EXAMEN
PAR LA DELEGATION
La délégation s'est réunie le mardi 30 septembre 2003 pour l'examen du présent rapport.
M. Hubert Haenel :
Je voudrais tout d'abord, en quelques mots, rappeler les aspects essentiels du projet de Constitution.
Tout d'abord, l'Union ne change pas de nature . Quand on lit le mot « Constitution », on est naturellement porté à penser qu'il s'agit, avec ce texte, de bâtir un État fédéral. Ce n'est pas le cas. L'Union reste un être hybride, original, qui a une dimension fédérale, une dimension confédérale, et une méthode de décision destinée à favoriser le compromis et le consensus.
Ensuite, les institutions sont profondément réformées. Je rappelle les principaux points :
- la présidence stable du Conseil européen (deux ans et demi) ;
- la réforme du Conseil des ministres , avec seulement deux formations de droit commun, de manière à introduire plus de cohérence dans les travaux ;
- le ministre des Affaires étrangères de l'Union , doté d'une « double casquette », Conseil et Commission, afin d'assurer la convergence des différents aspects de l'action extérieure ;
- la nouvelle composition de la Commission , avec seulement quinze commissaires de plein exercice ;
- l'augmentation très importante des pouvoirs du Parlement européen , que ce soit sur le plan législatif (avec la quasi généralisation de la procédure de codécision) ou sur le plan budgétaire (avec le « dernier mot » du Parlement européen sur l'ensemble des dépenses, c'est à dire notamment sur les dépenses agricoles, dans le respect des perspectives financières).
Enfin, le projet de Constitution entend favoriser un meilleur équilibre dans l'exercice des compétences de l'Union. Dans certains domaines où elle intervient beaucoup, l'Union doit éviter les interventions inutilement contraignantes : c'est le problème de la subsidiarité , que le projet de Constitution s'efforce de résoudre par de nouvelles procédures de contrôle, faisant intervenir les parlements nationaux. Dans d'autres domaines - justice et affaires intérieures, affaires étrangères et défense - l'Union doit au contraire agir davantage et plus efficacement.
Dans l'espace de liberté de sécurité et de justice , les procédures intergouvernementales disparaissent. Le domaine sera régi par des lois européennes, le Conseil se prononçant à la majorité qualifiée en codécision avec le Parlement européen. Désormais, l'harmonisation des législations et des procédures devrait progresser rapidement. Pour les aspects opérationnels, en revanche, le projet reste à mon avis trop timide, je pense en particulier au Parquet européen, qui demandera une décision à l'unanimité. C'est d'autant plus regrettable que, pour l'espace de liberté, de sécurité et de justice, les coopérations renforcées seront plus difficiles à lancer qu'auparavant.
Pour l'action extérieure et la défense , le projet renforce le volet communautaire tout comme le volet intergouvernemental. Le volet communautaire de l'action extérieure, c'est la politique commerciale commune, la coopération au développement, l'aide humanitaire. Dans ces domaines, la procédure de droit commun s'appliquera : vote à la majorité qualifiée et codécision. Toutefois, l'« exception culturelle » est préservée, puisqu'il faudra l'unanimité pour les accords commerciaux portant sur les services culturels et audiovisuels, dès lors que la diversité culturelle et linguistique de l'Europe pourrait être menacée. Le volet intergouvernemental (PESC et défense) est profondément revu avec la présidence stable du Conseil européen, le ministre des Affaires étrangères de l'Union, les possibilités élargies de recourir aux coopérations renforcées en matière de PESC, ainsi que l'introduction des coopérations renforcées en matière de défense, qui est un pas en avant très important. Dans le domaine de la défense, je dois toutefois exprimer le regret que rien ne soit spécifiquement prévu pour associer les parlements nationaux à cette politique pourtant purement intergouvernementale.
En matière économique et sociale , les évolutions sont limitées, beaucoup d'entre nous diront trop limitées. Mais deux points sont à relever : la reconnaissance de l'Eurogroupe , avec une présidence stable (deux ans et demi) ; l'article sur les services d'intérêt général , qui prévoit une loi européenne pour préciser à quelles garanties ces services ont droit.
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Quelques mots de commentaire maintenant.
