B. DES RÉSULTATS DONT LES CONDITIONS DE RÉALISATION SONT CLAIREMENT IDENTIFIÉES PAR LES PROJECTIONS
Atteindre les objectifs de la programmation à moyen terme des finances publiques exigera plus que des progrès de productivité ordinaires . Compte tenu de l'inertie de certaines charges publiques, des arbitrages devront intervenir touchant le périmètre même de la sphère publique .
1. La maîtrise des dépenses publiques
La réduction de la place des dépenses publiques dans le PIB suppose des choix portant sur le périmètre d'intervention des administrations publiques.
La stratégie budgétaire de la France repose, depuis plusieurs années, sur la fixation d'un objectif de croissance modérée pour les dépenses publiques , devant s'accompagner d'une réduction significative de la part des dépenses publiques dans le PIB. En programmation, le rythme de croissance des dépenses est systématiquement inférieur à la croissance potentielle de l'économie .
Cet engagement est notablement renforcé dans le programme de stabilité à horizon 2009 puisque les dépenses publiques en volume devraient croître de 0,9 % l'an, contre 1,2 % dans la précédente programmation.
Le poids des dépenses publiques dans le PIB se réduirait de 2,1 points pour se rapprocher de 50 % (51,5 % en 2009).
Cependant, les cibles affichées dans les programmes de stabilité ont toujours été dépassées depuis 1999. Ce sont surtout les dépenses d'assurance maladie et celles des collectivités locales qui ont excédé les prévisions 64 ( * ) .
LES DÉRAPAGES EN DÉPENSE PAR RAPPORT AUX
OBJECTIFS AFFICHÉS
DANS LES PROGRAMMES DE STABILITÉ
SUCCESSIFS
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2. La simulation en variantes de quelques aléas relatifs aux dépenses publiques
Les occasions de dépassement de l'objectif de dépenses publiques ne manquent pas, comme le montre l'observation du passé.
En adoptant une classification sommaire, on peut les ranger en deux catégories : les dépassements consécutifs à des chocs exogènes ; ceux qui proviennent d'une insuffisance des politiques destinées à réduire leur rythme de croissance .
Si les chocs exogènes les plus défavorables à la maîtrise de la dépense publique sont ceux qui affectent le contexte de croissance, certains chocs spécifiques aux finances publiques peuvent survenir. Parmi ceux-ci figurent des chocs sur les taux d'intérêt, dont on présente ici l'impact.
En ce qui concerne les dépassements de dépenses dues à l'insuffisance des politiques mises en oeuvre à cet effet, l'absence de réformes concernant le champ de l'intervention publique est le plus souvent en cause. Il faut rappeler la pertinence des analyses de la Cour des Comptes, qui relève que la maîtrise des dépenses publiques suppose fondamentalement de redéfinir le format des interventions publiques .
Cette préconisation est illustrée en projection par les questions que conduit à se poser la réduction du poids des dépenses publiques dans le PIB.
a) L'impact d'une tension sur les taux d'intérêt
On a testé en variante au scénario central, l'impact d'un choc durable sur les taux d'intérêt à long terme . Cet impact est mesuré au second ordre, c'est-à-dire en tenant compte de l'impact du choc sur la croissance.
Dans l'hypothèse où un choc durable de taux d'intérêt se produit, les effets de premier ordre , c'est-à-dire sans tenir compte de l'impact du choc sur la croissance, viennent dégrader le solde public , les charges d'intérêt augmentant progressivement.
Une estimation réalisée l'an dernier permet d'évaluer à environ 0,35 point de PIB au terme de 5 ans l'impact d'un choc où les taux sont plus élevés de 1 point lorsqu'on part d'un niveau de dette publique de l'ordre de 65 points de PIB.
Dans ce cas, le renchérissement du coût de la dette oblige, à objectif de dette publique inchangé, à un effort supplémentaire de variation du solde primaire 65 ( * ) . On peut retenir comme ordre de grandeur que 2 points de taux d'intérêt supplémentaire contraindrait à baisser les dépenses publiques primaires 66 ( * ) de 0,7 point de PIB en plus (1/3 de l'effort programmé sur la période 2007-2009) ou à augmenter les prélèvements obligatoires dans une même proportion (soit un peu plus que la baisse des prélèvements obligatoires que comportent les engagements du gouvernement).
Ces résultats illustrent déjà la vulnérabilité des finances publiques et les orientations de politique budgétaire à un resserrement des conditions monétaires et financières.
Lorsqu'on prend en compte l'impact de la tension des taux d'intérêt sur la croissance, les enchaînements sont encore plus préoccupants. Le solde public est dégradé à hauteur de 1,2 point de PIB au bout de cinq ans lorsque les taux d'intérêt augmentent de 1 point.
