Rapport d'information n° 343 (2002-2003) de MM. Joël BOURDIN , Philippe MARINI , fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification, déposé le 10 juin 2003

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N° 343

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 juin 2003

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) et de la délégation du Sénat pour la planification (2) sur les réformes fiscales intervenues dans les pays européens au cours des années 1990 ,

Par MM. Philippe MARINI et Joël BOURDIN,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.

(2) Cette délégation est composée de : M. Joël Bourdin, président ; Mme Évelyne Didier, MM. Serge Lepeltier, Marcel Lesbros, Jean-Pierre Plancade, vice-présidents ; MM. Pierre André, Yvon Collin, secrétaires ; MM. Gérard Bailly, Joseph Kerguéris, Patrick Lassourd, Michel Pelchat, Daniel Percheron, Roger Rinchet, Gérard Roujas, Bruno Sido .

Impôts et taxes.

INTRODUCTION

Le présent rapport sur les réformes fiscales intervenues en Europe au cours de la dernière décennie du siècle précédent est, avant tout, destiné à mettre à la disposition du Sénat, et du public en général, les résultats d'une étude commandée par la Commission des Finances du Sénat et la Délégation du Sénat pour la planification.

Même si les rapporteurs ne partagent pas la totalité de leurs points de vue, il faut remercier les chercheurs de l'Observatoire français des conjonctures économiques d'avoir relevé le défi d'une présentation systématique des réformes des prélèvements obligatoires réalisées sur notre continent.

Des réformes ? Le mot est sans doute un peu trop fort car la première conclusion marquante qui ressort de l'étude est bien que la multiplicité des mesures adoptées ne fait pas en soi réforme . L'analyse peine en effet à identifier un remodelage de grande ampleur orienté vers la poursuite d'objectifs clairement identifiés dans les pays étudiés, pour la période sous revue. On en comprend les raisons qui, au-delà des difficultés intrinsèques de toute réforme, semblent fondamentalement liées à deux phénomènes caractéristiques de la période : une croissance économique lente dans ses débuts et, à de rares exceptions près, des dépenses publiques en hausse, quand seule une maîtrise de ces dépenses favoriserait une réforme ambitieuse et durable des prélèvements. L'absence de grands bouleversements des systèmes de prélèvements obligatoires est évidemment un motif de déception pour tous ceux qui, comme vos rapporteurs, s'inquiètent de l'effet nocif, sur les plans économique mais aussi social, de prélèvements excessifs. Cette déception vaut tout particulièrement pour notre pays.

On ne peut pour autant caractériser la période comme une période d'immobilisme fiscal. Des réaménagements fiscaux se sont additionnés qui, dans l'ensemble, ont partagé une inspiration commune - mais dont la logique n'a, de loin, pas été poussée à son terme - : supprimer les excès des différentes catégories de prélèvements pour une plus grande neutralité de l'impôt et une meilleure compétitivité fiscale.

Une plus grande neutralité des prélèvements ? Cette logique peut traduire parfois un certain renoncement à l'utilisation de la fiscalité à des fins d'incitation, elle semble surtout la conséquence d'une contrainte de financement résultant des diminutions de taux nominaux d'imposition mises en oeuvre et ne doit pas être considérée comme d'application systématique. Au cours des années 90, les pays européens ont aussi souhaité manier leurs prélèvements à des fins structurelles, qu'il s'agisse des incitations adressées aux acteurs du marché du travail pour résoudre certains des graves problèmes posés par la situation de l'emploi en Europe, ou qu'il s'agisse de poursuivre un objectif de compétitivité fiscale.

Celui-ci est sans doute le deuxième élément qui a pu structurer les réaménagements fiscaux entrepris. Il invite à s'interroger sur l'existence en Europe d'un processus de concurrence fiscale dont votre commission des finances avait pu démonter les ressorts dans un précédent rapport 1 ( * ) . Même si elle débouche sur des résultats nuancés, l'analyse des réformes entreprises ne peut manquer d'en souligner la dimension essentiellement nationale, contrepartie de l'absence de progrès dans l'harmonisation fiscale européenne, non plus que l'inspiration compétitive qui anime les pays européens. Celle-ci n'a pas pu s'épanouir complètement et c'est sans doute un effet inattendu des contraintes du Pacte de stabilité et de croissance que d'avoir contenu les concurrences fiscales en Europe.

Cependant, certains Etats ont pris de l'avance et la compétition fiscale en Europe, très vive pour certains prélèvements, n'a pas fini d'être un sérieux sujet de préoccupation, d'autant que l'Union européenne est exposée à un processus de globalisation auquel ses composantes s'ajustent en ordre dispersé.

CHAPITRE I :

LES GRANDS TRAITS DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN EUROPE ET DE LEUR ÉVOLUTION AU COURS DE LA DERNIÈRE DÉCENNIE

La situation des prélèvements obligatoires en Europe offre un panorama contrasté avec une grande variété des niveaux et des structures de prélèvements .

Dans l'ensemble, les pays européens , qui ont connu ne moyenne un alourdissement du poids des prélèvements, se sont toutefois un peu rapprochés les uns des autres dans les années 1990. Cette convergence, qui reste très limitée, apparaît d'abord comme le résultat d'un rattrapage des pays initialement les moins développés et des nécessités de la réduction des déficits publics , mais peut également être attribuée aux pressions liées à des phénomènes de concurrence fiscale.

Mais, il faut, en préambule de ce rapport, insister à nouveau sur les problèmes de méthode que pose le concept de prélèvements obligatoires. Ces problèmes, qui sont signalés depuis des années, sont récurrents, et on peut regretter que peu de progrès aient été réalisés pour les résoudre. Le niveau et le taux des prélèvements obligatoires occupent pourtant une place très importante dans le débat public et les comparaisons internationales foisonnent avec des enjeux d'image importants. L'encadré ci-après ne mentionne que quelques unes des difficultés que pose un indicateur auquel il apparaît essentiel d'apporter une plus grande robustesse.


PRÉCISIONS DE MÉTHODE

Les données présentées dans ce rapport sont essentiellement issues des Statistiques des recettes publiques de l'OCDE. Sous le terme de « prélèvements obligatoires », l'OCDE regroupe en principe l'ensemble des versements obligatoires ( y compris cotisations sociales) effectués sans contrepartie au profit des administrations publiques .

Les administrations publiques comprennent les autorités supranationales (institutions de l'Union européenne), les administrations centrales, régionales et locales, les entités publiques autonomes (églises dans certains pays), à l'exception des entreprises publiques, et les organismes de Sécurité sociale. Un certain flou existe quant à l'appartenance aux secteurs des administrations publiques de certains organismes d'assurance maladie ou d'assurance retraite. Les mutuelles ne font pas partie des administrations publiques (dans la mesure où l'adhésion y est facultative). Les fonds de pension par capitalisation n'y figurent pas, sauf dans certains pays où ils sont obligatoires et socialement contrôlés (Finlande, par exemple). Les régimes obligatoires y figurent, même s'ils sont juridiquement gérés par le secteur privé (pour la France, Unedic, Arrco, Agirc).

L'expression de « sans contrepartie » exclut en principe les versements qui ouvrent des droits à des prestations proportionnelles aux versements. C'est ainsi que ne sont pas considérées comme prélèvement obligatoire certaines taxes qui sont le paiement d'un service rendu (passeports, redevance radio-télévision, amendes, etc.). Par contre, en dérogation à ce principe, sont comptabilisées dans les prélèvements obligatoires toutes les cotisations obligatoires, même si elles donnent droit à des prestations plus ou moins directement liées aux cotisations versées (en matière de retraite ou de chômage).

Les cotisations volontaires sont exclues des prélèvements obligatoires de même que les cotisations obligatoires mais versées à des organismes extérieurs au secteur des administrations publiques (dans les pays où les salariés sont obligés de s'assurer, mais peuvent le faire auprès de leurs entreprises ou d'une assurance privée). Enfin, les cotisations fictives ne sont pas comptabilisées dans les prélèvements obligatoires : la création d'une caisse de retraite pour les fonctionnaires augmente donc le taux de prélèvement obligatoire.

Les données de l'OCDE sont comptabilisées sur la base des versements effectivement reçus par les administrations. Elles tiennent donc compte des dispositions fiscales particulières : crédit d'impôts, avoir fiscal, par exemple. De façon générale, les recettes sont nettes des dépenses fiscales. Le taux de prélèvement obligatoire est donc plus faible pour les pays qui offrent des ristournes de cotisations sociales au lieu de subventions à l'emploi, des crédits d'impôt aux familles plutôt que des prestations familiales, des primes à l'emploi plutôt des subventions aux travailleurs peu qualifiés, des ristournes à l'impôt sur les sociétés plutôt que des subventions à l'investissement, etc. De même, ce taux est fictivement plus faible dans les pays qui exonèrent les retraites et les chômeurs de cotisations ou d'impôt, mais qui tiennent compte de cette exonération dans le calcul des prestations.


Au terme de la décennie 1990, la France, qui connaissait initialement un très haut niveau de prélèvements obligatoires, a augmenté le poids de ses prélèvements obligatoires, ce qui la place en mauvaise posture pour affronter une concurrence fiscale qui pourrait s'accentuer et nuit à ses performances économiques.

I. LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN EUROPE AUGMENTENT, MAIS AVEC DE FORTES DISPARITÉS ENTRE PAYS


A. GLOBALEMENT, UNE AUGMENTATION DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

En Europe, le poids des prélèvements obligatoires (P.O.) dans le PIB a augmenté de 1,8 point entre 1990 et 2000, passant de 39 à 40,8 points du PIB .

Total des prélèvements obligatoires en pourcentage du produit intérieur brut

Pays

1990

2000

Ecarts

Suède

53,6

53,3

- 0,3

Danemark

47,1

48,4

+ 1,3

Finlande

44,7

46,5

+ 1,8

Belgique

43,2

46,0

+ 2,8

France

43,0

45,5

+ 2,5

Pays-Bas

42,8

41,8

- 1

Luxembourg

40,5

42,0

+ 1,5

Autriche

40,5

43,3

+ 2,8

Italie

38,9

42,3

+ 3,4

Allemagne

36,8 (1)

37,8

+ 1

Royaume-Uni

35,9

37,7

+ 1,8

Irlande

33,5

31,5

- 2

Espagne

33,0

35,3

+ 2,3

Portugal

29,4

34,7

+ 5,3

Grèce

29,3

38,0

+ 8,7

UE pondéré

39,0

40,8

+ 1,8

Japon

30,7

27,1

- 3,6

Etats-Unis

26,7

28,9 (2)

+ 2,2

(1) 1991 ; (2) 1999.

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Seuls trois des quinze pays européens ont connu une réduction de la part des P.O. dans le PIB : la Suède (- 0,3 point), les Pays-Bas (- 1 point) et l' Irlande (- 2 points). Il est à souligner que ces réductions sont intervenues dans des pays très hétérogènes au regard du poids des P.O.

Dans les douze autres pays , une augmentation plus ou moins marquée du poids des prélèvements est intervenue.

B. DES EXPLICATIONS LIÉES AU CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET AUX CONTRAINTES PESANT SUR LES FINANCES PUBLIQUES

Plusieurs situations semblent pouvoir être distinguées.

