N° 453

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 30 juin 2006

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 juillet 2006

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur l' Agence française pour les investissements internationaux (AFII) ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

Investissements.

AVANT-PROPOS

Le 20 avril 2006, à l'occasion du déplacement d'une délégation du bureau de votre commission des finances en Corée du Sud et au Japon, votre rapporteur général a effectué, en application de l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), un contrôle sur pièces et sur place du bureau de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) à Tokyo.

Il s'agissait de se rendre compte des méthodes et des conditions de travail de l'Agence, de la cohérence avec la LOLF des objectifs assignés au chef de bureau et à ses collaborateurs et, si possible, d'obtenir des éclaircissements sur les retombées de la campagne de communication « Image de la France » .

Ce contrôle a pris la forme d'une visite au bureau, d'un entretien avec le chef de bureau, M. Jacques Maleval et d'une discussion avec les prospecteurs présents. Votre rapporteur général s'est également fait communiquer divers documents susceptibles d'améliorer la compréhension des activités de l'Agence.

Ce contrôle a été suivi de l'obtention d'un complément d'information en provenance du siège de l'AFII à Paris, le 5 juin 2006.

Au total, si le bureau de Tokyo ne semble pas appeler de commentaire majeur, le mode de fonctionnement global de l'AFII continue à soulever d'importantes questions :

- la double tutelle prévue par la loi ne semble pas optimale ;

- l'efficacité de la coûteuse campagne de communication menée par l'AFII est incertaine ;

- plus fondamentalement, on peut se demander s'il était opportun de créer un organisme spécifiquement chargé de favoriser les investissements étrangers en France, et si l'AFII a suscité la réalisation en France d'investissements significatifs.

I. PRÉSENTATION DE L'AFII ET DU BUREAU DE TOKYO

A. L'AGENCE FRANÇAISE POUR LES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX

L'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) a été créée par l'article 144 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (NRE). Il s'agit d'un établissement public à caractère industriel et commercial, placé sous la double tutelle du ministre chargé de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre chargé de l'aménagement du territoire.

1. Le regroupement des organismes jusqu'alors chargés de promouvoir les investissements étrangers en France

a) Le dispositif antérieur

Le précédent dispositif de promotion des investissements étrangers en France a été mis en place en 1992. Cette mission était, comme aujourd'hui, assurée par deux ministères :

- le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, par l'intermédiaire de la délégation aux investissements internationaux (DII), constituée d'une équipe légère d'une dizaine de personnes et dirigée par un « ambassadeur itinérant, délégué aux investissements internationaux en France », et des missions économiques à l'étranger de la direction des relations économiques extérieures (DREE) 1 ( * ) ;

- le ministère de l'aménagement du territoire, par l'intermédiaire du réseau des bureaux de la DATAR à l'étranger, dénommés Invest in France Agencies .

Avant la création de l'AFII, les « ambassadeurs délégués » ont été :

- M. Jean-Daniel Tordjman, nommé le 30 janvier 1992 ;

- M. Didier Lombard, nommé le 17 février 1999.

Ces « ambassadeurs délégués » étant considérés comme des ambassadeurs à part entière, ils ont été nommés par décret du président de la République délibéré en Conseil des ministres, conformément à l'article 13 de la Constitution.

b) Le nouveau dispositif

L'article 144 précité de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (NRE) a réuni l'ensemble de ces structures au sein des ambassades, à l'exception des missions économiques.

Les biens meubles appartenant à l'Etat et mis à disposition de la DATAR et de la DII, nécessaires à l'accomplissement des missions confiées à l'AFII, ont été transférés à celle-ci.

L'article 144 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001

relative aux nouvelles régulations économiques (NRE)

« Il est créé, sous le nom d'Agence française pour les investissements internationaux, un établissement public national à caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle du ministre chargé de l'économie et des finances et du ministre chargé de l'aménagement du territoire.

« L'agence a pour mission la promotion, la prospection et l'accueil des investissements internationaux en France. Elle assure cette mission en partenariat avec les collectivités territoriales. Elle associe à son action les acteurs économiques.

« L'agence est administrée par un conseil d'administration composé :

« - de représentants de l'Etat ;

« - de représentants des collectivités territoriales ;

« - de personnalités qualifiées ;

« - de représentants du personnel désignés dans les conditions prévues au chapitre II du titre II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

« Pour accomplir ses missions, l'agence comprend notamment des services centraux et des bureaux à l'étranger. Ces bureaux sont des services de l'Etat. Les personnels de l'agence peuvent être des agents de droit public.

