2. Le moteur à essence peut-il bénéficier de progrès aussi importants que le moteur diesel ?
Si le moteur diesel a d'ores et déjà démontré sa capacité à réduire sa consommation de carburant, c'est aujourd'hui l'enjeu principal des recherches sur le moteur à essence, d'autant plus qu'en dehors de l'Europe la très grande majorité des voitures particulières fonctionnent avec ce carburant, les normes d'émissions de NOx et de particules ayant empêché la diffusion des moteurs diesel.
Plusieurs technologies sont aujourd'hui étudiées pour y parvenir 31 ( * ) :
L'injection directe (IDE) du carburant dans la chambre de combustion au lieu de l'injection indirecte en amont des soupapes d'admission est une première solution. Renault a été le premier constructeur européen à commercialiser un moteur de ce type qui, tout en maintenant un fonctionnement stoechiométrique - nécessaire au fonctionnement de la catalyse trois voies -, utilise une forte recirculation des gaz brûlés.
Réaliser une combustion stratifiée est également étudié. Celle-ci est obtenue par un contrôle poussé de l'injection. Elle permet de positionner un nuage riche en carburant au voisinage de la bougie d'allumage et de remplir le reste de la chambre avec de l'air. Elle ne peut réussir que si la chambre est dessinée en conséquence et si l'injection s'effectue très peu de temps avant l'allumage et au niveau du point mort haut du piston. Les gains peuvent aller jusqu'à 20 % de consommation à faible charge.
Sur le cycle d'homologation européen, la combinaison des deux techniques d'injection directe et de combustion stratifiée sont de l'ordre de 10 à 15 %. Mais cette combinaison n'est pas compatible avec la catalyse trois voies car elle fonctionne en mélange pauvre. Il est alors nécessaire d'équiper le véhicule d'un piège à NOx, d'utiliser un carburant peu soufré (inférieur à 10 ppm). PSA et Volkswagen commercialisent déjà des moteurs de ce type.
Les nouveaux procédés de combustion de type CAI ou « controlled auto ignition » visent à obtenir un niveau d'économie similaire mais en évitant de recourir au piège à NOx. Il s'agit de permettre l'auto-inflammation du mélange air-carburant grâce à l'utilisation de gaz chauds brûlés du cycle précédent. Les recherches en cours visent à maîtriser toutes les phases du fonctionnement, notamment les différents régimes et les transitions CAI- combustion conventionnelle.
Il est en outre possible d'utiliser des systèmes de distribution variable . Il s'agit de faire varier le moment d'ouverture, voire la levée des soupapes d'admission et d'échappement et d'optimiser les réglages du moteur. Les gains sont compris entre 7 et 13 % . Philippe Pinchon relève que les systèmes déjà en fonctionnement utilisent une variation du calage angulaire de l'arbre à cames qui commande les soupapes. Des déconnexions de cylindres sont également possibles. GM et Dephi ont développé un sytème « displacement on demand » permettant de désactiver jusqu'à la moitié des cylindre des V8 pour réduire leur consommation de l'ordre de 8 %. Le système Valvetronic de BMW fait varier la levée de la soupape en continu ce qui permet des gains plus élevés (10 %). Dans le futur, il est question de rendre les soupapes indépendantes de l'arbre à cames et de les commander électroniquement.
