LA FONCTION FORMATRICE DE L'ENTREPRISE MÉTIERS D'ART MÉRITE-T-ELLE D'ÊTRE DÉVELOPPÉE ?
Animateur : Raymond ESCOBAR - Ateliers d'Art de France
La fonction formatrice de l'entreprise métiers d'art mérite-t-elle d'être développée ? Raymond ESCOBAR, homme d'atelier, répondra oui d'emblée, mais ce thème mérite d'être développé. Pour ce faire, il passe la parole à Pascal PORTE, directeur du CFA de l'ameublement « La Bonne Graine », assisté d'Arnaud SEIGNEUR, chef d'entreprise.
I. L'APPRENTISSAGE : UNE FORMATION EN ALTERNANCE QUI A FAIT SES PREUVES
Pascal PORTE, directeur CFA de l'ameublement « La Bonne Graine » - Bien avant les bâtisseurs de cathédrales, les apprentis existaient déjà. Ils dépendaient et étaient sous les ordres des compagnons, et depuis la nuit des temps, les savoirs se sont perpétrés justement par l'apprentissage ; les écoles n'existaient pas et il fallait bien former la relève.
Si au XIX e siècle, l'apprentissage était synonyme de corvées et de coups de pied aux fesses, cela n'a plus cours aujourd'hui, et heureusement ! Aussi, il est regrettable que ce cliché reste continuellement dans la mémoire des parents ; il faut vite changer cette image.
Par l'apprentissage, les jeunes sont directement plongés dans le milieu de l'entreprise, ils apprennent à se lever le matin -?ce qui est très important pour certains - prennent conscience de ce qu'est une responsabilité, un patron, un client et la vie de l'entreprise. Partant de ce constat, ils sont à même de comprendre et d'apprécier leur travail. Toute tâche effectuée en entreprise est directement liée à une commande, donc à un client et aussi à un chiffre d'affaires.
Ils vont au CFA pour apprendre la théorie, la pratique et certaines techniques utilisées en entreprise, indispensables à la maîtrise du métier ; Pascal PORTE parle bien entendu des métiers d'art qui exigent, selon les trois éthiques réparation restauration conservation , des techniques et des coups de main bien spécifiques.
Aujourd'hui, Pascal PORTE représente le CFA de l'ameublement dit « La Bonne Graine » qui est géré par la chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement. Il a été fondé en 1866 par l'Impératrice Eugénie et forme près de 600 jeunes à 13 métiers dont 12 métiers d'art. A ce jour, il a formé plus de 27 000 apprentis ; Pascal PORTE et son équipe en sont fiers et ils font tout pour que cela continue avec les moyens dont ils disposent.
La Bonne Graine forme aux métiers du bois, en ébénisterie, tapisserie, dorure à la feuille, restauration de tapis, de tapisseries, encadrement d'art, dessinateur industriel d'ameublement et le métier d'emballeur professionnel, qui n'est pas un métier d'art, mais qui est très important puisque c'est la personne qui fait voyager les oeuvres d'art. C'est un métier de caisses et de menuiserie.
Tous ces métiers et ces savoir-faire sont dispensés d'une part au CFA, mais la partie quasiment la plus importante pour Pascal PORTE est celle qui est dispensée chez le maître d'apprentissage et les artisans. Trop souvent, l'apprentissage fait apparaître le CFA, l'apprenti, on ne parle pas suffisamment des maîtres d'apprentissage qui donnent énormément de leur temps pour former les futurs professionnels. Accueillir un jeune dans une entreprise n'est pas chose facile. Il faut se soumettre aux exigences de la sécurité du travail et autres contraintes administratives. il faut instaurer un relationnel étroit avec le centre de formation. En fait, il faut le vouloir profondément. Pascal PORTE en profiter pour remercier les maîtres d'apprentissage.
Si dans les trois dernières décennies l'apprentissage a changé, et en bien, il faut admettre que l'on peut être parfois déconcerté par les nouveaux référentiels pédagogiques. En effet, s'il est bien de dispenser des cours de mathématiques, de français, de VSP, de langues, ajouter au cours de dessin d'art les technologies du métier et l'histoire de l'art, il n'en est plus de même avec les cours d'histoire géographie, d'EPS, et bientôt de secourisme.
Bien sûr, chaque matière a sa valeur, mais multiplier le nombre de cours vient à l'encontre de ce qui fait la force de l'apprentissage, c'est la formation professionnelle. Il faut diriger davantage les apprentis sur le côté professionnel de la formation, cibler concrètement les besoins des entreprises, des marchés et des maîtres d'apprentissage.
