II. UN CONTRÔLE PARLEMENTAIRE RENFORCÉ REPOSANT SUR L'ANALYSE DES RÉSULTATS DE LA PERFORMANCE
Le contrôle, notamment parlementaire a vocation à s'intégrer pleinement dans la procédure budgétaire. En effet, ce contrôle s'appuiera sur les résultats de la performance annoncée et pourrait conduire à des amendements de transfert de crédits entre programmes d'une même mission. Ceci suppose des objectifs et indicateurs clairs (A), non porteurs d'effets pervers (B) et pleinement coordonnées (C).
A. RENFORCER LA LISIBILITÉ DES OBJECTIFS ET INDICATEURS DE PERFORMANCE
1. Certains intitulés sont vagues ou imprécis
Le manque de clarté de certains objectifs vont parfois jusqu'à les rendre impossibles à contrôler ou, en d'autres termes, « inauditables ».
Le Guide méthodologique de la performance précité prévoit que « l'énoncé de l'objectif est simple, précis, facile à comprendre par tous », prescription qui vaut tout aussi bien pour les indicateurs 51 ( * ) .
De ce point de vue, conformément à l'adage selon lequel « ce qui se conçoit bien s'énonce clairement », des progressions sensibles sont indispensables.
Tout d'abord, un classement numérique de l'ensemble des missions, programmes, actions, objectifs et indicateurs permettrait une compréhension simplifiée du lien entre la nomenclature budgétaire et la mesure de performance 52 ( * ) .
Plus fondamentalement, on peut regretter le caractère quelque peu « jargonnant » de certains intitulés, comme le « nombre d'académies dont le taux d'encadrement global ne s'écarte pas plus de 2 % du P/E d'équilibre » (mission « Enseignement scolaire », programme « Enseignement scolaire public du premier degré, objectif n° 4, indicateur n° 1). Une lecture attentive de la page entière consacrée à la méthodologie de l'indicateur permet de découvrir que l'abréviation P/E signifie le nombre de postes d'enseignants pour 100 élèves. Cet indicateur, par ailleurs excellent puisqu'il mesure le rééquilibrage des dotations dans une perspective d'équité, pourrait s'énoncer d'une manière « facile à comprendre par tous », dès sa première lecture, pour répondre à la préconisation du Guide méthodologique précité.
Votre commission des finances recommande aussi que les abréviations soit proscrites ou déclinées dans les intitulés des objectifs et indicateurs de performances .
Que penser du libellé de certains indicateurs, comme celui sur le taux de non-conformité en résidus de substances antibiotiques , figurant dans la mission « Sécurité sanitaire », programme « Sécurité et qualité sanitaire de l'alimentation » (action 2, objectif n° 3, indicateur n° 1) ?
Il sera difficile d'interpréter les évolutions de cet indicateur : une augmentation peut avoir une double signification . En effet, elle peut signifier un bon ciblage, tandis qu'une diminution peut résulter d'un mauvais ciblage ; de même qu'une augmentation ou une diminution peuvent être liées à de mauvaises pratiques. En outre, il convient de souligner que les plans de contrôle ne sont pas aléatoires mais ciblés : ils visent des prélèvements en provenance d'élevages susceptibles de ne pas respecter les règles concernant l'utilisation des antibiotiques . La construction de l'indicateur ne précise pas quels sont les critères retenus pour ce ciblage .
Il faut parfois beaucoup d'attention pour comprendre certains indicateurs , comme on pourra en juger à la lecture de l'exemple ci-après, tiré du même programme (action n° 4).