Pour bien apprécier le résultat obtenu, il faut tenir compte des conditions dans lesquelles la Convention a mené ses travaux. En effet, il fallait roder la méthode conventionnelle, intégrer les dix nouveaux adhérents ainsi que la Roumanie et la Bulgarie, associer la Turquie ; il fallait également surmonter la querelle latente entre fédéralistes et intergouvernementalistes ; il fallait enfin faire face à un certain conservatisme des institutions européennes : dans l'hémicycle, trop souvent, se manifestait la « claque » orchestrée ou spontanée, qui défendait le « politiquement correct » européen que l'on peut résumer par trois slogans, trois leitmotivs : pas de nouvelles institutions ; pas d'atteinte à l'équilibre institutionnel ; extension de la méthode communautaire à tous les domaines. Si la Convention avait repris cette ligne à son compte, nous n'aurions pas eu de présidence stable du Conseil européen, pas de ministre européen des affaires étrangères, pas d'avancée en matière de défense. Il convient d'ajouter que les dernières semaines ont été marquées par la fronde des petits et moyens pays sur les questions institutionnelles, fronde qui n'est d'ailleurs pas terminée.
Dans ce contexte, il fallait parvenir à respecter le mandat de Laeken qui assignait à la Convention des objectifs ambitieux : simplifier et clarifier les traités ; proposer un ensemble de dispositions capables de rendre les institutions de l'Europe plus légitimes et plus efficaces ; rendre l'Europe plus crédible, notamment dans les domaines de l'action extérieure et de la défense, de la justice et de la sécurité. On pourrait bien sûr prendre en détail le mandat de Laeken et le confronter au résultat final, pour pointer telle ou telle carence. Je crois qu'il est plus intéressant de regarder l'apport de la Convention.
D'abord, la Convention a voulu préciser le sens du projet européen :
- en intégrant la Charte des droits fondamentaux.
- en rédigeant un préambule au projet de traité constitutionnel.
- en mentionnant les symboles de l'Union : son drapeau, son hymne, sa devise, « Unie dans la diversité », sa monnaie, l'euro, et la journée de l'Europe : le 9 mai.
Ensuite, la Convention a simplifié les traités . La table des matières claire, pédagogique, prouve qu'il y a un vrai progrès, même si la répartition des compétences reste encore floue.
L'Union devait également se doter d'une plus forte capacité de décision. La Convention a donné une réponse à la hauteur des attentes et des enjeux :
- la présidence stable du Conseil européen est une des clefs du dispositif et j'estime que la Conférence intergouvernementale ne doit en aucun cas transiger sur ce point ;
- la création d'un ministre européen des Affaires étrangères contribuera à donner sa crédibilité à l'Europe dans le domaine de l'action extérieure ;
- le président de la Commission garde toute son importance dans la vie interne de l'Union.
L'ensemble de ces dispositions permettra de mieux identifier les responsabilités. C'est, me semble-t-il, le début d'un « espace public européen ».
Il fallait par ailleurs répondre à la question : qui fait quoi, comment se répartissent les compétences ? On ne peut dire que le projet de Constitution règle cette question par lui-même. Mais l'important est que, dorénavant, les Parlements nationaux auront la possibilité de veiller au respect de la règle de la subsidiarité, grâce à un mécanisme en deux étapes : le « carton jaune » (alerte précoce), au début du processus législatif ; le « carton rouge » (recours devant la Cour de justice), à la fin du processus législatif.
En même temps, afin d'éviter la paralysie qu'entraîne le vote à l'unanimité, la Convention prévoit une large extension du vote à la majorité qualifiée, ce qui permettra à l'Europe à vingt-cinq puis à vingt-sept, l' « Europe espace », de fonctionner, d'éviter les blocages.
D'autres dispositions importantes concernent l'appartenance à l'Union : d'abord les conditions d'entrée dans l'Union, mais aussi les conditions de sortie de l'Union : l'Europe n'est pas une fusion, on peut en sortir ; ensuite, la suppression des droits liés à l'appartenance à l'Union pour un pays qui enfreindrait les principes fondamentaux contenus notamment dans la Charte.
Le traité constitutionnel affirme le respect dû par l'Union aux identités nationales , y compris en ce qui concerne l'autonomie locale et régionale. De plus, l' « exception culturelle » est maintenue pour les accords de commerce internationaux. La spécificité des services publics - « services d'intérêt économique général » - est également reconnue par le projet de Constitution.
