2. La volatilité des taux de change freine la croissance du commerce international
Depuis la fin du système de changes fixes de Bretton Woods, en 1971, le système monétaire international se caractérise par la flexibilité des taux de changes. Au-delà de la flexibilité, on peut même parler de volatilité des taux de change . Les parités entre devises connaissent régulièrement d'amples variations, sans liens avec les modifications des données économiques fondamentales sous-jacentes. Le tableau suivant illustre ce point, en montrant les variations du change des principales devises par rapport au dollar américain dans la seconde moitié des années 1980 et dans les années 1990.
Taux de change nominaux en moyenne annuelle |
||||||
Valeur
|
1985 |
1987 |
1990 |
1995 |
1997 |
1999 |
Yen |
238 |
144 |
144 |
94 |
125 |
119 |
Deutschemark |
2,94 |
1,79 |
1,61 |
1,43 |
1,70 |
1,81 |
Livre sterling |
0,78 |
0,61 |
0,56 |
0,63 |
0,60 |
0,61 |
Francs français |
9,00 |
6,00 |
5,44 |
5,00 |
5,8 |
6,1 |
Source :
Economie politique contemporaine
, E. Barel
et alii
, 1999.
La
volatilité des taux de change
est
un frein au
développement du commerce
, dans la mesure où elle rend
très aléatoire les calculs économiques des entreprises
importatrices ou exportatrices. Une opération rentable dans des
conditions de change données ne le sera plus une ou deux années
plus tard, parce que les parités entre devises auront changé.
Au XIX
e
siècle, la stabilité des parités entre
devises était assurée dans le cadre du Gold Exchange Standard.
Cet environnement de stabilité monétaire a beaucoup
contribué à la croissance des échanges à
l'époque.
Il existe des techniques de couverture du risque de change qui permettent aux
firmes effectuant des opérations à l'étranger de s'assurer
contre une éventuelle variation du change. Mais ces techniques
assurancielles ont évidemment un coût pour les entreprises qui y
ont recours, et sont donc susceptibles, au même titre que les variations
de change elles-mêmes, de décourager des transactions
internationales.
3. Une mondialisation géographiquement différenciée
La mondialisation fonctionne aujourd'hui de manière profondément inégalitaire . L'intégration économique concerne les pays de la « Triade » (Amérique du Nord, Union européenne, Japon), et une quinzaine de pays émergents, mais des régions économiques entières, notamment en Afrique, sont marginalisées. Un autre fait marquant dans le monde contemporain est la formation de sous-ensembles économiques régionaux, dont l'exemple le plus abouti est, à ce jour, l'Union européenne. L'intégration dans un espace économique régional peut être, pour certains pays en développement, une étape vers une participation pleine et entière à la mondialisation.
a) Une participation inégale à la mondialisation
Les
indicateurs de participation au commerce international ou d'accueil des IDE
montrent que la mondialisation ne concerne en réalité qu'un
nombre limité de pays. Pour reprendre une expression de Pierre de
Senarclens, paradoxalement, «
l'espace de la mondialisation est
restreint
»
15
(
*
)
.
Au cours de son audition, M. Charles-Albert Michalet a recensé, outre
les pays développés, une quinzaine de pays émergents qui
participent pleinement au processus de mondialisation : il s'agit des
Nouveaux pays industrialisés (NPI) d'Asie (Corée du Sud, Taiwan,
Singapour et Hong Kong), des « Tigres » asiatiques
(Malaisie, Thaïlande, Indonésie), de la Chine et de l'Inde, de
trois pays latino-américains (Mexique, Chili et Brésil), et de
quelques pays d'Europe centrale (Pologne, Hongrie, Slovénie et
République tchèque).
Dix pays assurent plus de 55 % du commerce international, 22 pays en
assurent les trois quarts.
Les
dix premières puissances commerciales en 2002
|
|
Exportations + importations
|
En % du commerce mondial |
1. |
États-Unis |
1 896 293 |
14,63 |
2. |
Allemagne |
1 105 948 |
8,53 |
3. |
Japon |
753 920 |
5,82 |
4. |
Chine |
620 762 |
4,79 |
5. |
France |
615 320 |
4,75 |
6. |
Royaume-Uni |
611 737 |
4,72 |
7. |
Italie |
497 406 |
3,84 |
8. |
Canada |
487 149 |
3,91 |
9. |
Pays-Bas |
415 870 |
3,21 |
10. |
Hong Kong |
407 736 |
3,15 |
Source : FMI.
En dépit de son expansion démographique, la part de l'Afrique
dans le commerce international a baissé dans la dernière
période, passant de 2,7 % en 1990 à 2,1 % en 2000. En
vingt ans, les pays les moins avancés (PMA)
16
(
*
)
ont vu leur part dans les
exportations mondiales être divisée par deux, pour ne plus
représenter que 0,4 % du total.
Les investissements directs étrangers sont orientés pour les
deux tiers
vers les pays développés
. Et ces derniers
détiennent encore près de 90 % du stock mondial d'IDE, en
dépit de la montée en puissance des NPI d'Asie, qui
possèdent aujourd'hui 6 % du stock mondial d'IDE, contre seulement
2 % en 1985.
Les flux d'IDE à destination des pays en développement ont
cependant connu une progression spectaculaire dans la décennie 1990,
comme l'atteste le graphique suivant. Les flux d'IDE ont été
moins volatils que les autres flux financiers.
Flux nets d'investissements directs étrangers vers les pays en développement (en milliards de dollars américains)
Investissements étrangers de portefeuille
Investissements directs étrangers
Source : FMI (2000)
Toutefois, au sein même de la catégorie des pays en
développement, les flux d'IDE sont très inégalement
répartis : dix pays reçoivent 80 % de ces flux. La
Chine arrive en tête, suivie de quelques grands pays d'Amérique
latine (Mexique, Brésil, Chili) et de pays en transition (Pologne,
République tchèque) ; parmi les pays africains, seule
l'Afrique du Sud figure parmi les dix premiers bénéficiaires
d'investissements étrangers.
Les pays les moins avancés ne reçoivent qu'une faible fraction
des IDE dirigés vers les pays en développement (moins de 2 %
à la fin des années 1990).
Investissements directs étrangers
|
|||
|
1986-1990 |
1991-1995 |
1996-1999 |
Ensemble des pays en développement |
27,9 |
79,3 |
182,2 |
Pays les moins avancés |
0,6 |
1,8 |
3,6 |
Aide publique au développement reçue par les PMA |
13,9 |
16,6 |
12,7 |
Source : FMI (2001). |
Les investissements reçus par ces pays sont très inférieurs aux sommes perçues au titre de l'aide publique au développement. Ce point illustre leur dépendance par rapport aux bailleurs de fonds publics et leur faible attractivité pour les investisseurs privés.
* 15 P. de Senarclens, La mondialisation. Théories, enjeux et débats, Armand Colin, 2002, p. 94.
* 16 Les PMA regroupent, selon la terminologie de la CNUCED, les 49 pays les plus pauvres de la planète.