CHAPITRE III - UNE OFFRE DE CRÉDIT AUX MÉNAGES MALTHUSIENNE ?
Malgré l'augmentation récente du taux d'endettement des ménages français, son niveau reste très bas par rapport aux pays comparables.
Les Français sont , à peu près, deux fois moins endettés que les Allemands ou les Anglais et près de quatre fois moins que les Néerlandais ou les Danois .
Un certain nombre d' explications à cette situation peuvent être trouvées du côté de la demande de crédit de la part des ménages.
Dans la présente étude , le projecteur est mis sur les mécanismes d'offre de crédit afin d'identifier les composantes institutionnelles (règlements, contrôle prudentiel, organisations de marché...), mais aussi les éléments de comportements commerciaux des établissements de crédit qui pourraient « rigidifier » l'offre de liquidités aux ménages français .
Il s'agit d'apprécier la maturité de l'offre de crédit.
LA MATURITÉ DU MARCHÉ DU
CRÉDIT :
____ La maturité du marché du crédit est généralement appréhendée à travers quatre critères : - la concurrence sur le marché ; - la complétude du marché, c'est-à-dire la gamme des prestations disponibles ; - les prix observés ; - les coûts et procédures. FACTEURS CARACTÉRISANT LE MARCHÉ HYPOTHÉCAIRE
Source : Mercer Oliver Wyman (2003) |
Ce travail effectué, votre rapporteur invite à définir une véritable politique publique du crédit aux ménages dans notre pays autour d'objectifs précis assortis de moyens appropriés.
I. QUELLE ORGANISATION DU MARCHÉ DU CRÉDIT À LONG TERME ?
Les conditions de financement des prêts à long terme sont une des variables importantes de la dynamique du crédit . C'est tout particulièrement le cas dans les pays où prédominent les prêts assortis de taux fixes.
A l'inverse des configurations où les prêts à taux variables l'emportent, les offreurs de crédit sont alors exposés non seulement à un risque de défaut mais encore à un risque de taux.
Les problèmes de gestion actifs-passifs sont alors plus ardus et, s'ils ne sont pas résolus par l'existence d'un marché efficace du refinancement, ils peuvent constituer un frein à l'essor du crédit.
Ces questions ont été perçues en France dès les ann ées 60, époque à laquelle ont été jetées les bases d'un marché hypothécaire secondaire.
Les mécanismes mis en place n'ont eu, dit-on, qu'une utilité relative étant donné l'abondance des ressources disponibles pour adosser des prêts à long terme dispensés par les offreurs de tels crédits.
Cette assertion appelle des nuances . Surtout, plus fondamental ement, il faut souligner que l'organisation du marché des crédits à long terme n'a pas été conçue comme un moteur du crédit à long terme, excepté pour des segments très limités du crédit . Or, une des variables essentielles de la dynamique du crédit réside dans les modalités de distribution des risques.
Il existe en ce domaine un exemple qui paraît riche d'enseignements à votre rapporteur, celui des États-Unis . Sans être nécessairement un modèle, il offre un champ à la réflexion qu'il serait souhaitable d'approfondir.
A. UN MARCHÉ DU REFINANCEMENT HYPOTHÉCAIRE SUFFISANT MAIS SEULEMENT EN L'ÉTAT
Le rapport de la Mission sur le crédit hypothécaire déjà cité fait le constat que l'organisation du marché hypothécaire, et particulièrement sa composante refinancement est satisfaisante 27 ( * ) .
Ainsi, elle ne constituerait pas un obstacle au développement du crédit à long terme en France.
Ce diagnostic paraît étayé par de solides arguments mais il ne vaut que dans le contexte actuel de la distribution de crédits à long terme aux ménages.
1. Des instruments peu sollicités...
L' abondance des ressources propres des offreurs de crédit leur permet d'adosser leurs emplois à long terme sans recourir beaucoup aux instruments du marché secondaire disponibles (CRH, fonds communs de créances, obligations foncières). Les titres ne sont utilisés que pour couvrir moins de 10 % des crédits distribués (9,1 %). Seules les institutions financières spécialisées recourent de façon importante aux titres du marché secondaire (pour 60 % de leurs emplois) puisqu'ils ne collectent pas de dépôts.
De la même manière, les instruments spécifiques de couverture des risques de défaut mis à la disposition des offreurs de crédit - le Fonds de garantie de l'accession sociale à la propriété (FGAS) - ont été peu sollicités par les banques. On rappelle que jusqu'à la loi de finances pour 2006 qui l'a supprimé, le FGAS, créé en loi de finances pour 1993, gérait pour le compte de l'État la garantie que celui-ci accorde aux prêts à l'accession sociale et aux prêts à taux zéro souscrits auprès des banques par les ménages accédant à la propriété. Ce fonds alimenté par des cotisations versées par l'État et les établissements de crédit dont le montant est fonction du volume des prêts garantis distribués chaque année et tient compte d'hypothèses de sinistralité disposant au moment de sa suppression de disponibilités atteignant 1,4 milliard € , pour un encours de prêts garantis de 31,6 milliards € . Ce montant est apparu d' un niveau très supérieur aux besoins réels liés à la garantie des prêts, le montant des sinistres indemnisés par le fonds depuis 1993 s'étant élevé à 8 millions € seulement .
La faible « sinistralité » des prêts garantis explique cette situation.
NOMBRE DE SINISTRES CONSTATÉS PAR GÉNÉRATION DE PRÊT
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
|
Sinistres constatés |
27 |
71 |
62 |
151 |
133 |
70 |
51 |
22 |
8 |
3 |
3 |
- |
Sinistres pris en charge |
20 |
62 |
51 |
117 |
120 |
63 |
37 |
16 |
7 |
3 |
0 |
- |
Lecture : sur l'ensemble des prêts reposant sur le FGAS accordé en 1993, 27 sinistres ont été constatés et 20 pris en charge par la gestion du FGAS.
Avec cette remarque, on touche à l'une des limites du diagnostic selon lequel l'organisation du marché des crédits à long terme distribués aux ménages serait satisfaisante.
Ce constat dépend d'une situation donnée dont les différents éléments sont susceptibles d'évoluer et qui n'est pas pleinement satisfaisante.
* 27 Une annexe au présent rapport résume les grands traits de cette organisation.