Enfin, je rappellerai que nous n'avons pas échappé, après le malentendu et la polémique liés à la Charte, au débat sur le patrimoine et l'héritage religieux, voire à l'invocatio Dei , en tout cas à la place des églises. Je crois que le problème a été bien résolu ; d'une part, par le rappel, dans le préambule, des héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe ; d'autre part, par l'affirmation que le statut des églises et organisations non confessionnelles relève strictement de la compétence de chaque État, ce qui n'empêche pas l'Union de maintenir un dialogue « ouvert, transparent et régulier » avec ces églises et organisations.
Pour terminer ce commentaire sur le résultat de la Convention, je ne serais pas complet ni objectif si je n'évoquais pas certaines imperfections qui, à mon avis, subsistent dans le compromis final :
- en matière de gouvernance économique et sociale , il y a très peu de progrès ;
- pour l'équilibre des institutions, je regrette que le pouvoir pour le Parlement européen de censurer la Commission n'ait pas pour contrepartie la possibilité d'une dissolution du Parlement européen, d'un renvoi devant les électeurs en cas de blocage ;
- je regrette que la réflexion n'ait pas été menée plus loin sur les conséquences d'une éventuelle adhésion de l'Union à la Convention européenne des droits de l'Homme, notamment en matière de contrôle juridictionnel de l'action extérieure, sans compter le problème des éventuels conflits de jurisprudence entre la cour de Strasbourg et celle de Luxembourg. C'est un point sur lequel la prudence devrait s'imposer ;
- le statut du président stable du Conseil européen et celui du ministre des Affaires étrangères ne sont pas sans ambiguïté. Mais est-ce vraiment un défaut ? Je n'en suis pas sûr. Après tout, on peut espérer que les personnes qui occuperont ces fonctions sauront leur donner leur juste dimension ;
- pour ma part, j'aurais souhaité qu'on soit plus audacieux dans le domaine de la justice et de la sécurité, en prévoyant un véritable contrôle politique sur Europol, une transformation rapide d'Eurojust en un véritable Parquet européen collégial et une articulation entre les deux.
- enfin, sur le rôle des parlements nationaux , la Convention est restée encore trop timide. Elle a écarté l'idée du Congrès, qui aurait amené les organes dirigeants de l'Union à rendre des comptes, chaque année ou tous les deux ans. De plus, le rôle des parlements nationaux en matière de défense n'est pas clairement organisé. Aujourd'hui, nous avons l'Assemblée de l'UEO. Avec la Constitution, l'UEO va achever de se fondre dans l'Union. Que va devenir l'Assemblée de l'UEO ? Qu'est-ce qui prendra le relais ? Il subsiste ici une lacune préoccupante.
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Après ces quelques commentaires sur le projet de traité, où en sommes-nous aujourd'hui ?
La Conférence intergouvernementale va s'ouvrir le 4 octobre à Rome. Dans le cadre de la préparation de cette Conférence, la présidence italienne est allée rendre visite à chacun des gouvernements des États membres. De plus, une rencontre des ministres des Affaires étrangères des vingt-cinq s'est tenue en Italie. Enfin, les ministres des petits pays, à l'exception du Benelux, se sont rencontrés à Prague.
On constate que les positions qui ont été exprimées alors par les vingt-cinq États qui vont participer à la CIG laissent apparaître beaucoup d'incertitudes, voire une certaine confusion. Il y a d'abord une remise en cause de la définition de la majorité qualifiée par l'Espagne et la Pologne qui souhaitent que l'on maintienne les dispositions arrêtées en cette matière à Nice. Il y a ensuite, de la part de beaucoup de petits pays, une contestation de la composition de la Commission. Je vous rappelle que la Commission sera composée d'un représentant par État membre jusqu'en 2009. Beaucoup voudraient que l'on maintienne cette composition après 2009. À cela s'ajoute l'avis rendu par la Commission qui se révèle assez critique à l'égard du texte issu des travaux de la Convention. Cet avis réclame avec vigueur que la Commission soit composée d'un national de chaque État membre et que chaque membre de la Commission jouisse des mêmes droits et obligations. Il demande en outre une réduction sensible du recours à l'unanimité pour l'adoption des lois européennes et la possibilité de procéder à des révisions ultérieures de la Constitution sans exigence d'unanimité et sans ratification par les parlements nationaux. Enfin, d'autres volontés de modifier le projet de traité apparaissent ici ou là, notamment à propos de la défense où certains estiment que le projet va trop loin.
