3. Une technologie demain incontournable ?
Toyota et Honda ont-ils fait le bon choix technologique pour l'avenir ? L'hybride va-t-il devenir une solution commune à tous les véhicules ?
Aujourd'hui marginale dans la rue, la technologie hybride n'est déjà plus ignorée par aucun constructeur. Le salon automobile de Detroit de janvier 2005 en avait donné une première preuve. GM qui expérimente quelques 200 bus hybrides aux États-Unis a présenté deux prototypes intéressants : un SUV GMC Graphyte et une Opel Astra en version diesel hybride. Ces deux véhicules disposent de deux moteurs électriques et non d'un seul comme chez Toyota. Il s'agit d'apporter un complément de puissance au moteur selon le type de conduite. En ville, un moteur électrique est sollicité pour l'arrêt-départ et des accélérations à basse vitesse, l'autre si le véhicule est très chargé ou évolue en terrain accidenté. Ce dispositif est combiné sur le Graphyte avec une désactivation modulable des cylindres, 8, 6 ou 4 pouvant être utilisés selon les besoins. GM évalue le gain de consommation à 25 %. L'Opel est équipé dans le même esprit mais a un moteur diesel de 125 CV, dont la consommation serait inférieure à 8 l/100 km. Ford a, quant à lui, choisi d'acheter la technologie Toyota pour commercialiser très rapidement un SUV hybride, ce qui est le cas du Escape 34 ( * ) dont vos rapporteurs avaient pu voir des exemplaires au cours de leur mission aux États-Unis. Premier SUV hybride commercialisé, il a reçu le prix du « SUV de l'année » outre Atlantique. Ford poursuivra dans cette voie en commercialisant d'ici à 2010 une version hybride de tous ses modèles.
Le salon automobile de Francfort qui s'est déroulé mi septembre 2005 a confirmé cette tendance. Tous les grands constructeurs allemands ont présenté des prototypes hybrides. Ceux-ci sont plus proches du Stop & Start ® que du « full hybrid ». Sur le nouveau SUV Q7, Audi a monté un dispositif de ce type mais beaucoup plus puissant puisqu'il s'agit de mettre en veille et de faire redémarrer un V8 de 4,2 l et 350 CV. BMW a présenté sur un X3 Efficient dynamics un dispositif semblable mais fonctionnant grâce à des supercapacités (condensateurs de haute puissance capables de fournir une forte énergie sur un temps court, souvent constitués de polymères). Il ne bénéficie pas encore d'une récupération de l'énergie au freinage. Mercedes a présenté sa nouvelle classe S en version hybride essence et hybride diesel. Ces prototypes affichent des gains de consommation de 20 et 25 % très supérieurs à ce qui peut être atteint par la seule mise en veille du moteur à l'arrêt.
BMW a annoncé début septembre 2005 qu'il participerait aux recherches communes Daimler-Chrysler / GM sur l'hybride qui ont débuté en 2005. Deux des principaux constructeurs américains ont donc décidé de trouver une réponse commune au défi lancé par Toyota et Honda sur le marché américain dominé par les gros véhicules à essence. Des versions hybrides des SUV Chevrolet Tahoe et GMC Yukon seront commercialisées d'ici à 2007. Porsche a annoncé une collaboration avec Volkswagen pour réaliser et commercialiser d'ici 2008 une version hybride du Cayenne.
En septembre 2005 également, le Premier ministre, M. Dominique de Villepin, a annoncé un plan de recherche doté de 100 millions d'euros en faveur de recherches sur le « véhicule propre », afin de réaliser une voiture familiale ne consommant que 3,5 l. de carburant aux 100 km. Cette dotation permettra simplement de prolonger jusqu'en 2010 les financements du PREDIT dans le cadre du plan « véhicule propre » lancé par son prédécesseur. Cette annonce a été justement interprétée comme un plan de financement public d'une voiture hybride française, vraisemblablement diesel. PSA devrait présenter un prototype de VUL début 2006.
