PREMIÈRE
PARTIE :
LA MONDIALISATION DE
L'ÉCONOMIE :
MONTÉE DES INTERDÉPENDANCES ET
ÉMERGENCE
DE PROBLÈMES GLOBAUX
La
manifestation la plus évidente de la mondialisation est la formidable
croissance des flux internationaux observée depuis 1945 : flux
commerciaux, flux d'investissement et flux financiers ont augmenté
à un rythme très supérieur à celui de la croissance
du PIB mondial. Les économies nationales sont ainsi devenues de plus en
plus interdépendantes : un événement survenu en
Extrême-Orient, comme la crise de changes de 1997, peut avoir des
répercussions en Occident, et inversement. Au niveau des entreprises,
les firmes multinationales ont de plus en plus tendance à
négliger les frontières nationales, pour considérer le
monde comme un espace économique unifié, dans lequel se
déploient leurs stratégies commerciales et de production. La
localisation des sites de production en des points éloignés des
lieux de consommation alimente en retour la croissance des flux commerciaux et
financiers.
La montée des interdépendances s'est accompagnée de
l'apparition - ou de la prise de conscience de l'existence - de
problèmes globaux, notamment liés à l'environnement. Par
exemple, la consommation excessive de gaz chlorofluorocarbones (CFC) a
dégradé la couche d'ozone, qui protège le globe du
rayonnement ultraviolet. Aucun pays ne peut se prémunir des
conséquences sanitaires de ce phénomène par une action
unilatérale, ni ne peut prétendre résoudre le
problème par une action isolée. En termes économiques, la
couche d'ozone s'analyse comme un bien public, qui, en raison de sa dimension,
peut être qualifié de « mondial ». Le climat
est un autre bien public mondial environnemental.
Toutefois, en dépit des progrès de la mondialisation, ce serait
une erreur de penser que l'économie mondiale est aussi
intégrée et unifiée que peut l'être une
économie nationale. Une analyse plus fine montre que des obstacles
significatifs aux échanges internationaux demeurent. La mise en
évidence de forts « effets-frontières » en
atteste. Des secteurs d'activité sont, de plus, restés jusqu'ici
largement à l'écart de la concurrence internationale.
I. LA MONTÉE DES INTERDÉPENDANCES
Cette
première partie se propose de revenir sur la croissance des flux
internationaux qui s'est produite depuis 1945, et qui est la manifestation la
plus évidente de la mondialisation de l'économie.
Trois sortes de flux doivent être distingués : les flux
commerciaux, c'est-à-dire les échanges de biens et services, les
flux d'investissements directs, et les flux financiers.
La théorie économique classique postule que le libre
fonctionnement du marché conduit à une allocation optimale des
facteurs de production. Si les mouvements de capitaux ont été
largement libéralisés, notamment parmi les pays
développés et émergents, il n'en est pas de même
pour le facteur travail. Depuis les années 1970, les pays
industrialisés ont sérieusement limité l'immigration
légale. Des considérations politiques et culturelles s'opposent
à ce qu'un principe de libre circulation des travailleurs soit
consacré à l'échelle internationale. Ce principe a
toutefois été reconnu dans le cadre, plus limité, de
l'Union européenne. L'intégration régionale est
allée sur ce point plus loin que l'intégration
multilatérale.
Un développement particulier sera consacré à la croissance
et au rôle des firmes multinationales (FMN), qui sont un acteur majeur de
la globalisation. Les stratégies de délocalisation qu'elles
mettent en oeuvre sont un important facteur d'accroissement des flux
d'échanges entre les pays.
A. LA CROISSANCE SPECTACULAIRE DES FLUX D'ÉCHANGES
1. L'expansion rapide du commerce international
Depuis la fin des années 1950, le commerce international a
augmenté à un rythme beaucoup plus soutenu que la production
mondiale.
Entre 1955 et 1975,
la valeur des exportations mondiales a été
multipliée par plus de 9
,
alors que la production mondiale a
« seulement » quadruplé
. Avec la fin des Trente
Glorieuses, la progression du commerce international devient un peu plus
heurtée, comme l'illustre le graphique ci-dessous, sans remettre en
cause toutefois la tendance de longue période à l'accroissement
de la part des échanges dans le PIB. On note même une tendance
à l'accélération de la croissance du commerce
international : celui-ci progresse, en moyenne, de 4 % par an sur la
période 1973-1980, puis de 5 % sur la période 1980-1992. Au
cours de la décennie écoulée, le commerce international a
crû de 6,5 % l'an.
Exportations
en pourcentage
PIB
Variations en volume du commerce international et du PIB mondial
Source : CNUCED (2003)
Le commerce international est composé à 80 %
d'échanges de biens, et à 20 % d'échanges de
services
. Cette proportion a peu varié depuis vingt ans : les
chiffres correspondants au début des années 1980 étaient
respectivement de 83 % et 17 %. La part des services dans le commerce
international tend à augmenter depuis quelques années, mais ne
saurait remettre en question la prépondérance des échanges
de marchandises. Une bonne part des services produits dans les pays
développés ne sont en effet pas
« échangeables ».
Le commerce international est dominé par le commerce
intrabranche
, c'est-à-dire les échanges de biens qui
appartiennent à la même branche industrielle. Plus de la
moitié du commerce entre pays de l'OCDE porte sur des échanges
intrabranches. Au sein de l'Union européenne, première puissance
commerciale du monde, 60 % du commerce est intrabranche. On pourrait en
conclure que les pays fabriquent et échangent les mêmes biens, ce
qui contredirait la théorie classique du commerce international, qui
postule que les pays se spécialisent dans la production de biens pour
lesquels ils disposent d'un avantage comparatif. En réalité, les
producteurs, à l'intérieur d'une même branche (l'automobile
par exemple), cherchent à se distinguer de leurs concurrents en
singularisant le plus possible leurs produits (en se spécialisant, par
exemple, dans les véhicules bas de gamme ou haut de gamme), de sorte que
les produits échangés ne sont pas équivalents pour les
consommateurs.
La croissance des flux commerciaux a été suivie d'une forte
expansion des flux financiers, et notamment des flux d'investissement
direct.