ÉCHANGE AVEC LE PUBLIC
Animateur : Raymond ESCOBAR - Ateliers d'Art de France
Rapporteur : Michel DREANO - 1 er vice-président de l'APCM, président de la chambre des métiers du Lot-et-Garonne
M. GEBRERY (Secrétaire général de la Société nationale des Meilleurs Ouvriers de France) indique que dans le dispositif qu'anime son association dans le cadre de la promotion des métiers, un concours annuel est organisé « un des meilleurs apprentis de France ». Ce dispositif accueille cette année, au-delà des métiers d'art (l'association travaille sur 90 métiers au plan national), plus de 6 000 candidats et il va se terminer très prochainement par un concours national qui est conduit à la fois au plan départemental et au plan régional. La démarche de ce concours s'inscrit dans la volonté des Meilleurs Ouvriers de France, à la fois de soutenir les jeunes engagés dans la voie des métiers et dans la voie de la formation de ceux-ci, de les aider et d'apporter un peu la caution de cette association.
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M. Mick FOURISCOT aurait voulu prendre la parole pour évoquer avec M. BAQUÉ la formation et les CAP. Elle rejoint Pascal PORTE qui a parlé des CAP sur trois ans.
Il est bien évident que dans les métiers d'art, les trois ans sont nécessaires, mais il y a une réglementation, il y a de nouvelles dispositions qui font que maintenant, les CAP risquent d'être sur deux ans. Il est bien évident qu'elle est tout à fait d'accord sur l'enseignement général, sur les enseignements artistiques, mais il ne faut pas oublier le coeur des métiers qui est le savoir-faire. Si on l'oublie, des jeunes vont sortir avec un CAP, mais ils ne sauront pas travailler en entreprise, et ça, c'est terrible ! Tous les jeunes ne sont pas aptes à poursuivre, il est évident qu'avec le BMA, le DMA, c'est un cursus parfait, mais tous ne seront pas aptes.
Ne pourrait-on pas envisager un CAP sur trois pour ceux qui ne seront pas aptes à suivre un cursus plus long ? Et puis peut-être un CAP avec une mention complémentaire deux ans plus un an ? Cela pourrait satisfaire bon nombre de personnes. Mme FOURISCO le dit souvent en 13 e CPC, le coeur des métiers d'art, c'est le savoir-faire et tous les professionnels qu'elle rencontre sont tout à fait d'accord avec cela.
Par ailleurs, elle aimerait savoir si l'on a essayé de voir au niveau européen s'il y a des diplômes avec des concordances. Cela a été fait pour des enseignements supérieurs, pourquoi ne pas l'envisager pour les métiers d'art ? Certes, il y a des pays qui ne sont pas aussi riches que la France en métiers d'art, mais il y a l'Italie et il y a d'autres secteurs. C'est une question qui mérite d'être étudiée parce que maintenant, les jeunes voyagent beaucoup et ils pourraient s'établir dans un pays ou dans un autre et trouver ainsi des débouchés que l'on ne trouve peut-être pas en France.
Michel DREANO souligne que certains pays comme l'Italie sont très industrialisés ou très industriels dans certains secteurs des métiers d'art, par contre, la France est très artisanale et très qualifiée en qualitatif dans ce secteur des métiers d'art.
Mme FOURISCO ajoute que pour ce qui concerne son secteur, les broderies, il y a un très bel artisanat aussi bien en Italie qu'en Espagne que dans les autres pays, mais qui n'ont pas la chance d'avoir les diplômes qui existent en France. Elle voudrait d'ailleurs rendre hommage à l'Education nationale qui, malgré les petits flux de certains métiers, les a quand même pris en considération et permet d'avoir des diplômes très intéressants
Lors de son intervention, Françoise COEUR a peu évoqué la mention complémentaire qui est un diplôme extrêmement intéressant parce que, en effet, le très court temps qui est attribué aux deux années pour former un élève de CAP, pour certains métiers est insuffisant. La solution de la mention complémentaire est tout à fait possible. Pour l'instant, il n'en existe que trois au niveau V. La DESCO n'est pas très favorable à la multiplication de ces mentions, mais avec de bons arguments -?et la 13 e CPC a toujours de très bons arguments -, il est possible de convaincre les décideurs de créer des diplômes.
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Par ailleurs, Françoise COEUR voudrait poser une question à Mme FARNAULT à propos des maîtres d'art, mais auparavant, elle répondra à sa question sur la validation d'acquis d'expérience. Encore faut-il qu'il y ait un diplôme qui corresponde. Mireille GRIMAULT pourra donner à Mme FARNAULT toutes les informations pour s'adresser auprès du service interacadémique des examens et concours pour savoir ce qui existe, ce qui est possible et ce qui entrerait en connivence avec ses préoccupations.
La question de Françoise COEUR est la suivante : Qu'est-ce qui préside au choix des ateliers ? Est-ce que c'est le stagiaire qui fait une demande ? Est-ce que ce sont les maîtres d'art qui proposent ? Est-ce que c'est le ministère qui décide ?