Non seulement les charges d'intérêt augmentent mais le déficit primaire se creuse et l'augmentation de la dette publique est plus rapide. Comme le niveau du PIB (dénominateur du rapport dette publique/PIB) est réduit par rapport au compte central, l'alourdissement du poids de la dette publique dans le PIB est démultiplié.
b) Quelques questions sur la baisse de la part des dépenses publiques dans le PIB
L' objectif de réduire de 2,1 points de PIB le poids des dépenses publiques à l'échéance de 2009 consiste à revenir en quatre ans à la situation qui prévalait en 1991 . Il est d'autant plus ambitieux qu'une grande inertie touche plusieurs catégories de dépenses.
En projection, le poids des charges d'intérêt supportées par l'État reste stable. Elles s'accroissent parallèlement au PIB, soit de 2,25 % en volume par an. L'engagement d' une baisse du volume des dépenses de l'État ne peut s'exercer que sur les dépenses primaires et n'en est que plus ambitieux .
S'agissant des prestations sociales , elles augmenteraient plus vite que l'objectif global de progression des dépenses publiques, de 1,2 % par an contre 0,9 % pour l'ensemble des dépenses publiques. La croissance des dépenses de santé serait de 1 % ; les prestations retraites soumises à la dynamique du nombre des retraités accélèreraient progressivement et leur croissance serait en moyenne de 2,5 % entre 2007 et 2010.
ÉVOLUTION DU POUVOIR D'ACHAT DES PRESTATIONS SOCIALES
Répartition |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
1985-1995 |
1996-2004 |
2005-2010 |
Retraites |
45 |
3,6 |
1,9 |
2,4 |
2,4 |
2,6 |
2,8 |
0,1 |
2,5 |
2,6 |
Maladie |
33 |
2,0 |
1,0 |
1,0 |
1,0 |
1,0 |
1,0 |
1,3 |
2,7 |
1,2 |
Chômage |
7 |
-0,6 |
-2,1 |
-3,1 |
-3,2 |
-4,3 |
-5,3 |
-1,2 |
2,4 |
-3,1 |
Famille, logement, pauvreté et exclusion |
15 |
1,6 |
1,4 |
0,6 |
0,6 |
0,6 |
0,6 |
0,1 |
1,6 |
0,9 |
Total des prestations |
100 |
2,4 |
1,2 |
1,2 |
1,2 |
1,2 |
1,2 |
-0,5 |
2,4 |
1,4 |
Cette dynamique, même si elle apparaît très inférieure à celle observée en tendance, et l'inertie de nombreuses charges budgétaires (charges d'intérêt, dépenses de pension des fonctionnaires civils et militaires) imposent une forte contrainte sur les autres dépenses publiques.
ÉVOLUTION DES DÉPENSES DES
ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
(SCÉNARIO À 2,25 %)
(déflatées par les prix de consommation)
En points de PIB |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
1985-1995 |
1995-2005 |
Ensemble des dépenses |
53,8 |
53,6 |
53,1 |
52,3 |
51,5 |
50,7 |
51,6 |
53,4 |
dont : |
||||||||
- Rémunération des salariés |
13,5 |
13,4 |
13,2 |
13,0 |
12,7 |
12,4 |
13,0 |
13,5 |
- Consommations intermédiaires |
5,4 |
5,3 |
5,2 |
5,0 |
4,9 |
4,8 |
4,8 |
5,3 |
- Intérêts |
2,6 |
2,5 |
2,4 |
2,4 |
2,5 |
2,6 |
2,9 |
3,0 |
- Prestations sociales en espèce |
17,9 |
17,8 |
17,6 |
17,4 |
17,2 |
16,9 |
17,1 |
17,7 |
- Transferts |
5,9 |
5,9 |
5,9 |
5,9 |
5,8 |
5,7 |
4,9 |
5,5 |
- Subventions |
4,8 |
4,8 |
4,8 |
4,7 |
4,6 |
4,5 |
4,9 |
4,8 |
- FBCF |
3,3 |
3,4 |
3,4 |
3,3 |
3,2 |
3,2 |
3,4 |
3,1 |
Notamment , en fin de projection, la masse salariale se situe à 1,1 point de PIB au-dessous de sa moyenne pour 1995 à 2005 .
La norme de progression des dépenses publiques implique donc une nette réduction du volume de la masse salariale distribuée par les administrations publiques à partir de 2007. Sauf une très forte diminution des effectifs de la fonction publique, elle suppose une perte de pouvoir d'achat du salaire individuel des salariés des administrations publiques , compte tenu de l'augmentation de l'emploi non marchand due au « Plan Borloo » en 2005 et 2006.
Il est possible que la répartition des dépenses diffère de celle envisagée. Cependant les marges de manoeuvre sont faibles, compte tenu de l'importance des prestations retraites (leur montant est proche de celui des rémunérations des salariés des administrations publiques en 2003) et santé (leur montant est proche de 2/3 des rémunérations des salariés des administrations publiques en 2004).
