DÉCENTRALISATION ET FORMATION

Animateur : Françoise LANDAIS, ministère de l'Economie, de Finances et de l'Industrie - DECAS

Françoise LANDAIS aurait préféré appeler cette table ronde « formation et territoires » parce que, compte tenu du contenu des interventions, il sera assez peu question de décentralisation.

Le premier thème concerne l'expérience d'une région, la Lorraine qui se mobilise fortement en faveur de la formation pour les métiers d'art et sera présenté par deux intervenants, Christophe de LAVENNE qui anime la mission métiers d'art au conseil régional de Lorraine et Gérard CHERPION qui est vice-président du conseil régional, député des Vosges et membre de la Commission culturelle des affaires familiales et sociales de l'Assemblée nationale, et président de la Commission éducation formation apprentissage au conseil régional.

I. LA MOBILISATION D'UN CONSEIL RÉGIONAL : LA LORRAINE

Christophe de LAVENNE , consultant - se propose de brosser le portrait « métiers d'arts de la région Lorraine », portrait qui explique en grande part la décision qui a été prise de mener une réflexion spécifique sur l'avenir des métiers d'art en Lorraine.

En préambule, il convient de rappeler que la Lorraine est une région de très forte tradition, à la fois dans l'industrie d'art et dans l'artisanat d'art. On peut citer quelques lieux bien connus : Baccarat, Mirecourt, Longwy avec les émaux, la broderie perlée du Lunéville, le travail du granit du côté de Remiremont. Il y a donc un certain nombre de secteurs phares de l'artisanat d'art dans cette région et de l'industrie d'art.

Issue de cette grande tradition de l'industrie, la région a un fort potentiel de formation aux métiers d'art puisque la Lorraine compte 23 centres de formation aux métiers d'art, dont certains très connus : l'Ecole nationale de Lutherie de Mirecourt, le CERFAV en tant que centre de formation aux arts verriers et un grand nombre de lycées lorrains qui interviennent dans le secteur des métiers d'art.

L'autre particularité, les diplômes sont en majorité de niveau V, ce qui témoigne là aussi un peu de la tradition de l'industrie d'art, c'est-à-dire qu'il y avait en Lorraine essentiellement des formations d'ouvriers d'art. Il y a un seul DMA, le DMA de l'Ecole nationale de Lutherie. Par ailleurs, les lycées ne sont pas à proprement parler des lycées de métiers d'art, ce sont des lycées classiques (lycées professionnels, lycées technologiques) qui ont une section métier d'art, ce qui rend parfois beaucoup plus difficile la gestion de cette section, parce que ce n'est pas la raison d'être principale de l'établissement, et donc il est parfois un peu délicat de faire vivre cette section dans un lycée d'enseignement général.

Le réseau est constitué d'une majorité de lycées professionnels avec la formation initiale et sous statut scolaire. Ces établissements sont situés à l'endroit de la tradition, c'est le cas pour la broderie perlée de Lunéville, et pendant un certain temps, on a pu assister à des phénomènes qui ont fait que le bassin de recrutement était le bassin d'implantation de l'établissement avec un recrutement qui n'était pas qualitativement intéressant. Certaines filières métiers d'art ont même été considérées pendant un moment comme étant des filières vers lesquelles on pouvait orienter les élèves en difficulté de formation en fin de parcours de formation initiale en 3 e .

Ce travail est aujourd'hui repris avec l'Education nationale pour essayer de redonner un élan à ces filières de formation, sachant que l'offre de formation initiale est doublée d'une offre de formation continue. On rencontre en Lorraine la même problématique que l'on retrouve dans toutes les régions de France, c'est-à-dire les difficultés que l'on peut avoir pour faire fonctionner des centres de formation continue et à financer des parcours de formation continue aux métiers d'art, puisqu'il n'existe pas à proprement parler de système de financement de la formation continue dans les métiers d'art, qui puisse prendre en compte les spécificités des métiers d'art.

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Gérard CHERPION , vice-président du Conseil régional et président de la Commission éducation formation apprentissage au Conseil régional - explique que la région Lorraine est partie d'un constat qui a été dit et répété, c'est le risque réel de limiter l'activité des entreprises par la perte des savoir-faire et la croyance très forte dans le potentiel de création d'entreprises de la région, et en particulier dans le secteur des métiers d'art, partant du constat qui vient d'être décrit par Christophe de LAVENNE.