« Les ressources de l'agence sont constituées par des dotations de l'Etat, des redevances pour service rendu, le produit des ventes et des locations ainsi que par des emprunts, dons et legs et recettes diverses.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article . »

Conformément au décret n° 2001-1091 du 21 novembre 2001 relatif à son mode d'organisation et de fonctionnement, l'AFII est notamment chargée :

- de la promotion du territoire national auprès des investisseurs et des relais d'opinion ;

- de la prospection des investisseurs et des projets internationalement mobiles ;

- d'un rôle de coordination entre entreprises, collectivités territoriales, agences de développement, administrations de l'Etat et prestataires de services, pour faciliter l'accueil des investissements internationaux et assurer la cohérence des propositions des territoires ;

- d'une mission de veille et d'étude sur les investissements internationaux et les facteurs de leur localisation.

L'AFII devait agir en particulier avec les représentants de l'Etat dans les régions et les départements, et également avec les associations régionales de la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT), héritière de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR) 2 ( * ) .

Le décret n° 2001-1091 du 21 novembre 2001 précité prévoit que le président de l'AFII est « l'ambassadeur délégué aux investissements internationaux », comme auparavant le délégué aux investissements internationaux. Par voie de conséquence, il est nommé par décret du président de la République. M. Didier Lombard, ambassadeur délégué depuis février 1999, et maintenu dans ces fonctions après la création de l'AFII, a été remplacé par Mme Clara Gaymard par décret du président de la République du 30 janvier 2003.

c) Des modalités de création témoignant d'une certaine légèreté à l'égard du Parlement

La création de l'AFII s'est faite d'une manière « subreptice » en 2001.

Certes, le 27 octobre 1999, auditionné par votre commission des finances au sujet des perspectives d'évolution du dispositif public d'attraction des investissements étrangers en France, M. Jean-Louis Guigou, délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, avait déclaré que le gouvernement allait procéder au « mariage » entre les représentations de la DATAR à l'étranger et la DII.

Cependant, le gouvernement a choisi de créer l'AFII par un amendement, tardivement déposé au Sénat, dans le cadre du projet de loi relative aux nouvelles régulations économiques (NRE), devenu la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, dont votre rapporteur général était le rapporteur.

Considérant que cet amendement « arriv[ait] trop tard pour que [votre commission des finances puisse] réellement disposer de tous les éléments nécessaires », votre rapporteur général s'en était remis à la sagesse du Sénat.

Dans son rapport spécial relatif aux crédits de l'aménagement du territoire pour 2002, notre collègue Roger Besse, estimant que cet amendement avait été déposé « un peu à la sauvette », indique qu'il « déplore cette méthode qui a interdit à la commission des finances d'examiner dans le détail le projet du gouvernement et d'envisager les aménagements qui auraient pu se révéler nécessaires ».

2. L'organisation et les moyens

a) L'organisation et le réseau de l'AFII

Le personnel de l'agence est constitué d'agents contractuels de droit privé, d'agents contractuels de droit public, d'agents contractuels de droit local, ainsi que de fonctionnaires civils et militaires détachés ou mis à disposition.

L'agence réunit des services centraux (60 personnes) et un réseau de bureaux à l'étranger (80 personnes).

D'après le site Internet de l'AFII, l'agence dispose d'un réseau de 20 bureaux à l'étranger : 10 bureaux en Europe, 3 bureaux aux Etats-Unis et 7 en Asie. A ces bureaux s'ajoutent 9 correspondants au sein de missions économiques : 3 correspondants en Europe, 3 correspondants au Canada et 3 correspondants en Asie.

Le nombre de pays concernés est plus modeste, du fait de l'existence de plus d'un bureau ou d'un correspondant par pays en moyenne : l'AFII a des bureaux ou des correspondants dans seulement 20 pays.

L'AFII n'est pas présente dans chacun des 20 premiers pays investisseurs en France . Tout d'abord, le montant élevé des investissements de certains pays s'explique par des montages financiers (en particulier dans le cas du Luxembourg). Ensuite, s'il n'y a pas de représentation de l'AFII au Danemark, en Finlande et en Norvège, qui réalisent pourtant des investissements au moins comparables à ceux du Portugal, de l'Autriche ou de l'Australie, c'est parce que le bureau de Stockholm est compétent pour ces trois pays.