Sur 15 ans, les cours professionnels ont été élagués de près de 30 % pour y ajouter des matières de plus en plus générales qui, malgré leur importance, grèvent la partie purement professionnelle. Idem pour les collègues et amis des lycées professionnels.
Oui, l'apprentissage a fait ses preuves, il reste et restera l'un des meilleurs systèmes de formation, cependant, il va falloir changer certaines mentalités, ne plus considérer la voie technique comme une voie de garage, changer la sémantique et l'image elle-même de l'apprentissage -?pour cela, le ministre fait un bon et important travail. Il faut, et cela à partir du plus jeune âge, présenter aux jeunes tous les métiers qui existent et ne pas se contenter des professions élitistes en excluant systématiquement les professions et les métiers dits manuels.
Nous sommes tous des manuels, si ce n'est dans la vie professionnelle, c'est dans la vie de tous les jours. N'oublions jamais ce métier qui exige une très longue formation théorique et pratique, et à qui l'on doit de bien se porter : la profession de chirurgien. C'est un métier manuel qui demande énormément de savoirs, qui ne peuvent s'acquérir et se peaufiner que sur le terrain par cette voie de l'apprentissage qui s'appelle l'internat ; c'est de l'apprentissage.
Il faut présenter aux enfants tous ces métiers qui apportent une passion et une qualité de vie professionnelle avec lesquelles ils pourront vivre. Il faut arrêter de se borner aux métiers de la facilité et aux métiers non productifs.
Le patrimoine dépendra d'une relève hautement qualifiée et pointue. Si ces savoir-faire disparaissent, la culture patrimoniale de la France disparaîtra avec eux et ce sera vraiment regrettable. Il faut redonner un peu de valeur aux métiers, au travail - surtout au travail -, peut-être travailler un peu plus. Il ne faut plus présenter le travail comme une corvée ; on travaille pour gagner de l'argent, mais on travaille aussi pour avoir une qualité de vie professionnelle.
Il faut peut-être augmenter les heures de formation. D'avoir entendu parler de trois années rassure Pascal PORTE qui se bat pour trois années au niveau du CAP ; de nombreux artisans réclament trois années de formation, quand va-t-on les écouter ? Il est évident que certains jeunes peuvent aller plus vite, des jeunes qui arrivent post-Bac avec des licences, voire des maîtrises d'histoire de l'art, il est certain qu'en deux ans ils peuvent acquérir le niveau du CAP, mais tout le monde n'est pas comme eux. Certains sortent de 3 e et ils n'ont pas de potentiel pour aller au Bac pro.
Il y a encore une quinzaine d'années, certains jeunes qui sortaient avec un CAP étaient immédiatement opérationnels dans les entreprises. Un jeune qui va rentrer en apprentissage à 16 ans ne va pas systématique suivre une filière de cinq ou six ans. On a besoin de gens dans les ateliers, on n'a pas besoin uniquement de chefs, mais d'ouvriers. C'est vrai qu'on les appelle davantage « techniciens », mais dans nos métiers, on n'a pas honte de dire « ouvriers ».
Un jeune sortant de l'apprentissage avec un ou plusieurs diplômes est opérationnel et prêt à entrer dans le milieu professionnel directement. Il est conscient qu'i va devoir apprendre tous les jours, et à force de pratiquer, il atteindra la maîtrise. Il aura une profession qui lui apportera bien des satisfactions. Il se posera souvent des questions vis-à-vis de certains travaux, pestera contre d'autres, c'est certain, mais avant tout, il aura la passion de son métier et une qualité de vie professionnelle.
Pascal PORTE insiste beaucoup sur la qualité de vie professionnelle parce que, quand on voit les gens prendre le métro le matin, ils ont le regard dans le vide et ils partent à la punition ; ce n'est pas le cas dans nos métiers. Il est évident que dans les métiers d'art, il y a des choses qui ne sont pas plaisantes et qu'il faut faire chaque jour, mais on a la passion ; sans la passion, on ne peut pas exercer un métier d'art.
Ce jeune participera à la vie économique de son pays. Il s'installera peut-être dans l'artisanat ou sera salarié d'une entreprise. Dans les deux cas, il sera amené à devenir lui-même maître d'apprentissage et à former des apprentis, ainsi la boucle sera bouclée et la pérennité assurée.
