CHAPITRE VI :



L'IMPOSITION DES REVENUS DU CAPITAL

Dans son rapport d'information de 1997 sur la fiscalité de l'épargne 15 ( * ) , notre ancien collègue Alain Lambert, alors rapporteur général de la commission des finances, soulignait que la fiscalité de l'épargne était en France particulièrement lourde, quand on la comparait à celle des autres pays européens. Il en déduisait que le risque de sortie de capitaux était important, et proposait sept principes devant guider la fiscalité de l'épargne.

La doctrine de la commission des finances du Sénat en matière de fiscalité de l'épargne, selon le rapport Lambert de 1997

« Premier principe : l'épargne est importante : sans épargne, pas d'investissement, sans investissement pas de croissance durable.

« Deuxième principe : l'opposition capital / travail est stérile ; si tant est qu'un rééquilibrage de la fiscalité du capital par rapport à la fiscalité du travail soit souhaitable, ce rééquilibrage doit se faire en diminuant les prélèvements sur les revenus du travail et non pas en augmentant ceux supportés par le capital.

« Troisième principe : une taxation supplémentaire de l'épargne ne permet pas de relancer la consommation. Il ne sert à rien d'invoquer des alibis économiques pour justifier des mesures qui n'ont d'autre objet que de faire rentrer des recettes dans les caisses de l'État. Seule la confiance permet de modifier le partage épargne-consommation. Or, on ne rétablit pas la confiance en augmentant les impôts.

« Quatrième principe : il vaut mieux essayer d'agir sur la structure de l'épargne que sur son volume. La fiscalité est impuissante à modifier le volume de l'épargne, en revanche elle est très influente sur la structure de l'épargne, c'est à dire sur l'orientation des placements.

« Cinquième principe : la fiscalité de l'épargne doit assurer la neutralité entre actifs de même nature (par exemple tous les titres de taux doivent être traités de la même manière, quelque soit le support).

« Sixième principe : la fiscalité de l'épargne doit prendre en compte la durée de l'engagement d'épargne, et favoriser les titres de fonds propres plutôt que les titres de dettes.

« Septième principe : le législateur doit assurer un cadre fiscal stable et s'abstenir de prendre des mesures rétroactives ».

Source : Alain Lambert, rapport d'information du Sénat n°82 sur la fiscalité de l'épargne (1997-1998)

Le diagnostic d'une fiscalité de l'épargne particulièrement lourde en France est malheureusement toujours d'actualité. Comme le souligne l'OFCE, « la France est le seul pays à avoir augmenté l'imposition des revenus de l'épargne » durant la décennie 1990, le taux d'imposition sur les revenus de l'épargne ayant alors « augmenté de près de 10 points. »

Non seulement la fiscalité de l'épargne en France est lourde, mais en plus elle présente, plus que dans les autres pays, une structure économiquement inappropriée : si la plupart des pays européens taxent davantage les revenus d' actions que les revenus d' intérêt , cette caractéristique est particulièrement marquée en France.

I. UNE FISCALITÉ FRANÇAISE RELATIVEMENT FAVORABLE POUR LES REVENUS D'INTÉRÊT

La fiscalité française est relativement peu élevée dans le cas des revenus d'intérêt .

Selon l'OFCE, « seule l'Espagne applique un taux réellement élevé. L'Allemagne et le Luxembourg sont des cas particuliers. En effet, l'imposition à l'IR n'est réellement effective que si le pays qui l'applique possède les moyens de la faire respecter, à savoir une obligation de déclaration à l'administration fiscale par les établissements payeurs. Dans ces deux pays, l'absence de système d'information aboutit à l'application en pratique de la retenue à la source. Celle-ci est en l'occurrence nulle pour le Luxembourg. (...) Au total, le Luxembourg présente donc, devant la Suisse, le régime le plus favorable. Pour les autres (à l'exclusion de l'Espagne) les taux varient selon les pays entre 15 % et 25 %. »

Les principales caractéristiques de la fiscalité des revenus d'intérêt indiquées par l'OFCE sont synthétisées par le graphique ci-après.

L'imposition des intérêts sur les obligations d'Etat en Europe, selon l'OFCE (2001)

Taux marginal de prélèvement, au taux supérieur de l'impôt sur le revenu

(en %)

(1) Base d'imposition de 4 % de la valeur de marché des actifs (actions ou obligations), taux d'imposition de 30 %

(2) Au Royaume-Uni existe un barème progressif : 20 % et 32,5 %.

(3) Le taux ici pris en compte pour l'impôt sur le revenu est le taux maximal.

Source : d'après les données figurant dans le rapport de l'OFCE


Reposant sur la notion de taux marginal de prélèvement effectif (cf. encadré ci-après) , ainsi que sur des hypothèses différentes de celles de l'OFCE 16 ( * ) , un récent rapport du commissariat général du Plan 17 ( * ) confirme globalement cette analyse, comme l'indique le graphique ci-après.

Le taux marginal de prélèvement effectif

Dans une étude 18 ( * ) réalisée pour l'observatoire de l'épargne européenne, dont un résumé figure en annexe du récent rapport du commissariat général du Plan sur la place des actions dans la patrimoine des ménages (2002) 19 ( * ) , MM. Thierry Laurent et Yannick L'Horty comparent les régimes d'imposition de l'épargne de douze Etats en recourant à la notion de taux marginal de prélèvement effectif .

Cette notion se définit comme le taux de prélèvement effectué sur les revenus réels de l'actif. Ainsi, elle prend en compte le fait que, les revenus imposés étant les revenus nominaux, selon les hypothèses d'un rendement nominal de 5 % et d'un taux d'inflation de 2 %, un taux d'imposition marginal de 60 % correspond à un taux marginal de prélèvement effectif de 100 % 20 ( * ) .

L'imposition des revenus des obligations dans certains Etats européens, selon le commissariat général du Plan (2001)

Taux marginal de prélèvement effectif , pour un revenu moyen

(en % du rendement réel )



Selon les hypothèses d'un rendement nominal avant imposition de 5 % et d'une inflation de 2 %.

(1) En Suède le taux dépasse 100 % du fait de l'importance des taxes locales.

Source : Commissariat général du Plan, La place des actions dans le patrimoine des ménages, mesure et comparaisons internationales (contribution de Th. Laurent et Y. L'Horty), décembre 2002

* 15 Commission des finances, rapport d'information du Sénat n° 82 (1997/1998).

* 16 Revenu des ménages correspondant à la moyenne de chaque pays, prise en compte de la totalité des prélèvements locaux et sociaux.

* 17 Commissariat général du Plan, La place des actions dans le patrimoine des ménages, mesure et comparaisons, décembre 2002.

* 18 Thierry Laurent, Yannick L'Horty, « Fiscalité de l'épargne en Europe : une comparaison multi-produits », Revue d'économie financière, n° 64.

* 19 Commissariat général du Plan, La place des actions dans le patrimoine des ménages, mesure et comparaisons, décembre 2002.

* 20 En effet : un rendement nominal de 5 %, une fois imposé à 60 %, correspond à un rendement nominal net de 2 %. Si l'inflation est de 2 %, le rendement nominal réel est donc nul.

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