L'AFII est représentée dans certains pays qui ne réalisent presque pas d'investissements en France : si Singapour a investi en moyenne 43,6 millions d'euros par an de 1999 à 2003 3 ( * ) , soit un peu moins que l'Australie, les montants sont presque nuls dans le cas de la Corée du Sud, de la Chine, ou de l'Inde. Ces dernières représentations ont en réalité un coût modeste : il s'agit de simples correspondants au sein des missions économiques. L'AFII indique disposer d'un bureau en Corée du Sud, mais lors de son contrôle sur pièces et sur place au bureau de l'AFII à Tokyo votre rapporteur général a pu constater qu'il s'agissait en réalité d'une extension virtuelle du bureau de Tokyo, la représentation de l'AFII y étant assurée par le chef de la mission économique en Corée du Sud.

A la vérité, le partage des structures entre missions économiques et délégations de l'AFII paraît tout à fait arbitraire, les vocations des unes et des autres demeurant très voisines. On peut d'ailleurs se demander pourquoi, dans certains pays, l'AFII n'indique pas de correspondant, alors que le réseau des missions économiques le permettrait.

Investissements moyens réalisés en France et représentations de l'AFII à l'étranger,
parmi les 20 premiers investisseurs en France (1996-2003)

(investissements en millions d'euros)

Moyenne 1996-2003

Présence d'une représentation de l'AFII

Royaume-Uni

8.416,5

oui

Pays-Bas

5.935,8

oui

Allemagne

5.518,8

oui

Belgique

5.196,3

oui

Etats-Unis

4.024,8

oui

Luxembourg

2.441,0

non

Espagne

1.239,3

oui

Suisse

1.166,4

oui

Suède

781,8

oui

Canada

759,1

oui (correspondant)

Italie

423,4

oui

Japon

389,9

oui

Danemark

327,8

non

Irlande

256,8

oui (correspondant)

Norvège

155,6

non

Finlande

152,6

non

Autriche

106,3

oui (correspondant)

Portugal

95,3

oui (correspondant)

Jersey

60,1

non

Australie

57,6

oui (correspondant)

Autres représentations : Corée, Taïwan, Chine (bureaux), Inde, Singapour (correspondants).

Sources : Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (UNCTAD), d'après les données de la Banque de France ; site Internet de l'AFII

Les représentations de l'AFII à l'étranger

Les disques vides correspondent à des bureaux de l'AFII, les disques pleins correspondent à de simples correspondants des missions économiques.

Source : Site Internet de l'AFII

b) Un budget de 26,4 millions d'euros en 2006

Dans la loi de finances initiale pour 2006, les crédits de l'AFII s'élèvent à 26,4 millions d'euros ainsi répartis :

- 18,9 millions d'euros (+ 22,7 %, en raison de l'augmentation, de 10 à 13,5 millions d'euros, du budget de la campagne « Image de la France », décidée en 2004) au sein du programme 134 « Développement des entreprises » de la mission « Développement et régulation économiques ». A ce sujet, il convient de rappeler que le projet de loi de finances pour 2006 prévoyait, à l'origine, une augmentation de 5 millions d'euros (de 10 à 15 millions d'euros) du budget de cette campagne de communication. Toutefois, lors de la discussion des crédits de la mission « Développement et régulation économiques », le Sénat avait adopté un amendement déposé par notre collègue Gérard Cornu, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, revenant sur cette hausse afin d'augmenter à due concurrence les crédits du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC). La commission mixte paritaire (CMP) avait ensuite décidé de réallouer 3,5 millions d'euros à l'AFII pour assurer le financement de la campagne « Image de la France » ;

- 7,5 millions d'euros au sein du programme 112 « Aménagement du territoire » de la mission « Politique des territoires ».

Le financement de l'AFII par le budget de l'Etat

(en millions d'euros)

Source : « bleu » pour 2006 de la mission « Politique des territoires »

* 1 Depuis intégrée à la direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE).

* 2 Le décret n° 2001-1091 du 21 novembre 2001 précité prévoit que l'AFII « accomplit sa mission en coopération avec des organismes chargés de la promotion économique des territoires qui assurent à l'échelon régional ou interrégional le rôle de correspondant de l'agence ».

* 3 La Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement (UNCTAD) ne donne pas le montant pour les années 1996 à 1998.

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