écologie de développer sa capacité de négociation communautaire.

M. Philippe Adnot s'est dit moins « optimiste » que le rapporteur spécial sur le pilotage des agences de l'eau, qu'il a comparées à des « forteresses ». Il a également regretté que la mobilisation tardive de certains financements entrave la réalisation rapide d'investissements décidés par les collectivités territoriales, et a appelé à la vigilance face à certains comportements de « thésaurisation » des agences.

M. Yann Gaillard, président , s'est interrogé sur les conséquences, pour la politique de l'eau, de la constitution d'un ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables (MEDAD) et des réformes envisagées dans le cadre du « Grenelle de l'environnement ».

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a rappelé que le thème de l'eau ne faisait pas à proprement parler partie des thématiques retenues pour le « Grenelle de l'environnement » et que la constitution du MEDAD laissait subsister des compétences significatives dans le domaine de l'eau au sein, notamment, des ministères de l'agriculture et de la santé. Elle a toutefois reconnu la volonté, partagée par tous les départements ministériels, de traiter l'écologie de façon transversale.

Elle a salué la qualité des analyses de M. Philippe Adnot sur la tutelle des agences de l'eau et confirmé qu'il convenait d'être vigilant à l'exercice de la tutelle sur ces établissements « puissants ».

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a également indiqué que « la solidarité urbain / rural » faisait partie des principes présidant à l'attribution des financements des agences dans le cadre des 9 programmes. Elle a en outre appelé agences et collectivités territoriales à ne pas se renvoyer les responsabilités des dysfonctionnements qui pouvaient intervenir, rappelant que la construction d'une station d'épuration nécessitait une coordination harmonieuse.

M. Adrien Gouteyron a souligné, à son tour, les insuffisances des financements des agences en milieu rural. Il a souhaité connaître les modalités selon lesquelles l'action des agences était harmonisée sur l'ensemble du territoire et la façon dont les collectivités territoriales pourraient être associées à l'élaboration du droit communautaire de l'eau.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial , a suggéré que la baisse de certains taux de financement pouvait résulter de la dégressivité des aides des agences en fonction du respect des échéances réglementaires. Elle a par ailleurs indiqué que la coordination de l'action des agences de l'eau s'opérait au moyen de circulaires, de lettres de cadrage et d'échanges mensuels avec les directeurs. S'agissant enfin de l'association des collectivités territoriales à la négociation communautaire, elle a admis que les procédures demeuraient à inventer, et estimé que les associations d'élus pouvaient constituer un premier relais.

La commission a donné acte, à l'unanimité, à Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial, de sa communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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