Les « nouveaux entrants du Sud » , c'est-à-dire les pays ayant adhéré dans les années 80, qui étaient aussi ceux dans lesquels le poids des prélèvements était le plus bas, ont connu une nette augmentation des prélèvements . Tel est le cas pour la Grèce et le Portugal, et, à moindre degré, pour l'Espagne. Dans ces pays, l'augmentation des prélèvements obligatoires peut être mise en relation avec un processus de développement et l'adoption progressive d'un modèle social à l'européenne.

En outre, à l'exception notable du Royaume-Uni, il paraît exister une certaine corrélation entre l'ampleur de l'augmentation des prélèvements obligatoires et le niveau des déficits publics . En effet, les pays qui ont le plus accru leurs P.O. sont aussi ceux qui ont connu à un moment donné les plus forts déficits publics.

Capacité ou besoin (-) de financement des administrations des pays industrialisés
( en % du PIB )

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

France

- 1,6

- 2,2

- 3,8

- 5,7

- 5,8

- 4,9

- 4,1

- 3,0

Allemagne

- 2,1

- 3,1

- 2,6

- 3,2

- 2,4

- 3,3

- 3,4

- 2,7

Royaume-Uni

- 0,9

- 2,3

- 6,2

- 7,9

- 6,8

- 5,5

- 4,8

- 1,9

Italie

- 11,1

- 10,1

- 9,6

- 9,5

- 9,2

- 7,7

- 6,7

- 2,7

Belgique

- 5,5

- 6,3

- 6,9

- 7,1

- 4,9

- 3,9

- 3,2

- 2,1

Pays-Bas

- 5,1

- 2,9

- 3,9

- 3,2

- 3,8

- 4,0

- 2,3

- 1,4

Espagne

- 4,1

- 4,2

- 3,8

- 6,9

- 6,3

- 7,3

- 4,6

- 2,6

UE à 15

- 3,5

- 4,2

- 5,1

- 6,1

- 5,4

- 5,0

- 4,2

- 2,4

UEM

- 4,2

- 4,5

- 4,7

- 5,5

- 5,0

- 4,9

- 4,2

- 2,6

Source : Rapport économique, social et financier. Projet de loi de finances pour 1999.

L'Italie, la Belgique et la France relèvent de ce diagnostic que semblent venir confirmer a contrario les Pays-Bas et, surtout, l'Allemagne qui a connu des déficits historiques plus modérés.

Cette corrélation doit être mise en rapport avec les nécessités induites par le processus de qualification pour l'euro, qui a imposé aux pays une réduction plus ou moins importante des déficits publics en fonction des situations de départ, réduction largement, quoique inégalement selon les pays, obtenue par une hausse du « taux de pression fiscale ».

Variation des recettes publiques
de 1990 à 2001*

(en points de PIB)

 

Recettes publiques

Allemagne

1,4

Autriche

1,4

Belgique

2,6

Danemark

- 1,1

Espagne

0,6

Finlande

- 1,3

France

1,9

Grèce

19,7

Irlande

- 3,9

Italie

2,7

Luxembourg

- 1,7

Pays-Bas

- 1,3

Portugal

4,3

Royaume-Uni

2,0

Suède

- 3,0

UE 15

1,7

* Niveau de 2001 moins niveau de 1990. Ensemble des recettes publiques.

Source : OCDE, Perspectives économiques , décembre 2001

Enfin, une relation négative entre la croissance et l'évolution du poids des prélèvements obligatoires semble se dégager.

Plus la croissance est élevée, moins le poids des prélèvements obligatoires dans le PIB s'accroît.

Produit intérieur brut des principaux pays de la zone euro

Taux de croissance en % - volume

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Moyenne annuelle 1990/2000

Augmentation du taux de PO 1990/2000 (1)

France

2,6

1,0

1,3

- 0,9

1,8

1,9

1,0

1,9

3,3

3,2

3,2

1,8

+ 2,5

Allemagne (2)

5,7

5,0

2,2

- 1,1

2,3

1,7

0,8

1,4

2,1

3,2

3,2

2,2

+ 1

Italie

2,0

1,4

0,8

- 0,9

2,2

2,9

1,1

2,0

1,8

1,6

2,9

1,6

+ 3,4

Espagne

3,8

2,5

0,9

- 1,0

2,4

2,8

2,4

3,9

4,3

4,0

4,1

2,7

+ 2,3

Pays-Bas

4,1

2,3

2,0

0,8

3,2

2,3

3,0

3,8

4,1

3,9

3,9

3

- 1

Belgique

2,8

1,9

1,6

- 1,5

3,0

2,6

1,2

3,4

2,4

2,7

4,0

2,2

+ 2,8

Zone euro

3,6

2,4

1,4

- 0,8

2,3

2,2

1,4

2,3

2,8

2,6

3,4

2,1

ND

Royaume-Uni

0,7

- 1,5

0,1

2,3

4,4

2,8

2,6

3,5

2,6

2,3

3,0

2,1

+ 1,8

1. En points de PIB.
2. Allemagne : Ouest jusqu'en 1991 ; Allemagne totale depuis 1992.

Source : Rapport économique, social et financier. Projet de loi de finances pour 1999.

II. DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES, LA FRANCE HANDICAPÉE

Malgré un certain rapprochement, le paysage des prélèvements obligatoires en Europe présente de forts contrastes avec des niveaux et des structures des prélèvements très différents selon les pays.

A. UNE DISPERSION DES NIVEAUX DE PRÉLÈVEMENTS QUI, MÊME LÉGÈREMENT RÉDUITE, RESTE IMPORTANTE


1. Une légère réduction de la dispersion des taux de pression fiscale

Si, entre 1990 et 2000, la dispersion des taux de P.O. s'est plutôt réduite, l'Europe reste caractérisée par d'importants écarts de niveaux de prélèvements obligatoires.

Evolution des écarts à la moyenne des prélèvements obligatoires en Europe
(1990-2000)

(en points de PIB)

 

1990

2000

Variation

Suède

+ 14,6

+ 12,5

- 2,1

Danemark

+ 8,1

+ 7,6

- 0,5

Finlande

+ 5,7

+ 5,2

- 0,5

Belgique

+ 4,2

+ 4,7

+ 0,5

France

+ 4

+ 4,7

+ 0,7

Pays-Bas

+ 3,8

+ 1

- 2,8

Luxembourg

+ 1,5

+ 1,2

- 0,3

Autriche

+ 1,5

+ 2,5

+ 1

Italie

- 0,1

+ 1,5

+ 1,6

Allemagne

- 2,2

- 3

- 0,8

Grande-Bretagne

- 3,1

- 3,1

0

Irlande

- 5,5

- 9,3

- 3,8

Espagne

- 6

- 5,5

+ 0,5

Portugal

- 9,6

- 6,1

+ 3,5

Grèce

- 9,7

- 2,8

+ 6,9

En 1990, huit pays enregistraient un taux de prélèvements obligatoires supérieur à la moyenne européenne, et sept pays un taux inférieur. En 2000, hormis l'Italie, dont le taux de prélèvements est désormais supérieur à la moyenne, la composition de ces deux groupes de pays n'a pas changé. Le premier groupe est constitué des pays suivants : Suède, Danemark, Finlande, Belgique, France, Pays-Bas, Luxembourg, Autriche et Italie. Quant au second groupe, il rassemble toujours l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Irlande, l'Espagne, le Portugal et la Grèce.

Dans ce panorama marqué par une certaine stabilité des positions, il faut toutefois mettre en évidence le resserrement des situations .

Les écarts à la moyenne sont moins amplement dispersés en 2000 que dix ans plus tôt. La Suède occupe toujours le premier rang en termes de taux de prélèvements obligatoires mais celui-ci n'excède plus le taux moyen que de 12,5 points contre 14,6 en 1990. De la même manière, le Danemark, toujours en deuxième position, s'est un peu rapproché du taux moyen. Cinq des huit pays du premier groupe ont connu un tel processus, seuls de ces cinq pays, la Belgique, la France et l'Autriche augmentant leur décrochage par rapport au taux de PO moyen entre 1990 et 2000. Dans le second groupe, celui des pays qui connaissaient en 1990 un taux de prélèvements inférieur à la moyenne, seul un pays - l'Allemagne - a accentué l'écart entre son taux de PO et le taux de PO moyen.

2. La France dans le groupe des pays les plus mal placés

Il n'en reste pas moins que, même raccourcie, l'échelle des taux de prélèvements obligatoires en Europe continue de présenter des degrés nettement marqués.

Les deux cas extrêmes, la Suède et l'Irlande, exceptés, plusieurs groupes de pays se détachent :

• un premier groupe composé du Danemark , de la Finlande , de la Belgique et de la France , où le taux de prélèvements est nettement (de + de 4,5 points) supérieur à la moyenne ;

• un deuxième groupe avec l' Autriche , l' Italie , le Luxembourg et les Pays-Bas , dont les taux de prélèvements ne sont qu'un peu supérieurs à cette moyenne ;

• trois pays, la Grande-Bretagne , l' Allemagne et la Grèce , où les taux de PO sont assez sensiblement inférieurs à celle-ci ;

• enfin, deux pays, l' Espagne et le Portugal qui, même s'ils se sont rapprochés du taux moyen, restent très éloignés de ce dernier.

Cette situation correspond assez étroitement aux niveaux relatifs des dépenses publiques dans les Etats européens.

Dépenses publiques en 2000

(en points de PIB)

Belgique

49,9

Allemagne

45,6

Grèce

44,7

Espagne

39,9

France

53,2

Irlande

33,3

Italie

46,5

Luxembourg

41,2

Pays-Bas

45,3

Autriche

51,8

Portugal

44,8

Finlande

48,4

Danemark

53,3

Suède

58,4

Royaume-Uni

37,7

UE 15

45,8

Il existe cependant quelques nuances liées à l'existence de soldes publics différents et de ressources publiques alternatives aux prélèvements obligatoires.

Ecarts entre les dépenses publiques
et les prélèvements obligatoires en 2000

(en points de PIB)

Belgique

+ 3,9

Allemagne

+ 7,8

Grèce

+ 6,7

Espagne

+ 4,6

France

+ 7,7

Irlande

+ 1,8

Italie

+ 4,2

Luxembourg

- 0,8

Pays-Bas

+ 3,5

Autriche

- 8,5

Portugal

+ 10,1

Finlande

+ 1,9

Danemark

+ 4,9

Suède

+ 5,1

Royaume-Uni

0

Ces nuances ne sont pas négligeables, comme le montre le tableau ci-avant. L'écart existant entre les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires constitue un indice de la soutenabilité des finances publiques . En effet, plus cet écart est grand, plus le socle de financement du secteur public apparaît dépendant de recettes non fiscales dont la récurrence est moins avérée que pour les recettes fiscales. Par ailleurs, quand il s'accompagne d'un plus fort déficit public, il engendre des charges d'intérêt qui sont susceptibles, en fonction des conditions comparées de la croissance et du coût de la dette, d'enclencher un effet boule de neige de l'endettement qui creuse mécaniquement le besoin de financement public.

De ces différents points de vue, la situation de la France apparaît très inquiétante . Avec un très haut niveau de ses dépenses publiques , malgré le poids très élevé de ses prélèvements obligatoires , notre pays est l'un des pays d'Europe que l'écart très important entre ses prélèvements et ses dépenses publics désigne tout particulièrement comme étant confronté à un sérieux problème de soutenabilité de ses finances publiques .

B. LA STRUCTURE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES EN EUROPE, PEU DE CHANGEMENTS EN DIX ANS ET DES PROFILS TRÈS DISPARATES


1. Peu de changements...

La structure moyenne des prélèvements obligatoires en Europe n'a que légèrement évolué en dix ans.

