B. UNE POLITIQUE DÉFENSIVE

Dans un contexte menaçant pour les opérateurs en place, l'Etat a adopté une posture que l'on peut qualifier, dans l'ensemble, de défensive, malgré des avancées significatives. Aucune réforme globale du droit des jeux n'a été entreprise.

1. Des ajustements mesurés

Si la réponse des pouvoirs publics aux problèmes rencontrés par le secteur des jeux n'a pas été, globalement, à la hauteur des enjeux, des avancées significatives n'en ont pas moins été enregistrées.

a) Des avancées significatives

Depuis la publication du premier rapport de votre commission, est intervenu l'achèvement de la mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Comme signalé dans la précédente sous partie de ce rapport consacrée à la dynamique économique des jeux, un nouvel établissement public, le Centre national de développement du sport (CNDS) a été créé par le décret n° 2006-248 du 2 mars 2006 pour succéder au Fonds national de développement du sport (FNDS), compte d'affectation spéciale clos par la loi de finances pour 2006.

La suppression du FNDS, dont l'essentiel des ressources provenait d'un prélèvement sur les mises des joueurs de la Française des jeux, répond aux exigences de l'article 21 de la LOLF.

En effet, cet article requiert un lien direct, en cas d'affectation, entre les ressources particulières prélevées et les dépenses concernées.

Or, le sport et le jeu ne sont pas consubstantiels.

Toutefois, une partie des mises de la Française des jeux 124 ( * ) contribue à financer les dépenses du nouvel établissement public.

La réforme ainsi effectuée a eu plusieurs mérites, outre la mise en conformité avec la loi organique :

- une certaine clarification, tout d'abord, des responsabilités entre les missions de l'Etat et celles du mouvement sportif, le budget général finançant les actions de niveau national et le CNDS celles à impact territorial (concours aux collectivités locales et aux associations sportives, promotion du sport et des pratiques sportives...) ;

- une simplification du dispositif précédent, ensuite, par la suppression du prélèvement sur les sommes engagées au Pari mutuel urbain.

Toutefois, la logique de cette rationalisation du partage des tâches entre l'Etat et l'établissement ne semble pas avoir été suivie jusqu'au bout, puisqu'il devait subsister, en 2006, des chapitres répartis entre eux, d'après l'article 38 de la loi de finances, les subventions pour l'aide au sport de haut niveau étant majoritairement prises en charge par le budget général et celles pour l'aide au sport de masse essentiellement affectées au CNDS.

Un autre compte d'affectation spéciale a été récemment supprimé : le « Fonds national des courses et de l'élevage ». Votre rapporteur s'en félicite, dans la mesure où il s'agissait d'une procédure inutilement complexe, dès lors que le gestionnaire de ce fonds, la Fédération nationale des courses françaises (FNCF), se voyait déjà attribuer une fraction des prélèvements sur les paris hippiques (voir sous partie précédente).

Pour des raisons de droit européen déjà expliquée plus haut, il peut être embarrassant pour le gouvernement, d'afficher, dans les projets de loi de finances, des prévisions mettant en évidence une augmentation attendue appréciable des prélèvements non fiscaux sur les jeux et paris 125 ( * ) .

Votre commission des finances n'en veillera que davantage à la sincérité des évaluations correspondantes, exigée par les articles 32 et 33 de la LOLF.

Beaucoup plus importantes sont les mesures prises par les décrets du 17 et l'arrêté du 22 février 2006 126 ( * ) qui amorcent le passage d'une politique protectrice à une politique de jeu responsable .

Les deux décrets ne se contentent pas, en effet, de procéder à une description technique des jeux proposés par la Française des jeux , ils déterminent les objectifs que l'offre de ces jeux doit respecter.

Parmi ces objectifs apparaissent, explicitement, pour la première fois dans un texte officiel, les notions de canalisation de la demande et de prévention de la dépendance .

La politique des jeux n'est donc plus seulement une politique de l'offre qui définit des produits proposés au public.

Elle se préoccupe de la protection du consommateur au même titre que de celle de l'ordre public, plus particulièrement en ce qui concerne les mineurs de moins de seize ans qui ne doivent pas être incités à jouer.

Déjà, la Française des jeux avait donné un gage de sa bonne volonté en modifiant le Rapido, pour en diminuer les effets de dépendance, par une réduction des mises maximales et du nombre de tirages par bulletin 127 ( * ) .

Elle s'était par ailleurs dotée d'une charte éthique (cf. première partie).

Pour sa part, l'arrêté précité, du 22 février 2006, crée un comité, consultatif, pour la mise en oeuvre de la politique d'encadrement des jeux et du jeu responsable (COJER), composé de représentants de l'Etat et de personnalités qualifiées 128 ( * ) .

Il demande aussi à la Française des jeux de soumettre à l'approbation du ministre du budget un plan d'actions en vue de prévenir le jeu excessif et de favoriser une pratique raisonnable du jeu.

Sans doute pourra-t-on arguer de ce qu'il s'agit de mesures incomplètes et tardives.

En effet, on pouvait jusqu'alors estimer, comme le soulignait, férocement, la commissaire du gouvernement, Mme Agnès Daussun, en 1999, dans ses conclusions précitées, sous l'arrêt Rolin 129 ( * ) , que « ni les décrets régissant les jeux ou la Française des jeux, ni les statuts de la société ne font la moindre allusion à des obligations déontologiques qui leur soient imposées, ni ne posent aucune limite à son activité de création et de diffusion des jeux, par exemple à l'égard des mineurs, ni ne lui donnent mission de veiller à de telles questions ».

