OPPORTUNITÉS POUR LE LIVRE
Les caractéristiques du média TV feraient de ce moyen de promotion un levier potentiellement intéressant pour le livre et la lecture . Parmi les non lecteurs, on trouve sans surprise une représentation des PCS- et des non-diplômés. Or ces dernier sont sur-représentés dans le public de la télévision. Donc la télévision est un média intéressant pour cibler les non-lecteurs et faibles lecteurs.
La publicité des éditeurs aujourd'hui va essentiellement vers la presse quotidienne et la presse magazine spécialisée, et un peu vers la radio. Une publicité dans « Lire » pourra évidemment augmenter les ventes d'un livre mais les lecteurs de « Lire » étant déjà pour la plupart des gros lecteurs, leurs choix se feront essentiellement par substitution . En revanche, lorsqu'on atteint les faibles lecteurs et les non-lecteurs, on peut imaginer que l'on peut augmenter la pénétration nette de la lecture.
La marge de progression pour la lecture et pour l'industrie éditoriale est beaucoup plus importante sur la pénétration que sur l'intensification de la consommation puisque seulement un français sur deux (54%) achète des livres 91 ( * ) . Le marché du livre reste très concentré autour d'un coeur de cible d'acheteurs-lecteurs passionnés : 18% des acheteurs de livres concentrent en effet à eux seuls plus de la moitié des volumes achetés (56%) et la moitié des sommes dépensées (51%).
Pour illustrer cette marge de progression, deux comparaisons s'imposent. Tout d'abord, les enquêtes européennes harmonisées sur les pratiques culturelles d'Eurostat montrent que la France se situe en dessous de la moyenne européenne en termes de pénétration de la lecture. 40% des français déclaraient avoir lu des livres dans les 12 mois précédant l'enquête, contre 45% en moyenne européenne (UE15), 43% des italiens ou 60% des britanniques ; les pays nordiques se situent encore bien au dessus de ce niveau.
Figure 75 : Niveaux de pénétration de la lecture en Europe
Ensuite, une mise en perspective française sur longue période montre que le budget consacré par les ménages français à l'achat de livres a baissé depuis 1980, passant de 0,5% à 0,4%, alors que le niveau d'éducation moyen était en constante augmentation et que le coefficient budgétaire de la fonction « loisirs culturels » était, lui aussi, en augmentation.
Figure 76 : Erosion du coefficient budgétaire consacré au livre et à la presse
Les éditeurs sceptiques font valoir qu'encourager à la lecture de Confessions royales ne va pas amener le lecteur à évoluer ensuite vers d'autres formes de littérature.
D'abord cela n'est pas prouvé. Sur le segment jeunesse, certains se sont plaint du phénomène Harry Potter ; il semble pourtant que le succès de cette série ait dynamisé l'ensemble du marché plutôt que de simplement capter provisoirement des parts de marché au dépends des autres titres. Le baromètre TNS observe d'ailleurs que l'érosion de la part de 15-19 ans dans la clientèle du livre, constante entre 1998 et 2002, s'est interrompue en 2003. Un partie - même petite - des lecteurs de best sellers, de tous âges, pourrait découvrir ainsi le plaisir de lire.
Ensuite, quand bien même les nouveaux lecteurs ainsi conquis se cantonneraient par la suite aux best sellers « vus à la télé », et bien ceci ne pénaliserait en aucune façon les éditeurs des autres livres, accroîtrait le marché global du livre et apporterait aux groupes éditoriaux annonceurs des revenus supplémentaires permettant de mieux financer la « R&D » (les nouveaux talents) ou la mise en valeur du fonds de catalogue.
Le potentiel du livre de la télévision et a été indirectement illustré par le succès des livres offerts en supplément par certains journaux. Le phénomène prouve aussi qu'il existe un marché inexploité pour les livres classiques, et pas seulement pour les best sellers policiers ou sentimentaux. Depuis de nombreuses années les magazines ou quotidiens italiens offrent des DVD, des disques ou des livres « sous blisters » pour faire monter leurs ventes ; ils communiquent systématiquement en télévision lorsqu'ils mettent en place une opération de ce type. La relance de la concurrence sur le marché de la presse magazine -due en grande partie à l'ouverture de la pub TV - a relancé plus généralement l'innovation marketing/merchandising : en France aussi à présent, les journaux proposent des offres couplées avec des livres. Les premières expériences de la Dépêche ou du Figaro, portant pourtant sur des classiques, ont eu un succès considérable 92 ( * ) .
Pour revenir au public jeune, les analyses du BIPE montrent que les habitudes de lecture s'acquièrent, de manière définitive , avant l'âge de 20 ans. Il est donc absolument essentiel d'amener les jeunes vers la lecture, le plus tôt possible. Les enfants et les adolescents regardent la télévision ; ils regardent et ils aiment regarder la publicité. Or avec la réglementation en place avant 2004, les jeunes se voyaient proposer via la publicité télévisée une grande diversité de produits et services culturels : DVD, disques, accès internet, télévision par satellite, mais pas de livres, ni de journaux. L'univers de l'écrit était totalement absent de la vitrine télévisuelle du monde .
Alors que dans le cas de la grande distribution alimentaire, l'ouverture aux seules chaînes thématiques est à peu près sans effet, ce n'est pas le cas pour le livre. En effet très peu de livres auraient, de toutes les façons, la surface économique potentielle nécessaire pour justifier un investissement publicitaire sur une chaîne hertzienne. Et, par ailleurs le public des chaînes cabsat est particulièrement intéressant en termes de ciblage, puisque les chaînes thématiques permettent de cibler les centres d'intérêt et les classes d'âge. Il faut savoir que dans les foyers ayant accès aux chaînes thématiques (environ 20% des foyers français), les enfants consacrent désormais 50% de leur durée d'audience globale aux chaînes thématiques enfants.
Dernier impact favorable potentiel, la publicité télévisée, quand bien même elle ne concernerait que des best sellers, pourrait aider à rentabiliser des programmes consacrés au livre et à la lecture, dans lesquels on parlerait aussi de tous les autres livres. On constate en effet une raréfaction des programmes consacrés au livre à la télévision depuis une dizaine d'année.
* 91 54% des français ont acheté au moins un livre en 2003, 46% n'ont acheté aucun livre. Résultats du Panel Livre de TNS ( http://www.tns-sofres.com/etudes/consumer/170304_livres.htm ).
* 92 La Dépêche du midi a proposé à partir de mars 2004 et pour 20 semaines, un livre en supplément de son édition du samedi. Cette promotion était soutenue par une campagne de publicité sur Télé Toulouse et dans les décrochages régionaux de France 3.