Sur fond d'augmentation globale, le poids des impôts sur les biens, sur le patrimoine et sur le revenu des ménages s'est alourdi ; celui de l'impôt sur les sociétés s'est également accru, mais dans de moindres proportions. En revanche, la pression exercée par les cotisations sociales a été très légèrement allégée.

La hiérarchie des prélèvements demeure, malgré tout, inchangée en 2000 par rapport à ce qu'elle était dix ans plus tôt.

Poids des prélèvements obligatoires dans le PIB de l'UE (en % du PIB)

 

1990

2000

Variation
1990/2000

Total

39

40,8

+ 1,8

dont :

 
 
 

Impôts sur le revenu des ménages

9,6

10,1

+ 0,5

Impôts sur les sociétés

2,7

3,0

+ 0,3

Cotisations sociales

12,8

12,5

- 0,3

Impôts sur le patrimoine

1,8

2,4

+ 0,6

Impôts sur les biens 1)

11,1

11,8

+ 0,7

1. Les impôts sur les biens comportent principalement, outre les très nombreuses formes d'accises, la TVA.

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Les cotisations sociales demeurent la source de recettes publiques la plus importante, suivies par les impôts sur les biens et les impôts sur les revenus des ménages. Les parts respectives des impôts sur les sociétés et des impôts sur le patrimoine, bien qu'en augmentation, arrivent loin derrière.

Par rapport à la structure fiscale des Etats-Unis, l'Europe présente la particularité principale de taxer beaucoup plus lourdement les biens et les salaires à travers les cotisations sociales.

Le poids des prélèvements sur les biens et services est plus élevé en Europe de 7,1 points de PIB et celui sur les salaires (les cotisations sociales) de 5,6 points de PIB.

En revanche, les Etats-Unis connaissent un niveau de prélèvements sur les revenus des ménages et sur le patrimoine supérieur à ce qu'il est en Europe, de 1,7 point et 0,7 point de PIB respectivement.

L'alourdissement des prélèvements obligatoires aux Etats-Unis, qui, entre 1990 et 2000, a été plus élevé qu'en Europe - 2,7 points de PIB contre 1,8 point de PIB - s'est manifesté par une sensible augmentation de l'imposition des revenus des ménages américains qui a atteint 1,9 point de PIB.

2. Des profils très disparates

En dépit d'un certain rapprochement des structures nationales des prélèvements obligatoires, le paysage européen reste marqué, en ce domaine, par de nettes disparités.

Un certain rapprochement des structures des prélèvements s'est opéré, comme le montre la variation, au cours des années 1990, des écarts de position nationale par catégorie de prélèvements, par rapport à la moyenne européenne.

Ecarts à la moyenne en 1990 par pays et par grande catégorie de prélèvements

(en points de PIB)

 

Impôts sur les biens

Impôts sur le revenu des ménages

Impôts sur les sociétés

Cotisations sociales

Impôts sur le patrimoine

Allemagne

- 0,6

+ 0,2

- 1

+ 0,5

- 0,6

Autriche

+ 1,6

- 1,1

- 1,3

+ 0,5

- 0,7

Belgique

+ 0,3

+ 4,3

- 0,3

+ 1,5

- 0,6

Danemark

+ 4,7

+ 15,2

- 1,2

- 11,4

+ 0,2

Espagne

- 1,7

- 2,4

+ 0,2

- 1

0

Finlande

+ 3,5

+ 7,6

- 0,7

- 3,1

- 0,7

France

+ 1,1

- 5

- 0,4

+ 6,1

+ 0,9

Grèce

+ 2

- 5,5

- 1,1

- 3,9

- 0,4

Irlande

+ 3,1

+ 1,1

- 1,1

- 7,8

- 0,2

Italie

- 0,2

+ 0,6

+ 1,2

0

- 0,9

Luxembourg

- 0,8

0

+ 3,7

- 1,7

+ 1,6

Pays-Bas

+ 0,2

+ 1

+ 0,5

+ 3,2

- 0,2

Portugal

+ 1,8

- 4,9

- 0,4

- 4,8

- 1

Suède

+ 2,3

+ 11

- 1

+ 1,8

+ 0,1

Grande-Bretagne

0

+ 0,4

+ 1,5

- 6,7

+ 1,1

Total des écarts

23,4

60,3

15,6

54

9,2

Ecarts à la moyenne en 2000 par pays et par grande catégorie de prélèvements

(en points de PIB)

 

Impôts sur les biens

Impôts sur le revenu des ménages

Impôts sur les sociétés

Cotisations sociales

Impôts sur le patrimoine

Allemagne

- 1,2

- 0,5

- 1,2

+ 2,3

- 1,5

Autriche

+ 0,5

- 0,5

- 1

+ 2,3

- 1,8

Belgique

- 0,1

+ 4,2

+ 0,7

+ 1,7

- 0,9

Danemark

+ 3,9

+ 15,2

- 0,7

- 10,3

- 0,8

Espagne

- 1,3

- 2,5

0

- 0,1

- 0,2

Finlande

+ 1,8

+ 5

+ 2,4

- 0,6

- 1,3

France

+ 0,1

- 1,8

+ 0,1

+ 4

+ 0,6

Grèce

+ 1,9

- 5,1

+ 1,4

- 1

- 0,4

Irlande

+ 0,6

- 0,4

+ 0,9

- 8,3

- 0,6

Italie

+ 0,1

0

- 0,5

- 0,5

- 0,6

Luxembourg

0

- 2,5

+ 4,2

- 1,8

+ 2,0

Pays-Bas

0

- 3,8

+ 1,2

+ 3,9

- 0,2

Portugal

+ 2,4

- 4,3

+ 0,9

- 3,8

- 1,3

Suède

- 0,5

+ 8,7

+ 0,7

+ 2,7

- 0,5

Grande-Bretagne

+ 0,4

+ 0,7

+ 0,7

- 6,5

+ 2

Total des écarts

14,8

55,2

16,6

49,8

14,7

S'agissant des impôts sur les biens et services , l'écart entre les pays les plus éloignés de la moyenne par le haut (le Danemark) et le bas (l'Espagne) s'est amenuisé entre 1990 et 2000 (il était alors de 5,2 points contre 6,4 points en 1990). Hormis le Portugal, les écarts positifs de taxation se sont réduits, tandis que, excepté l'Allemagne, les écarts négatifs ont connu un même phénomène. Le total des écarts à la moyenne, indice grossier des disparités de taxation, se réduit très sensiblement, révélant une convergence des systèmes d'imposition des biens st services que les progrès réalisés en matière d'harmonisation réglementaire de la TVA expliquent largement.

S'agissant des impôts sur le revenu des ménages , un même processus de convergence peut être décelé, même s'il a atteint une ampleur plus limitée. Il est en correspondance avec le processus de rapprochement du poids relatif des cotisations sociales .

De façon surprenante, les deux catégories d'imposition qui ont, à l'inverse, connu une accentuation de la disparité des prélèvements nationaux sont ceux considérés comme les plus susceptibles de converger en raison de la mobilité présumée de leurs assiettes, à savoir l'imposition des sociétés et celle du patrimoine.

Il n'en demeure pas moins que ces impôts sont ceux qui connaissent la dispersion la plus faible, ce qui correspond bien à l'intuition d'une harmonisation naturelle des systèmes de prélèvements sur des ressources mobiles dans un espace de liberté des flux.

Cette appréciation étant fondée sur des données très agrégées, on peut établir que les années 90 ont été marquées par un rapprochement des systèmes fiscaux des Etats membres, qu'il ait été organisé comme en matière d'imposition des biens et services ou qu'il ait résulté d'une somme de décisions étatiques individuelles plus ou moins discrétionnaires.

L'essentiel reste que le panorama de la structure des systèmes fiscaux européens est, en 2000 comme en 1990, fort éclaté.

Structure des recettes fiscales selon l'assiette des taxes en % du PIB (1990)

 

ALL

AUT

BEL

DAN

ESP

FIN

FRA

GRC

IRL

ITA

LUX

PB.

PRT

SUE.

RU

UE

EU 1

Impôts sur le revenu

Ménages

Sociétés

11,5

10,3

16,2

27,6

10,2

19,3

6,9

5,8

12,4

14,2

16,0

13,8

7,6

22,3

14,1

12,4

11,9

9,8

8,5

13,9

24,8

7,2

17,2

4,6

4,1

10,7

10,2

9,6

10,6

4,7

20,6

10,0

9,6

9,9

1,7

1,4

2,4

1,5

2,9

2,0

2,3

1,6

1,7

3,9

6,4

3,2

2,3

1,7

4,2

2,7

2,0

Prélèvement sur les salaires
dont :

Cotisations sociales

Impôts sur les salaires et la main-d'oeuvre

13,3

15,7

14,3

1,7

11,8

9,7

19,7

9,1

5,4

12,9

11,1

16,0

8,0

15,9

6,1

13,1

6,8

13,3

13,3

14,3

1,4

11,8

9,7

18,9

8,9

5,0

12,8

11,1

16,0

8,0

14,6

6,1

12,8

6,8

0,0

2,4

0,0

0,3

0,0

0,0

0,8

0,2

0,4

0,1

0,0

0,0

0,0

1,3

0,0

0,3

0,0

Impôt sur le patrimoine

1,2

1,1

1,2

2,0

1,8

1,1

2,7

1,4

1,6

0,9

3,4

1,6

0,8

1,9

2,9

1,8

3,0

Impôts sur les Biens et services
dont :

TVA

Accises

9,5

12,7

11,4

15,8

9,4

14,6

12,2

13,1

14,2

10,9

10,3

11,3

12,9

13,4

11,1

11,1

4,5

5,9

8,4

7,1

8,7

5,2

8,7

7,9

7,2

6,9

5,7

4,8

7,1

5,8

8,0

6,1

6,6

0,0

2,4

2,5

2,1

4,7

1,9

4,3

2,7

3,5

5,7

3,0

4,1

2,5

4,1

3,9

3,5

2,9

1,3

Autres

0,0

0,5

0,0

0,0

0,0

0,1

1,4

0,0

0,0

0,0

0,1

0,1

0,2

0,1

1,5

0,5

0,0

Total

35,6

40,5

43,2

47,1

33,2

44,7

42,9

29,3

33,5

38,9

40,9

42,8

29,4

53,6

35,8

38,9

26,2

1. Etats-Unis.

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Structure des recettes fiscales selon l'assiette des taxes en % du PIB (2000, sauf (1))

 

ALL

AUT

BEL

DAN

ESP

FIN

FRA

GRC

IRL

ITA

LUX

PB.

PRT

SUE.

