2. Une coordination insuffisante entre les objectifs et indicateurs ayant une finalité commune, proche ou comparable
A titre d'illustration de la coordination à améliorer entre objectifs et indicateurs de « programmes proches », votre commission des finances citera :
- les programmes « Justice administrative » et « Justice judiciaire », dont les finalités sont certes distinctes, mais comparables à certains égards, en particulier vis-à-vis des justiciables ;
- les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » de la mission interministérielle « Sécurité », qui sont appelés à concourir à une même politique ;
- les programmes relevant du document de politique transversale (DPT) « Sécurité routière » ;
- la coordination à conduire dans le cadre des politiques transversales ;
- plusieurs programmes de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » ;
- les programmes de la mission « Aide publique au développement » .
a) Les programmes « Justice administrative » et « Justice judiciaire »
L'harmonisation nécessaire entre ces programmes porte, d'une part, sur les indicateurs de délai et, d'autre part, sur la mesure de la qualité des décisions juridictionnelles.
S'agissant des indicateurs de délai, les propositions formulées sont récapitulées dans le tableau ci-après :
Mission « Justice »
Programme « Justice administrative » |
Programme « Justice judiciaire » |
|
Objectif n° 1 : Réduire les délais de jugement |
Objectif n° 1 : Rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière civile |
Objectif n° 2 : Rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière pénale |
Indicateur n° 1 : Délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock au Conseil d'Etat Indicateur n° 3 : Délai moyen de l'instance pour les affaires en cassation devant le Conseil d'Etat Indicateur n° 4 : Délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock dans les cours administratives d'appel Indicateur n° 5 : Délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock dans les tribunaux administratifs |
Indicateur n° 1 : Délai moyen de traitement des procédures, par type de juridiction (cours d'appel, tribunaux de grande instance, tribunaux d'instance, justice de proximité, conseils de prud'hommes, tribunaux de commerce) |
Indicateur n° 1
: Délai moyen
de réponse pénale (
crimes
: délai entre la
saisine de la justice et la décision en première instance, ou,
éventuellement, en appel ;
|
Source : avant-PAP « Justice », annexé au projet de loi de finances initiale pour 2005
Ce tableau fait apparaître :
- sur la forme, des intitulés différents et une hétérogénéité dans les structures (quatre indicateurs de délais de jugement pour la justice administrative et un seul indicateur, affecté de sous-indicateurs, pour la justice judiciaire). Une harmonisation formelle n'apparaît pas hors de portée ;
- plus fondamentalement pour les juridictions administratives, il est calculé un délai prévisible moyen de jugement, en procédant à un ratio entre le nombre d'affaires en stock en fin d'année et la « capacité annuelle de jugement » (affaires réglées, en données nettes des séries), alors qu'en ce qui concerne les juridictions judiciaires, il est évalué la durée effective des procédures (hors référés), depuis la saisine jusqu'à la décision dessaisissant la juridiction.
Dans les deux cas, les indicateurs de délai sont complétés par des indicateurs de stock et mériteraient d'être complétés par une mesure de la dispersion (proportion des cas dans lesquels le délai excède sensiblement la moyenne) 75 ( * ) .
Un alignement sur la formule choisie pour les juridictions judiciaires - mesure du délai effectif, plutôt que du délai prévisible - paraîtrait plus lisible, même si chaque option serait, en soit acceptable 76 ( * ) .
Pour ce qui concerne la mesure de la qualité des décisions juridictionnelles , le tableau ci-après fait, lui aussi, apparaître une opportunité de coordination :
Mission « Justice »
Programme « Justice administrative » |
Programme « Justice judiciaire » |
|
Objectif n° 2 : Maintenir la qualité des décisions juridictionnelles |
Objectif n° 1 : Rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière civile |
Objectif n° 2 : Rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière pénale |
Indicateur n° 1 : Taux d'annulation par les cours administratives d'appel des jugements des tribunaux administratifs Indicateur n° 2 : Taux d'annulation par le Conseil d'Etat des arrêts des cours administratives d'appel Indicateur n° 3 : Taux d'annulation par le Conseil d'Etat des jugements des tribunaux administratifs |
Indicateur n° 4 : Taux de requêtes en interprétation, en rectification d'erreurs matérielles et en omission de statuer (cours d'appel, tribunaux de grande instance et conseils de prud'hommes) |
Indicateur n° 2 : Taux de rejet par le Casier judiciaire national (CJN) (une décision est rejetée par le CJN lorsque la décision juridictionnelle n'entre pas dans la fourchette prévue par la loi) |
Source : avant-PAP « Justice », annexé au projet de loi de finances initiale pour 2005
Outre les défauts de coordination formelle, déjà signalés à propos des indicateurs de délai, on observe une différence essentielle entre les mesures de la performance « qualitative » des deux ordres de juridiction.
Pour la juridiction administrative, l'évaluation porte sur le taux d'annulation par la « juridiction supérieure », ce qui - indépendamment des possibles revirements de jurisprudence - pourrait comporter le risque d'incitation au « conformisme » des « juridictions inférieures ».
En ce qui concerne les juridictions judiciaires civiles, le critère du taux d'infirmation en appel n'a pas été retenu, et ce au profit de l'évaluation des seules « erreurs objectives » : la requête en interprétation (fondée sur une rédaction de mauvaise qualité), l'erreur matérielle ou l'omission de statuer.
Sous la réserve que la mesure porte sur les décisions effectivement infirmées au lieu des requêtes, compte tenu de leur caractère trop souvent dilatoire 77 ( * ) , votre commission des finances recommande un alignement de la mesure de la « performance qualitative » des juridictions administratives sur celles des juridictions judiciaires civiles.
La mesure de la « qualité » des décisions en matière pénale, construite sur la base de caractéristiques particulières (existence d'un casier judiciaire), dont l'objectivité paraît incontestable, semble pouvoir être conservée.
En tout état de cause, votre commission des finances recommande, pour la mesure de la « qualité » des décisions juridictionnelles, de s'en tenir à des critères strictement objectifs et ne nécessitant aucune appréciation de fond sur leur contenu.
* 75 Voir ci-dessus, partie II-B-2.
* 76 Cependant, on s'étonnera de ce que la Cour de cassation soit dispensée de mesures de la performance, et ce, contrairement au Conseil d'Etat.
* 77 Voir ci-dessous, partie II-C-4.