3. M. Patrick OLIVA, Vice-président de Michelin
Je le ferai avec plaisir. La motorisation électrique est mentionnée dans les différents projets de véhicule hybride, mais ma présentation sera plus générale, en abordant la notion de véhicule complètement électrique, avec batterie ou pile à combustible.
Pour commencer, il faut analyser les problèmes de nuisances urbaines en tenant compte de cinq éléments :
- le problème des émissions locales ;
- les émissions de CO 2 ;
- les intérêts économiques ;
- la sécurisation des approvisionnements énergétiques, qui devient fondamentale, en raison du risque de terrorisme notamment ;
- la sécurité du transport.
Il faut ajouter à cela d'autres aspects, tels que l'attrait du consommateur, l'analyse du cycle de vie complet, etc.
Je présenterai ma vision des véhicules à motorisation électrique, en ce qui concerne la période 2002-2030, après avoir organisé un certain nombre d'événements en Europe, aux Etats-Unis, au Japon et en Chine, qui sont autant d'observatoires mondiaux des solutions disponibles, c'est-à-dire, d'ores et déjà capables de circuler sur une centaine de kilomètres.
L'essentiel de la demande de pétrole sera le fait du transport, dans l'OCDE comme en dehors. Son coût ne devrait pas baisser et les émissions de CO 2 connaîtront une forte hausse en raison de l'augmentation du trafic escomptée, qui sera vraisemblablement supérieure aux réductions d'émissions de CO 2 que nous venons d'évoquer.
Pour rappel, si nous parlons de consommation d'énergie d'un véhicule, c'est dans l'optique de vaincre quatre types de résistance, afin qu'un véhicule fonctionne, soit :
- les forces d'aérodynamisme, dépendant de la forme du véhicule, en moyenne, à cent kilomètres, elles représentent 50 % des forces à vaincre ;
- les pneus, pour 20 %, soit tout ce qui tient de la résistance aux roulements - représentant 40 % du total dans le cas d'un poids lourd ;
- les forces d'inertie, la masse surtout ;
- les forces et flexions internes.
En ville, les forces aérodynamiques offrent une résistance faible, ce qui prime ce sont l'inertie et les éléments de résistance aux roulements ; la masse est terriblement importante.
L'énergie consommée par un véhicule est trois fois supérieure au besoin nécessaire pour vaincre ces quatre forces, puisque l'on considère que le rendement moyen des moteurs thermiques est inférieur à 30 %. Il y a un potentiel de gains d'efficacité très important, alors, relever le défi énergétique, c'est diminuer ces forces de résistance, améliorer le rendement énergétique de la motorisation, diversifier les sources primaires d'énergie et construire des véhicules adaptés aux affectations et aux lieux d'usage.
A propos des véhicules à motorisation électrique, il faut retenir quatre messages :
- le rendement de la voiture électrique est supérieur à 90 % (bien plus que pour les véhicules à moteurs thermiques), c'est avéré aujourd'hui, et la motorisation, les chaînes de production comme l'électronique de commande, sont maîtrisés ;
- le lithium change complètement le paysage auquel nous avons été habitués. Ainsi, les limitations d'autonomie que nous avons connues au temps du nickel-cadmium (autonomie de 60 à 80 km), ne sont plus les mêmes ; l'autonomie actuelle serait supérieure à 200 km ;
- la Chine a annoncé qu'elle ferait le choix de l'électrique et souhaiterait que la moitié des nouveaux véhicules sur son territoire en 2020 soit à motorisation électrique (en sera-t-elle capable ?) - qu'il s'agisse d'hybride, d'électrique reposant sur une batterie d'énergie ou une pile à combustible. L'Inde pourrait également suivre ce choix, d'autres aussi, peut-être. Nous avons été habitués à trois entités productrices de véhicules : les Etats-Unis, l'Europe et le Japon ; il faudra désormais ajouter la Chine, qui ne cache pas ses prétentions de devenir un de ces grands constructeurs ;
- pour contribuer à la « mobilité durable », le développement des véhicules électriques doit s'accompagner d'une conception adaptée à l'usage et aux services de maintenance, d'une comparaison bilan du puits au pneu, car il existe des usines fortement émettrices de CO 2 , comme en Chine où des mesures de 900 grammes de CO 2 par KW/h peuvent être relevées. Enfin, il faudra envisager un minimum de réflexion sur des évolutions d'infrastructures si nous voulons que le véhicule à motorisation électrique se développe.
