b) L'interprétation jurisprudentielle : des conditions d'application strictes
(1) De strictes conditions d'application de l'article XX du GATT
L'Organe
de règlement des différends (ORD) de l'OMC a eu de multiples
occasions d'interpréter l'article XX du GATT ; un quart des
rapports de l'Organe d'appel ont en effet trait à des questions
environnementales.
Pour être admise au titre de l'article XX b), une mesure doit satisfaire
à plusieurs critères :
- elle doit tout d'abord répondre au
« test de
nécessité »
: la partie défenderesse
doit démontrer que la mesure prise était
« nécessaire » pour atteindre l'objectif
fixé, et qu'il n'était pas possible de prendre une mesure moins
pénalisante pour la liberté du commerce ;
- interprétant le préambule de l'article XX, l'ORD a
précisé que les mesures adoptées ne devaient pas, en
outre, instituer de
discriminations « arbitraires » ou
« injustifiables » entre les pays
, ni constituer une
« restriction déguisée au commerce
international »
; diverses décisions ont permis de
préciser quelles actions étaient interdites aux Etats ou quelles
règles de comportement ils devaient suivre :
Un Etat ne peut exiger d'un autre Etat qu'il adopte des techniques ou des
mesures environnementales déterminées : la
légitimité de techniques ou de mesures différentes ayant
le même effet final doit être reconnue.
L'Etat qui applique une mesure à d'autres pays doit tenir compte des
différences qui existent entre sa propre situation et celle des autres
pays.
Avant d'adopter des mesures commerciales, un Etat doit essayer de
négocier avec le ou les pays exportateurs.
L'Etat qui adopte des mesures commerciales doit laisser aux pays
touchés le temps de s'y adapter.
Les Etats ou les producteurs étrangers visés par les mesures
doivent disposer de voies de recours justes et équitables, de
procédures transparentes et de toutes les garanties d'une
procédure régulière.
Ces précisions visent à protéger les règles
commerciales multilatérales. Elles font de l'exception de l'article XX
une exception très qualifiée. Pour
M. Dominique Carreau, professeur de droit international
économique à l'Université Paris I, «
ces
conditions rigoureuses expliquent que, dans presque tous les conflits, l'OMC
ait fait prévaloir la liberté du commerce
».
Toutefois, il faut noter que les panels font une
interprétation
souple
de la notion de «
mesures destinées à
protéger la santé et la vie des personnes et des animaux, ou
à préserver les végétaux
». Il suffit
pour les Etats membres de démontrer que la politique dans laquelle
s'inscrivent les mesures entre dans la catégorie des politiques
destinées à protéger la santé et la vie des
personnes et des animaux ou à préserver les
végétaux. Il n'est pas nécessaire de démontrer un
lien plus précis entre telle mesure et ses effets, par exemple, sur la
santé humaine ou animale. Ainsi, dans le contentieux
Etats-Unis : Normes
concernant l'essence nouvelle et ancienne
formule
, le Groupe spécial a estimé qu'une mesure
destinée à réduire la pollution de l'air résultant
de la consommation d'essence était admissible au titre de l'article XX
b).
En 1998, l'Organe d'appel a également fait une interprétation
constructive de la notion de « ressources naturelles
épuisables », visée à l'alinéa g de
l'article XX, en estimant que les tortues marines entraient dans cette
catégorie. La notion de ressource épuisable renvoie donc à
un patrimoine minéral
ou biologique
. L'intérêt de
faire référence à l'alinéa g plutôt
qu'à l'alinéa b réside dans le fait que l'alinéa g
n'impose pas de « test de nécessité », mais
exige seulement que la mesure contestée vise principalement à la
conservation d'une ressource naturelle épuisable.