C'est en fonction de ce panorama général et de ce climat que nous devons aujourd'hui examiner le texte issu des travaux de la Convention. Bien sûr, ce texte ne nous satisfait pas pleinement. Bien sûr, nous aurions souhaité qu'il soit plus novateur, par exemple sur la gouvernance économique et sociale ou sur le Parquet européen. Mais, nous devons garder à l'esprit que nous sommes dans le cadre d'un débat à vingt-cinq. Chacun des vingt-cinq aurait évidemment rêvé d'un texte différent de celui qui est aujourd'hui sur la table. Mais le texte qui est actuellement la base des travaux de la CIG, c'est-à-dire le texte résultant des travaux de la Convention, représente un point d'équilibre. Certes, il doit faire l'objet de clarifications car il y subsiste des ambiguïtés et des imprécisions. Il peut également y être apporté des modifications de détail. Mais mon sentiment est que ses grandes lignes ne doivent pas être remises en cause. Les remettre en cause porterait atteinte à l'équilibre d'ensemble et amènerait à rouvrir l'ensemble du débat. Le risque serait de s'engager alors dans une négociation semblable à celle qui s'est conclue à Nice. Qui pourrait croire que l'on aboutirait alors à un meilleur résultat d'ensemble que celui qui est aujourd'hui devant nous ?
Hier, le président de la République a reçu les deux députés et les deux sénateurs qui représentaient le Parlement français à la Convention. J'ai pu constater à cette occasion qu'il y avait une convergence entre les quatre parlementaires français membres de la Convention pour souhaiter avec vigueur que la Conférence intergouvernementale ne défasse pas ce qu'a fait la Convention, quelles qu'en soient les imperfections.
M. Robert Badinter :
Ce projet est meilleur que ce que nous avons aujourd'hui ; il est moins bon que ce que l'on aurait pu espérer.
Soyons clairs : sur les versions qui viennent d'être éditées, le mot « Constitution » est en gros caractères ; il éclipse le mot « traité » , en petits caractères, qui le précède : mais le texte est bien un traité, non pas une Constitution. A partir du moment où il s'agit d'un traité, il faut le replacer dans la continuité de l'histoire européenne, jalonnée par les traités successifs. L'Europe, ce n'est pas du court terme : c'est un processus qui se développe depuis des dizaines d'années, qui va bientôt englober 450 millions de personnes dans vingt-cinq pays. Tous en tirent des bénéfices en termes de paix et de prospérité. Ce processus sans précédent a fait disparaître l'idée même de la guerre chez les participants au profit de l'idée d'Etat de droit. Le nouveau texte est une étape de plus dans ce processus. Bien sûr, le mot « Convention » et « Constitution » faisaient que certains croyaient être à Philadelphie et se voyaient en pères fondateurs. Mais la réalité était celle d'une négociation, de la recherche d'un point d'équilibre. Le résultat n'a pas la beauté d'une Constitution nationale et ne pouvait l'avoir.
Mais, partant de là, il faut admettre que, si l'on déstructure ce résultat, on remettra en cause l'équilibre atteint, et finalement on en reviendra plus ou moins au traité de Nice. Souvenons-nous que l'Italie veut à toute force un résultat durant sa présidence, ce qui laisse très peu de temps à la CIG. Or, c'est parce que le traité de Nice était jugé décevant que la Convention a été lancée : il serait paradoxal d'en revenir maintenant à la substance du traité de Nice.
Bien sûr, le projet préparé par la Convention n'est pas intangible. La réforme proposée pour la Commission me paraît le point le plus susceptible d'évoluer, sans doute pour aller vers la solution proposée par la Commission elle-même : un commissaire par État membre et une structuration, une sorte de directoire au sein de la Commission. En revanche, je crois qu'il ne faut pas toucher au bon équilibre atteint pour la majorité qualifiée. Pour la gouvernance économique et sociale, le résultat est décevant, reconnaissons-le. Il ne l'est pas pour la PESC : le nouveau système devrait donner à l'Europe bien plus de visibilité, car le ministre des Affaires étrangères aura des atouts considérables entre les mains. Pour la défense, on le sait, le poids des Britanniques des déterminant, et ils ne changeront pas leur fusil d'épaule !
