II. DIFFÉRENTES VOIES EN ENTREPRISES POUR ACQUÉRIR UNE VALIDATION OU UNE EXPÉRIENCE PROFESSIONNELLE

1. Le dispositif des maîtres d'art

Hélène FARNAULT , ministère de la Culture - va essayer de resituer le contexte de la transmission des savoir-faire dans le cadre de la Mission des métiers d'art du ministère de la Culture. C'est un dispositif de sauvegarde des métiers d'art qui a été initié en 1994. Depuis, ont été nommés 56 maîtres d'art qui s'engagent à transmettre leur savoir-faire sans aucune restriction à un ou plusieurs élèves.

Ce dispositif a été décidé après une analyse du contexte économique pour ces métiers, en prenant en compte le fait que chaque année, un nombre important d'ateliers disparaissait, et cela concerne essentiellement les métiers d'art les plus rares, en tout cas les techniques les plus rares. Cela ne fait absolument pas concurrence à la formation initiale, c'est justement un domaine où il est difficile de fonctionner parce qu'il n'y a pas toujours de cadre officiel pour accueillir ces élèves de maîtres d'art dans les ateliers, et surtout pour assurer leur rémunération.

Le principe est de transmettre pendant trois ans puisque, comme il a été dit, il est difficile d'acquérir un métier de cette excellence en moins de trois ans, et encore, trois ans, c'est tout juste suffisant.

DÉROULEMENT DE LA FORMATION

Un élève arrive dans un atelier, il est pris en charge et il est à 100 % dans l'atelier. Il y a un suivi de la formation avec des démarches pédagogiques envisagées avec le maître d'art et il y a un programme avec des progressions pédagogiques. Un point est fait régulièrement et chaque année, il y a un bilan de la formation qui fait intervenir le binôme. Une commission statut analyse ce qui se dit et ce qui s'est fait, regarde les productions qui ont été réalisées, qu'elles l'aient été en totale autonomie ou en soutien par le maître d'art. Sur la base de ce bilan et du projet pour l'année suivante, la formation est reconduite. Cela jusqu'à trois ans au maximum. Les besoins du maître d'art et de l'élève sont étudiés au fur et à mesure, et ces besoins sont assurés à l'extérieur, soit par un organisme de formation privé -?c'est généralement le cas en région - ou les GRETA pour l'Ile-de-France, qui assurent des modules de formations de tous ordres.

Les modules les plus prisés sont :

-?La création d'entreprise. Au terme des trois années de formation, il faut assurer cette formation qui dure trois mois et qui suppose qu'ils abordent les techniques de marketing, de commercialisation, de gestion...

-?Des formations aux nouvelles technologies pour travailler sur leur site Internet.

La mission intervient par ailleurs pour l'ensemble des maîtres d'art et des élèves en faisant réaliser par le laboratoire de technologie des mondes contemporains à Paris VII, des sites Internet propres aux artisans d'art et aux élèves quand ils se sont installés. Ce même dispositif fonctionne en région.

LE CONSEIL DES MÉTIERS D'ART

Le Conseil des métiers d'art qui est constitué de 30 professionnels d'excellence hautement reconnus qui participent d'une part à la sélection des maîtres d'art, étudient le contexte économique et donnent des avis pour que la mission des métiers d'art puisse les mettre en application.

En 1996, il a été estimé que cela restait trop confidentiel et qu'un nombre insuffisant d'ateliers était sauvegardé. Transmettre des savoir-faire, c'est pérenniser des techniques, mais c'est aussi pérenniser et maintenir cohérent tout un outillage et maintenir en état tous les maillons d'une chaîne de fabrication.

Trois régions ont d'abord été initiées : Aquitaine, Midi-Pyrénées et Bretagne, et ensuite une quatrième, la région Rhône-Alpes. Cela se passe à peu près de la même façon, avec une différence fondamentale : en région, l'objectif de l'emploi est mis en avant. Quand un artisan d'art, appelé « maître formateur », assure auprès de son stagiaire une transmission de savoir-faire, il y a à la clef, soit l'embauche de ce jeune, soit une création d'entreprise, soit un partenariat entre l'artisan et le stagiaire ; toutes les formules sont possibles.