RU

UE

JAP

EU 2

Impôts sur le revenu

Ménages

Sociétés

11,4

12,3

18,1

28,5

9,9

20,5

11,4

10,4

13,6

14,2

15,0

10,5

9,9

22,5

14,5

13,2

9,1

14,2

9,6

9,6

14,3

25,3

6,6

15,1

8,3

5,0

9,7

10,1

7,6

6,3

5,8

18,8

10,8

10,1

5,7

11,8

1,8

2,0

3,7

2,3

3,0

5,4

3,1

4,4

3,9

2,5

7,4

4,2

4,0

3,7

3,7

3,0

3,5

2,4

Prélèvement sur les salaires
dont :

Cotisations sociales

Impôts sur les salaires et la main-d'oeuvre

14,8

17,5

14,2

2,4

12,4

11,1

17,4

11,7

4,3

12,0

10,7

16,4

8,7

17,5

6,3

12,8

10,0

6,9

14,8

14,8

14,2

2,2

12,4

11,1

16,5

11,5

4,2

12,0

10,7

16,4

8,7

15,2

6,3

12,5

10,0

6,9

0,0

2,7

0,0

0,2

0,0

0,0

0,9

0,2

0,1

0,0

0,0

0,0

0,0

2,3

0,0

0,4

0,0

0,0

Impôt sur le patrimoine

0,9

0,6

1,5

1,6

2,2

1,1

3,0

2,0

1,8

1,8

4,4

2,2

1,1

1,9

4,4

2,4

2,8

3,1

Impôts sur les Biens et services
dont :

TVA

Accises

10,6

12,3

11,7

15,7

10,5

13,6

11,9

13,7

12,4

11,9

11,8

11,8

14,2

11,3

12,2

11,8

5,1

4,7

6,9

8,3

7,4

9,5

6,2

8,1

7,5

8,4

7,1

6,6

5,9

7,3

8,1

7,3

7,0

7,3

2,4

0,0

2,8

2,5

2,3

5,1

2,7

4,3

2,9

4,0

4,5

2,7

5,1

3,5

4,6

3,5

4,0

3,3

1,9

1,5

Autres

0,2

0,5

0,5

0,2

0,4

0,1

1,8

0,2

0,2

2,4

0,2

0,7

0,4

0,2

0,2

0,6

0,1

0,0

Total

37,8

43,3

46,0

48,4

35,3

46,5

45,5

38,0

32,3

42,3

42,0

41,7

34,3

53,3

37,7

40,8

27,1

28,9

1. Année 1999 pour l'Irlande, le Portugal et les Etats-Unis.

2. Etats-Unis.

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques, 2001.

Le poids des impôts sur le revenu des ménages varie beaucoup selon les pays. Il reste exceptionnellement élevé dans les pays nordiques ainsi qu'en Belgique. Il est relativement faible dans les pays du sud et aux Pays-Bas, la France ayant, au cours des années 90, rapproché sa situation, caractérisée par un faible niveau comparé de l'impôt sur le revenu, de la moyenne européenne, en particulier du fait de l'instauration de la contribution sociale généralisée (CSG), classée par les « comptables nationaux » dans les impôts sur le revenu des ménages..

En dépit d'un glissement vers la contribution sociale généralisée (classée comme impôt sur le revenu) du financement des régimes sociaux, la France conserve la première place au regard du poids des cotisations sociales . Pour cette catégorie de prélèvements, le total des écarts à la moyenne est élevé (presque autant que pour l'impôt sur le revenu), ce qui témoigne d'une grande disparité des situations nationales.

Dans un cas seulement, le Danemark, le faible niveau des cotisations sociales compense le haut niveau de l'impôt sur le revenu. Mais, sinon aux Pays-Bas et, à un moindre degré, en France, ce mécanisme de vases communicants paraît faire défaut ailleurs. La Suède, avec un haut niveau d'impôt sur le revenu connaît aussi un haut niveau de cotisations sociales, tout comme la Belgique. Inversement, en position médiane ou inférieure à la moyenne au regard de l'impôt sur le revenu, l'Espagne, la Grèce, l'Irlande, le Luxembourg, l'Italie, le Portugal et la Grande-Bretagne connaissent aussi un niveau relativement modeste des cotisations sociales.

Les situations des pays sont beaucoup plus proches pour les trois autres catégories de prélèvements. Les impôts sur les biens ne sont réellement comparativement très élevés qu'au Danemark et au Portugal pour des motifs différents, le poids important de la consommation dans le PIB de ce dernier pays, celui des accises dans le premier. Pour l'impôt sur les sociétés , seuls la Finlande et le Luxembourg se détachent, par le haut et, l'Allemagne et l'Autriche, par le bas. Pour les impôts sur le patrimoine , ils ne sont relativement élevés qu'au Luxembourg et en Grande-Bretagne.

Cette dispersion des structures des prélèvements obligatoires se confirme si l'on considère non plus les assiettes des prélèvements mais leur répercussion économique immédiate.

Structure des recettes fiscales selon leur répercussion économique immédiate en % du PIB (1999)

 

ALL

AUT

BEL

DAN

ESP

FIN

FRA

GRC

IRL

ITA

LUX

PB.

PRT

SUE

RU

UE

Revenu des ménages

17,4

18,2

20,0

27,6

11,7

17,6

14,9

12,1

11,6

15,1

15,0

21,5

9,6

23,1

15,1

15,9

Revenu des entreprises

1,8

1,8

3,6

3,0

2,8

4,2

2,9

3,2

3,9

3,3

7,3

4,2

4,0

3,2

3,8

2,9

Coût du travail

7,3

10,1

8,8

0,7

8,4

9,3

12,4

5,4

2,7

8,7

4,7

2,5

5,0

13,9

3,5

7,4

Autres coûts de production

0,1

0,2

0,4

0,1

0,3

0,2

1,9

0,1

0,2

1,9

2,0

0,3

0,0

0,1

0,2

0,5

Prix des produits

10,2

11,8

10,6

15,6

9,7

14,0

11,9

13,0

11,8

10,8

11,5

10,8

14,0

10,9

11,1

11,2

Divers

0,9

1,8

2,2

3,4

2,2

1,1

1,9

3,3

2,0

3,4

1,4

2,8

1,7

1,0

2,6

2,5

Total

37,7

43,9

45,7

50,4

35,1

46,3

45,8

37,1

32,3

43,3

41,8

42,1

34,3

52,2

36,3

40,5

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Les impôts sur les produits apparaissent relativement homogènes. En revanche, l'imposition du revenu des ménages et les prélèvements sur les salaires sont nettement contrastés. La France, on doit y insister, pénalise très fortement les salaires puisqu'elle n'est devancée que par la Suède au regard des prélèvements sur le travail.

3. Une centralisation très variable selon les pays

La répartition des prélèvements entre les types d'administration est très différenciée selon les pays.

Répartition des prélèvements selon l'administration perceptrice,
en % du total des recettes

En 1997

CE 1)

Adm. centrales

Etats fédérés

Adm. locales

Séc. Sociale

Allemagne

1,5

29,2

22,0

7,9

39,3

Autriche

1,4

51,2

9,4

10,1

27,9

Belgique

1,9

34,9

23,6

4,4

35,0

Danemark

1,1

62,4

--

31,5

4,1

Espagne

1,9

46,7

--

16,9

34,5

Finlande

1,2

54,8

--

22,7

26,6

France

1,2

42,5

--

10,0

45,1

Grèce

1,8

67,6

--

1,1

29,5

Irlande

2,2

85,0

--

1,8

11,1

Italie

1,1

61,0

--

9,4

26,6

Luxembourg

1,2

67,0

--

5,7

25,3

Pays-Bas

2,3

54,7

--

2,7

40,0

Portugal

1,8

65,0

--

6,6

26,5

Royaume-Uni

1,7

76,9

--

4,1

17,3

Suède

1,0

61,8

--

30,3

8,8

Etats-Unis

--

45,0

19,1

12,0

23,9

Japon

--

36,7

--

26,1

37,2

1. Communautés européennes. Cette colonne représente les prélèvements affectés au financement du budget des Communautés européennes.

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Dans deux des trois pays fédéraux (Belgique et Allemagne), le poids de la fiscalité des Etats est extrêmement fort, de l'ordre de 10 % du PIB, supérieur à celui des Etats-Unis et dans les pays scandinaves, la fiscalité locale est très importante (de 10 à 15 % du PIB).

Le poids des impôts perçus par les administrations centrales va de 11 % du PIB en Allemagne à plus de 25 % (Danemark, Irlande, Royaume-Uni, Suède).

Les recettes propres de la Sécurité sociale sont très faibles dans certains pays où elle est financée par le budget de l'Etat, totalement (Danemark, Suède) ou partiellement (Royaume-Uni, Irlande). Au contraire, elles sont très fortes dans les modèles bismarkiens (France, Pays-Bas, Belgique, Allemagne).

Les pays européens s'étagent entre les pays très centralisés où le gouvernement central prélève plus des 2/3 du total des recettes (Irlande, Royaume-Uni, Grèce, Portugal, Luxembourg, Danemark) et des pays peu centralisés pour des raisons diverses : Allemagne, en raison du poids des Länder , Belgique en raison de sa division linguistique, France en raison du poids des recettes de la Sécurité sociale, Suède en raison du poids des communes.

CHAPITRE II :

L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS,
DES SYMPTÔMES DE CONCURRENCE FISCALE,
LA FRANCE MAL PLACÉE

Le contour des prélèvements sur les entreprises est très difficile à dessiner. A des prélèvements directs particulièrement dispersés selon qu'ils touchent les sociétés ou des entreprises individuelles, les entreprises en général ou les entreprises évoluant dans un secteur donné, effectués au niveau national ou au niveau local, il faut ajouter des prélèvements plus indirects qui, établis sur les propriétaires de l'entreprise ou sur ses créanciers, affectent de façon significative la vie des entreprises.

D'importants progrès de méthode restent à entreprendre pour asseoir plus solidement la catégorie des prélèvements sur les entreprises et les comparaisons présentées dans ce chapitre le sont sous cette importante réserve.

Tout comme pour les prélèvements obligatoires en général, l'imposition des entreprises ne semble pas avoir connu de nettes modifications en Europe. C'est du moins la conclusion à laquelle invite la considération des évolutions relatives au poids de l'impôt sur les sociétés dans le PIB. Ce résultat est de nature à étonner si on se réfère aux analyses théoriques qui établissent un risque élevé de concurrence fiscale en matière d'imposition des entreprises.

Aussi bien, un raffinement de l'analyse s'impose et la prise en compte d'autres données conduisent à des conclusions sensiblement différentes.

Il convient d'abord de relever qu'une stratégie de baisse des taux légaux d'imposition des sociétés a été partagée par la plupart des pays européens. Si, en pratique, cette stratégie n'a pas toujours été suivie d'une baisse de la pression fiscale, on ne peut pour autant la considérer comme relevant d'un simple affichage.

Dans la plupart des pays, elle semble avoir débouché sur des allégements fiscaux effectifs. Par ailleurs, elle témoigne, en soi, d'une détermination compétitive qui, même si ses résultats concrets, appréhendés globalement, sont ambigus, semble animer de nombreuses pratiques fiscales concurrentielles à dimension microéconomique.

A défaut de pouvoir entièrement étayer les préoccupations engendrées par la perspective d'une intensification de la concurrence fiscale, les données disponibles montrent que les pays européens sont inégalement attractifs de ce point de vue et que la France occupe une position peu favorable.

I. UNE BAISSE DES TAUX LÉGAUX UN ÉLARGISSEMENT DE L'ASSIETTE

Comme pour les prélèvements sur les revenus des ménages, l'imposition des sociétés a évolué dans le sens d'une diminution des taux légaux et, souvent, d'une extension de l'assiette d'imposition.

Une très forte baisse des taux légaux d'imposition des sociétés est intervenue en Europe entre 1986 et 2001 avec, en moyenne, un allégement de près de 30 % par rapport au taux observé en 1986.