Pascal PORTE présente Arnaud SEIGNEUR, fils de tapissier, petit-fils de tapissier. Arnaud SEIGNEUR était élève au CFA La Bonne Graine il y a quelques années. Il est un exemple pour ce qui concerne la reprise d'une entreprise. Il va expliquer son cursus.
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Arnaud SEIGNEUR, est la troisième génération de tapissiers, chef d'entreprise et il a eu la chance d'apprendre son métier par l'apprentissage avec Pascal PORTE comme professeur d'abord, puis directeur.
L'apprentissage était une voie évidente et Pascal PORTE lui a appris beaucoup, et notamment l'excellence. Quand on est apprenti, on change de mentalité par rapport à un élève, on ne se contente pas de la moyenne. Le travail que l'on réalise en tant qu'apprenti est destiné à être vendu à des clients, il faut donc avoir la meilleure note à tout ce que l'on fait. On fait moins de choses qu'un ouvrier, mais ce doit être parfait et on apprend à être exigeant avec soi-même.
L'apprentissage lui a appris à respecter son travail, à être respecté pour son travail et à respecter les gens pour leur savoir. C'est quelque chose qui lui sert maintenant au quotidien et qu'il ne regrette pas du tout.
Ses parents étant très courageux et très têtus, Arnaud SEIGNEUR a passé un Bac C, puis il s'est dirigé vers l'apprentissage. Il avait ainsi une bonne connaissance générale et il a pu s'épanouir dans l'apprentissage.
A présent, il s'investit dans la formation et il forme bon nombre d'apprentis. Dès qu'un apprenti arrive, Arnaud SEIGNEUR se dit que ce sera peut-être quelqu'un d'excellent, ce qu'il souhaite, et que cette personne deviendra peut-être un jour son patron. Dans les métiers d'art, patron n'est pas un métier ; on est artisan, c'est-à-dire que l'on a un métier que l'on maîtrise et on est capable de l'exécuter, soit en tant que chef d'entreprise, soit en tant qu'ouvrier. Ce n'est pas une question d'honneur ou de fierté, on est fier d'exercer son métier parce qu'on connaît ce métier. Ensuite, la situation de l'entreprise fait que l'on est patron ou que l'on n'est pas patron.
Son grand-père a commencé à travailler comme ouvrier dans une entreprise et la vie a fait que son premier patron a fini ouvrier chez lui, tout naturellement, c'était comme ça. Ce n'était pas rabaissant, c'était une sorte de destin. C'est pour cela que quand un apprenti arrive, Arnaud SEIGNEUR se dit que peut-être un jour, cet apprenti deviendra son patron, et c'est ce qu'on peut lui souhaiter de mieux.
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Ces propos remplissent d'aise l'artisan qu'est Raymond ESCOBAR . Ils ont fait comprendre que rentrer dans un métier d'art, ce n'était pas organiser des après-midi ludiques pâte à sel et que l'on est dans des vrais métiers.
Il passe maintenant la parole à Jean-Patrick FARRUGIA, directeur de la formation à l'APCM 4 ( * ) qui a aussi à dire sur l'alternance et la formation.
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Jean-Patrick FARRUGIA , directeur de formation à l'APCM - souligne l'importance des propos qui ont été tenus : être artisan, c'est être fier d'exercer son métier et de posséder son métier. La formation par l'alternance et surtout par l'apprentissage, c'est comment amener les jeunes qui viennent vers les métiers de l'artisanat à ce degré d'excellence qui fait que, non seulement ils seront capables d'exercer un métier, mais ils seront capables de rentrer dans l'entreprise et de posséder leur métier.
Il y a là plusieurs défis qui aujourd'hui sont en partie relevés par le système de formation que l'on connaît avec les centres de formation d'apprentis. La question est toute simple en fait : Cette formation a-t-elle fait ses preuves ? Jean-Patrick FARRUGIA est tenté de dire oui, au moins au point de vue de l'insertion dans l'emploi. Aujourd'hui, les formations par l'apprentissage dans les métiers de l'artisanat insèrent au total entre 70 et 80 % des jeunes qui passent par l'artisanat dans l'emploi. C'est un objectif qu'il faut encore sûrement améliorer et il y a beaucoup à faire, mais il est déjà atteint.
