B. BREF RETOUR SUR LES ENSEIGNEMENTS RELATIFS À LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE
L'expérience récente de conduite de la politique budgétaire de soutien conjoncturel aux États-Unis permet d'illustrer quelques questions importantes relatives à la politique budgétaire. Votre Délégation a, dans ce domaine, une doctrine constante basée sur des approches pragmatiques. Les conclusions suivantes lui semblent s'imposer :
• la politique budgétaire peut être fortement activée ;
• elle est efficace sous certaines conditions ;
• les politiques budgétaires de soutien conjoncturel sont, par nature, insoutenables à terme, ce qui ne doit pas paralyser leur utilisation transitoire ;
• les politiques budgétaires contracycliques en période de basse conjoncture doivent être suivies d'ajustements structurels en phase de croissance élevée.
Ces convictions ont fondé les propositions de réforme du Pacte de stabilité et de croissance formulées dès 2002 par votre Délégation 71 ( * ) .
A - Les propositions de fond , qu'on pourrait baptiser « la règle des trois soldes », veulent répondre au souci d'instaurer une discipline budgétaire fondée sur une rigueur adaptée et une souplesse tempérée, et plus en harmonie avec les rythmes d'évolution du cycle économique. 1. La règle de retour à l'équilibre nominal des comptes publics, coûte que coûte, premier pilier du pacte de stabilité et de croissance, doit être abandonnée au profit d'une règle prescrivant le respect de deux soldes budgétaires : - Nul pays de la zone euro ne doit être autorisé à connaître un déficit supérieur à un certain niveau que nous suggérons de fixer à 2 points de PIB ; - Des exigences renforcées, à géométrie variable, pourront être définies chaque année, en fonction des perspectives économiques et des orientations souhaitées de politique budgétaire. Toutefois, nul pays ne pourra, au terme de ce processus, se voir contraint d'améliorer son solde structurel de plus de 0,5 point de PIB par an. 2. Par souci de disposer d'un filet de sauvegarde , il est proposé de considérer comme excessif tout déficit nominal de plus de 5 points de PIB (contre 3 points de PIB aujourd'hui). Étant donné l'exigence posée en matière de déficit structurel, ce filet ne devrait jouer d'exceptionnellement. B - Les propositions institutionnelles consistent : 1. A assortir le dépassement de chacun de ces soldes de sanctions alors qu'aujourd'hui, seuls les déficits excessifs sont sanctionnés . Ainsi, un État qui ne saisirait pas les opportunités d'assainissement de ses comptes en phase haute du cycle pourrait désormais être sanctionné. 2. En outre, la création d'un organisme de surveillance des positions budgétaires des États, respectant les critères de tout organe d'audit, en particulier l'indépendance, s'impose . La Commission, qui ne peut être juge et partie, conserverait l'ensemble des autres prérogatives qu'elle exerce en ce domaine de la coordination des politiques économiques. 3. Enfin, il faut rapprocher les organismes européens (Conseil, Commission et le nouvel organe de la surveillance dont la création est proposée) des citoyens de la zone euro , en leur imposant une obligation d'exposer régulièrement leurs décisions aux Parlements nationaux. |
Si votre Délégation peut se féliciter que certaines modifications du Pacte de stabilité et de croissance soient intervenues au cours de l'année 2005 qui montrent que l'éventualité d'une réforme envisagée par elle contre certaines opinions contraires était réaliste, et qui reflètent sur plusieurs points l'esprit de ses recommandations, elle estime que le chemin à parcourir pour rénover, de façon satisfaisante, le cadre de la politique budgétaire en Europe est encore très long .
Le document de la Commission, qui exige des États une « amélioration annuelle minimale » du solde budgétaire structurel sans nulle considération de leur position économique dans leur cycle, recèle des risques pro-cycliques récessifs.
Par ailleurs, elle s'inquiète des propositions de la Commission de mettre l'accent sur certains critères d'appréciation de la situation des finances publiques.
Ainsi en va-t-il de l'attention portée à la dette publique dont le niveau devrait, selon la Commission commander l'effort d'amélioration du solde public structurel (plus élevé il est, plus important devrait être cet effort), ce qui est de nature à amplifier encore la portée éventuellement récessive des exigences de la Commission.
1. La politique budgétaire est d'autant plus maniable qu'elle n'est pas bridée par des règles
Pour contrer le ralentissement économique aux États-Unis , la politique budgétaire a été particulièrement active , ce qui contraste fortement avec la situation observée en Europe et apporte la démonstration que les règles bridant l'activation de la politique budgétaire, privent les États européens d'un instrument que d'autres États développés savent utiliser 72 ( * ) .
Le solde des comptes publics est passé d' un excédent de 1,6 point de PIB en 2000 à un déficit de 4,6 points en 2003 , soit, au total, une mobilisation de la politique budgétaire à hauteur de 6,2 points de PIB.
Depuis 2004, une nouvelle diminution du déficit public est à l'oeuvre (à hauteur de 0,5 point de PIB). Elle se produit dans un contexte retrouvé de neutralité budgétaire, où n'étant pas expansée, l'impulsion budgétaire n'en est pas autant devenue restrictive. Le déficit structurel aux États-Unis est inchangé, malgré une croissance qui a « réaccéléré » un peu au-delà du potentiel .
* 71 « Rapport sur les Perspectives économiques à l'horizon 2007 et le pacte de stabilité et de croissance ». Rapport d'information n° 66, du 20 novembre 2002, M. Joël Bourdin.
* 72 Cette remarque de bon sens est toutefois assez systématiquement perdue de vue.