II. ... AUXQUELLES L'OUVERTURE DES SECTEURS INTERDITS A APPORTÉ UNE OCCASION PRATIQUE DE SE MANIFESTER

Les controverses qu'on vient d'évoquer se sont manifestées avec force à l'occasion de l'ouverture de la publicité aux secteurs jusqu'alors interdits.

A. LA DISTRIBUTION, UNE OUVERTURE QUI SEMBLE NE SATISFAIRE PERSONNE

Des quatre secteurs économiques, la distribution est le plus développé, et celui pour lequel les investissements publicitaires sont, aujourd'hui, et de loin, les plus importants.

Les enseignes de distribution sont le premier secteur annonceur ; elles ont dépensé environ 2 milliards d'euros bruts en 2003 dans les grands médias, contre 1,8 milliard d'euros en 2002.

POSITIONS DES DIFFÉRENTS ACTEURS AUTOUR DE L'OUVERTURE DISTRIBUTION

Acteurs favorables à une ouverture plus large

Acteurs satisfait de l'ouverture partielle (compromis du 7 octobre)

Acteurs favorables au statu quo ante

Distribution

Toute la grande distribution alimentaire (Auchan, Leclerc, Carrefour), FCD ; certaines enseignes spécialisées (But)

Union des annonceurs (UDA)

Certaines enseignes spécialisées pratiquant aujourd'hui uniquement une communication purement institutionnelle
(Darty, FNAC...)

Commerce indépendant (UPA)

Médias
et autres

Régies TV (SNPTV)

Chaînes thématiques (ACCES)

Chaînes locales

Acteurs de la publicité (AACC)

Presse (SPQR), radio (SIRPP), publicité extérieure (UPE)

Grandes marques de grande consommation

Source : BIPE

Il résulte des entretiens réalisés pour la présente étude que le décret du 7 octobre 2003 ne satisfait à peu près personne en l'état.

1. Les regrets de la grande distribution

Les acteurs de la grande distribution sont tous favorables à l'ouverture , et la plupart l'auraient souhaitée beaucoup plus large voire totale.

L'ouverture partielle est sans intérêt à leurs yeux et source de difficultés juridiques potentielles dans son interprétation.

Ils dénoncent des distorsions de concurrence dans la situation actuelle.

En ce qui concerne le handicap concurrentiel , la grande distribution s'estime d'abord victime d' une distorsion de concurrence d'origine réglementaire .

En effet, la réglementation n'interdit aux entreprises verticalement intégrées de communiquer en télévision sur leurs activités de distribution qu'à partir d'un certain seuil de chiffre d'affaires réalisé dans la distribution.

Ainsi, parce que la distribution de carburant est considérée comme une activité minoritaire au sein des groupes pétroliers, la réglementation les autorise, à ce titre, à communiquer en télévision 33 ( * ) . Cela est interdit aux purs distributeurs, qui contrôlent pourtant 52 % de la vente de carburant en France.

De même, les commerces appartenant à certaines enseignes ou franchises de fabricants peuvent accéder à la publicité TV. Ils ne sont pas considérés comme des distributeurs, puisqu'ils produisent une partie de la marchandise qu'ils vendent (ex : Décathlon, Ikéa, chaussure, bijouterie...). La grande distribution alimentaire, malgré ses marques de distributeurs, reste en deçà des seuils qui pourraient lui permettre de communiquer en télévision sur ces produits.

En outre, la grande distribution dénonce des distorsions frontalières résultant de ce que les habitants des régions frontalières peuvent recevoir des chaînes de télévision étrangères, comprenant des publicités de distributeurs. Au demeurant, l'un des éléments qui a enclenché la procédure de la Commission européenne a été la plainte d'un magasin de meubles belge qui s'est vu refuser la possibilité de communiquer sur FRANCE 3 Nord-Pas-de-Calais.

La libéralisation limitée offerte par le décret ne présenterait pas d'intérêt pour la grande distribution au motif que 95 % de sa communication sont fondés sur la promotion de prix, limitée dans le temps .

L'ouverture aux seuls « cabsat », pendant trois ans, viderait de toute signification la mesure dans le cas d'une industrie de masse souhaitant viser avec le maximum de puissance instantanée le grand public.

S'agissant de l' ouverture aux chaînes locales , ces chaînes sont encore peu développées et tout le territoire n'est pas concerné. Par ailleurs, l'interdiction promotionnelle qui s'applique est contradictoire avec la réalité d'une publicité locale des enseignes qui est exclusivement promotionnelle.

Deux arguments d'intérêt général sont avancés par les tenants de la libéralisation de la publicité pour la distribution :

- d'une part, le transfert vers la télévision d'une partie des sommes précédemment dépensées en prospectus et catalogues ou en faces d'affichage réduirait la « pollution » publicitaire subie par les citoyens dans leurs boîtes aux lettres et leurs rues . Ce phénomène irait dans le sens de la volonté d'un certain nombre de collectivités territoriales qui cherchent à réduire le volume de publicité papier par voie postale et à limiter la présence de panneaux d'affichage dans les centres-villes ;

- d'autre part, la possibilité d'utiliser un média qui se prête tout autant, sinon plus à la communication de marque qu'au « hard-selling », encouragera les distributeurs français à s'engager dans la voie de la différenciation qualitative par rapport au modèle économique du hard-discount. Or, une grande distribution spécialisée ou une grande distribution généraliste « haut de gamme » peut être préférable au « hard discount » du point de vue de l'impact sur l'emploi. La grande distribution « à la française » est considérée comme réalisant un compromis entre prix bas et emploi. Les industriels des grandes marques rejoignent sur ce point les acteurs de la grande distribution.

* 33 Les distributeurs font d'ailleurs remarquer que les groupes pétroliers, autorisés en tant que producteurs, ne communiquent pratiquement pas au sujet de leur produit (peu différencié) mais à propos de leurs marques et de la qualité de leur service de distribution.

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