La solution alternative, qui consisterait à opter pour une diminution plus prononcée du nombre de fonctionnaires, doit être envisagée au vu des expériences récentes caractérisées par un report quasi-systématique des programmes de réduction des emplois budgétaires qui montrent que ceux-ci ne s'improvisent pas. En outre, la récente proposition de rétrocéder aux agents des fonctions publiques la moitié des économies résultant de la réduction du nombre d'emplois publics, en limiterait l'impact. Enfin, leur succès est dépendant de la définition concertée de réformes structurelles qui semblent devoir passer nécessairement par une redéfinition du périmètre des interventions publiques.
c) Quelle évolution à moyen terme pour les dépenses de santé ?
En 2005, la progression de l'ONDAM (Objectif National de Dépenses d'Assurance Maladie) devrait atteindre 5,7 % en valeur (contre 6,8 % en 2003). La progression retenue pour 2006 par le PLFSS est de 4,3 % en valeur (2,5 % en volume). Sur la période 2007/2009, la programmation pluriannuelle des finances publiques retient une hypothèse d'augmentation de l'ONDAM sur un rythme annuel moyen de 1 % en volume (2,5 % en valeur).
Cette hypothèse suscite les commentaires suivants :
- les évolutions projetées pour 2006 à 2010 (+ 1 % en volume) traduisent une nette inflexion par rapport aux évolutions enregistrées depuis le début des années 2000 ( + 4 % par an en volume en moyenne) ;
- elles sont cependant plus cohérentes avec les évolutions enregistrées sur la période 1990-1999 (+ 2,6 % par an en volume en moyenne), qui se sont caractérisées par un net ralentissement ;
- ces évolutions sont justifiées par le Gouvernement par les effets que devraient produire les mesures prises dans le cadre de la loi de juillet 2004 portant réforme de l'assurance maladie et par les nouvelles mesures prises dans le cadre du PLFSS 2006 ;
- l'impact quantitatif de ces mesures est toutefois extrêmement difficile à apprécier et elles pourraient produire leurs effets à un horizon plus lointain que celui de la projection.
C'est pourquoi l' évolution des dépenses d'assurance maladie constitue certainement l' élément technique de la programmation pluriannuelle le plus incertain .
On doit rappeler ici les résultats d'une étude commandée au CEPII (Centre d'Études Prospectives et d'Informations Internationales) par le Service des Études et de la Prospective du Sénat consistant à simuler l' évolution des dépenses de santé à moyen terme en fonction de leurs principaux déterminants : taux de croissance du PIB par habitant, prix des soins médicaux, évolutions démographiques, progrès technique et facteurs institutionnels.
Si l'on se réfère à cette simulation, l'augmentation des dépenses de santé à moyen terme, et pour une croissance du PIB de 2,5 % par an, pourrait être de 3,8 % par an en volume en moyenne .
Source : Observatoire français des conjonctures économiques
Néanmoins, cette étude ne tient pas compte des mesures prises dans le cadre de la dernière réforme de l'assurance-maladie.
Surtout, la simulation du CEPII prolonge la tendance passée concernant les prix relatifs des soins, dans laquelle les prix des soins progressent moins vite que les prix du PIB, ce qui entraîne une forte dynamique de la demande de soins. Or, il apparaît hasardeux de prolonger cette tendance sur le moyen terme.
Pour ces deux raisons, votre Délégation a ainsi demandé à l'OFCE d'évaluer les conséquences d'une augmentation des dépenses de santé parallèle à la croissance du PIB , de 2,25 % contre 1 % dans la programmation à moyen terme du Gouvernement. Cette variante n'est pas arbitraire : s'agissant d'un « bien supérieur », il n'y a aucune raison que le poids des dépenses de santé dans le PIB diminue. Elle permet d' apprécier quantitativement l'incertitude associée à l'hypothèse de moyen terme retenue par le Gouvernement .
Sous cette hypothèse d'augmentation des dépenses de santé, la capacité de financement de l'assurance-maladie serait dégradée à hauteur de 11 milliards d'euros en 2010.
Afin de respecter l'objectif de solde public affiché par le Gouvernement, il serait nécessaire d' augmenter la CSG de 0,5 point sur la période, soit encore une augmentation de 9,2 %. Dans ces conditions, l' engagement de baisser les prélèvements obligatoires de 0,6 point de PIB devrait être reporté sur d'autres impositions, et, surtout, apparaîtrait assez rhétorique .
* 64 Une partie importante de cet écart est attribuable aux transferts de charges supportées par les Collectivités locales ainsi qu'au dynamisme, non anticipé par l'État, de prestations nouvelles, dont elles supportent le financement. Il est également le résultat d'une progression des dépenses de santé qui est structurellement supérieure à celle du PIB, et, généralement, plus dynamique que celle retenue par des lois de financement de la sécurité sociale.
* 65 Soit le solde public nominal hors charges d'intérêt.
* 66 Soit les dépenses publiques hors charges d'intérêt.