Un indicateur un peu mystérieux Objectif n° 1 (du point du vue du citoyen) : Disposer d'évaluations de risques dont la qualité soit attestée par : - le respect du délai de réponse prescrit par les auteurs de la saisine (A) ; - la conformité à une grille d'évaluation objective, rendant compte de la qualité de présentation et de structuration des avis (B). L'objectif est de maîtriser les conditions dans lesquelles les évaluations des risques sanitaires sont produites de façon à pouvoir élaborer et mettre en oeuvre les mesures de gestion permettant d'assurer une maîtrise optimale de ces risques. Cet objectif concerne en priorité l'exercice de la tutelle de la direction générale de l'alimentation (DGAL) sur l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). L'indicateur retenu vise à mesurer la qualité des avis au regard du respect du délai de réponse imparti, d'une part, et de la conformité de l'avis à un cahier des charges précisant la structure type à respecter, d'autre part. La conformité de l'avis à ce cahier des charges est évaluée à partir d'une grille objective de « qualité de présentation et de structuration des avis d'évaluation du risque ». Une valeur comprise entre 0 et 1 est attribuée à chaque avis rendu, en fonction du respect des différents critères objectifs définis dans la grille d'évaluation : respect des quatre étapes Codex de l'évaluation du risque (identification du danger, caractérisation du danger, évaluation de l'exposition, caractérisation du risque), évaluation quantitative du risque, transparence de l'avis (précision du mode d'expertise utilisé, citation intégrale de l'avis du comité d'experts spécialisé dans l'avis final de l'AFSSA, mention de l'existence ou de l'absence d'avis minoritaire et le cas échéant, explicitation de cet avis minoritaire), traduction de l'avis en anglais. Indicateur n° 1 : Qualité des évaluations de risque par l'AFSSA. Précisions méthodologiques. . Sources des données : AFSSA, DGAI. . Mode de calcul de l'indicateur : L'indicateur est calculé sur la base d'un ratio (B/A) avec au numérateur, la moyenne des notes relatives à la qualité des avis rendus (B) et au dénominateur, la moyenne des notes de respect des délais impartis à l'AFSSA pour rendre ces avis (A). L'indicateur doit être compris entre 0 et 1 (le numérateur est lui-même compris entre 0 et 1 car il est calculé sous forme de ratio : notre obtenue/note potentielle, le dénominateur est quant à lui supérieur à 1, 1 étant la note attribuée pour chaque délai respecté et chaque délai non respecté étant quantifié par le ratio délai de réponse effectif en jour/délai prescrit en jours). L'objectif est de tendre vers 1 ce qui traduit une augmentation de la qualité des avis rendus et un meilleur respect des délais. Source : avant-projet annuel de performance de la mission « Sécurité sanitaire », programme « Veille et sécurité sanitaire », pages 37-38 |
Enfin, certains indicateurs composites deviennent incompréhensibles et illisibles à force de sophistication, tel cet indicateur censé mesurer l'efficience de la masse salariale dans les directions régionales de l'agriculture et de la forêt (DRAF) qui, à partir de dix données de base, élabore cinq ratios pondérés par les effectifs, soit vingt statistiques pour un seul indicateur.