Cependant, l'IFP estime que le « downsizing », fondé sur la suralimentation par turbocompresseur et la réduction de la cylindrée est plus prometteur en termes de réduction des émissions de CO 2 . M. Pinchon indique notamment que : « l'utilisation de l'injection directe de carburant présente un intérêt considérable. En effet, lorsque le carburant est introduit dans le cylindre indépendamment de l'air, il est possible d'utiliser le flux d'air entrant pour balayer vers l'échappement les gaz brûlés chauds issus du cycle précédent et encore présents dans le cylindre. Ces gaz chauds sont en effet très néfastes à la combustion à pleine charge puisqu'ils ont tendance à générer des cliquetis, combustion anormale qui peut conduire à la destruction du moteur. Sur les moteurs suralimentés, on a tendance à combattre l'apparition du cliquetis par la diminution du taux de compression du moteur, au détriment du rendement. C'est ce qui est généralement pratiqué dans le cas de l'injection directe, ceci explique que les gains attendus soient relativement limités dans ce dernier cas : de l'ordre de 10 à 15 % de réduction de la consommation. L'injection directe apporte plusieurs avantages. Tout d'abord, lorsqu'elle est associée à un système de distribution variable à l'admission, il est possible de balayer les gaz brûlés et donc d'augmenter le couple spécifique à bas régime. En injectant le carburant directement dans la chambre, on profite également du refroidissement provoqué par la vaporisation du carburant : le jet d'injection est correctement positionné, les frigories sont communiquées directement à l'air admis et non aux parois du moteur. Cet effet de refroidissement permet d'augmenter la résistance du moteur au cliquetis et la densité de l'air admis. Ces deux effets ont des conséquences très positives sur le couple spécifique du moteur ».
Au total, l'IFP estime que la combinaison de ces différents systèmes peut permettre d'atteindre une économie de consommation de l'ordre de 25 à 30 % au maximum ainsi qu'une diminution de 50 % de la cylindrée .
En collaboration avec Renault, l'IFP a montré qu'il était possible d'obtenir, avec un moteur à essence de 1,8 l suralimenté, les mêmes performances qu'avec un moteur à aspiration naturelle de 3 l :
Le maximum de gain est atteint, soit 30 %, si est ajouté un système à taux de compression variable permettant de ne limiter le taux de compression qu'à pleine charge.
Une partie de ces dispositifs (distribution variable, suralimentation par turbocompresseur, injection directe et géométrie complexe de la chambre) vont être mis en oeuvre sur les nouveaux moteurs à essence produits par BMW et PSA. Le moteur 1,6 l atmosphérique développe une puissance de 85 kW (115 CV) et un couple de 160 Nm à 4.250 tr/min. Le moteur 1,6 l turbocompressé a une puissance maximum de 125 kW (170 CV) et un couple de 240 Nm de 1.400 à 4.000 tr/min.
Vos rapporteurs tirent de ces éléments les conclusions suivantes :
- les moteurs à combustion interne restent pour de nombreuses années l'élément central du groupe motopropulseur des automobiles ;
- le moteur diesel est aujourd'hui la solution la moins polluante, la plus économique et la plus efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ;
- la diffusion massive d'une technologie fiable et bon marché est nécessaire pour abaisser réellement les émissions de CO 2 , mais elle nécessite au moins 15 ans et ne peut être accélérée aisément ;
- la diffusion du moteur diesel n'est toutefois pas illimitée puisque l'offre de carburant ne pourra pas répondre à toute la demande ;
- les moteurs diesel et essence offrent de réelles possibilités de progression d'ici à 2015, de l'ordre de 10 % pour les moteurs diesel et jusqu'à 30 % pour l'essence ;
- ces gains sont significatifs mais insuffisants pour atteindre les objectifs très ambitieux de réduction des émissions aux horizons 2010 et 2050 ;
- des gains supplémentaires doivent être acquis par des solutions complémentaires relevant des carburants, de l'hybridation et des solutions indépendantes du groupe motopropulseur comme l'allègement des véhicules .
Vos rapporteurs estiment donc qu'il est nécessaire de :
- poursuivre les recherches sur les moteurs à combustion interne et tout particulièrement sur l'essence ;
- poursuivre les recherches sur les carburants à plus faible teneur en carbone ; sont évoqués les biocarburants et le GNV ;
- accélérer les recherches sur l'hybridation des moteurs diesel et essence . C'est notamment l'objet des mesures annoncées par le Gouvernement visant à disposer au plus tôt d'une voiture familiale ne consommant que 3,5 l/100 km.
- ouvrir le débat sur l'équilibre et les priorités à retenir entre la diminution de la consommation grâce aux progrès techniques et les augmentations de la consommation liées aux dispositifs de confort, de sécurité et de post-traitement .
* 31 Philippe Pinchon, IFP, mai 2004 « L'automobile du futur : les technologies de l'IFP » et octobre 2005 auditions publiques.