Le Conseil régional a voulu engager une politique dans un secteur de sa compétence, celui de la formation professionnelle. Gérard CHERPION a souhaité la création d'un groupe spécifique sur l'apprentissage dans les métiers d'art et les métiers rares réfléchissant à l'élaboration du PRDF 5 ( * ) , ce qui témoigne de la volonté et de l'engagement de la région de s'interroger sur les besoins spécifiques des entreprises de métiers d'art quelles qu'elles soient, artisanales ou industrielles.

La région a également souhaité favoriser l'émergence et la mise en réseau de centres de formation, pôles de compétences pour la transmission des savoirs. Très sensible à la formation tout au long de la vie, la politique mise en oeuvre vise à favoriser l'émergence des centres de formation pôles de savoir-faire, capables d'intervenir, quel que soit leur statut de départ, sur l'ensemble des champs de la formation.

Cette volonté a aussi pour objectif de ne pas faire dépendre de la seule formation initiale sous statut scolaire, le maintien d'une filière de formation, au risque d'ailleurs de voir les établissements recourir à des recrutements parfois de qualité insuffisante, laquelle ne permettra pas d'obtenir les résultats escomptés.

La mise en réseau se traduit par la mise en place d'un groupe régional de suivi et de formation aux métiers d'art qui regroupe l'ensemble des lycées, sous la responsabilité du délégué académique à l'enseignement technologique, qui est ouvert bien évidemment au Conseil régional et, selon les besoins, aux établissements de formation qui sont hors du champ de l'Education nationale. C'est véritablement la volonté d'introduire tout le monde autour de la table et de mettre ensemble les compétences.

Les productions du réseau, c'est la participation conjointe à des salons d'orientation en région et hors région, la réalisation de brochures de promotion communes, qui sera d'ailleurs complétée prochainement par un portail Internet. Le travail en collaboration des établissements ; un lycée du bois et un lycée fonderie travaillent ensemble sur la réalisation de moules. Réalisation de documents conjoints sur les formations aux métiers du verre par deux lycées, un CFA et un centre de formation continue.

La région a d'autres projets et, en particulier, en dehors des créations de matériel commun de promotion et participation à des salons, il y a une réflexion sur une élévation des diplômes proposés qui est conjointe à plusieurs établissements, ainsi qu'un renforcement de la complémentarité entre les établissements, ce qui est fondamental.

Un certain nombre d'outils régionaux ont également été développés, qui sont adaptés à la prise en charge des parcours de formation individualisés ou collectifs. Ainsi qu'en témoigne le parcours personnel de nombreux artisans d'art, le choix de l'artisanat d'art arrive souvent après une première orientation professionnelle ou un changement en formation continue ou une variante d'une formation initiale antérieure. Le discours de Renaud DUTREIL l'a très bien illustré.

Dans ce secteur, il importe d'autant plus de développer une stratégie d'offre de formation continue en privilégiant des modalités souples d'aides individualisées liées au financement de la formation.

En aides individualisées, trois systèmes sont actuellement en place :

Un fonds de formation à l'accès individuel régional. Ce fonds entre dans le cadre de la mobilisation pour la formation aux métiers d'art des demandeurs d'emploi Lorrains, qui permet de financer des parcours individuels de formation aux métiers d'art auprès de centres de formation labellisés, quelle que soit la localisation du centre de formation.

Ce qui veut bien dire qu'un jeune Lorrain qui aurait besoin d'une formation en Bretagne ou dans une tout autre région, peut obtenir le financement de cette formation au travers du Conseil régional, dans la mesure il n'y a pas en Lorraine les outils permettant de répondre à ce problème.

La convention de formation passée avec le centre prévoit si nécessaire la rémunération du stagiaire. La prise en charge du coût de la formation est intégrale dans le cadre d'un projet de création d'entreprise, et lors de la dernière commission le mois dernier, il a été pris en compte des projets de formation dans le domaine de la création de mode, de peinture décoration et de sculpture sur bois. Le système commence à bien fonctionner.

Une convention signée entre le Conseil régional de Lorraine et le réseau des GRETA, sous le nom de GIP Lorrain. Afin d'offrir un cadre clair de mise en oeuvre de formation continue dans les lycées métiers d'art de Lorraine, le Conseil régional a mis en place une convention expérimentale avec le réseau des GRETA. Dans un premier temps, cette convention portera sur un crédit d'heures de 17 000 heures de formation dont 25 % d'heures en entreprise. Le système a démarré avec notamment des prises en charge de formations dans le domaine de la tapisserie d'ameublement et dans la sculpture sur bois.

Le troisième outil est en train de se mettre en place, c'est là aussi un parcours individuel de formation qui veut répondre à des besoins de formation qui ne pourraient être satisfaits par les centres de formation, parce qu'il n'existe pas de centre de formation correspondant dans cette spécialité ou parce que les centres existants n'offrent pas forcément le niveau de formation souhaité.