LA VALIDATION DES ACQUIS DE L'EXPÉRIENCE PROFESSIONNELLE

La Mission réfléchit depuis fort longtemps à ce problème. Il a d'abord été envisagé de créer un portefeuille de compétences, puis différentes actions, mais celle-ci est certainement celle qui va le plus agréer aux maîtres d'art et aux élèves, et aux artisans d'art en région et à leurs stagiaires. Ils tiennent un journal de bord où sont répertoriées toutes les techniques acquises et tous les savoir-faire qui concernent aussi l'ensemble de l'activité de l'atelier.

Hélène FARNAULT ne connaît pas particulièrement bien ce dossier, mais deux questions se posent :

1/?Ces gens qui arrivent dans un atelier et qui y restent trois ans sont-ils considérés comme étant en formation ou sont-ils pris en compte dans ces VAE ?

2/?Existe-t-il une troisième voie qui permettrait à ces jeunes et moins jeunes d'être rémunérés (autre que le RMI, Allocations de demandeurs d'emploi et bourse du CNASEA) ?

C'est très important parce que cela conduit à des échecs majeurs auxquels on ne pense pas quand on démarre. Si un jeune qui arrive dans un atelier n'a droit à aucune rémunération et qui obtient une bourse du CNASEA qui souvent est d'environ 300 € par mois, il lui est impossible d'être assez motivé pour rester dans l'atelier. Du coup, il n'y a pas de repreneur dans les années qui suivent et l'atelier ferme ses portes.

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Michel DREANO a noté que Mme FARNAULT pousse à la formation aux technologies nouvelles, ce qui conduit en fait à la communication qui est le point clé des prises de commandes. Baser les formations sur les technologies nouvelles est certainement quelque chose d'important.

Pour aborder les stages de perfectionnement SEMA, la parole est à madame Nizette GERMAN accompagnée de monsieur GERMAN. Grâce à la SEMA, madame GERMAN forme deux peintres sur porcelaine et elle poursuit elle-même une formation.

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2. Les stages de perfectionnement (SEMA)

Nizette GERMAN a découvert le métier de peintre sur porcelaine tardivement, à 29 ans, et elle a eu assez rapidement le désir d'en faire un métier. Par hasard, elle a découvert l'existence de la SEMA grâce à qui elle a pu bénéficier d'un stage en entreprise de six mois à Limoges, financé par le CNASEA.

Au retour de ce stage, Nizette GERMAN s'est immédiatement installée à son compte où elle a beaucoup appris seule car les six mois de formation lui ont paru très courts, mais elle ignorait à l'époque qu'elle pouvait solliciter une prolongation. Elle s'est également formée par divers systèmes de stages en France et à l'étranger.

Son atelier est ouvert depuis juillet 1995 et, par le même biais, elle a formé deux personnes dont une est encore salariée dans son entreprise. Par contre, elle a dû se séparer de l'autre personne à la suite des problèmes économiques rencontrés en septembre 2001. Il n'est pas facile en France de faire reconnaître la qualité de son travail. Elle a également beaucoup travaillé pour les Etats-Unis où elle a été très bien accueillie. Depuis deux ans, elle s'est tournée vers l'export, notamment en direction des pays du Golfe ou elle expose à Dubaï.

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Michel DREANO remercie madame FARNAULT qui est quelqu'un que le ministre apprécie beaucoup.

Le sujet suivant, « SEMAville » est un parcours de pré qualification en milieu urbain sensible, présenté par madame Pierrette CATEL, chargée de mission auprès de l'ANPE.

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3. « SEMAville » Parcours de pré qualification en milieu urbain sensible

Pierrette CATEL, chargée de mission ANPE - dispose de peu de temps pour évoquer la formidable aventure que l'ANPE a entamée avec la SEMA dans le cadre d'un projet européen qui s'appelle CREACTIVE.

Ce projet a une histoire puisque, à la fin du siècle dernier (XX e siècle), Pierrette CATEL avait fait un projet européen dans lequel elle était en partenariat avec des Italiens de la province de Naples pour travailler autour de l'insertion de publics détenus et sortant de prison. A Naples, ils avaient décidé de former en atelier un groupe de femmes détenues pour de longues peines, qui étaient sorties de prison avec des aménagements de peine pour apprendre, auprès d'artisans d'art, leur métier.

