C. LA SAISINE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE DE LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Dans un communiqué de presse du 13 janvier 2004, la Commission européenne a annoncé son intention de saisir la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) au sujet des conclusions du Conseil ECOFIN du 25 novembre 2003.
Cette saisine ne doit pas dissimuler qu'il y a accord sur le fond , tant en ce qui concerne la nécessité de retrouver en 2005 un déficit public en dessous de la limite de 3 % du PIB, qu'en ce qui concerne les grandes lignes d'une réforme du pacte de stabilité .
Bien qu'il n'y ait pas eu de vote sur la décision de la Commission, six commissaires ont exprimé des réserves : MM. Michel Barnier et Pascal Lamy, français ; M. Guenter Verheugen, allemand ; MM. Neil Kinnock et Chris Patten, britanniques ; M. Antonio Vitorino, portugais 78 ( * ) .
Il semble que seuls les Pays-Bas et l'Espagne aient soutenu la démarche de la Commission 79 ( * ) .
1. Une action qui porte uniquement sur la procédure
Cette action, qui « se focalisera sur les éléments de procédure uniquement et ne portera pas sur les aspects des conclusions du Conseil liés à la surveillance économique propre à chaque pays » 80 ( * ) , concerne les deux points indiqués ci-après :
- la décision d'adopter des « conclusions » au lieu de « recommandations » ;
- la décision de suspendre la procédure pour déficit excessif dans des conditions non prévues par le traité.
En effet, selon le commissaire Pedro Solbes, « les Etats membres ont délibérément opté pour une position intergouvernementale. Ceci modifie la nature de la surveillance budgétaire et il est par conséquent utile de disposer d'un arrêt de la Cour afin de préciser les modalités de la surveillance pour l'avenir ».
La Cour de justice doit statuer selon la procédure accélérée . La Commission et le Conseil des ministres lui ont présenté leurs arguments le 28 avril 2004. La Cour a indiqué que l'application de cette procédure devait permettre une décision le 13 juillet 2004.
2. L'absence de véritable désaccord de fond
Ainsi, la Commission européenne ne remet pas en cause le contenu des conclusions du Conseil , qui reprennent, de manière quasiment identique, ses propres recommandations.
Comme l'a indiqué M. Francis Mer, alors ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le 11 décembre 2003 81 ( * ) , les divergences de fond de la France et de l'Allemagne avec la Commission ne portent que sur un point mineur : la répartition de l'effort budgétaire entre 2004 et 2005 pour mettre fin à la situation de déficit excessif en 2005.
« Il y a crise véritable quand il y a désaccord, sur le fond. (...) Sommes-nous sur le point de renoncer à la discipline budgétaire et à la coordination économique ? Non, bien au contraire. Et c'est là le paradoxe de cette « crise » annoncée. (...) Tous les pays qui ne sont pas encore à l'équilibre doivent réduire leur déficit structurel régulièrement, d'au moins 0,5 point de PIB par an. La France et l'Allemagne font-elles exception, s'opposent-elles à cette orientation ? Nullement. Nos deux pays ont construit leurs projets de loi de finances pour 2004 en respectant cette orientation et tous les deux visent un retour sous les 3 % en 2005 et une diminution ultérieure. (...) Afin de ne pas obérer toute chance de reprise, la Commission repoussait l'objectif à 2005. Les deux pays en étant d'accord, avec d'ailleurs le soutien d'une grande majorité d'Etats membres, il ne restait qu'à préciser le « cheminement » vers cet objectif 2005.
C'est là qu'il y a eu désaccord. Pour résumer, la France et l'Allemagne voulaient faire porter l'effort de réduction de manière à peu près égale sur les deux années, 2004 et 2005. Pourquoi ? Afin d'accompagner et d'amplifier la reprise qui se dessine, ce qui n'aurait pas été possible si, comme le souhaitait la Commission, l'essentiel de l'effort avait été fait dès 2004. Tout était donc question d'appréciation et de dosage de l'effort. Finalement les divergences ont porté sur des montants sans doute inférieurs à la marge d'incertitude sur la mesure des déficits ! ».
* 78 Agence France Presse, 14 janvier 2004 ; Agence Europe, 15 janvier 2004.
* 79 Agence Europe, 20 janvier 2004.
* 80 La Commission précise que « cette contestation des conclusions du Conseil ne vise à remettre en cause ni l'analyse économique, ni les mesures de correction recommandées par le Conseil aux deux Etats membres concernés ».
* 81 Les Echos, 11 décembre 2003.