Un indicateur un peu complexe
MISSION 3 : AGRICULTURE, PECHE, FORET ET AFFAIRES RURALES |
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Programme n° 4 : Soutien des politiques de l'agriculture |
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Objectif n° 7 : Mettre en oeuvre les actions des directions régionales de l'agriculture et de la forêt dans des conditions optimales de coût et de qualité de service |
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Indicateur n° 1 : Efficience de la masse salariale en DRAF (hors services statistiques) |
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Objet |
Il s'agit d'un indicateur composite pondéré chargé de mesurer l'efficience des personnels des DRAF dans cinq domaines : - les missions de protection des végétaux ; - les missions liées à l'enseignement agricole ; - les missions forestières ; - les missions liées à l'économie agricole ; - la fonction support. |
Mode de calcul |
Chaque ratio élémentaire d'efficience est composé au numérateur par un indicateur d'activité et au dénominateur par la masse salariale consacrée à cette activité. Ces ratios ont pour référence 100 en 2003. L'indicateur synthétique est ensuite composé de la moyenne pondérée, par la masse salariale consacrée aux différentes activités, de ces ratios. Nature des données de base : N1 = Nombres d'élèves, d'apprentis et de stagiaires N2 = Nombre de contrôles (phytosanitaires, résidus, santé des végétaux, inspections aux frontières N3 = Effectifs dans les services départementaux d'économie agricole N4 = Nombre d'hectares de forêt privé N5 = Effectifs des DRAF D1 =Effectifs en charge de la formation et du développement en DRAF D2 =Effectifs en charge de la protection de végétaux en DRAF D3 = Effectifs en charge de l'économie agricole au niveau régional D4 = Effectif en charge de la forêt et du bois au niveau régional D5 = Effectif de la fonction support Calcul de l'indicateur : Le calcul est défini comme la somme pondérée de 5 ratios d'efficience concernant les 5 principaux domaines d'activités des DRAF. Leur calcul est le suivant : Eff1 = (N1/D1)/(N1 2004 /D1 2004 ) ;Eff2=(N2/D2)/(N2 2004 /D2 2004 )...
Enfin ces cinq ratios d'efficience sont pondérés par les effectifs consacrés à chaque domaine d'activité I =100*(D1*Eff1+D2*Eff2+D3*Eff3+D4*Eff4+D5*Eff5) / (D1+D2+D3+D4+D5) |
Délai prévisible
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Indicateur en cours de construction : les premières données, relatives à l'année 2002, seront disponibles dans le PAP annexé au PLF 2006. |
Appréciation
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Indicateur beaucoup trop compliqué et disparate, dont le mode de calcul est complexe . Sans doute aurait-il fallu construire plusieurs indicateurs par type d'activité déconcentrée concernée. En outre, cet indicateur ne permet pas de rendre compte des moyens mobilisés lors d'une crise qui pourrait se traduire par une baisse relative de la productivité des DRAF. L'ensemble des variables n'est en effet pas maîtrisé par les DRAF. |
Certains intitulés sont trop longs , comme celui de l'objectif n° 3 du programme « Soutien des politiques de l'intérieur » de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » : « améliorer le respect des délais et le niveau de qualité de service pour les prestations d'information et de communication à destination des directions métiers du ministère ».
En outre, dans le programme « Soutien aux politiques environnementales et de développement durable » de la mission « Ecologie et développement durable », l'objectif n° 1 est ainsi libellé : « produire de l'expertise et mobiliser les pouvoirs publics et la société civile, en vue de promouvoir un développement qui concilie développement économique, justice sociale et protection de la santé et de l'environnement ». Ne peut-on s'exprimer avec un peu plus de sobriété ?
Enfin, la déclinaison des stratégies en objectifs puis en indicateurs de performance implique que les libellés des objectifs traduisent la finalité des actions mesurées par les indicateurs et donc que les intitulés des objectifs et des actions soient différents , ce qui n'est pas toujours le cas 53 ( * ) .
* 51 Page 23.
* 52 Ainsi, la mission « Justice », alphabétiquement classée en quatorzième position porterait le n° 14. Le programme « Justice judiciaire » est le deuxième programme de cette mission. L'indicateur n° 3 (nombre d'affaires poursuivables traitées par magistrat et du parquet) de l'objectif n° 2 (rendre des décisions de qualité dans les délais raisonnables en matière pénale) porterait donc la cote 14223. Pour illustration, on pourra se reporter à l'annexe concernant les exemples d'indicateurs selon les principales catégories.
* 53 En particulier, les libellés des objectifs n° S 1 et 2 (« Limiter l'exposition des personnes, des biens et de l'environnement aux risques et aux nuisances anthropiques » et « Réduire la vulnérabilité des personnes, des biens et de l'environnement aux risques naturels majeurs ») du programme « Prévention des risques et lutte contre les pollutions » de la mission « Ecologie et développement durable » sont des tautologies des actions du programme.