III. DANS QUEL CHAMP D'ANALYSE INSCRIRE LA RÉFLEXION ?

Les derniers principes que la commission s'est attachée à formaliser concernent le cadre de l'action . Les mesures de soutien à la croissance, au développement d'une industrie compétitive, à l'insertion efficace de la France dans la division internationale du travail, qui peuvent conduire à empêcher ou ralentir certaines délocalisations, doivent-elles se limiter au territoire français ou s'inscrire dans le cadre de l'Union européenne ? Par ailleurs, peut-on, comme certains y appellent, céder aux sirènes du protectionnisme, ne serait-ce que temporairement, ou bien faut-il accepter sans réticences le grand jeu de la globalisation ?

La mondialisation de l'économie affaiblissant naturellement la capacité « souverainiste » des Etats-nations , les deux questions sont en réalité liées. Pour votre commission, tout repli national doit être proscrit car il serait, au mieux, inefficace , et au pire contre-productif . A l'inverse, l' insertion dans le cadre européen est de nature à élargir les perspectives de croissance de l'économie française, pour peu que la dynamique communautaire soit correctement encadrée tant au plan intérieur qu'à l'égard du reste du monde.

A. REJETER LE REPLI NATIONAL

Trois considérations conjuguées militent pour le refus de la tentation protectionniste nationale et, au contraire, pour le soutien à l'intégration croissante de la France dans l'Union européenne.

La première s'appuie sur le constat que, conformément aux intuitions des économistes classiques, l' échange est facteur d'enrichissement . Les exemples historiques de la véracité pratique de cet enseignement théorique sont nombreux et il est inutile de s'y arrêter longuement : qu'on observe simplement, s'agissant des pays industrialisées, la croissance de l'économie des Etats ayant choisis l'intégration européenne à l'issue de la période de reconstruction d'après-guerre ou, en ce qui concerne les pays émergents, la fulgurance du décollage économique de l'Inde dans les années ayant suivi la libéralisation de ses échanges en 1991. A l'inverse, il n'existe aucun témoignage probant de l'efficacité d'une économie repliée sur elle-même : l'état du monde entre les deux guerres mondiales démontre même que la réduction des flux d'échanges internationaux est préjudiciable à tous les acteurs.

La deuxième considération est plus prosaïque : l'insertion d'une économie dans l'ordre mondial est un mouvement qui, lorsqu'il a été engagé, ne peut être interrompu sans profondes difficultés . L'éventuel retour en arrière est toujours, l'Histoire l'a montré, la conséquence de faits tragiques et violents ne devant rien à une volonté collective démocratiquement partagée. S'agissant de la France, ouverte depuis longtemps aux relations internationales, initiatrice du projet européen et active animatrice de son enrichissement, liée à tous les Etats du monde par une succession de traités et d'engagements, on ne voit pas comment elle pourrait, quand bien même ce serait économiquement souhaitable au plan théorique, ériger du jour au lendemain des barrières à ses frontières et se replier sur son pré carré.

Dernière considération enfin, propre aux délocalisations : le processus d'intégration européenne présente l'avantage de rapprocher la France et l'Europe de la situation des grands ensembles territoriaux que sont les USA et la Chine, ou encore la Russie et le Brésil, en relativisant la notion de « nationalité » . Aux Etats-Unis, personne ne conteste les transferts d'entreprises d'un Etat vers un autre puisque qu'elles s'inscrivent dans un même ensemble économique, au contraire des délocalisations vers la Chine ou l'Inde. Il n'est pas douteux, pour votre commission, que d'ici peu de temps , l'appréciation par l'opinion française des mouvements de localisation des activités économiques à l'intérieur de l'Union européenne ne sera pas différente de celle qu'elle a aujourd'hui à l'égard de tels mouvements entre les diverses régions du pays . Nulle indifférence , certes, tant les problématiques d'aménagement du territoire sont, le Sénat est bien placé pour en témoigner, au coeur des préoccupations des élus. Mais pas non plus de sentiment d'irréparable perte nationale , les citoyens étant assurés que les nécessités d'un destin commun leur garantissent le soutien et la solidarité de la collectivité toute entière.

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