TAUX NOMINAUX DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS

 

1986

1991

1995

1998

2001

Différence 1986-2001

Différence 1991-2001

Allemagne

56,0

50/36

45/30

45/25

25,0

- 31,0

- 25/- 11

Autriche

50,0

30,0

34,0

34,0

34,0

- 16,0

+ 4

Belgique

45,0

39,0

39,0

39,0

39,0

- 6,0

0

Danemark

50,0

38,0

34,0

34,0

30,0

- 20,0

- 8

Espagne

35,0

35,0

35,0

35,0

35,0

- 0,0

0

Finlande

33,0

23,0

25,0

28,0

29,0

- 4,0

+ 6

France

45,0

42,0

33,3

41,6

36,4

- 8,6

- 5,6

Grèce

49,0

46,0

35/40

35/40

35,0

- 9,0

- 11

Irlande

50,0

43,0

40,0

32,0

20,0

- 30,0

- 23

Italie

36,0

36,0

36,0

37,0

36,0

- 0,0

0

Luxembourg

40,0

33,0

33,0

30,0

30,0

- 10,0

- 3

Pays-Bas

42,0

35,0

35,0

35,0

35,0

- 7,0

0

Portugal

42/47

36,0

36,0

34,0

32,0

- 15,0

- 4

Royaume-Uni

35,0

34,0

33,0

31,0

30,0

- 5,0

- 4

Suède

52,0

30,0

28,0

28,0

28,0

- 24,0

- 2

Union européenne

44,3

36,7

35,1

34,9

32,0

- 12,4

- 4,7

Etats-Unis

46,0

34,0

35,0

35,0

35,0

- 11,0

+ 1

Japon

50,0

50,0

47,5

46,4

46,4

- 3,6

- 3,6

Note : Le taux est celui de l'impôt du gouvernement central et la moyenne pour l'Union européenne est non pondérée.

Source : OCDE

Ce mouvement s'est nettement modéré au cours de la décennie 1990-2000 avec même, dans quelques cas, un renversement de tendance (Autriche, Finlande).

Toutefois, c'est bien la baisse des taux d'imposition qui constitue la caractéristique essentielle des réformes de l'impôt sur les sociétés intervenues en Europe dans le proche passé.

Parallèlement, dans de nombreux pays, les régimes d'imposition dérogatoires ont été banalisés, qu'il s'agisse du régime des amortissements, des provisions ou encore des bénéfices distribués. Pour autant, outre l'existence dans tous les pays de procédures exceptionnelles (voir le II), certains pays ont emprunté la voie d'une diversification des modalités d'imposition des entreprises.

A. L'ALLEMAGNE, UNE RÉDUCTION DES TAUX, UN ÉLARGISSEMENT DE L'ASSIETTE.

En Allemagne , les taux d'imposition ont été continûment réduits au cours de la période et cette tendance se poursuit dans la réforme récemment adoptée.

IMPOSITION DES BÉNÉFICES

Impôt sur les bénéfices

Autres

Incitations fiscales/exonérations

Avant 2001

 
 

1988-1994 1 :

(distribués : 36 %,
non distribués: 50 %)

1994-1999 1 :

(d : 30 %, nd : 45 %)

1999- 2000

Distribués : 30 % (31,65 % 2 )

Non distribués : 40 % (42,23 % 2 )

Les entreprises peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt (différence entre 30/40 %) en cas de distribution différée de bénéfices.

Taxe professionnelle :

Même base que l'impôt sur les bénéfices depuis 1997.

Taux de base fédéral (5 %) et coefficient fixé par les municipalités.

Impôt déductible de sa base,

Exempt de la surtaxe de solidarité.

Impôt sur le patrimoine :

Suppression en janvier 1997.

Impôt foncier :

1,5 % en moyenne de la valeur fiscale du bien.

Amortissements : linéaire ou dégressif. Accéléré : certains types d'investissement seulement.

-- Exonération des provisions pour pensions de vieillesse.

-- Durcissement du régime d'amortissement en 1999.

Pertes :

Entreprises résidentes :


-- ordinaires : report en arrière
(<2 mill. DM, 1 à partir 2001) ; report en avant indéfini
(>2 mill DM, 1 à partir 2001)

-- en capital : limité.

Entreprises non résidentes : restriction de la déductibilité des pertes à partir de janvier 1999.

Janvier 2001

 
 

Taux uniforme de 25 % (26,375 % 2 )

Suppression de l'imputation et remplacement par système du demi revenu.

Pas de modification

Pertes :

Entreprises résidentes :

-- ordinaires : report en arrière
(<1 mill. DM à partir 2001)

-- report en avant indéfini
(1 à partir 2001)

1. Introduction de la surtaxe de solidarité de 5,5 % introduite en 1993.

2. Y compris surtaxe de solidarité.

Dans le nouveau système, les bénéfices des entreprises sont imposés au niveau de l'entreprise et les dividendes sont imposés au niveau de l'actionnaire ; le crédit d'impôt disparaît. En contrepartie, le taux d'imposition des bénéfices est uniforme à 25 %, soit un taux d'imposition total de 39,3 % en incluant la surtaxe de solidarité et la taxe professionnelle assise sur les bénéfices, contre 52,3 % (bénéfices réinvestis) et 43,6 % (bénéfices distribués) en 2000. Il n'y a plus d'élimination complète des doubles-impositions ; seule la moitié des dividendes reçus par les actionnaires (personnes physiques) est incluse dans leur base imposable et les dividendes interentreprises ne sont plus soumis à l'impôt. Mais, l'exonération des dividendes versés par des filiales étrangères détenues à hauteur de plus de 10 % par des sociétés résidentes est désormais étendue à l'ensemble des dividendes en provenance de sociétés non résidentes .

C'est également pour compenser la suppression du système d'imputation complète que le gouvernement a modifié le régime d'imposition des plus-values de cessions de participation . Les plus-values peuvent en effet être considérées comme des profits accumulés, ayant déjà été soumis à l'impôt sur les sociétés, si bien que leur taxation au moment de la cession de participation induirait une double taxation.

L'exonération des plus-values s'appliquait déjà dans le cas des cessions de participations étrangères depuis 1994 pour les participations supérieures à 10 % du capital. Pour le gouvernement, cette mesure permet donc aussi de traiter désormais de manière équivalente les investissements en Allemagne et à l'étranger et d'éviter la multiplication de sociétés holding dans d'autres pays européens.

Avec cette réforme, il s'agit de renforcer l'attractivité fiscale du territoire allemand.

Combinée à cette inspiration, la poursuite d'une plus grande neutralité fiscale marque la réforme. La base d'imposition est élargie par la suppression d'un certain nombre de règles dérogatoires en matière d'amortissements et de provisions. L'application d'un taux uniforme d'imposition des bénéfices est plus favorable au réinvestissement des bénéfices, puisque les bénéfices non distribués étaient auparavant imposés à un taux supérieur à celui des bénéfices distribués. La réforme vise donc à accroître le taux d'autofinancement des entreprises, jugé trop faible en comparaison internationale.

Pour préciser les ordres de grandeur, des simulations ont été réalisées par le Conseil des Sages en novembre 2001. Ces simulations distinguent 3 modes de financement (autofinancement, émission d'actions, endettement) et 5 types d'investissement (intangibles, bâtiments, machines, placements financiers, stocks) et permettent notamment de mesurer l'impact de la réforme sur le taux moyen effectif d'imposition, entendu comme le taux d'imposition que supporte un investissement type qui rapporterait avant impôt une rentabilité de 20 % (voir chapitre sur la réforme de l'imposition des bénéfices).

La baisse du taux d'imposition légal se traduit par une baisse du taux moyen effectif d'imposition (tous types d'investissement et tous types de financement confondus) de 3,2 points . Elle est plus faible que la réduction du taux d'imposition légal ( 13 points pour les bénéfices non distribués, 4,3 points pour les bénéfices distribués) en raison du durcissement du régime d'amortissement . Alors qu'avant réforme le taux d'imposition était supérieur en cas d'autofinancement, l'harmonisation des taux conduit à aligner le taux d'imposition moyen d'un investissement type financé par autofinancement sur celui d'un investissement type financé par émission d'action (38,8 %). Le taux d'imposition moyen reste en 2001 le plus élevé des grands pays européens .

B. LE ROYAUME-UNI, UNE FISCALITÉ PROGRESSIVE ET MODÉRÉE

Au Royaume-Uni , la fiscalité des entreprises a subi d'importantes modifications depuis 10 ans.


LES PRINCIPAUX AMÉNAGEMENTS DE LA FISCALITÉ DES ENTREPRISES
AU ROYAUME-UNI

Réduction de 33 à 30 % du taux d'imposition des bénéfices (- 3,3 milliards de livres en 2000-2001, - 3,75 en 2001-2002).

Suppression du remboursement du crédit d'impôt versé aux actionnaires exonérés (+ 5,4 milliards).

Suppression de l' Advance Corporation Tax (ACT), pré-paiement de l'impôt sur les bénéfices lors du versement des dividendes, et introduction d'un paiement trimestriel pour les grandes entreprises (+ 2 milliards).

Taxation des services publics privatisés .

Introduction d'une fiscalité portant sur l'utilisation industrielle et commerciale d'énergie dans le but de réduire les émissions de CO2.

Mesures spécifiques pour les PME (- 1,2 milliard de livres en 2001-2002) : taux réduit, crédit d'impôt pour la R&D, réductions d'impôts pour les employés bénéficiant d'options ; création d'un taux 0 à partir de 2002 pour les petits bénéfices (265 millions de livres en 2003-2004).

Le Royaume-Uni, qui connaissait des taux d'imposition des sociétés les plus bas de l'OCDE , a poursuivi les allégements de taux . Malgré cette situation, la part des recettes tirées de l'impôt des sociétés dans le PIB est supérieure à celle des autres pays du G7 . Le taux applicable aux PME a été réduit de 23 à 20 % (jusqu'à 300 000 livres de bénéfices) en 2000 et à 19 % en avril 2002. Au 1 er avril 2000, un taux réduit de 10 % jusqu'à 10 000 livres de bénéfices a également été introduit, ce taux a été abaissé à 0 au 1 er avril 2002. Aujourd'hui, l'imposition des bénéfices est progressive.

La création, dans le budget 2002, du taux 0 pour l'impôt des sociétés qui déclarent moins de 10 000 livres de bénéfices imposables est particulièrement débattue. Elle peut être une source d'évasion fiscale pour des personnes qui, se constituant en société, peuvent échapper à l'imposition à concurrence de 10 000 livres de bénéfices. En se constituant en société, un travailleur indépendant peut se verser un traitement de 4 615 livres, représentant le plafond de l'abattement de l'impôt sur le revenu, et réaliser des bénéfices de 10 000 livres, qu'il s'attribuera sous forme de dividendes, en échappant à toute imposition. Il devient donc possible de faire échapper un revenu de 15 000 livres à toute imposition, un salarié, avec le même revenu, devant acquitter 3 827 livres d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales. Le budget estime que le coût de la mesure sera de 265 millions de livres (0,23 point de PIB) en 2003-2004 et de 450 millions en 2004-2005 (0,39 point de PIB), estimant que la proportion de personnes qui se constitueront en société sera faible. L' Institute for Fiscal Studies (Blow et al. , 2002) estime pour sa part que la mesure est potentiellement coûteuse, jugeant vraisemblable que 50 % des travailleurs indépendants décident de se constituer en société ce qui leur permettrait d'économiser plus de 500 livres d'impôt par an et représenterait un coût budgétaire de 1,2 milliard de livres (de 2,5 si tous les travailleurs indépendants se constituaient en société).

