2. Les accords multilatéraux environnementaux (AME)
Les AME
(définis ici comme des accords rassemblant plus de deux pays) se sont
multipliés ces vingt dernières années, de sorte qu'on en
compte aujourd'hui plus de 200.
Les AME se sont développés sans coordination, et sans
hiérarchisation, et s'appliquent à des espaces différents.
La plupart d'entre eux ne prévoient
pas de mécanisme de
sanction en cas d'inexécution
, ni ne comportent de véritable
système de surveillance. Une procédure d'arbitrage est parfois
prévue en cas de litiges ; mais le recours à une
procédure d'arbitrage requiert classiquement l'accord des deux parties
en conflit (y compris la partie fautive), et peut donc aisément
être évité. Ces caractéristiques des AME expliquent
que l'application par les Etats de leurs engagements internationaux ne soit pas
toujours irréprochable.
Devant l'impossibilité de présenter la totalité des AME en
vigueur, seuls les AME les plus significatifs seront ici brièvement
exposés. Ces AME comptent un grand nombre d'Etats parties, et abordent
les enjeux environnementaux les plus importants.
LES PRINCIPAUX AME
Convention sur le commerce international des espèces de faune et de
flore sauvages menacées d'extinction (CITES).
- Premier en date
des principaux AME, la CITES a été élaborée en 1973
et est entrée en vigueur deux ans plus tard. Elle est conçue pour
réguler le commerce des espèces menacées d'extinction,
ainsi que des produits provenant de ces espèces. Elle comporte trois
annexes qui énumèrent les espèces dont la
Conférence des Parties a établi (d'après des avis
scientifiques) qu'elles étaient menacées d'extinction à
divers degrés. Elle institue des mécanismes de contrôle des
échanges qui vont de la prohibition complète à un
système de licences d'exportation. La CITES se caractérise par la
participation très active que prennent les organisations non
gouvernementales -- notamment scientifiques et militantes -- à ses
délibérations. (Elle compte 146 Parties.)
La Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer.
-
Dite
Convention de Montego Bay, elle a été signée en 1982 et
est entrée en vigueur en 1994. Certains de ses articles traitent de la
protection du milieu marin. Ainsi l'article 193 spécifie que
« les Etats ont le droit souverain d'exploiter leurs ressources
naturelles selon leur politique en matière d'environnement et
conformément à leur obligation de protéger le milieu
marin ». Et l'article 207 § 1 prévoit que
« les Etats adoptent des lois et règlements pour
prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu
marin » ; cette obligation doit conduire les Etats à
développer leur administration interne en matière d'environnement
(la Convention compte 145 parties).
Convention de Vienne pour la protection de la couche d'ozone et
Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent
la couche d'ozone.
-- Le Protocole de Montréal réglemente
plusieurs substances chimiques industrielles qui ont pour effet de
dégrader la couche d'ozone stratosphérique. Il interdit la
production et l'utilisation de plusieurs d'entre elles et applique aux autres
une stricte réglementation. Il prévoit la création d'un
fonds destiné à aider les pays en développement à
se libérer progressivement de leur dépendance à
l'égard des substances réglementées. Il réglemente
le commerce des substances qui favorisent la destruction de la couche d'ozone
et des produits contenant des substances réglementées. (La
Convention de Vienne compte 173 Parties, et le Protocole de Montréal
172.)
Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements
transfrontières de déchets dangereux et de leur
élimination
-- Signée en 1989, la Convention de
Bâle trouve son origine dans la crainte des pays en développement,
notamment ceux d'Afrique, de devenir des lieux de stockage pour les
déchets dangereux qui ne seraient plus éliminés dans les
pays développés. Les organisations non gouvernementales ont
joué un rôle important dans l'élaboration de ce
traité. La Convention de Bâle définit la liste des
déchets dangereux. Elle proscrit l'exportation ou l'importation de
déchets dangereux vers ou en provenance d'un Etat non partie à la
convention. L'exportation de déchets dangereux doit être
autorisée par écrit par l'Etat importateur. La convention
prévoit les cas de réimportation des déchets dangereux,
notamment en cas de trafic illicite (Cette Convention compte 131 Parties et
trois signataires qui ne l'ont pas encore ratifiée.)
Convention de Nairobi sur la diversité biologique (1993).
-- Ouverte à la signature à la Conférence de Rio,
cette Convention a pour objectifs de protéger la diversité
biologique, d'encourager l'utilisation écologiquement viable de ses
éléments et de favoriser la répartition juste et
équitable des avantages découlant de l'utilisation des ressources
génétiques. La Convention sur la diversité biologique n'a
pas été facile à rendre opérationnelle. La
« diversité biologique » est elle-même un
concept élaboré par la recherche scientifique au cours des vingt
dernières années pour nous aider à mieux comprendre le
milieu naturel. La protection d'un tel concept, par opposition à quelque
chose de tangible comme une espèce ou un habitat
déterminé, ne va pas de soi. (La CDB compte 135 Parties et 12
signataires qui ne l'ont pas encore ratifiée.)
