4. M. François BADIN, Directeur de recherches, INRETS
Merci Monsieur le Président. Je vais faire un tour d'horizon des véhicules hybrides et présenter les problèmes et les perspectives du secteur. Tout d'abord, je préciserai que les différents types de véhicules hybrides sont variés.
La solution la plus simple est l'alterno-démarreur, il s'agit d'une petite machine électrique qui n'est pas intégrée au moteur, mais seulement reliée à lui par une courroie. La batterie est alors peu modifiée et les perspectives de gains de consommation en milieu urbain restent modestes car la technologie utilisée est somme toute assez simple. Toyota produit depuis 2001 des véhicules de ce type en faible quantité. En France, depuis le début de l'année, Valeo et PSA en fabriquent également. Aux Etats-Unis, des projets fleurissent avec une machine non intégrée et une prise 110 V pour alimenter des auxiliaires.
En augmentant la complexité de la machine, il lui sera demandé d'effectuer du « boost ». C'est-à-dire, qu'une machine plus puissante (10 à 15 kW) est requise, afin de conférer de la souplesse et de l'accélération au véhicule et de réaliser une récupération d'énergie au freinage. Des gains importants sont réalisables sur des véhicules de 1200 à 1600 kg. La batterie a alors une taille plus importante et le fonctionnement du moteur thermique est optimisé. Honda est le plus en avance en ce qui concerne cette technologie. Un moteur thermique est utilisé, ainsi qu'une machine électrique ayant la forme d'un disque très plat. L'implantation dans le moteur est donc discrète. Honda commercialise trois types de véhicules. Le moteur électrique est lié au moteur thermique, et il n'y a pas de mode tout électrique, quant à la récupération au freinage, elle est plus compliquée en raison des pertes du moteur thermique, liées aux frottements notamment (même s'il est possible de les limiter par la gestion des soupapes). Cette transmission ne permet donc pas de réaliser toutes les potentialités de l'hybride.
En continuant sur l'échelle de complexité, il est possible d'ajouter un mode électrique, c'est-à-dire la possibilité de déconnecter le moteur thermique et le moteur électrique, et donc de faire rouler le véhicule avec le moteur thermique arrêté. La décision est prise par le calculateur, selon les informations reçues concernant les désirs du conducteur à propos de l'état de charge de la batterie.
Il s'agit de machines électriques de plus grande taille sous des tensions plus élevées et des niveaux d'énergie encore modestes : 1 à 2 KW/h. Or, comme sont rajoutées des fonctions à l'hybride, des possibilités de réduction de la consommation d'énergie en mode urbain de l'ordre de 30 à 40 % sont obtenues. Le véhicule de ce type le plus connu est la Prius. Sa transmission est complexe, car elle associe des branchements en série et en parallèle, mais elle peut effectuer du stop start, du boost et de l'alterno-démarreur. Plus de 300 000 véhicules ont été vendus depuis décembre 1997. La chaîne de traction est aussi complexe, mais tient entre les fourches avant du compartiment moteur, et la batterie prend place dans le coffre arrière. Sur le cycle normalisé européen, tel qu'il est représenté sur le graphique, le diesel est mieux placé en termes d'émissions de CO 2 . Il existe quelques modèles capables de produire de faibles émissions, autour de 90 g pour la Smart et la Lupo, mais ce sont des véhicules spécifiques - la Smart est une deux places - à usage urbain uniquement.
Les autres véhicules de ce type obtiennent des résultats de 110 g au minimum, voire 130 à 150 g pour des motorisations de 80 KW environ. Si nous considérons les véhicules hybrides mesurés en cycle normalisé, la Prius, qui a connu trois versions, est de mieux en mieux motorisée et consomme de moins en moins, l'optimisation technologique est donc réussie et permet la mise en place d'un cercle vertueux.
Il existe deux modèles Honda à essence, dont l'Insight, un peu particulier puisqu'il s'agit d'un deux places de 800 kg, avec une caisse en aluminium. Ce véhicule obtient des résultats en dessous de 90 g de CO 2 par kilomètre. Nous nous trouvons entre 20 et 30 % d'écart sur ce type de cycle, suivant que nous effectuons une comparaison avec une motorisation essence ou diesel.
Le moteur diesel produit en outre des émissions d'oxyde d'azote et de particules, ce qui n'est pas le cas du moteur à essence. Si nous regardons ce qui est réalisé en Europe, Renault, Peugeot et Volkswagen ont des projets d'hybrides reposant sur des moteurs diesel, avec une motorisation de 80 KW. Alors des niveaux de pollution inférieurs à la barre des 90 g de CO 2 sont atteints, soit mieux qu'une Prius, puisque l'on ajoute aux gains de l'hybridation, ceux réalisés par le passage d'un moteur essence au moteur diesel. Le problème est le prix. Des prototypes existent mais ils sont chers.