IMPOSITION DES BÉNÉFICES EN 2000-2001

Bénéfice annuel, en £

Taux marginal

Taux moyen

< 10 000

10

10

10 001 - 50 000

22,5

10 à 20

50 001 - 300 000

20

20

300 001 - 1 500 000

32,5

20 à 30

> 1 500 000

30

30

Sources : HM Treasury, Budget, Adam et al. (2001).

La diminution des taux légaux d'imposition a été plus que compensée par la suppression du remboursement de l'avoir fiscal sur les dividendes.

Outre un objectif financier
, la suppression du remboursement du crédit d'impôt est destinée à stimuler l'investissement : dans l'ancien système, les bénéfices distribués à des actionnaires exonérés étaient au total moins taxés que les bénéfices non distribués, incitant à des versements de dividendes au détriment de l'autofinancement.

C. L'ESPAGNE, UNE BAISSE LIMITÉE DES TAUX, LE MAINTIEN DE RÈGLES D'ASSIETTE DIVERSIFIÉES

L' Espagne s'est inscrite dans le même processus de réduction des taux légaux d'imposition des sociétés.

Elle se singularise par rapport à l'Allemagne et au Royaume-Uni - où les cours sont plus faibles - par le maintien , voire la création , de nombreux crédits d'impôts (investissements à l'étranger, en R&D, dépenses de formation professionnelle, investissements culturels, investissements pour préserver l'environnement, investissements liés à Internet).

Le taux général est de 35 %, mais il existe un taux réduit de 30 %.

LES TAUX D'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS SELON LE CHIFFRE D'AFFAIRES
ET LE BÉNÉFICE EN 2001

Chiffre d'affaires (euros)

Bénéfice (euros)

Taux

< 5 000 000

< 90 000

30 %

< 5 000 000

> 90 000

35 %

> 5 000 000

> 0

35 %

Source : Ministerio de economia y hacienda.

Par ailleurs, depuis 2002, les entreprises alimentant un fonds de pension de retraite pour leurs travailleurs peuvent déduire 10 % des fonds de leur base imposable et les limites d'apports de fonds pour la constitution de plans de retraites privés sont assouplies.

D. L'ITALIE, UN PROCESSUS ÉVOLUTIF DE REMISE EN ORDRE

L' Italie a longtemps suivi un parcours inverse à celui de la majorité des pays européens, qui ont réalisé d'importantes baisses du taux de l'imposition sur les sociétés financées par l'élargissement de la base imposable.

En effet, de 1980 à 1997 le taux légal est réduit de 10 points dans la moyenne des pays européens , tandis qu' en Italie il augmente de 17 points . Le taux d'imposition sur le bénéfice des sociétés passe de 36,25 % à 53,2 %. En 1993 un impôt sur le patrimoine net d'entreprise a été introduit, d'abord temporairement, puis de façon définitive. En 1995 , la « loi Tremonti » rend déductible de l'IS les dépenses d'investissements en biens d'équipement, mais il ne s'agit que d'une mesure conjoncturelle. Ce n'est qu'en 1996 qu'a été introduite une réforme plus structurelle . En 1998 , année de son entrée en vigueur, la différence entre le taux italien et le taux moyen européen est devenu inférieur à 6 points .

La réforme se donnait quatre objectifs principaux :

1°) Simplification de la relation entre le contribuable et le système fiscal ;

2°) Décentralisation par un transfert de la responsabilité de certaines dépenses et des recettes afférentes aux administrations locales ;

3°) Baisse du taux légal et élargissement de la base imposable ;

4°) Neutralité de l'imposition.

Le paysage fiscal d'avant la réforme comportait, outre l'IS à 37 %, une multiplicité d'impôts sur les entreprises , levés à tous les niveaux administratifs : ILOR , impôt local sur le bénéfice d'entreprise (de 16,2 %) ; ICIAP , impôt municipal sur les entreprises ; impôt sur le patrimoine net des entreprises (0,75 % du capital, soit un prélèvement sur les profits entre 5 et 10 %) ; cotisation au système de santé assise sur les rémunérations des salariés, payée par les salariés (1 %) et l'employeur (11,46 %).

L'objectif de simplification a été atteint par la substitution à ces différents impôts supplémentaires locaux d'un impôt unique, l' IRAP (impôt régional sur l'activité productive). Son assiette est originale et très large puisque constituée de la valeur ajoutée . Par conséquent, le taux de l'IRAP (4,25 %) est faible. Son introduction répond aussi à un objectif de neutralité par rapport aux facteurs de production, car tous (y compris le capital) sont imposés au même taux. La réforme de 1998 a atteint son objectif de baisser le taux d'imposition des bénéfices à recettes constantes. Avec la substitution de l'IRAP à l'ILOR, le taux d'imposition des profits s'est réduit de 53,2 à 41,25 %. Par ailleurs, le financement du système de santé en a été modifié dans un sens moins assurantiel et plus contributif, les recettes d'IRAP se substituant en partie aux cotisations sociales pour financer le système de santé.

L'IRAP, dont les recettes financent 40 % des dépenses courantes des régions, a également permis d'abandonner partiellement les transferts de l'administration centrale en faveur de l'autonomie fiscale. Le renforcement progressif de l'autonomie permettra aux régions d'augmenter le taux de l'IRAP (à ce jour d'un point au maximum) en plus du taux actuel fixé par l'Etat et de le moduler selon les secteurs.

Par ailleurs, l' impôt sur les sociétés a été profondément réformé. L'introduction de la Dual Income Tax (DIT), aujourd'hui suspendue, appelle malgré tout l'attention par son originalité. Elle avait substitué au taux unique de 37 % de l'IS deux taux d'imposition :

un taux allégé (19 %) est appliqué à la rentabilité « ordinaire » du capital investi. Celle-ci se calcule en appliquant un taux d'intérêt calculé sur la base du taux des obligations publiques et privées (actuellement 7 %) au patrimoine net, c'est-à-dire aux variations d'actifs réalisés au cours d'une période de référence ;

un taux plus élevé (37 %) est appliqué aux bénéfices supplémentaires.

Le taux moyen de l'impôt dépend du poids relatif des deux composantes des profits . La DIT introduit ainsi un prélèvement progressif sur le revenu d'entreprise basé sur le taux de rentabilité du capital utilisé. Le système est proche des systèmes scandinaves. L'idée d'imposer les revenus du capital à un taux proportionnel et inférieur à celui appliqué au revenu du travail, ainsi que le partage des bénéfices en deux composantes, est commune aux deux systèmes.

Cette réforme a été guidée par des considérations d'efficacité : réduire le taux marginal d'imposition des bénéfices et faire face à la concurrence fiscale par la baisse du taux moyen, trop élevé par rapport aux niveaux européens.

La loi de finances pour 2001 a prolongé cette réforme par la baisse d'un point (de 37 à 36 %) du taux ordinaire sur les bénéfices résiduels. Le taux d'imposition est aujourd'hui de 32,5 % en moyenne , mais il doit diminuer jusqu'à 25 %, à mesure du déclassement des actifs constitués avant 1996 et du renforcement de la part des actifs assujettis au taux de 19 %.

In fine , le taux d'imposition total (comprenant l'IRAP) varie de 23,25 % (un des plus bas d'Europe), pour les entreprises bénéficiant entièrement de la DIT à un maximum de 40,25 %, le plus élevé en Europe.

La réforme fiscale de 1997-98 a permis de réduire le coût relatif du financement sur fonds propres des nouveaux investissements et placé l'Italie parmi les pays qui offrent des dispositions fiscales généreuses aux nouveaux investissements.

Toutefois, le nouveau gouvernement a modifié le système en cause en accentuant sa dimension incitative. La loi « Tremonti-bis » prévoit l'exclusion de la base de l'impôt sur les sociétés (IS) de 50 % du volume des investissements et des dépenses en formation (dans la limite de 20 % de la masse salariale), excédant la moyenne des 5 dernières années. Ces mesures sont conjoncturelles et concernent les investissements effectués en 2001 et en 2002.

La loi « Tremonti-bis » crée une segmentation du prélèvement entre entreprises avec la coexistence de trois taux d'imposition.

Elle assurerait la transition vers une réforme complète de la fiscalité annoncée au cours de la campagne électorale, qui envisage, outre la suppression de la DIT, la baisse du taux de l'IS à 33 % et l'élargissement de la base imposable pour inclure partiellement les dividendes et les plus-values des participations substantielles. La proposition de réforme introduit une limitation de la déductibilité des intérêts pour rééquilibrer la perte de neutralité du système.

Le programme électoral comprenait aussi l'abolition de l' IRAP , censé augmenter à l'excès les prélèvements sur les bénéfices (33 % de DIT plus 5 % d'impact moyen de l'IRAP). Mais le coût de sa disparition (2,3 points de PIB en 2000), et le problème du financement des régions, ont réorienté le gouvernement vers une redéfinition graduelle de la base imposable. La dernière proposition comprend l'exclusion de la masse salariale de la base imposable. Une simulation estime le montant de la réduction d'impôt à 60 % (1,6 point de PIB).

E. LES PAYS-BAS, UN PAYS DE CONTRASTES

Aux Pays-Bas , l'imposition des sociétés n'a pas fait l'objet de réformes spécifiques dans les années 1990. Elle repose sur un système dual. Les bénéfices sont imposés à un taux de 35 %, un taux réduit de 30 % étant appliqué aux « petits bénéfices ». Plusieurs dispositifs sont mis en place pour compenser la double imposition. En particulier, les dividendes interentreprises tirés de participations substantielles dans des entreprises néerlandaises ou étrangères sont exonérés de l'impôt.

Le taux d'imposition effectif moyen (celui que supporte un investissement type), qui rapporterait avant impôt une rentabilité de 20 %, se situe avec 31 % dans la moyenne européenne et est donc supérieur à celui de l'Irlande et des pays du Nord de l'Europe. En revanche, un certain nombre de dispositifs du droit fiscal des sociétés sont très favorables à l'implantation de holdings aux Pays-Bas. Les entreprises faisant partie d'un groupe international peuvent ainsi constituer des réserves spéciales allant jusqu'à 80 % du revenu financier qualifié (essentiellement intérêts et royalties), et les gains en capital tirés de participations substantielles (5 % et plus du capital) dans d'autres entreprises, néerlandaises ou étrangères, sont exonérés de l'impôt sur les sociétés.

II. DES RÉFORMES AUX EFFETS NUANCÉS ; UN PANORAMA DE CONCURRENCE FISCALE OÙ LA FRANCE EST MAL PLACÉE

Les recettes tirées de l'imposition société n'ont pas reculé malgré les baisses de taux mises en oeuvre par les Etats. On pourrait en déduire que la concurrence fiscale, prévisible en théorie, a épargné l'Europe. Cette conclusion serait erronée. La prise en compte de nombreux indicateurs micro-économiques et l'absence de progrès substantiels dans l'harmonisation des prélèvements sur les entreprises en Europe convergent vers le diagnostic de l'existence d'une concurrence fiscale, que la France est mal placée pour affronter.


LES MÉTHODES DE COMPARAISON DES CHARGES
PESANT SUR LES ENTREPRISES

De nombreuses méthodes de comparaison des charges pesant sur les entreprises ont été développées. Outre la comparaison des taux légaux d'imposition, on peut distinguer deux grands types de méthodes : celles qui sont fondées sur des taux apparents d'imposition rapportant des recettes fiscales effectives à leurs assiettes économiques (type IS/EBE - impôt sur les sociétés rapporté à l'excédent brut d'exploitation) et celles qui sont fondées sur des taux simulés - taux effectifs moyens ou marginaux - portant sur des investissements fictifs .