Convention-cadre sur les changements climatiques (1992) et Protocole de
Kyoto (1997).
-- Adoptée à la Conférence de Rio en
1992, la Convention-cadre des Nations-Unies sur le changement climatique
(CCNUCC) porte sur la plus complexe des questions environnementales et celle
qui présente les plus fortes incidences économiques. La
principale stratégie utilisée par la CCNUCC consiste à
diriger les investissements futurs vers des activités produisant moins
de gaz à effet de serre. Instrument de mise en oeuvre de la CCNUC, le
Protocole de Kyoto a été adopté en décembre 1997.
Il définit deux catégories de pays -- ceux qui s'engagent
à limiter leurs émissions de gaz à effet de serre et les
autres -- et créée plusieurs mécanismes à cette
fin. (La CCNUCC compte 180 Parties ; le Protocole n'est pas encore
entré en vigueur.)
Convention de Paris sur la lutte contre la désertification
(1994).
- Entrée en vigueur en 1996, cette convention
prévoit que les parties élaborent des Programmes d'action
nationaux contre la désertification, harmonisés au niveau
régional par des conventions bilatérales ou
multilatérales. La convention insiste sur la nécessité
d'associer à ces programmes les communautés locales et les ONG.
Elle appelle à la mobilisation de ressources nationales ou
internationales, publiques ou privées, pour financer la lutte contre la
désertification (la Convention compte 178 parties).
Convention sur la procédure de consentement préalable en
connaissance de cause applicable dans les cas de certains produits chimiques et
pesticides dangereux qui font l'objet du commerce international (Convention de
Rotterdam).
-- De nombreux produits interdits, ou strictement
réglementés, sur le marché intérieur sont
échangés sur le marché international. On a débattu
pendant des années des procédures les mieux à même
de renseigner sans délai les autorités compétentes du pays
importateur sur la nature de ces produits. C'est ainsi qu'un groupe de travail
du GATT a consacré plusieurs années à négocier de
telles procédures sans parvenir à un résultat consensuel.
Le PNUE (compétent en matière de gestion des substances
potentiellement toxiques) et l'Organisation des Nations Unies pour
l'alimentation et l'agriculture (qui surveille l'utilisation des pesticides)
avaient tout intérêt à élaborer un système
uniforme de notification, garantissant que les renseignements seraient
communiqués rapidement aux autorités compétentes. Il
fallait en outre créer un dispositif qui permettrait aux pays en
développement qui le jugent nécessaire de mettre fin à
l'importation de substances déterminées. Cet objectif a
été atteint grâce à la Convention de Rotterdam (qui
compte 55 parties).
Protocole de Carthagène sur la prévention des risques
biotechnologiques.
-- Ce Protocole à la Convention sur la
diversité biologique s'applique au commerce de la plupart des
catégories d'organismes vivants modifiés et aux risques qu'il
peut présenter pour la biodiversité. Il institue une
procédure de consentement préalable en connaissance de cause pour
les organismes vivants modifiés (OVM) destinés à
être libérés dans l'environnement (tels que les
micro-organismes et les semences). Pour ce qui est des OVM destinés
à l'alimentation humaine ou animale ou à être
transformés, il se contente d'instaurer un dispositif moins contraignant
de traçabilité. Il met aussi en place une procédure
permettant aux États de réglementer les importations d'organismes
vivants modifiés, en spécifiant par exemple les protocoles
d'évaluation des risques à respecter. Dans la mesure où il
autorise de prendre cette décision même en l'absence de risques
connus, le Protocole de Carthagène applique le principe de
précaution plus clairement peut-être que tout autre accord
international à ce jour. Ouvert à la signature en mai 2000, il
entrera en vigueur quand il aura été ratifié par 50 pays
Convention de Stockholm sur les polluants organiques
persistants.
- Ouverte à la signature depuis 2001, mais non
encore en vigueur, cette convention vise à réglementer les
polluants organiques persistants, c'est-à-dire des produits qui
persistent dans l'environnement et peuvent s'accumuler dans les organismes
vivants. La Convention prévoit l'élimination des produits les
plus dangereux, et restreint l'usage des substances jugées moins
nocives.
La portée réelle de ces conventions est variable. La Convention
de Montréal a été un véritable succès
puisqu'elle a permis de réduire considérablement les
émissions de gaz dégradant la couche d'ozone. Par contraste, on
ne peut s'empêcher de relever le caractère largement incantatoire
de certaines dispositions contenues dans la convention de lutte contre la
désertification, par exemple, ou dans la convention de Montego Bay. Il
est vrai que la faiblesse des contraintes imposées aux Etats est souvent
le gage d'une large adhésion au traité. A l'inverse, les
traités qui contiennent des objectifs précis suscitent plus de
réticences de la part des Etats au moment de la ratification, ce qui
explique que le Protocole de Kyoto, entre autres, ne soit pas encore
entré en vigueur.