Volkswagen travaille également sur l'hybride diesel. Le prototype d'une Golf Eco.Power a été présenté fin 2004. Doté d'un moteur de 104 CV, il ne consommait que 3,8 l aux 100 km.
L'intérêt pour l'hybride est très fort aujourd'hui. Il est vraisemblable qu'au cours des dix prochaines années le nombre des modèles augmentera fortement, tous les constructeurs en proposant, certains sur l'ensemble de leur gamme. Les ventes devraient progresser fortement mais de manière contrastée selon les marchés . Aux États-Unis et au Japon où le diesel est peu présent, la progression devrait être très forte. Certaines sources 35 ( * ) prévoient une multiplication par 7 de la part de marché, celle-ci passant de 0,5 à 3,5 % d'ici à 2012. Honda prévoit ainsi de vendre 50 % de Civic IMA en plus aux États-Unis par rapport à l'ancienne version, soit 40 000 unités par an.
Il est même possible que le marché américain s'ouvre aux véhicules diesel pour les particuliers plus rapidement qu'aux véhicules hybrides. Ceux-ci ne représentent que 3 % du marché aujourd'hui et pourraient en capter 7,5 % en 2012.
Au Japon , les objectifs du Gouvernement à l'horizon 2010 ne sont pas très différents. Sur 74 millions de véhicules en service, 132.000 véhicules hybrides roulent en 2004. C'est presque trois fois plus qu'en 2001 où ils n'étaient que 50.000. Le Gouvernement prévoit qu'il y en ait 2,1 millions en 2010 sur un parce de 75 millions, soit 2.6 %. Un développement spectaculaire est donc prévu - une multiplication par 42 en dix ans - mais n'en faisant la technologie dominante qu'à moyen terme.
D'autres analystes sont beaucoup plus optimistes et prévoient une croissance extrêmement forte des hybrides sur le marché américain si les prix du pétrole se maintenaient à la hausse. Ils pourraient représenter jusqu'à 20 % de parts de marché 36 ( * ) .
En revanche, en Europe, l'hybride devrait progresser plus lentement en raison des performances actuelles des moteurs diesel et de leur faible coût .
La généralisation de motorisation hybride sera donc réelle dans les dix prochaines années, mais elle ne deviendra pas une technologie majoritaire dans les ventes et le parc. Elle restera marginale, comprise entre 5 et 15 % de parts de marché, sans choc pétrolier majeur .
L'hybride est-il pour autant une technologie à négliger ? Bien au contraire, selon vos rapporteurs, la technologie hybride se trouve à la jonction de la plupart des technologies du futur touchant au caractère moins polluant et économe du véhicule. Touchant l'ensemble du groupe motopropulseur, c'est une technologie transversale pouvant être adaptée à toutes les combinaisons de motorisation, y compris la pile à combustible. Les progrès spectaculaires prévisibles en termes de batteries ouvrent la voie d'une hybridation plus complète et proposant une plus grande autonomie électrique. Il est vraisemblable que seule cette technologie permettra une diffusion importante de véhicules essentiellement électriques.
Cette technologie pourra également se combiner aux moteurs thermiques du futur fonctionnant à base de biocarburants issus de la biomasse ou d'autres carburants liquides et fonctionnant de manière extrêmement économe. C'est en effet un concept technologique qui peut assez facilement être transposé sur plusieurs modèles différents d'un constructeur automobile.
Mais il reste à maîtriser le surcoût important de cette technologie par rapport à la propulsion classique pour en permettre la plus large diffusion.
Pour le constructeur Toyota, le schéma « Fuji » illustre bien l'orientation choisie : tout véhicule du futur, quel que soit son type de propulsion, utilisera le procédé d'hybridation. C'est un concept jugé incontournable et transposable à tout type de véchicule.
* 34 Il est en revanche équipé de batteries Sanyo.
* 35 Cabinet JD Power.
* 36 Booz Allen Hamilton Inc.