Je vais maintenant revenir sur la maturité de certaines technologies. Lorsque nous évoquons une alimentation d'électricité à bord du véhicule, elle peut être effectuée par une batterie d'énergie et de puissance (au lithium), des super-condensateurs dans l'hypothèse d'appoints de puissance, et dans le cas des hybrides, par un générateur alimenté grâce à un moteur technique en fonctionnement optimisé ; plus tard seulement, il sera possible d'envisager les piles à combustible.
En ce qui concerne la charge des batteries sur le réseau, le réseau domestique est capable d'avoir une charge normale complète sur réseau standard de trois à sept heures, pour une prise de 16 à 32 ampères (comme pour des réfrigérateurs). Sur des installations spécifiques, il est possible de fonctionner avec des charges partielles pendant trente minutes.
L'utilisation du lithium se développe, pour les portables, les deux roues et demain, les véhicules légers et les bus. L'énergie massique en est multipliée par 2,5 à 3, et l'on peut, dans le cas d'un véhicule léger, obtenir une énergie de 30 à 50 kW /h grâce à des batteries qui feraient de 200 à 300 kg, avec une autonomie un peu supérieure à 200 kilomètres. Cela existe déjà, mais le problème est économique : cela coûte plus de 4 000 euros, soit l'objectif que les professionnels souhaitent atteindre. Nous pouvons alors l'envisager pour une fabrication en très grande série. C'est coûteux mais il faut rapporter ce coût au prix d'une charge qui est de 4 euros, soit 2 euros aux 100 kilomètres.
Pourquoi cela intéresse la Chine ? Pour le comprendre, il faut en revenir aux trois raisons que j'ai évoquées. Le « projet 863 » chinois de développement des voitures électriques est l'un des douze projets nationaux, et témoigne d'une triple volonté de réduire la dépendance énergétique, de lutter contre la pollution (la Chine considère que moderniser ses raffineries représenterait un coût prohibitif), et enfin, de devenir une grande nation de l'automobile, en développant de nouvelles technologies. Il s'agit d'une déclaration d'objectifs effectuée par le pouvoir chinois, que je ne cautionne pas. Quoi qu'il en soit, les véhicules testés sont remarquables, notamment par leurs capacités d'autonomie supérieures à 200 kilomètres, qui ont été constatées au dernier challenge Bibendum.
Dans des conditions optimales, il faut une électricité propre pour mener à bien de tels projets, c'est le cas en France, au Canada, en Suède..., par exemple. Il faut également procéder à une adaptation du véhicule en fonction des lieux et des missions et construire de nouveaux services et infrastructures. Puis, il faudra sans doute développer des technologies par câbles, pour passer du mécanique à l'électromécanique, tel est le contenu du « projet 863 ».
En bref, les véhicules à motorisation électrique vont se développer. Ils n'ont pas été tellement présents dans les perspectives exposées aujourd'hui, sauf dans leurs versions hybrides et celles comportant une pile à combustible. La décision de la Chine de développer ce type de véhicules doit nous faire réfléchir, et signifie qu'il faut prendre en compte des éléments nouveaux. En effet, ces véhicules représentent l'une des voies permettant de sortir de la dépendance au pétrole, de réduire les nuisances urbaines, et dans certains pays, de baisser les émissions de CO 2 .
Sur ce plan, la France a des atouts à faire valoir :
- un savoir technologique acquis sur une première génération de plus de 10 000 véhicules, avec PSA en acteur majeur ;
- un secteur recherche et développement performant : la plupart des brevets sur le lithium sont français ;
- un approvisionnement en électricité faiblement émetteur de CO 2 (en raison du choix de l'hydroélectricité et du nucléaire) ;
- de nombreux partenaires industriels de premier plan (pour les batteries, les pneus, les commandes électriques ou électroniques) ;
- des expériences déjà réalisées avec des villes pionnières et des réglementations déjà adaptées.
Je rappelle que nous organisons le prochain challenge Bibendum du 9 au 12 juin 2006 à Paris, qui se veut un observatoire des technologies disponibles dans le monde, et crédibles en termes de performances et de bilan écologique. Merci de votre attention.
• M. Claude GATIGNOL
Je donne la parole à François BADIN qui va nous parler de l'hybridation.