II. POUR UNE POLITIQUE BUDGÉTAIRE ACTIVE ET SOUTENABLE ET DES INTERVENTIONS PUBLIQUES EFFICACES
Les différents exercices d'exploration des problèmes de politique budgétaire exposés dans le présent rapport mettent en évidence l'impact de l' instrument budgétaire sur le rythme de croissance et, inversement, la sensibilité des finances publiques à celui-ci. Ils illustrent également un certain nombre de problèmes structurels auxquels est confrontée toute politique budgétaire.
Ces projections viennent confirmer, d'une part, l'existence d'objectifs partiellement contradictoires, d'autre part, la nécessité d'approfondir l'approche des questions posées par la politique budgétaire.
Plus large ment, l' utilité des interventions publiques , au sens fort du terme de la qualité de leur apport à la croissance et à la justice sociale, devrait être une préoccupation constante des Gouvernements . Nulle majorité politique ne viendra jamais contredire cette exigence et chacune d'entre elles prétendra toujours s'y conformer.
Il reste que notre pays gagnerait beaucoup à se doter des institutions indispensables à l'évaluation des politiques publiques . L'année 2006 est une année historique pour les finances publiques. Ce pourrait être aussi une année de déshérence de plus pour l'évaluation des politiques publiques. La pleine application de la nouvelle loi organique sur les lois de finances devrait entraîner une dynamique de contrôle et d'évaluation des actions publiques, impulsion bienvenue puisqu'elles sont encore trop limitées.
Cependant, la LOLF ne couvre pas, loin de là, la totalité du champ des interventions publiques, et son appareil de pilotage ne réunit pas, comme c'est normal vu son objet, l'ensemble des instruments auxquels recourent les processus d'évaluation des politiques publiques, quand ils sont convenablement organisés.
Votre rapporteur souhaite ici rappeler les propositions que la Délégation du Sénat pour la planification a formulé il y a déjà quelque temps 67 ( * ) afin de relancer l'évaluation des politiques publiques, véritable pivot de la réforme de l'État.
Elles ont reçu un bon accueil, semble-t-il, auprès des spécialistes nationaux et étrangers de l'évaluation mais n'ont pas reçu les prolongements qu'elles nous semblent encore mériter.
A. PRÉCISIONS SUR LES CRITÈRES DE JUGEMENT DE L'ORIENTATION DONNÉE À LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE
Il est justifié d'apporter quelques précisions sur les « grilles de lecture » permettant d'apprécier l'orientation conjoncturelle donnée à celle-ci.
En se plaçant au niveau d'une analyse très globale, qui mériterait d'être affinée en recourant à des études consacrées à la structure des recettes et de la dépense publique, on peut porter l'attention sur le solde des finances publiques . Celui-ci représente un indicateur agrégé du bilan des relations entre les administrations publiques 68 ( * ) et les autres agents économiques. En utilisant les termes de la comptabilité nationale, on attribue souvent à la variation du besoin de financement des administrations publiques le pouvoir d'expliquer l'orientation de la politique budgétaire . Une réduction du besoin de financement témoignerait d'une politique budgétaire restrictive ; inversement, une augmentation serait le signe d'une politique budgétaire expansive.
Cette décomposition est justifiée dès lors qu'on convient que, sur une période donnée, l'économie d'un pays doit se trouver sur une trajectoire lui assurant d' être, en moyenne, au niveau de sa production potentielle . Celle-ci correspond au produit du taux de croissance de la population active et des gains de productivité du travail. En pratique, les mouvements de l'activité économique situent celle-ci sur une trajectoire oscillant autour de la production potentielle, tantôt au-delà, tantôt en deçà. C'est ce qu'on appelle le cycle de l'économie.
Le besoin de financement des administrations publiques est, quant à lui, sensible à la situation de la production effective . Dans l'hypothèse où la production effective est au-delà de la production potentielle (écart à la production positif), les recettes des administrations publiques sont supérieures à ce qu'elles seraient dans l'hypothèse, plus normale, et inéluctable, où la production se situerait à son potentiel. De même, certaines dépenses publiques sont alors transitoirement plus faibles qu'elles ne devraient être. Tel est le cas pour les dépenses de transferts 69 ( * ) . Lorsque la situation inverse (celle où la production effective est inférieure au niveau de la production potentielle) prévaut (écart à la production négatif), le niveau des recettes n'atteint pas celui qui, normalement, devrait être le sien et certaines dépenses atteignent, au contraire, un niveau plus élevé que celui qui est structurellement le leur.
Le cumul des écarts entre recettes effectives et potentielles et entre dépenses effectives et potentielles permet d'identifier la composante conjoncturelle du besoin de financement public. On en déduit la composante structurelle du besoin de financement.
Si la composante conjoncturelle est égale au besoin de financement observé, alors les administrations publiques sont à l'équilibre structurel 70 ( * ) ; si elle l'excède, il y a excédent structurel ; si elle lui est inférieure, alors le besoin de financement comporte une dimension structurelle en plus d'une dimension conjoncturelle.
* 67 « Placer l'évaluation des politiques publiques au coeur de la réforme de l'État », rapport d'information n° 392 du 30 juin 2004, MM. Joël Bourdin, Pierre André et Jean-Pierre Plancade.
* 68 Le solde des ressources et des emplois des administrations publiques dégage une capacité de financement lorsque les premières sont supérieures aux seconds. Dans la réalité historique récente, c'est la situation inverse qu'on a observée le plus souvent. Les administrations publiques ont connu un besoin de financement. On évoquera donc ici les mouvements du besoin de financement des administrations publiques pour rendre compte de l'orientation de la politique budgétaire. En termes d'impulsion conjoncturelle, une réduction du besoin de financement est équivalente à une augmentation de la capacité de financement, et vice versa.
* 69 Les dépenses le plus souvent mentionnées étant les dépenses d'indemnisation du chômage sans qu'on puisse réduire à ces seules dépenses le champ de l'analyse.
* 70 Autrement dit, si le besoin de financement conjoncturel est plus important que le besoin de financement observé, il y a un excédent standard qui compense partiellement l'impact de l'écart à la production.