Ces observations sont, enfin, devenues sans objet.

On pourra regretter, cependant, que le COJER, dont le rôle n'est que consultatif, ne dispose pas d'un droit d'autosaisine et de proposition et que ses avis ne soient pas rendus publics.

Mais un grand pas en avant a été accompli. L'Etat français se trouve ainsi mieux protégé, en ce qui concerne la Française des jeux, contre d'éventuelles accusations de manquement aux règles communautaires (c'est peut-être en raison des textes susvisés que la commission s'en est prise d'abord au PMU...).

Mais si cela devait malgré tout avoir lieu, il est important que les décrets se soient référés à une canalisation de la demande plutôt qu'à une limitation de l'offre .

En effet, cet objectif peut justifier, en droit communautaire, la coexistence d'une expansion de l'offre et de dispositions restreignant la concurrence (cf. la cassation par la Cour suprême italienne de la décision du tribunal de Prato dans une affaire analogue à celle de l'arrêt Gambelli).

En bref, le gouvernement, menacé de sanctions européennes, a peut-être fait de nécessité vertu, en prenant ces mesures, mais elles sont bienvenues et il n'avait pas le choix.

La Commission européenne admet, du reste, que des règles qui n'étaient pas, au départ, pleinement compatibles avec le droit communautaire en vigueur soient ensuite mises en conformité avec celui-ci.

Dans le même esprit, les ministres de l'intérieur et du budget ont signé avec les casinos un protocole sur la promotion du jeu responsable, faisant suite à un relevé de conclusions du 1 er juillet 2003 « visant - selon les propres termes de ce texte - à traduire au plan national, les exigences tirées du droit communautaire à l'égard des jeux d'argent ».

Cet accord prévoit la généralisation du contrôle aux entrées des salles de jeux au plus tard le 1 er novembre 2006 en vue d'empêcher l'accès aux casinos des mineurs et des interdits de jeux.

Dans le préambule du dispositif, le ministère de l'intérieur se déclare « soucieux des risques croissants que peuvent créer, chez certains joueurs et par voie de conséquence chez leurs proches, une pratique excessive du jeu pouvant conduire à la dépendance ».

En contrepartie des contraintes liées à la généralisation du contrôle aux entrées, diverses mesures, déjà évoquées dans ce rapport, ont été prises en faveur des casinos (suppression du droit de timbre pour l'accès aux jeux de table, modification du calcul de la CRDS, utilisation d'accepteurs de billets, etc...).

En ce qui concerne le secteur des paris hippiques , des dispositions appréciables ont été mise en oeuvre, depuis 2003, en amont et en aval de l'activité des courses proprement dite.

Une nouvelle politique du cheval a été définie tendant à harmoniser et à alléger la fiscalité sur les activités équestres, en vue de faciliter leur développement et de rendre plus compétitives les entreprises concernées. Ces mesures ont consisté, notamment, en :

• Une extension du régime du bénéfice agricole et de ses avantages (aux éleveurs avec sol, aux dresseurs, aux entraîneurs et aux centres équestres) ;

• Un taux réduit de TVA pour toutes les activités de la filière ;

• Des incitations en faveur des syndicats d'étalons (qui conserveront le régime de l'indivision et les conséquences fiscales qui s'y attachent quel que soit le pourcentage des saillies vendues par la co-propriété).

En outre, ont été prévues :

• une harmonisation du statut des entreprises équestres sur le plan économique aussi (attribution étendue des aides agricoles...) ;

• des conditions d'inscription en immobilisation des jeunes chevaux de course plus favorables ;

• enfin, des actions dans le domaine de la formation en vue de faciliter la pluri-activité (activités agricoles, culturelles et sportives) dans le monde rural (création de correspondances entre les titres et diplômes délivrés par les ministères de la jeunesse et des sports et de l'agriculture).

Plusieurs de ces mesures figuraient dans les projets de loi sur les territoires ruraux de février 2005 130 ( * ) et sur le sport 131 ( * ) d'août 2003.

* 124 1,78 % prévu par l'article 38 du projet de loi de finances pour 2006, + 0,22 % (dans la limite de 23 millions d'euros) à la suite d'un amendement introduit par le gouvernement pendant la discussion budgétaire, affectés à un « grand programme sportif national ».

* 125 Lignes 114, 314 et 315 du tome 1 (évaluation des recettes du budget général) du fascicule « voies et moyens ».

* 126 Décrets n° 2006-174 et 175 relatifs à l'exploitation des jeux de loterie et de pronostic sportif et arrêté pris en application du décret n° 78-1067 du 9 novembre 1978 relatif à l'organisation et à l'exploitation des jeux de loterie.

* 127 1.000 euros contre 4.000 euros de mise maximale et 50 tirages maximum par bulletin au lieu de 100.

* 128 - Un représentant du ministère de la santé

- un représentant du ministère de l'intérieur ;

- un représentant du ministère de la jeunesse et des sports ;

- un représentant du ministère chargé du budget ;

- trois personnalités qualifiées, choisies en raison de leurs compétences juridiques, économiques, sociales ou relatives à la sécurité.

* 129 CE - 27 octobre 1999.

* 130 Loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux.

* 131 Loi n° 2003-708 du 1 er août 2003 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.

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