Au-delà de cet objectif, il faut bien voir que dans l'apprentissage avec l'artisanat, il se passe une alchimie un peu particulière et des modes d'apprentissage que les gens vont retrouver tout au long de leur vie. Certains dans l'assemblée ont certainement un ordinateur sur le bureau, le premier réflexe qu'ils ont eu quand ils ont été confrontés à l'ordinateur, ça a été sûrement de l'allumer et de s'en servir jusqu'au jour où il y avait un blocage, et à ce moment-là, d'aller chercher la formation. C'est la logique de la formation tout au long de la vie.
C'est cette même logique qui est appliquée aux jeunes qui sont moins réceptifs à ce que l'école leur propose en matière d'acquisition de connaissances, c'est les amener à se confronter à la réalité d'un métier, à ce qu'un métier peut leur donner comme sortie des cadres habituels, enrichissement, possibilité de réaliser quelque chose de leurs mains. Et à partir de là, c'est ça la pédagogie de l'apprentissage, c'est de les aider à reconstruire les bases qui, soit font défaut, soit ne sont pas complètement acquises. Cette logique que l'on applique dans l'apprentissage est la même que celle que l'on rencontre dans la formation tout au long de la vie, c'est pour cela que Jean-Patrick FARRUGIA pense que la formation par l'apprentissage a un grand avenir devant elle, parce qu'elle correspond à une logique naturelle d'apprentissage.
Pour arriver à améliorer encore ces résultats si c'est possible, il faut reconnaître non seulement le rôle de l'entreprise dans la formation des jeunes, mais aussi le rôle des maîtres d'apprentissage. De leur reconnaître à travers un statut, la place particulière qu'ils occupent parce que ce sont eux qui vont accompagner dans son chemin vers la connaissance le jeune qui leur est confié, avec qui ils ont un contrat, et pas le moindre des contrats, c'est un contrat de travail. Et aussi voir comment reconnaître financièrement ce rôle qui est joué parce que c'est un vrai rôle que l'on remplit en lieu et place d'institutions qui n'ont pas pu tenir ce rôle pour différentes raisons. C'est accompagner les gens vers davantage de citoyenneté et il y a là un véritable rôle qui mérite d'être reconnu à sa juste valeur.
Pour aller plus loin, et cela fait partie des propositions de l'APCM dans le cadre des réformes qui sont envisagées sur l'apprentissage, c'est de réfléchir à introduire davantage de souplesse dans les rythmes de l'apprentissage, de façon à pouvoir accueillir des gens d'origines différentes, quelle que soit leur origine, et de pouvoir les accompagner au mieux de leurs besoins et se caler sur ce dont ont besoin les jeunes qui rentrent dans l'apprentissage ou en tout cas dans un métier artisanal.
L'entreprise, c'est une pression, il faut des résultats, il faut arriver à produire ce que l'on demande. Certains ont parfois besoin de pouvoir respirer par rapport à cette pression-là, le temps de s'habituer et d'acquérir ce qu'il faut pour pouvoir travailler. Il faut arriver à organiser les contrats d'apprentissage avec davantage de souplesse et de modularité pour permettre justement, soit de raccourcir quand ce sont des jeunes ou des gens qui se réorientent dans la vie professionnelle et qui veulent rejoindre les métiers de l'artisanat, soit pouvoir permettre des champs de liberté et de respiration pour faire en sorte que d'autres personnes puissent aussi venir rejoindre les métiers de l'artisanat.
Il a été dit que dans les métiers d'art, il y avait la réparation, la restauration et la conservation. Jean-Patrick FARRUGIA serait tenté de dire qu'à l'Assemblée des chambres des métiers, l'objectif pour les formations que l'on donne dans les centres de formation d'apprentis, les devises sont à peu près semblables. Il y a d'abord l'acquisition d'un métier et l'employabilité, la création d'entreprise (challenge qu'il faut relever et être à la hauteur dans le monde de l'artisanat) et la reprise d'entreprise avec des pouvoirs publics qui sont aujourd'hui plus attentifs à la logique de la reprise, plutôt qu'être simplement sur la création d'entreprise, chacun sachant bien qu'il est bien plus difficile de faire redémarrer une entreprise que la reprendre.
On peut trouver sur le site de l'APCM (www.APCM.fr) la cinquantaine de propositions qui ont été faites pour aller dans le sens de la rénovation de l'apprentissage.
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Raymond ESCOBAR remercie Jean-Patrick FARRUGIA et laisse la parole à André MALICOT, directeur de formation - Association Ouvrière des Compagnons du devoir du Tour de France qui a beaucoup à nous dire sur la formation des Compagnons du Tour de France.