Observons enfin le calendrier : en France, l'élargissement sera ratifié avant la fin de l'année. Il y aura des états d'âme, mais l'autorisation de ratifier sera donnée. Puis il faudra approuver le traité constitutionnel en deux étapes : nous aurons d'abord à réviser notre propre Constitution, ensuite ce sera l'examen du traité constitutionnel lui-même qui commencera. Alors, le choix sera simple : ce sera ou bien le traité constitutionnel, ou bien le retour au traité de Nice, sachant que l'élargissement sera alors un fait acquis. Le choix sera évident !
M. Simon Sutour :
Nous devons être tous conscients de la mauvaise perception de la construction européenne dans le contexte actuel. Les interventions européennes dans des cas comme Alstom ne sont pas comprises, et je ne parle pas de la chasse ou de la remise en cause des corridas. Les élus se demandent ce qu'il restera de la politique régionale après l'élargissement. Est-ce que le traité constitutionnel ne va pas être surtout perçu en fonction de ce contexte ?
M. Xavier de Villepin :
Alors que de nouvelles puissances émergent, l'Europe doit impérativement se structurer davantage. Est-ce que les avancées proposées par la Convention resteront dans le texte final ? Je crois que le problème posé par l'Espagne et la Pologne pour la définition de la majorité qualifiée sera difficile à résoudre. Pour la composition de la Commission, il sera sans doute inévitable d'accepter un commissaire par État membre. Nous ne devons pas sous-estimer le clivage qui existe aujourd'hui entre membres fondateurs et nouveaux adhérents. Mon principal regret est l'insuffisance du texte dans le domaine économique et social. Il faut un gouvernement économique pour l'Union. L'Europe ne peut continuer à donner l'image de faiblesse qui est la sienne aujourd'hui. Où sont la politique économique et la politique monétaire de l'Union ? Ces carences nous coûtent cher et compromettent l'avenir.
M. Hubert Haenel :
Sachez que les conventionnels français allaient tous dans notre sens ! Mais la Convention était divisée sur ce sujet et nous avions contre nous la Grande-Bretagne et les pays qui partageaient ses vues.
M. Emmanuel Hamel :
Je ne peux comprendre votre soutien à ce projet qui est une nouvelle étape dans une entreprise de démolition de notre pays. Vous acceptez d'entrer dans une mécanique où l'Europe se crée par destruction de la France ! Je suis persuadé que, dans les profondeurs de l'opinion, ce projet n'est pas accepté.
M. Bernard Angels :
Je voudrais marquer mon accord avec Xavier de Villepin, au-delà de nos divergences politiques. La situation économique de la France est très inquiétante. Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls en difficulté dans la zone euro. Et en agissant pays par pays, on ne fait que poser des rustines sans résoudre le problème, car celui-ci se situe à l'échelon européen. Lorsque la croissance faiblit, et elle est aujourd'hui extrêmement faible, il faut pouvoir agir par les leviers de la politique monétaire et de la politique budgétaire. Or, le contrepoids politique nécessaire face à la Banque centrale européenne n'a jamais été mis en place. La BCE est trop indépendante pour qu'il puisse y avoir une bonne combinaison des politiques. Quant à la politique budgétaire, elle bute rapidement sur les critères de Maastricht. Le projet de Constitution ne résout pas ce problème. Il y a des avancées sur d'autres points, mais pas sur cet aspect pourtant capital. Nous allons rester sans moyen d'action pour relancer l'économie européenne, alors que c'est la condition de tout nouveau progrès social.
M. Marcel Deneux :
Ce texte contient, chacun le reconnaît, des avancées. Il marque une étape. Mais je partage les inquiétudes qui se sont exprimées sur ses lacunes. Et je crois qu'il sera difficile de convaincre les électeurs que ce projet répond à leurs attentes.
M. Lucien Lanier :
Je partage le constat que l'Europe ne montre pas en ce moment son efficacité face aux difficultés économiques. Mais l'efficacité ne peut plus s'obtenir comme il y a cinquante ans. Nous sommes engagés dans un processus de mondialisation qui rend les problèmes de politique économique bien plus complexes. Une plus grande efficacité passe d'abord, à mes yeux, par un renforcement politique de l'Europe. Or, c'est un mérite essentiel du projet de Constitution d'aller dans ce sens.
À l'issue de ce débat, la délégation a autorisé la publication du présent rapport.