En écoutant M. MALICOT, Pierrette CATEL a retrouvé un grand nombre de choses qu'elle a vécues dans le cadre de ce projet : de la main au cerveau et du cerveau au cerveau pour continuer à apprendre. Ces femmes ont fait des parcours absolument extraordinaires ; plus de 50 % d'entre elles étaient analphabètes, elles ont toutes appris à lire et à écrire.

De cette première expérience est née l'idée d'aller plus loin, c'est-à-dire d'utiliser les métiers d'art pour ce qu'ils apportent de créativité, mais la créativité liée à la main, liée à l'exercice d'un métier, et à la possibilité d'apprendre ce métier par le geste professionnel, par le transfert du geste professionnel.

De toutes ces idées est né « SEMAville » qui est l'une des activités de CREACTIVE. Elle est mise en oeuvre dans deux bassins d'emplois différents : l'un sur Rhône-Alpes (Lyon 9 e arr. et Villeubanne) et l'autre sur Pantin où il existe déjà une première expérience de développement d'un pôle artisanal métiers d'art.

L'idée est simple : Aller dans les quartiers en difficulté, les quartiers sensibles et, dans un premier temps, tenter de sensibiliser des demandeurs d'emploi et des jeunes habitant le quartier à la possibilité de se « frotter », de mieux connaître, de mieux comprendre, de toucher ce que peuvent être les filières métiers d'art. La première phase est une phase de sensibilisation, de découverte, c'est-à-dire que l'on donne à ces personnes la possibilité d'aller voir sur le terrain et de toucher la matière.

En Rhône-Alpes, SEMAville travaille avec l'association Format raisin, et à Pantin avec l'association Remparts. Des journées découvertes ont été mises en place sur les différentes filières métiers où les personnes, demandeurs d'emploi et jeunes, vont pouvoir tester leur aptitude, parce que c'est quand même extraordinaire que l'on n'ait toujours pas mis en place cette possibilité de tester auprès des jeunes leur aptitude manuelle. On commence par leur dire qu'ils ne feront pas d'études longues, puis on les envoie vers des métiers manuels sans avoir jamais testé s'ils étaient aptes ou pas manuellement.

Tout le monde connaît l'école de la deuxième chance, là, c'est un peu la formation de la deuxième chance.

Pierrette CATEL rejoint Mme GERMAN qui représente un nombre important de demandeurs d'emploi qui, à un moment de leur vie, s'aperçoivent que dans la filière professionnelle où ils sont, ils ne produisent rien d'utile ou en tout cas rien de beau. A 35-40 ans, parfois plus tard, leur vient cette envie de complètement changer le cours de leur vie professionnelle et de faire quelque chose de différent où ils vont transformer la matière. Ces demandeurs d'emploi, en Rhône-Alpes et sur Pantin, auront cette possibilité de venir voir si c'est une idée à suivre ou non.

Ensuite, après ces évaluations en milieu de travail, donc ces journées découverte, ils auront la possibilité d'entrer sur un parcours pré qualifiant. Ce parcours mêle politique de la ville et qualification. Politique de la ville parce qu'on est dans des quartiers sensibles et que toute la partie pratique de la formation se fera sur place, à partir d'ateliers d'artisans locaux, et on créera des oeuvres qui seront des oeuvres d'embellissement du quartier, donc qui seront pérennes et qui seront la marque des habitants sur leur quartier.

Voilà ce projet qui est relativement simple, mais très ambitieux parce qu'il demande à mettre en synergie des partenaires qui n'ont pas forcément l'habitude de travailler ensemble. Imaginez les pouvoirs publics, les associations privées, les collectivités territoriales, les artisans à qui l'on demande une formidable ouverture d'esprit, une formidable solidarité pour accueillir dans leurs ateliers des jeunes pas toujours faciles à gérer, il faut donc apprendre d'abord à se connaître.

C'est une formidable aventure qui a démarré et Pierrette CATEL espère que l'année prochaine, elle pourra donner des résultats d'insertion et les belles histoires qu'elle aura pu vivre.

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