Considérons maintenant l'usage du véhicule, au travers des résultats d'une étude de l'ADEME synthétisés dans un diagramme représentant quatre cycles : le MVEG (ou cycle normalisé européen), le cycle typique urbain, le cycle routier et le cycle autoroutier, tous classés par vitesse moyenne croissante. Nous constatons que plus le cycle est dense - avec des perturbations dans la circulation, comme en milieu urbain - plus le potentiel de gains liés à l'hybride est important : 30 à 40 % pour le cycle typique urbain, 20 à 25 % pour le cycle normalisé, puis 15 %, et enfin, sur autoroute, les gains réalisables sont plus liés à l'aérodynamisme et au moteur thermique lui-même, voire aux roulements des pneumatiques. Donc, l'extrapolation des performances des hybrides doit tenir compte des usages des véhicules. Si l'utilisation du véhicule à moteur hybride comprend une forte proportion d'usage urbain, son potentiel n'est alors pas pleinement exploité.
Ensuite, il existe un certain nombre d'hybrides assez peu répandus, utilisant des fonctions supplémentaires. Aujourd'hui la Prius permet des économies de carburant et est équipée d'une boîte de vitesses automatique, rien d'autre n'indique qu'il s'agit d'un véhicule hybride.
En revanche, les hybrides fonctionnels exploitent d'autres fonctions au bénéfice du conducteur ou de la collectivité :
- le mode tout électrique avec autonomie : le conducteur contrôle le mode électrique (ce qui n'est pas possible dans le cas de la Prius), et peut le programmer sur une distance donnée, par exemple par le biais d'un GPS placé sur le bord de la route ;
- la possibilité de recharger sa batterie sur le réseau : les véhicules hybrides vendus à l'heure actuelle sont équipés d'une batterie qui se recharge elle-même, par le moteur thermique utilisé en mode flottant. Il est alors possible d'imaginer un hybride se déchargeant progressivement, un peu comme un véhicule électrique qu'il serait possible de recharger fréquemment sur le réseau ;
- de manière plus anecdotique, la motorisation répartie ou comment obtenir un véhicule 4x4 en l'équipant de différentes machines ;
- l'alimentation électrique de bord par une prise électrique de 220 V, permettant d'alimenter des auxiliaires.
L'autonomie électrique suppose l'utilisation d'une batterie assez grosse, afin de pouvoir la recharger sur le réseau et des machines électriques de 30 à 50 KW pour des batteries atteignant des niveaux d'énergie allant de 5 à 10 KW/h pour 20 à 40 km, sans émissions locales de polluants atmosphériques. Un véhicule hybride en série est fabriqué par Gruau en France, dans lequel la batterie se recharge pendant la journée. Il existe également un projet de SVE (Dassault et Heuliez) et un projet allemand et américain de véhicule urbain de livraison, avec une batterie qu'il est possible de recharger sur le réseau.
En ce qui concerne les 4x4, les gains en émissions par l'hybridation sont très importants, en raison des faibles performances de départ de ces véhicules en la matière, mais je ne pense pas que l'hybridation de ces véhicules soit une piste tellement intéressante.
En ce qui concerne les prix, j'observerai le rapport entre le surcoût de fabrication du véhicule et les gains en émissions de CO 2 espérés, en fondant mon analyse sur un article allemand publié par FEV. Les gains en émission sont très rapides au départ (on atteint vite moins 15 à 20 %), puis les nouvelles fonctions ajoutées renchérissent le prix des véhicules pour des gains mineurs en termes d'émissions de CO 2 . Ainsi une hybridation reposant sur une batterie de 2 KW/h, une machine électrique d'une puissance de 50 KW et un calculateur entraînent un surcoût de 2 500 à 3 000 euros, qu'il faudra être en mesure de vendre au consommateur.
Pour conclure sur le dispositif des véhicules hybrides : ils permettent d'atteindre de faibles niveaux de consommation ; de faibles émissions de CO 2 en sont également attendues, ainsi que de faibles émissions de polluants (selon les critères d'émissions euro 4). Par ailleurs, ils conservent de bonnes performances en matière de dynamique et d'autonomie. Les problèmes sont que ces technologies sont complexes, que le gain dépend de l'usage du véhicule, et surtout, que le prix des véhicules (à cause de la batterie et de l'électronique de puissance essentiellement) n'est pas encore un élément maîtrisé. Enfin, il ne faut pas oublier la concurrence des véhicules classiques qui font eux aussi des progrès, tout comme les carburants. Ainsi le véhicule hybride se doit de progresser sans cesse pour garder une longueur d'avance.
• M. Claude GATIGNOL
Merci, Monsieur BADIN, pour votre excellent exposé sur la place que peut prendre le véhicule hybride dans le panorama des véhicules mis à disposition des consommateurs.
Monsieur CAZZOLA, nous allons maintenant vous écouter sur le thème des biocarburants, de la transition d'une agriculture tournée vers l'alimentation à une agriculture tournée vers les industries. Vous êtes analyste à l'Agence Internationale de l'énergie (AIE).