B. UNE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE MAL ASSURÉE
La sécurité alimentaire n'est pas assurée au Niger. Il existe un écart manifeste, structurel, entre les besoins alimentaires d'une population en forte croissance et la production agricole. Cet écart a tendance à s'accroître. Il pourrait, sur le long terme, prendre un tour encore plus dramatique qu'aujourd'hui.
1. Une pression démographique importante
Le taux de fécondité du Niger est en moyenne de 7,5 enfants par femme , ce qui engendre une croissance démographique annuelle de l'ordre de 3,5 %. Si cette tendance se prolongeait, et qu'aucune politique efficace de régulation des naissances ne devait être mise en place, la population du pays pourrait atteindre 55 millions d'habitants en 2050 . Des hypothèses plus optimistes, portant notamment sur l'introduction d'un « planning familial » au Niger, ramènent la prévision de population en 2050 à 33 millions d'habitants.
Or, aujourd'hui, la population du Niger est une population rurale, quasi exclusivement dépendante de sa production agricole. Elle est de plus une population migrant relativement peu 12 ( * ) , par rapport à d'autres pays sahéliens. Ceci pourrait néanmoins avoir changé récemment : dans le cadre des distributions gratuites de vivres, le programme alimentaire mondial aurait enregistré un déficit de population par rapport aux estimations de l'ordre de 17 %, lié d'une part à un recensement erroné, le dernier datant de 2001, et d'autre part, à des migrations vers les pays frontaliers, comme le Nigéria. Le Niger commence à devenir un pays de migrants, le pays le plus pauvre du monde ayant du mal à nourrir une population en forte croissance.
2. Une production agricole sous tension
Parallèlement, en effet, si les statistiques agricoles du pays montrent que les superficies des terres cultivées sont passées de 11.500.000 hectares en 1999 à 12.600.000 hectares 13 ( * ) en 2003 soit une augmentation de 220.000 hectares chaque année, le Niger doit néanmoins recourir aux importations à hauteur de 10 à 40 % selon les années pour combler une bonne partie du déficit, le reste étant couvert par l'aide alimentaire. Le Niger, qui était autosuffisant en denrées alimentaires et même exportateur de céréales jusqu'à la fin des années soixante, est devenu fortement déficitaire.
L'activité agricole s'exerce sur des exploitations familiales de subsistance de taille réduite pratiquant principalement les cultures vivrières (mil, sorgho, niébé et manioc). Le riz et quelques autres cultures de rente comme le maïs, le coton et l'arachide sont également pratiqués. La culture du riz connaît actuellement une progression marquée grâce au développement récent des aménagements hydro-agricoles.
L'élevage bovin, ovin, caprin et camelin constitue une activité importante en milieu rural, plus particulièrement dans les vastes étendues du nord du pays, et occupe le deuxième poste des exportations. Le Nigéria est l'un des principaux clients pour le bétail du Niger et entre ces deux pays il existe des flux importants d'animaux et de céréales pour couvrir une partie des besoins de consommation de leurs populations respectives.
La progression des terres cultivées devrait trouver à terme ses limites en raison de la réduction concomitante des terres arables 14 ( * ) . Les superficies cultivées en mil et en sorgho, bases de l'alimentation de la population nigérienne, sont en effet dépendantes d'une douzaine de pluies, entre juillet et septembre. Elles ont besoin d'une pluviométrie annuelle supérieure à 400 millilitres par an. Or la part du territoire nigérien bénéficiant de cette pluviométrie a été réduite de moitié, à 12,5 % de la superficie totale du pays, en quarante ans, la population ayant doublé sur la même période . Cette réduction trouve sa cause dans l'aggravation de la sécheresse depuis les années 1970.
Des quatre zones agricoles nigériennes, complémentaires en raison de la large mobilité des agro-pasteurs à travers le territoire (zone semi-désertique au nord du pays, zone pastorale sub-saharienne au centre du pays, zone sahélienne à prédominance agro-pastorale au centre sud, recevant entre 200 et 500 mm de pluie par an et dominée par une végétation à base d'acacias, zone sahelo-soudanienne à vocation agricole plus marquée au sud du pays où il pleut entre 600 à 800 mm par an), deux sont fortement tributaires des précipitations dont les fluctuations annuelles et saisonnières expliquent largement la faiblesse des rendements 15 ( * ) et les fortes variations observées au niveau de la production agricole nationale . Pour une bonne année comme celle de 2003, les rendements moyens des principales cultures se situent autour de 476 kilos/hectare pour le mil, 334 kilos/hectare pour le sorgho, 134 kilos/hectare pour le niébé 16 ( * ) et 495 kilos/hectare pour l'arachide.
A peine 2 % des superficies cultivées bénéficient de l'irrigation à partir du fleuve Niger. De plus, le secteur agricole du pays doit faire face à la dégradation de la fertilité des terres cultivées, à des rendements qui stagnent en raison d'un système agraire encore archaïque (faible utilisation du fumier, de l'engrais, mécanisation quasi inexistante), et à une densité accrue des zones de pâturage, liée à l'augmentation des effectifs de bétail.
* 12 Au 1 er janvier 2003, on recensait 919 nigériens établis en France.
* 13 Ce qui limite d'autant les possibilités pour les nomades de faire paître leurs troupeaux, d'où des conflits où les morts d'homme ne sont pas rares.
* 14 Les terres cultivables.
* 15 Les pluies doivent être correctement espacées, ni trop faibles, ni trop fortes, et intervenir « au bon moment ». Le déficit céréalier de 2004 est ainsi lié des épisodes de sécheresse en début de cycle et/ou en fin de cycle des cultures vivrières.
* 16 Le niébé est une variété de haricot.