CHAPITRE I
APERÇUS
SUR LE MARCHÉ PUBLICITAIRE
Le marché publicitaire qui profite aux médias est relativement sous-développé dans notre pays, les estimations oscillant entre 7,5 et 10,3 milliards d'euros selon les conventions adoptées (le premier chiffre approchant les recettes nettes, après ristournes, le second les recettes brutes). Ce « retard » est expliqué par une série de facteurs parmi lesquels figurent l'audience relativement faible des médias (lectorat de la presse et téléspectateurs), des supports insuffisamment diversifiés ou « matures » (les chaînes du câble et du satellite notamment), et l'existence de contraintes réglementaires plus fortes qu'à l'étranger. Ces dernières sont notamment fondées sur l'objectif de préserver la pluralité des médias, qui constitue, en soi, un « bien public », mais, comme instrument d'intervention publique, on pourrait préférer à la réglementation l'extension des systèmes de « taxation-redistribution », qui seraient, semble-t-il, plus efficaces. Un phénomène essentiel doit être souligné, qui semble singulariser la France : la forte proportion de la publicité dite « hors-média », avec un chiffre d'affaires de l'ordre de 20 milliards d'euros. Ainsi, sur un marché publicitaire total de 30 milliards d'euros, seul un tiers des recettes se dirige vers les médias, les deux tiers des dépenses publicitaires ne contribuant que de façon très minime au financement des « industries culturelles ». La « publicité-média » va, quant à elle, de plus en plus vers la télévision et l'ouverture aux secteurs interdits effectuée par le décret d'octobre 2003 dont le présent rapport souhaite évaluer les impacts devrait accentuer ce phénomène. Enfin, les recettes publicitaires des chaînes se concentrent fortement vers les chaînes privées à couverture nationale, bien au-delà de la part d'audience qui est la leur. |
Le poids de la publicité dans les ressources des trois grands médias est élevé , avec 39 % du total en 2002.
RESSOURCES DES MÉDIAS EN 2002 1
(en millions d'euros)
Ménages |
Publicité |
Autres
|
Ensemble |
PDM 2 |
||
Télévision |
2 900 |
2 921 |
1 921 |
7 742 |
40 % |
|
Presse |
5 724 |
3 859 |
849 |
10 432 |
54 % |
|
Radio |
- |
713 |
568 |
1 281 |
7 % |
Ensemble |
8 624 |
7 493 |
3 338 |
19 455 |
100 % |
|
PDM |
44 % |
39 % |
17 % |
100 % |
1 Ressources nettes : les statistiques relatives aux dépenses publicitaires sont entourées de quelques imprécisions. Les dépenses brutes des annonceurs sont reconstituées sur la base des tarifs affichés par les médias ; dans les faits, ceux-ci concèdent des ristournes qui, une fois prises en compte, permettent d'approcher les dépenses nettes des annonceurs, et, par conséquent, les recettes réellement perçues par les médias.
2 Parts de marché.
Source : BIPE
Il s'agit, de plus, du principal levier du dynamisme économique du secteur .
En effet, il est possible d'espérer une croissance des revenus publicitaires de l'ordre de 4 à 5 % par an pour la télévision et la radio. Par contraste, l'augmentation des soutiens publics semble plafonner. Sauf choix politique très fort, il est peu envisageable qu'ils puissent croître à un taux annuel moyen supérieur à 2 % ou 3 %.
Il est donc utile de se pencher sur les impacts économiques de la réglementation publicitaire, en particulier de la réglementation du plus puissant des médias, la télévision.
Toute modification de la réglementation publicitaire de la télévision a des impacts en cascade , sur les autres médias intervenant sur le marché publicitaire, mais aussi sur les secteurs annonceurs . En effet, le fait de pouvoir, ou non, communiquer vers le grand public via un média aussi puissant que la télévision est un facteur structurant pour une industrie.
I. LE MARCHÉ PUBLICITAIRE FRANÇAIS
Selon l'étude annexée au présent rapport, le marché publicitaire français serait relativement sous-développé .