La comparaison des taux légaux est limitée par l'existence d'une grande diversité des règles d'assiette en matière de fiscalité des entreprises et par celle des autres prélèvements pesant sur les entreprises.

La comparaison des taux apparents de taxation consiste souvent à analyser le poids dans le PIB des recettes d'impôt sur les sociétés. Mais, cet indicateur de pression fiscale apparente, est sensible au partage de la valeur ajoutée. Aussi est-il préférable de rapporter les recettes fiscales à un indicateur du revenu des entreprises, l'excédent net d'exploitation (ENE) en règle générale.

Ce deuxième indicateur peut être amélioré de deux manières : d'une part, seul le revenu des entreprises soumises à l'IS devrait être pris en compte, et non l'ENE de l'ensemble de l'économie. D'autre part, d'autres impôts - notamment la taxe professionnelle en France - doivent être intégrés dans la charge fiscale pesant sur les entreprises. On définit ainsi le taux implicite de taxation , rapport de l'ensemble de la charge fiscale pesant sur les entreprises au revenu des entreprises soumises à l'IS.

A côté de ces indicateurs macroéconomiques , des indicateurs microéconomiques sont proposés. Il s'agit de calculer des taux d'imposition en appliquant la législation fiscale à des cas-types d'entreprises ou d'investissements.

Cette seconde catégorie d'indicateurs, les taux effectifs d'imposition , a pour objectif de permettre les comparaisons internationales de pression fiscale en se fondant uniquement sur les paramètres de législation fiscale. Il s'agit d'une méthode qui reste assez largement expérimentale. Par conséquent, les résultats sur lesquels elle débouche doivent être considérés avec beaucoup de précautions. Leurs calculs sont généralement complexes dans la mesure où ils dépendent du type d'investissement considéré. Plus précisément, il faut formuler une hypothèse sur le bien financé (matériel, bâtiment...), les différents biens ouvrant droit à des amortissements différents, et sur les modalités de son financement (autofinancement, émission d'actions, emprunt), celles-ci ayant des traitements comptables et fiscaux différents.

Il s'agit dans tous les cas de comparer la charge fiscale pesant sur un investissement d'un rendement donné. Cette méthode peut être appliquée à une entreprise , elle débouche alors sur l'élaboration de taux effectifs moyens d'imposition . Elle peut être appliquée à un investissement marginal et débouche alors sur la mise en évidence de « coins fiscaux marginaux ».

A. UNE STABILITÉ GLOBALE

Comme pour l'imposition du revenu des ménages, la baisse des taux légaux d'imposition ne s'est pas toujours traduite par un recul des recettes tirées par les Etats de la taxation des entreprises.

La considération des taux apparents d'imposition des sociétés conduit à mettre en évidence une stabilité globale et une faible dispersion .

Le poids de l'impôt sur les sociétés (IS) exprimé en points de PIB est relativement proche. Seuls se distinguent, l'Autriche et l'Allemagne (avec des recettes nettement inférieures à la moyenne), le Luxembourg et, dans une moindre mesure, le Royaume-Uni (avec des recettes d'IS légèrement supérieures à l'ensemble des autres pays). Au cours de la décennie 1990, le poids de l'IS - qui s'était beaucoup accru dans les années 80 - n'a que légèrement progressé dans l'ensemble des pays de l'UE. Cette progression est en grande partie due aux évolutions conjoncturelles et aux conditions de partage de la valeur ajoutée entre les salaires et les profits, au bénéfice de ceux-ci. En outre, elle laisse à penser que les modifications structurelles opérées dans les pays membres au cours des dernières années se sont compensées .

Impôt sur les sociétés en % du PIB

 

1980

1990

1996

1997

1998

1999

2000

2001*

2002*

Autriche

1,4

1,3

1,8

1,8

1,8

1,7

1,7

1,8

1,8

Allemagne

1,8

1,8

1,7

1,9

1,9

2,0

2,1

1,9

1,9

Belgique

2,2

2,4

3,1

3,5

3,6

3,5

3,5

3,5

3,4

Danemark

1,5

2,6

3,4

3,7

3,6

3,6

3,5

3,5

3,5

Espagne

1,2

3,1

2,1

2,1

2,1

2,1

2,1

2,1

2,1

Finlande

1,2

2,0

3,0

3,7

3,7

3,7

3,8

3,6

3,5

France

2,1

2,4

1,9

2,2

2,7

2,9

2,9

2,8

2,8

Grèce

0,5

1,7

2,2

2,4

2,9

3,2

3,3

3,3

3,2

Irlande

1,5

2,2

3,6

3,7

3,7

3,7

3,5

3,4

3,3

Italie

2,4

3,7

4,2

4,3

3,9

4,1

4,1

3,9

3,9

Luxembourg

7,6

6,6

6,9

8,3

8,3

8,2

8,2

8,0

7,6

Pays-Bas

3,0

3,4

4,1

4,6

4,5

4,5

4,4

4,2

4,2

Portugal

0,9

2,5

2,7

2,8

2,8

2,9

3,0

3,1

3,1

RU

2,9

4,1

3,8

4,3

4,7

4,7

4,8

4,7

4,7

Suède

1,2

2,0

3,1

2,8

2,9

2,9

2,8

2,7

2,6

Europe

2,2

2,9

2,7

3,0

3,1

3,2

3,2

3,2

3,1

* Estimations/Prévisions.

Sources : Commission européenne/Eurostat.

La part de l'impôt sur les sociétés dans les recettes fiscales, qui s'était réduite entre 1970 et 1986, s'est renforcée depuis.

Part de l'IS dans les recettes fiscales

 

1970

1975

1980

1986

1991

1995

1997

Allemagne

8,1 %

6,9 %

7,9 %

8,4 %

6,3 %

4,4 %

5,9 %

Belgique

6,9 %

7,3 %

5,7 %

5,8 %

5,4 %

6,6 %

7,5 %

Espagne

8,2 %

8,2 %

7,9 %

10,7 %

9,8 %

8,7 %

9,6 %

France

8,7 %

8,3 %

8,0 %

7,9 %

7,6 %

8,3 %

9,3 %

Grèce

1,7 %

3,6 %

3,9 %

4,1 %

5,3 %

7,8 %

7,4 %

Italie

6,8 %

6,4 %

7,9 %

10,7 %

9,8 %

8,8 %

9,6 %

Pays-Bas

6,7 %

7,7 %

6,6 %

7,3 %

7,3 %

7,4 %

10,5 %

Portugal

14,5 %

8,8 %

7,9 %

5,5 %

9,7 %

8,2 %

11,0 %

Royaume-Uni

8,7 %

6,2 %

8,4 %

10,6 %

9,4 %

9,4 %

12,1 %

Source : OCDE, calculs des auteurs

B. UNE CONCURRENCE FISCALE ?

Les variations concernant les taux apparents d'imposition ne confirment pas totalement l'existence d'un processus de concurrence fiscale que les analyses théoriques conduisent à redouter tout particulièrement en matière de prélèvements sur les entreprises.

Pour autant, des indicateurs plus micro-économiques délivrent un message différent et plus conforme aux intentions concurrentielles qui semblent avoir fondé les baisses des taux légaux d'imposition des sociétés.

1. La réduction des taux légaux d'imposition semble s'être accompagnée, le plus souvent, mais pas systématiquement, d'un allégement de la pression fiscale

Les effets des modifications des taux légaux d'imposition ont varié considérablement selon les pays. Leur traduction en termes de taux effectifs moyens d'imposition n'est pas mécanique.

 

Taux nominaux

Taux effectifs moyens d'imposition

 

1991

1999

Variations

1991

1999

Variations

Allemagne

50/36

25

-25/-11

38

46,1

+8,1

Autriche

30

34

+4

n.d.

n.d.

n.d.

Belgique

39

39

0

45,7

33,1

-12,6

Espagne

35

35

0

34,9

12,1

-22 ,8

France

42

36,4

-5,6

45

50,2

+5,2

Italie

36

36

0

40,4

27,3

-13,1

Pays-Bas

35

35

0

58,4

50,4

-8

Portugal

36

32

-4

39,1

25,9

-13,2

Royaume-Uni

34

30

-4

16,5

19

+2,5

Les changements apportés aux taux légaux de l'impôt sur les sociétés peuvent s'accompagner d'évolutions des taux effectifs moyens d'imposition de sens contraire.

Les baisses de taux intervenues en France, en Allemagne et au Royaume-Uni n'ont pas empêché les taux effectifs moyens de s'accroître dans ces pays. Ce résultat paradoxal traduit l'effet de l'élargissement de l'assiette fiscale, dont on a souligné la concomitance avec les baisses de taux nominaux qui sont intervenues dans ces pays. On rappelle ici que les taux effectifs moyens d'imposition comprennent, non seulement l'impôt sur les sociétés, mais aussi les impôts sur les revenus engendrés par l'activité des entreprises, en particulier l'imposition des entrepreneurs individuels et des dividendes.

2. Les baisses des taux légaux d'imposition, symptômes d'une volonté de concurrence fiscale qui en comporte de nombreux autres ?

Les progrès du « marché unique » européen ont suscité des réflexions parallèles sur l'importance pour des Etats européens de s'entendre sur des règles de coordination fiscale en matière d'imposition des sociétés.

Une attention particulière a été portée aux perspectives d'optimisation fiscale des grandes entreprises et aux régimes dérogatoires appliqués par les Etats.

L'application de fait du principe d'imposition dans le pays de la source, associé à une correction imparfaite des doubles impositions et à la coexistence d'une pluralité de régimes d'imposition dans l'UE, permet aux grandes entreprises de minimiser leurs charges d'imposition.

L'existence de régimes ou, le plus souvent, de pratiques dérogatoires renforce cette éventualité. La Commission en a dénombré plus de 200 et l'étude de l'OFCE analyse certaines des voies d'optimisation fiscale, qu'il s'agisse de profiter des régimes dérogatoires d'imposition des « holdings », de mobiliser les techniques de transferts des bénéfices telle que la technique des prix de transferts, ou encore d'offrir des régimes favorables à l'accueil de sièges sociaux.

Face à cette situation, une certaine réaction s'est produite à l'initiative de la Commission . Mais, force est de reconnaître que le Conseil , c'est-à-dire les Etats membres, qui constituent l'échelon politique des institutions européennes, n'a pas réellement progressé vers l'adoption de solutions.

La Commission s'est engagée dans deux démarches complémentaires pour contenir la concurrence fiscale dans le domaine de l'imposition directe des entreprises. La première a consisté à éliminer les sources de concurrence fiscale déloyale ; la seconde, nettement plus ambitieuse, à proposer plusieurs pistes alternatives d'élimination des pratiques d'optimisation fiscale.

Jusqu'à présent, seule la première démarche a reçu des prolongements au sein du Conseil.

Le Conseil Ecofin de décembre 1997 a adopté une série de mesures destinée à lutter contre la concurrence fiscale dommageable, ainsi que le principe de l'élaboration d'un code de bonne conduite.

Encore doit-on souligner la modestie de la portée de la décision du Conseil.

L'accord entre les pays porte non pas sur la concurrence fiscale elle-même mais uniquement sur les formes déloyales de celles-ci avec une acception assez étroite. Plus précisément, est considéré comme contraire au code de bonne conduite, le fait que subsistent dans un Etat membre des traitements fiscaux préférentiels, c'est-à-dire favorisant une catégorie d'entreprises au détriment des autres.