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André MALICOT , Directeur de formation - Association Ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France - rappelle ce que font aujourd'hui les Compagnons du Devoir à travers l'Association Ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France parce qu'on en parle souvent au passé et on ignore peut-être quel est le présent. Aujourd'hui, l'Association Ouvrière est une association loi 1901 reconnue d'utilité publique qui travaille pour 23 métiers. André MALICOT ne sait pas s'ils seront classés dans la liste des métiers d'art, mais ces hommes essaient de les pratiquer avec art.
Pour ces métiers, trois grands types d'actions :
-?des actions d'information et d'orientation en direction des jeunes pour leur faire découvrir ce que sont les métiers, en insistant sur le fait que l'on préfère faire découvrir le métier plutôt que le parcours de formation qui n'est qu'un moyen pour y arriver ;
-?des actions de formation. Chaque année, l'Association reçoit un peu plus de 15 000 personnes en formation, 5 500 apprentis, 3 500 qui font le tour de France, le tour d'Europe et le tour du monde maintenant, et le reste, ce sont des stagiaires de la formation professionnelle continue ;
-?des actions d'études et de recherche parmi lesquelles :
la rédaction d'une encyclopédie des métiers. En ce qui concerne le métier de charpentier, l'encyclopédie est composée de 10 volumes de chacun 10 cahiers de 50 pages, soit 5 500 pages sur les savoir-faire d'un métier. Cette encyclopédie est pire que Diderot et D'Alembert parce que ce ne sont pas les intellectuels qui l'écrivent, ce sont les hommes du métier, qui ont pratiqué le métier et qui viennent dire leur savoir-faire ;
des instituts supérieurs pour les métiers avec une mission fondamentale qui est se préoccuper du devenir des métiers, et quatre missions accompagnatrices : être des lieux de rencontre, de recherche, de mémoire et de formation ;
des groupes de travail se réunissent régulièrement et prennent en compte toujours le souci du devenir des métiers. Plutôt que de dire que ce sont des métiers traditionnels, ce sont des métiers qui ont une histoire, et s'ils ont une histoire, ils ont peut-être aussi un avenir.
Ce qui caractérise l'action des Compagnons du Devoir, c'est effectivement d'avoir toujours eu une formation proposée en alternance, et une alternance avec un contrat de travail. Il leur semble important que le jeune qui veut apprendre un métier ait un lien (formalisé par un contrat) avec l'entreprise pour trois séries de raisons :
des raisons sociales
Pour certains jeunes, la formation n'avait plus sens, et le fait de devenir un acteur économique, même si c'est très modeste, mais être impliqué dans une entreprise, ce qui est un acte économique, peut redonner sens à un parcours de formation. C'est très important et c'est pour cela que les Compagnons du Devoir sont très attachés à l'apprentissage parce qu'on peut reconstruire des parcours de formation pour des jeunes qui ont été peut-être exclus.
des raisons pédagogiques
Aussi, la société ne privilégie presque qu'un seul chemin pour aller vers la connaissance : celui qui va de la théorie à la pratique. Quand on parle de la théorie, c'est souvent l'aptitude à manipuler les mots et les concepts, et à se dire qu'on va les appliquer à la réalité. C'est vrai que cela fonctionne bien pour un grand nombre, mais les autres ? On oublie que la connaissance passe par tous les sens, et que pour certains, cela va mieux de la main au cerveau.
Il faut que la société se dote d'un système de formation qui va passer par les apprentissages sensibles, par le métier, et on va s'apercevoir -?les Compagnons du Devoir en sont convaincus et ils le constatent - que les jeunes qui viennent vers eux, au départ pour apprendre un métier vont, au bout de très peu de temps s'apercevoir qu'ils vont apprendre par le métier. Le métier devient le vecteur et le chemin qui peut ouvrir à la connaissance.
des raisons qui tiennent à l'objet même de l'apprentissage
Apprendre un métier, c'est quelque chose de complexe. On n'apprend bien un métier que si on l'apprend dans son contexte, sinon on le réduit. Un métier, c'est un ensemble de techniques et un ensemble de savoir-faire. Si ce n'était que des techniques, que des savoir-faire, cela pourrait s'apprendre dans n'importe quel lieu. Mais ce sont toujours des techniques et des savoir-faire qui sont vécus dans un contexte : un contexte économique et un contexte social. Si on extrait les techniques de leur contexte économique et social, on peut faire de bons techniciens, mais qui ne seront jamais des hommes de métier. L'alternance apporte ce réalisme par l'économique et le social aux métiers, et c'est un élément important. C'est une troisième série de raisons pour laquelle il est bon de maintenir un système fort d'apprentissage, en particulier quand il s'agit d'apprentissage de métiers.