Ce constat semble devoir être admis, mais à la condition d'exclure des données de la comparaison celles relatives aux investissements publicitaires vers le « hors média » (essentiellement les dépenses de marketing direct et de promotion), qui seraient particulièrement importants dans notre pays par rapport aux pays voisins.
S'agissant des investissements publicitaires à destination des médias, leur dynamique globale paraît, sur longue période, en phase avec le rythme de la croissance économique générale, moyennant des évolutions conjoncturelles particulièrement heurtées.
Mais, un phénomène majeur est intervenu avec une redistribution très marquée des dépenses des annonceurs au profit de la télévision qui conjugue ses effets sur la viabilité économique des autres médias avec le sous dimensionnement du marché publicitaire global auquel ont accès les médias.
A. UN MARCHÉ PUBLICITAIRE RELATIVEMENT PEU DÉVELOPPÉ ?
Le marché publicitaire accessible aux médias est relativement étroit en France par comparaison avec les pays voisins. Cette situation provient pour beaucoup du très fort développement de la publicité « hors média » dans notre pays, mais aussi de la combinaison d'un environnement réglementaire restrictif et du niveau d'audience relativement restreint des médias.
1. Le marché publicitaire accessible aux médias connaît un retard comparatif...
Les investissements publicitaires des annonceurs vers les « grands médias » 2 ( * ) se sont élevés à 56 milliards d'euros en 2003 dans les 5 principaux marchés européens 3 ( * ) .
LES INVESTISSEMENTS PUBLICITAIRES NETS EN EUROPE (GRANDS MÉDIAS)
Pays |
Investissements Pub 2003
|
En % |
France |
10 324 |
18,4 |
Allemagne |
15 506 |
27,6 |
Royaume-Uni |
16 011 |
28,5 |
Italie |
8 765 |
15,6 |
Espagne |
5 612 |
10,0 |
Total |
56 218 |
100,0 |
Source : BIPE
En France, les investissements en communication représentent environ 10,2 milliards si l'on considère uniquement les « grands médias » . Pour mémoire, en 2001, le chiffre d'affaires du secteur des services aux entreprises, dont le secteur publicitaire est une composante a enregistré un chiffre d'affaires de 318 milliards d'euros.
Le marché publicitaire français peut donc être considéré comme ayant une de taille relativement réduite , comparé aux autres grands pays européens.
Les écarts, significatifs en valeur absolue, sont plus nets encore si l'on rapporte le marché publicitaire à l'économie nationale. L'analyse du ratio Investissements Publicitaires / PIB (ou « PUB/PIB »), donne en 2003 un taux de 0,67 %, inférieur à la moyenne européenne de 0,76 %, loin derrière le Royaume-Uni (0,94 %) ou les États-Unis (1,17 %).
L'observation sur longue période confirme qu'indépendamment de la conjoncture, le ratio PUB/PIB est structurellement plus faible en France que dans la plupart des grands pays développés.
De même, si l'on examine les investissements publicitaires 4 ( * ) rapportés au nombre d'habitants , ce qui permet d'approcher une mesure de l'intensité de la pression publicitaire sur les citoyens, l'écart se creuse entre le Royaume-Uni, d'une part (263 euros par an et par habitant), et tous les autres pays. La France se rapproche du niveau allemand (175 € contre 190 €), tandis que l'Italie et l'Espagne arrivent un peu plus loin (respectivement 152 et 137 € par an et par habitant).
INVESTISSEMENTS PUBLICITAIRES NETS PAR HABITANT EN EUROPE
Source : BIPE / Eurostat
* 2 Sauf précision, le terme « publicité grands médias » englobe Presse, Télévision, Radio, Affichage et Cinéma. Il peut également inclure la publicité sur Internet.
* 3 69 milliards d'euros en 2002 pour l'Europe des 15.
* 4 Hors dépenses publicitaires « hors média »