C. UN COÛT BUDGÉTAIRE ENCORE MODÉRÉ POUR LES QUINZE ET LA FRANCE EN PARTICULIER
Ce cadrage financier met en évidence un coût budgétaire relativement maîtrisé , dans la mesure où les politiques communautaires ne sont pas d'emblée intégralement appliquées aux nouveaux adhérents, mais selon une montée en charge progressive dans les domaines communautaires les plus coûteux que sont la politique agricole commune et la politique régionale :
- les aides directes de la PAC connaissent une augmentation lissée jusqu'en 2013 46 ( * ) : les nouveaux adhérents bénéficient en 2004 du quart de la moyenne des versements dans les autres Etats-membres, puis de 30 % en 2005, de 35 % en 2006, de 40 % en 2007, et de 10 points de plus par an de 2008 à 2013. Cette progressivité est en particulier justifiée par le fait que le nombre d'agriculteurs en Europe a doublé depuis le 1 er mai ;
- tous les nouveaux Etats-membres sont éligibles au fonds de cohésion 47 ( * ) , et la plus grande partie de leurs territoires remplissent les critères d'éligibilité au principal objectif des fonds structurels (objectif 1 48 ( * ) ), mais ne sont quasiment pas éligibles à l'objectif 3 49 ( * ) . Les actions structurelles représentent dès lors l'impact budgétaire majeur de l'élargissement , soit plus de la moitié des crédits d'engagement programmés dans le « paquet de Copenhague » (21,7 milliards d'euros), transitant pour plus du tiers par le fonds de cohésion 50 ( * ) , et pour le solde par les fonds structurels. L'effet d'appel sur les fonds structurels jouera toutefois à plein après 2007, au fur et à mesure que se construira la courbe d'apprentissage des régions dans la constitution des projets éligibles aux financements européens, même s'il convient de garder à l'esprit que les versements demeurent plafonnés à 4 % du PIB de l'Etat récipiendaire afin de tenir compte de ses capacités d'absorption.
Le coût budgétaire réel de l'élargissement est en réalité inférieur aux projections de Copenhague , puisqu'il doit reposer sur les paiements effectifs (crédits de paiement, soit 33,4 milliards d'euros en prix courants) - qui doivent être analysés à l'aune de la sous-consommation patente des politiques communautaires au cours des dernières années (accumulation de restes à liquider et application de la règle du « dégagement d'office ») - minorés des contributions des nouveaux Etats-membres au budget. Ces dernières sont évaluées à 16 milliards d'euros en 2004-2006, sur la base d'un PNB représentant un peu moins de 5 % du PNB communautaire, ce qui conduit à un coût net d'environ 17,4 milliards d'euros, soit approximativement 15 euros par habitant et par an pour les Quinze 51 ( * ) .
La France assurera le financement d'environ 20 % des dépenses d'élargissement, soit un montant de 4,06 milliards d'euros, qui inclut l'application au coût net de l'élargissement de la quote-part de 17 % du financement du budget assurée par la France (17 % x 17,4 milliards d'euros), et un surcoût lié à l'application de la correction britannique à l'ensemble des dépenses d'élargissement (3,3 % x 33,4 milliards d'euros) 52 ( * ) .
On peut donc estimer que l'élargissement crée de 2004 à 2006 un surcoût budgétaire annuel moyen d'environ 1,35 milliard d'euros pour notre pays, soit 22,5 euros par habitant, que l'on peut considérer comme très modéré au regard de l'enjeu.
Cette approche par le coût budgétaire doit être distinguée du coût économique global de l'élargissement, qui est pratiquement impossible à évaluer mais n'est pas sans susciter des inquiétudes , compte tenu de l'inégal niveau de préparation des nouveaux Etats-membres. Notre collègue Denis Badré, rapporteur spécial des affaires européennes pour la commission des finances, relevait ainsi dans son rapport sur le PLF 2004 53 ( * ) :
« Le coût de l'élargissement recouvre en effet des « coûts cachés » liés à la plus ou moins bonne intégration de l'acquis communautaire par les nouveaux adhérents. La Commission a ainsi relevé en mai et en octobre dernier les nombreuses lacunes des préparatifs d'adhésion dans les domaines de l'agriculture (qui fait l'objet de nouvelles difficultés, telles que la création d'une agence de paiement, la mise à niveau des entreprises agro-alimentaires ou l'application du Système intégré de gestion et de contrôle), de l'environnement et du marché intérieur. L'absence de plafonnement des dépenses de développement rural comme la probable augmentation, à partir de 2007, de l'éligibilité des projets des futurs Etats-membres aux fonds de l'actuel objectif 1, constitueront autant de pressions à la hausse pour le budget communautaire ».
* 46 Les nouveaux adhérents ont également la possibilité de compléter ces aides à partir des crédits communautaires destinés au développement rural et des crédits nationaux.
* 47 Instrument de redistribution à vocation nationale, le fonds de cohésion a été instauré en 1993 au profit des Etats dont le PIB moyen par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire.
* 48 L'objectif 1, destiné à « promouvoir le développement et l'ajustement structurel des régions en retard de développement », concerne les régions dont le PIB moyen par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire.
* 49 Cet objectif vise à « soutenir l'adaptation et la modernisation des politiques et systèmes d'éducation, de formation et d'emploi ».
* 50 La proportion des actions structurelles passant par le fonds de cohésion est nettement plus élevée que pour l'Espagne, la Grèce et le Portugal. La Commission comme les Etats concernés ont en effet jugé que l'échelon national était dans un premier temps prioritaire pour mettre en place les mécanismes institutionnels et procédures nécessaires à la bonne gestion des fonds structurels.
* 51 Une autre estimation réalisée par le professeur Christian de Perthuis, fondée sur les crédits d'engagement, conduit à un coût net de 19 euros par habitant pour les Quinze.
* 52 Le mécanisme de correction britannique s'applique en effet aux dépenses dont bénéficient les nouveaux Etats-membres, imputées sur les rubriques 1, 2, 3 et 5 du budget. Le Royaume-Uni se voit rétrocéder les deux tiers de sa contribution, soit environ 12,2 % du coût global de l'élargissement et 4,1 milliards d'euros cumulés sur la période. La France contribue à hauteur de 27 % (30,3 % avant l'élargissement) à ce mécanisme, ce qui représente 3,3 % du coût global de l'élargissement.
* 53 Loi de finances pour 2004 - Rapport spécial n° 73 (2003-2004), tome II fascicule 2.