Pour conclure, André MALICOT ajoutera que ce qui fait l'un des succès de l'apprentissage, c'est qu'il permet de donner les conditions de la transmission. Le mot transmission a été beaucoup employé.
André MALICOT raconte une expérience personnelle alors qu'il arrivait comme directeur de la formation chez les Compagnons.
On lui dit, « nous, on n'est pas comme les autres, on transmet ». Il voulait savoir ce que voulait dire « transmettre », mais il n'avait pas beaucoup d'explication sur cette réalité qu'était la transmission. N'aimant rester avec une question sans ébauche de réponse, il a essayé d'en chercher une et il a vu trois éclairages qui l'ont aidé à comprendre ce qu'était transmettre, en se disant que transmettre n'est pas l'apanage des Compagnons, on peut transmettre dans n'importe quelle structure de formation.
Le premier éclairage qu'il a vu, il a ouvert le dictionnaire et a pu lire « transmettre : céder, mettre ce que l'on possède en la possession d'un autre ». Cela suppose d'avoir conscience de posséder quelque chose en propre, mais non seulement avoir conscience, mais que ce soit aussi reconnu. Aujourd'hui, une difficulté dans la société, on ne peut pas avoir de la transmission si on ne reconnaît pas les hommes qui ont quelque chose et quelque chose qu'ils peuvent transmettre. Il convient certainement de faire un travail sur ceux qui sont porteurs de savoirs et de savoir-faire spécifiques qu'ils pourront transmettre. On ne transmet bien à ses enfants que ce que l'on a aimé soi-même.
Deuxième éclairage, c'est celui qu'il a trouvé en lisant Régis DEBRÉ qui a écrit un livre, il y a quelques années, sur transmettre. Il fait la distinction entre communiquer et transmettre. On est certainement aujourd'hui davantage dans une pédagogie de la communication et peu dans une pédagogie de la transmission. Régis DEBRÉ dit ceci : « Communiquer, c'est transporter une information dans l'espace. Transmettre, c'est transporter une information dans le temps » . On sait communiquer, on sait avoir en temps réel toutes les informations possibles, d'ailleurs on ne sait pas se débrouiller pour les traiter toutes, elles sont trop nombreuses.
Mais on ne sait pas respecter le temps et prendre le temps. Or, que sommes-nous ? Nous sommes devenus ou nous devenons essentiellement ce que l'on nous transmet. André MALICOT pense qu'il faut réfléchir à la formation en termes de transmission, et c'est sans doute le rôle d'un éducateur qui est de former quelqu'un, de lui transmettre quelque chose. Ce deuxième éclairage, la transmission, suppose du temps.
Troisième éclairage, André MALICOT l'a découvert à travers le Compagnon Jean BERNARD qui a créé l'association et qui disait : « Transmettre, c'est une manière d'aimer - il ajoutait : C'est aimer ce que l'on transmet, aimer celui à qui on transmet » . On ne transmet bien que ce que l'on aime, et là en tant que formateur, on doit réfléchir : Les formateurs aiment-ils le métier qu'ils transmettent ? Ou : Font-ils avec amour le métier qui consiste à transmettre ?
La transmission suppose d'aimer ce que l'on fait et aussi d'aimer celui à qui on transmet, c'est-à-dire que ce n'est pas le distributeur automatique, ce n'est pas la mise à disposition d'une quantité d'informations, c'est établir une relation avec quelqu'un et reconnaître cette personne. Et ça, c'est important.
Aussi, toute transmission suppose la confiance parce que la transmission, ce n'est pas simplement la reproduction du passé. Quand on transmet un bien à quelqu'un, on lui donne quelque chose, on ne sait pas ce qu'il en fera, mais parce que c'est lui, on sait qu'il en fera quelque chose de bien.
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Raymond ESCOBAR retiendra que le contrat d'apprentissage, c'est le premier vrai contrat de travail pour l'apprenti, et c'est très important de le souligner.
Le sujet abordé maintenant concerne les différentes voies en entreprises pour acquérir une validation ou une expérience professionnelle. Pour cela, madame Hélène FARNAULT va évoquer le dispositif des maîtres d'art.
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* 4 Association Permanente des Chambres de Métiers