3. Des facteurs techniques ou de réputation peuvent dissuader les entreprises ou les Etats d'exploiter les écarts de normes environnementales
Les
firmes multinationales ont souvent tendance à uniformiser leurs
procédés de production à l'échelle mondiale et
à exporter ainsi dans les pays en développement des technologies
modernes plus respectueuses de l'environnement.
Il est souvent rationnel pour une entreprise d'employer les mêmes
procédés au Sud et dans son pays d'origine : la production
sera de qualité identique ; l'entreprise n'aura pas à
supporter de coûts de développement supplémentaires ;
l'entreprise disposera d'un avantage technologique lui permettant de s'imposer
face aux producteurs locaux ; enfin, elle se mettra à l'abri
d'éventuelles critiques de la part des consommateurs et des ONG.
De ce fait, l'investissement étranger apporte souvent aux pays du Sud
des technologies plus modernes et respectueuses de l'environnement que celles
dont ils disposaient initialement. Des études ont mis en évidence
ce phénomène en Chine
40
(
*
)
, ou dans différents pays du Sud dans le
secteur de l'extraction minière
41
(
*
)
. Cet effet technologique est positif pour
l'environnement local, surtout s'il s'accompagne de transferts durables de
savoir-faire.
Au niveau étatique, l'ouverture internationale peut également
avoir pour effet d'inciter les gouvernements à relever leurs normes
environnementales pour avoir accès aux marchés des pays
développés. Vogel
42
(
*
)
fait ainsi remarquer que le Japon s'est aligné
sur les standards environnementaux développés aux Etats-Unis pour
l'industrie automobile dans les années 1970 pour préserver son
accès à ce marché. Et Lee
43
(
*
)
souligne que la Corée a relevé ses
normes d'émissions polluantes automobiles pour les placer au même
niveau que celles en vigueur au Japon, aux Etats-Unis ou dans l'Union
européenne. L'intégration économique peut donc conduire
parfois, non au « moins-disant réglementaire », mais
à l'exportation des normes les plus élevées.
Par ailleurs, les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux conditions
de fabrication des produits qu'ils achètent, que ce soit sur le plan
social ou environnemental. Ils exercent ainsi une « pression
informelle » sur les entreprises, qui peut dissuader celles-ci de
tirer parti des différences de normes environnementales. Les
médias et les ONG jouent bien sûr un rôle essentiel pour
faire parvenir l'information aux citoyens.
L'OCDE
44
(
*
)
cite l'exemple
de la campagne d'opinion menée avec succès par le collectif
Rainforest Action Network
contre la société
américaine
Home Depot
, spécialisée dans la vente de
meubles et de matériaux de construction. Après deux années
de campagne, la société a pris, en 1999, l'engagement de ne plus
vendre de produits fabriqués à partir de bois issu des
forêts primaires.
Un nombre croissant d'entreprises adoptent également, de manière
volontaire, les normes de gestion environnementale (ISO 14000) publiées
par l'Organisation internationale de normalisation. Ces normes donnent aux
entreprises un cadre commun pour apprécier et gérer l'impact
environnemental de leurs produits et procédés. L'adhésion
à ces normes est devenue bien souvent un véritable argument
commercial pour les entreprises.
*
* *
L'analyse qui précède a montré que les Etats
conservaient des marges de manoeuvre en matière de politique
environnementale. La mobilité des entreprises s'est certes accrue sous
l'effet de la mondialisation, mais les écarts de normes
environnementales ne semblent pas jouer un rôle décisif dans les
choix de localisation des sites de production. Ce constat n'implique cependant
pas qu'il en aille forcément toujours de même :
au-delà d'un certain seuil, les surcoût occasionnés par les
normes environnementales pourraient devenir suffisants pour motiver des
délocalisations massives.
Malheureusement, comme on l'a vu, les données chiffrées relatives
au coût des normes environnementales sont peu nombreuses et anciennes.
Dans ces conditions, il est bien difficile d'évaluer l'impact qu'aurait
le renforcement de telle ou telle norme en France ou en Europe.
Une
amélioration de notre appareil statistique sur ce point apparaît
donc hautement souhaitable.
La solution optimale résiderait toutefois dans un effort d'harmonisation
internationale des normes environnementales. Des standards minimaux pourraient,
dans un premier temps, être définis.
Avant d'envisager les conséquences de ces réflexions en termes de
gouvernance internationale, il importe de s'interroger sur la question du lien
entre commerce international, croissance et environnement.
* 40 Z.C. Guoming, Z. Yangui, G. Shungi et J.X. Zhan, « Cross border environmental management and transnational corporations : the case of China », 1999, CNUCED / Copenhagen Business School.
* 41 A. Warhust et G. Bridge, « Economic liberalisation, innovation and technology transfer opportunities for cleaner production in the minerals industry », 1997, Natural Resources Forum, 21.
* 42 D. Vogel, « Environmental regulation and economic integration », Journal of international economic Law », 3 : 2, 2000.
* 43 D. Lee, « The effects of environmental regulations on trade : cases of Korea's new environmental laws », Georgetown International Law Review, n° 5, 1993.
* 44 OCDE, « Environmental benefits of foreign direct investment : a literature review », 2002, p. 21, OCDE, Paris, France.