Pour répondre au premier niveau de la question, Hélène FARNAULT indique que tous les cas de figure se présentent, il y a une très grande souplesse dans les dispositifs, qu'ils soient d'ordre national ou régional et il y a des gens de tous niveaux. Certes, il est préférable d'avoir des gens qui ont fait une école d'art parce qu'il est demandé à ces artisans d'art de pousser à la création, de construire le style de demain, de participer à la modernité, et faisant cela, un artiste particulièrement intéressé par le matériau est associé. C'est de plus en plus la tendance parce qu'il va apporter des compétences supplémentaires à l'atelier et lui permettre de se rentabiliser, de se pérenniser d'une façon plus sûre et d'attaquer les prochaines décennies avec davantage d'efficacité.
Les maîtres d'art sont sélectionnés par une commission de présélection à laquelle participent des professionnels d'une part et, d'autre part, des représentants des différentes directions du ministère de la Culture : direction du patrimoine, direction des arts plastiques, architecture, la direction du livre et de la lecture. Cela regroupe un peu tous les métiers auxquels les arts appliqués s'intéressent. Par ailleurs, il y a de très bons rapports d'échanges avec les GRETA.
La sélection dure très longtemps, des visites en ateliers sont faites, des analyses des besoins et surtout la capacité formatrice de l'atelier et du maître d'art ou de l'artisan d'art en région pour savoir s'il va pouvoir transmettre ses savoir-faire sans aucune restriction, et s'il a bien senti ce qu'était la transmission des savoir-faire, comme l'entendent les Compagnons du Devoir.
Les spécialités les plus rares : le travail de l'écaille, le travail de l'ivoire. Il y a par ailleurs des dentellières, des brodeuses, un couvreur ornemaniste qui travaille sur tout ce qui est élément de toiture, un marqueteur d'art qui restaure des meubles des XVI e et XVII e siècles essentiellement, un bronzier tourneur. Certains métiers sont assurés par l'Education nationale, c'est vrai, mais il y a des techniques et une expérience que possèdent ces ateliers très reconnus et qui ne permettent de formation que dans l'atelier.
Les jeunes et les maîtres d'art peuvent bénéficier d'un complément de formation à l'extérieur, formations tertiaires et autres, mais aussi ils peuvent aussi aller dans un autre atelier d'artisan d'art pour acquérir des compétences que pour l'instant un atelier sous-traite. Pour être totalement autonome, le maître d'art envoie son jeune ailleurs pour faire par exemple de la gravure quand il fait autre chose.
Sur le CAP en trois ans ou le CAP en deux ans plus un an de mention complémentaire, Jean-Patrick FARRUGIA se demande si le changement est fondamental. Il aurait vu davantage de changement à ce que l'on réfléchisse de nouveau pour savoir si l'on maintient ou pas une note éliminatoire. Il trouve qu'il y a un manque de cohérence entre l'idée d'acquérir des savoir-faire de métiers et le fait que quelqu'un puisse avoir un CAP en étant moyen partout sans démontrer réellement la possession d'un savoir-faire. Par l'expérience, on se rend compte que des jeunes qui arriveraient à faire une faute importante, qui rendrait le produit fabriqué invendable pourraient quand même avoir un CAP en étant passés à travers les mailles du filet.
Sur la VAE, il faut avoir trois ans de pratique professionnelle. Il n'est pas possible d'accélérer la procédure de ce point de vue-là.
Sur le troisième point, il y a toujours des propositions qui sont faites pour avoir une meilleure modularisation, au moins des titres et des diplômes, de façon à faire en sorte que l'on puisse avoir facilement des reconnaissances avec les formations qui sont suivies à l'étranger. C'est quelque chose qui est en cours, mais qui est compliqué, l'APCM s'y attache et le ministère est tout à fait dans cette logique, mais c'est difficile à mettre en oeuvre.
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Yvan HOUSSARD indique que la SEMA, à la demande de la Direction des entreprises, a lancé un chantier il y a 3 ans sur la validation des acquis d'expérience professionnelle pour les métiers d'estampes, donc des métiers à petits effectifs où les chefs d'entreprise n'étaient pas considérés comme formateurs puisqu'il n'y a pas d'apprentissage ni de CAP. La priorité est de donner à ces métiers d'estampes où il n'y a aucune reconnaissance, les possibilités aux chefs d'entreprise d'avoir ces qualifications de manière qu'ils bénéficient ne serait-ce que des avantages consentis aux maîtres d'apprentissage. On envisage d'élargir ce chantier, en fonction des moyens, à d'autres secteurs professionnels à petits effectifs.
En ce qui concerne l'Europe, avec un certain nombre de partenaires, et notamment l'APCM, la SEMA a lancé il y a une quinzaine de jours un premier site qui s'appelle SMART pour les entreprises métiers d'art dans trois pays : le Portugal, l'Italie et la France, pour faciliter la mobilité transnationale auprès des jeunes sur trois branches sectorielles : les métiers de la décoration, les métiers de la terre, les métiers du verre.
Ce site s'accompagne d'un vade-mecum sur des questions très pratiques pour aider les jeunes à assurer leur mobilité. L'APCM a réservé un certain nombre de bourses pour faciliter ces jeunes à finaliser leur formation à travers MOUV'ART en Europe.