Il s'agira de mettre en place un système de formation type compagnonnage, s'appuyant sur une formation réalisée pour l'essentiel auprès d'un artisan ou d'un ouvrier d'art détenteur du ou des savoirs spécifiques visés par la formation. Ces formations seraient d'une durée d'environ dix-huit mois (maximum), permettant le transfert du ou des savoirs spécifiques, le stagiaire étant rémunéré et le formateur ou son entreprise bénéficiant d'une bourse d'un montant de 7 500 €, ce qui permet d'encourager aussi la prise en charge de ces personnes, et donc d'aider à la transmission des savoirs.

Il existe également un certain nombre d'outils pour prendre en compte les besoins collectifs. La région s'est engagée sur la prise en charge de formations collectives pour permettre un fonctionnement satisfaisant des centres spécifiques.

Il y a, par exemple, le CERFAV (Centre européen de Formation aux Arts Verriers) qui bénéficie d'un conventionnement annuel pour la formation de 10 compagnons verriers européens sur deux ans, sans que ce conventionnement oblige au recrutement de stagiaires exclusivement Lorrains.

Action également qui est importante de promotion des métiers d'art et de leur image auprès du public. La région a également organisé et géré des participations collectives ou représentatives à des salons régionaux, extrarégionaux. Actuellement, une réflexion porte sur l'acquisition d'un matériel d'exposition commun qui soit cohérent pour l'ensemble.

Par ailleurs, un outil de promotion par Internet est en cours de développement, Lorraine terre des métiers d'art . Il sera en ligne début 2004 et présentera, dès son ouverture :

200 ateliers d'artisanat d'art en Lorraine,

une centaine de métiers différents,

les dispositifs de financement des formations aux métiers d'art existant en Lorraine, mais aussi au plan national,

les 23 centres de formation lorrains, ainsi que toute l'offre de formation complémentaire dans le grand Est,

les 33 centres ressources pour les artisans d'art et les amateurs d'artisanat d'art, depuis des centres de promotion des matériaux, centres de culture scientifiques et techniques, et des musées,

des liens très complets vers l'ensemble des grands sites nationaux et internationaux des métiers d'art.

Une instance régionale a été créée pour suivre la mise en cohérence des politiques publiques, et ce groupe est constitué du Conseil régional, de la Chambre régionale des métiers, de la délégation régionale au Commerce et à l'Artisanat, de la direction régionale des Affaires culturelles et du groupement régional des artisans d'art de Lorraine, et bien évidemment du rectorat.

Enfin, une stratégie interrégionale de promotion des métiers d'art est également en cours de développement. On ne peut pas rester confiné sur le territoire, même si un effort d'ouverture est déjà exprimé en accueillant des stagiaires d'autres régions, il y a une véritable volonté de développer cette interrégionalité, et cela mérite une dimension interrégionale pour permettre un meilleur fonctionnement des structures de formation, mais aussi améliorer et élargir l'offre de formation, et puis peut-être aussi permettre un financement plus évident de ces parcours de formation.

Cette expérience en est encore à ses débuts, mais on voit déjà un certain nombre de résultats avec des artisans d'art qui espèrent maintenant pouvoir transmettre véritablement leurs savoirs au travers de ce dispositif. Par ailleurs, la région souhaite témoigner de la nécessité de la permanence d'un cadrage national pour éviter les risques de déperdition d'énergie et pour pouvoir bénéficier de l'exercice d'une solidarité nationale pour des filières rares.

Il y a véritablement un besoin de travailler tous ensemble pour réussir. Le pari est engagé, Gérard CHERPION pense pouvoir le gagner.

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Françoise LANDAIS admet que la Lorraine a un passé très riche pour les métiers d'art, et cela fait plusieurs années que Gérard CHERPION mène une action en faveur des métiers d'art dans le cadre de deux programmes régionaux financés dans le cadre du contrat de plan. Cette initiative uniquement prise en charge par le Conseil régional pour favoriser la formation mérite d'être saluée, en espérant qu'elle sera suivie par d'autres régions.

Le second thème présente la situation en matière de formation pour une filière qui est la filière de la facture instrumentale. Le premier intervenant est Vincent NIQUEUX qui est le directeur de l'ITEMM (Institut technologique européen des métiers de la musique). Il a une expérience très complète au ministère de la Culture, puisqu'il a été chargé de mission pour l'action régionale et conseiller pour la musique et la danse dans différentes directions régionales des Affaires culturelles, c'est également un musicien et sa nomination à la direction de l'ITEMM était tout à fait adéquate.

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* 5 Programme régional de développement des formations

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