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Philippe PERFETTI (APCM) confirme l'importance de la dimension européenne, surtout quand on parle de diffusion des métiers et, quand on s'intéresse aux métiers d'art, et en particulier aux métiers d'art rares, on sait que pour certains de ces métiers, l'avenir ou la solution se fait à un niveau européen. C'est pour cela qu'il y a un programme qui est à présent géré par l'APCM (programme SESAME) et qui permet à des jeunes d'aller poursuivre une expérience professionnelle, pour une durée de six mois à douze mois, dans un pays de l'Union européenne. Il y a aussi de plus en plus de centres de formation d'apprentis qui intègrent dans la formation et dans le cursus de formation, une période en mobilité transnationale. La dimension européenne est de plus en plus prise en compte. C'est vrai qu'une initiale comme celle de la SEMA sur le projet SMART est extrêmement importante puisqu'on a besoin d'informations sur la mobilité européenne, donc tout cela se met en place. Il y a effectivement des bourses qui peuvent bénéficier à des apprentis ou à des jeunes qui viennent d'avoir un premier niveau de qualification.
Philippe PERFETTI met en évidence quelques incohérences qui existent dans ce système au moment où l'on parle de cette généralisation de la dimension européenne. Lors des rencontres franco-allemandes des chambres de métiers jumelées, les Allemands avaient énormément de difficultés à comprendre qu'il est impossible encore aujourd'hui de signer un contrat d'apprentissage avec un non-ressortissant français. Il faut absolument travailler contre la circulaire du 26 février 1996 qui empêche de signer un contrat d'apprentissage à quelqu'un qui n'est pas ressortissant français. Finalement, tous les discours que l'on pourra mettre en place pour accueillir et diffuser les métiers et les métiers d'art, et les métiers d'art rares en particulier, seront vains tant que l'on n'aura pas cette possibilité d'accueillir systématiquement en apprentissage des Italiens, des Espagnols, des Portugais, etc.
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André MALICOT précise que l'une des caractéristiques de la formation dispensée par les Compagnons, c'est une formation longue et par le voyage. Les Compagnons ont réfléchi aux trois ans sur l'apprentissage et cela leur a posé un certain nombre de questions. Ils ont à faire à des jeunes pour lesquels le temps ne passe jamais assez vite et qui ont parfois besoin au bout d'un temps assez court, d'avoir une reconnaissance de ce qu'ils ont fait. C'est bon de travailler avec eux parfois sur un temps assez court.
Par ailleurs, ce sont des jeunes qui ont envie de découverte. Les Compagnons qui ont des métiers sur trois ans d'apprentissage et d'autres avec deux ans, ont constaté que parfois, au bout de trois ans dans une même entreprise, il y avait une certaine lassitude qui s'installait chez le jeune et qu'il avait envie de découverte. Si on lui proposait au bout de deux, de valider déjà ses deux années et de partir découvrir dans une autre entreprise et dans un autre pays, ils reviennent absolument enrichis et ils vont à la découverte du patrimoine de leur métier dans différents pays. Il faut s'ingénier peut-être à trouver d'autres formes peut-être à travers le voyage, sans le rendre obligatoire, mais l'inciter fortement, pour découvrir le patrimoine du métier.
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De la salle - On a beaucoup parlé des femmes qui rentrent en puissance dans l'artisanat, aussi un intervenant aimerait savoir s'il a été envisagé que les femmes puissent un jour rentrer dans l'ordre des Compagnons du Devoir.
André MALICOT explique que les Compagnons du Devoir regrettent que les femmes ne rentrent pas suffisamment en puissance dans leurs métiers qui sont essentiellement des métiers du bâtiment et pour lesquels elles sont vivement accueillies, puisque les Compagnons du Devoir forment des femmes. Il y a actuellement deux jeunes femmes qui sont en train de faire leur tour de France. C'est nouveau depuis deux ans pour le tour de France. Pour la formation initiale et la formation continue, cela existe depuis que l'Association ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France est organisme de formation car il n'y a pas de discrimination de ce côté-là.
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De la salle - Le même intervenant constate qu'on demande aux maîtres d'art de promouvoir leur savoir, mais des gens qui sont censés représenter la République vont acheter leurs instruments et leurs accessoires aux Etats-Unis ou en Suisse, dans des pays hors Communauté européenne. Comment peut-on demander à un artisan de donner son savoir, de donner toute sa foi et, en même temps, accepter que ces gens ne respectent pas le discours des artisans.
Hélène FARNAULT répond qu'il est fort regrettable que beaucoup d'ateliers disparaissent, et avec eux des machines et des outillages de toute beauté et qui représentent un patrimoine. A chaque fois que c'est possible, le ministère les rachète pour les mettre dans différents musées, mais il est bien dommage de mettre ces outils qui devraient rester vivants et travailler, dans un musée. Effectivement, il faut développer ces dispositifs au maximum et travailler ensemble, quelles que soient les différentes instances institutionnelles, pour arriver à sauvegarder tout ce patrimoine.
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