En revanche, en l'état, le fait qu'un Etat membre pratique une imposition très basse, mais généralisée, n'est pas considéré comme relevant du domaine de la lutte contre la concurrence fiscale déloyale. Enfin, le code de bonne conduite n'est pas contraignant juridiquement .

Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que les schémas d'harmonisation proposés par la Commission pour contrer l'optimisation fiscale en matière d'impôt sur les entreprises soient restés jusqu'à présent dépourvus de prolongement au sein du Conseil.


LES QUATRE PISTES PROPOSÉES PAR LA COMMISSION POUR ÉLIMINER L'OPTIMISATION EN MATIÈRE DE FISCALITÉ DES ENTREPRISES

Dans un rapport d'octobre 2001, la Commission propose quatre pistes pour contrer l'optimisation fiscale en matière d'imposition des entreprises.

Elles présentent un « crescendo » en termes d'abandon de souveraineté par les Etats membres.

Première piste : un bénéfice imposable consolidé calculé selon les règles de l'Etat de résidence.

Les sociétés résidentes des Etats membres ont la possibilité de calculer le revenu imposable résultant de leurs opérations dans les Etats membres, selon les règles d'imposition des sociétés de l'Etat membre où leurs quartiers généraux sont installés (l'Etat de résidence). Selon un principe de reconnaissance mutuelle, un Etat membre accueillant un investissement en provenance d'un autre Etat membre participant au système s'engage à accepter les règles de cet autre Etat, l'Etat de résidence, pour la détermination de la base imposable située sur son territoire. Dans ce mécanisme, chaque Etat de résidence administre son propre système et les bénéfices imposables qu'il détermine sont ensuite répartis entre les Etats selon une règle commune, en vue d'y être imposés aux taux en application dans ces Etats.

Deuxième piste : un bénéfice imposable consolidé calculé selon des règles européennes.

Cette fois, les sociétés calculent le revenu imposable lié à leurs opérations dans les Etats membres selon des règles communes établies au niveau de l'UE .

Troisième piste : un impôt sur le revenu des sociétés .

Le bénéfice imposable est calculé selon des règles communes mais le taux d'imposition applicable à cette base est, lui aussi, commun .

Piste 4 : une assiette unique harmonisée de l'impôt sur les entreprises dans l'Union européenne .

Des règles communes président au calcul du bénéfice imposable et remplacent les codes fiscaux nationaux. Ce système nouveau s'applique à toutes les entreprises dans tous les Etats membres et remplace les systèmes nationaux.


On peut souligner que cette forme d'inertie européenne tranche avec les modèles, logiquement plus fédéraux en vigueur en Amérique du Nord. Aux Etats-Unis, par exemple, outre l'impôt fédéral, le système en vigueur en matière d'imposition des sociétés au niveau des Etats , marie les deux concepts de consolidation - regroupement et compensation des bases imposables d'entités juridiquement distinctes d'un même groupe - et de répartition de la base consolidée entre les Etats, pour y être imposée aux taux en vigueur dans ces Etats.

La répartition y repose sur la pondération de trois critères - la propriété, les ventes et la masse salariale -, les poids étant déterminés par l'Etat selon les règles duquel la consolidation est opérée.

En conclusion, il apparaît que le défaut de progrès notables vers une harmonisation coopérative des règles d'imposition des entreprises en Europe constitue une autre face de phénomènes de concurrence fiscale qui, jusqu'à présent peu décelables à partir d'une observation macroéconomique, trouvent dans l'existence de règles nationales à géométrie variable et dans les allégements des conditions d'imposition consentis par les Etats, un terrain fertile et une concrétisation empirique.

3. La France, un espace peu attractif

Comme l'avait déjà souligné le rapport de votre commission des finances consacré à la concurrence fiscale déjà cité, la France présente une attractivité fiscale insuffisante par rapport à ses voisins européens.

a) En France, un taux de taxation élevé

Sur la base du critère du taux implicite de taxation des entreprises 2 ( * ) , la France apparaît comme le deuxième pays le moins bien placé. Elle n'est « précédée » que par l'Italie, pays pour lequel ce ratio n'a qu'une signification limitée en raison du nombre relativement faible d'entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés, du fait des particularités structurelles des entreprises italiennes, souvent individuelles.

Par ailleurs, alors que dans de nombreux pays, une réduction de la pression fiscale est intervenue, la France a parcouru un chemin inverse.

Taux implicites de taxation des entreprises

 

1970

1975

1980

1986

1991

1995

1997

Allemagne

18,9 %

22,4 %

26,9 %

21,2 %

16,5 %

12,0 %

12,7 %

Belgique

26,5 %

41,0 %

43,1 %

27,2 %

24,2 %

29,6 %

32,6 %

Espagne

6,8 %

9,2 %

8,3 %

9,0 %

13,9 %

8,3 %

12,5 %

France

36,1 %

54,9 %

76,1 %

50,4 %

44,6 %

51,4 %

55,1 %

Grèce

1,0 %

2,2 %

3,4 %

5,0 %

6,4 %

9,3 %

10,1 %

Italie

29,1 %

31,4 %

39,9 %

52,7 %

74,7 %

57,9 %

68,0 %

Pays-Bas

20,0 %

32,2 %

26,3 %

20,8 %

22,4 %

21,8 %

29,2 %

Portugal

19,1 %

18,7 %

13,9 %

11,2 %

23,6 %

18,4 %

25,5 %

Royaume-Uni

37,7 %

58,4 %

50,9 %

52,6 %

65,3 %

41,1 %

50,8 %

Source : Economie et Prévision n° 156, 2002-5

« La concurrence fiscale sur le bénéfice des entreprises : théories et pratiques », Bretin - Guimbert - Madiès.


Les enseignements tirés de cet indicateur doivent être considérés avec une certaine prudence en raison des problèmes de méthode évoqués plus haut et de décalages dans le temps entre les recettes et l'assiette prises en compte pour le construire. Les variations de la valeur de cet indicateur d'une année sur l'autre témoignent de la nécessité de croiser les taux implicites de taxation avec d'autres éléments de mesure.

Le recours à des indicateurs microéconomiques , appliquant les législations fiscales nationales à des cas-types d'entreprises, enrichit le diagnostic, même si ces indicateurs construits à partir de données extrêmement difficiles à exploiter doivent être considérés avec prudence, d'autant qu'ils ne reflètent souvent pas une situation générale. Il vient confirmer les handicaps de la France .

Tel est le cas pour les taux effectifs moyens d'imposition des entreprises 3 ( * ) . Ce taux est particulièrement élevé en France.

Taux effectifs moyens d'imposition des entreprises

 

1991

1999

Allemagne

38,0 %

46,1 %

Belgique

45,7 %

33,1 %

Espagne

34,9 %

12,1 %

France

45,0 %

50,2 %

Italie

40,4 %

27,3 %

Pays-Bas

58,4 %

50,4 %

Portugal

39,1 %

25,9 %

Royaume-Uni

16,5 %

19,0 %

Norvège

22,1 %

8,4 %

Suisse

45,9 %

32,0 %

Canada

34,0 %

42,6 %

Etats-Unis

39,1 %

49,2 %

Japon

53,5 %

52,1 %

Maximum

58,4 %

52,1 %

Médiane

40,4 %

33,1 %

Minimum

16,5 %

- 9,6 % 1)

Coeur UE

40,7 %

37,7 %

Périphérie UE

38,7 %

9,5 %

1. Ce taux correspondrait à celui de la Grèce et s'expliquerait par un aménagement du régime d'imposition des dividendes combinant une imposition à taux 0 et le remboursement d'un avoir fiscal.

Source : Bretin (2000).

Une particularité française est de tenir beaucoup moins compte du résultat des entreprises que ses concurrents.

Ainsi, si les prélèvements sont à peu près identiques en France et en Allemagne pour les entreprises bénéficiaires - et comparativement élevés par rapport au Royaume-Uni -, l'Allemagne connaît une législation fiscale mieux adaptée aux performances de ses entreprises.

Taux d'imposition de cas-types d'entreprises (en  % de la valeur ajoutée)
- entreprises bénéficiaires -

 

France

Royaume-Uni

Allemagne

Etats-Unis

Japon

 

New York

Texas

Total des prélèvements hors IS :

3,1

0,6

2,3

1,5

1,4

3,6

- impôt local sur les sociétés

-

-

-

1,4

-

2,3

- taxe professionnelle

2,9

-

2,4

-

-

-

- taxe sur les immobilisations

0,2

0,6

0,2

0,1

1,4

1,3

Impôt sur les sociétés national

4,9

3,6

5,5

4,9

5,0

4,1

Total des prélèvements

8,0

4,2

8,2

6,4

6,4

7,7

- entreprises déficitaires -

 

France

Royaume-Uni

Allemagne

Etats-Unis

Japon

 

New York

Texas

Total des prélèvements hors IS :

3,3

1,0

0,7

0,2

1,2

1,4

- impôt local sur les sociétés

-

-

-

-

-

-

- taxe professionnelle

2,9

-

0,4

-

-

-

- taxe sur les immobilisations

0,4

1,0

0,4

0,2

1,2

1,4

Impôt sur les sociétés national

0,4

-

-

-

-

-

Total des prélèvements

3,7

1,0

0,7

0,2

1,2

1,4

Cette analyse fait l'hypothèse d'un coût salarial identique. Législations 1998.
Source : Fouillat (1999)

Le poids des prélèvements sur les entreprises sans lien avec leurs résultats est particulièrement important en France et explique ces différences.

La considération des coins fiscaux marginaux 4 ( * ) sur le capital confirme ces résultats.

En France, en 1999, le coin fiscal marginal d'un investissement constitué de machines, de bâtiments et de stocks, et financé conjointement par autofinancement, par émission d'actions et par emprunt, est de 2,8 %. Ce coin correspond à l'écart de rendement entre un investissement marginal avant impôt (6,2 %) et après impôt (3,4 %).

Non seulement le coin fiscal marginal est élevé en France mais encore, au contraire de la plupart des partenaires européens, il a connu une augmentation.

Coins fiscaux marginaux sur le capital

 

1991

1999

Variations 1999/1991

Allemagne

1,0 %

1,2 %

+ 0,2 %

Belgique

1,3 %

1,2 %

- 0,1 %

Espagne

1,9 %

2,6 %

+ 0,7 %

France

2,1 %

2,8 %

+ 0,7 %

Grèce

0,2 %

1,1 %

+ 0,9 %

Italie

3,1 %

2,3 %

- 0,8 %

Pays-Bas

2,1 %

2,1 %

0

Portugal

1,3 %

1,0 %

- 0,3 %

Royaume-Uni

2,0 %

2,0 %

0

Norvège

2,3 %

2,0 %

- 0,3 %

Suisse

1,7 %

1,2 %

- 0,5 %

Canada

3,8 %

4,3 %

- 0,5 %

Etats-Unis

3,0 %

2,4 %

- 0,6 %

Japon

2,7 %

2,3 %

- 0,4 %

Source : Bretin (2000).

b) Le point de vue de la localisation des filiales

Enfin, la France est très mal classée dans la hiérarchie des pays fiscalement attrayants pour la localisation de filiales de sociétés-mères situées dans les autres pays européens.

Les taux moyens d'imposition de l'investissement dans une filiale installée en France d'une société-mère localisée dans un autre pays européen sont particulièrement peu favorables à des implantations réalisées sur le sol français.

Classement, en termes de taux effectifs moyens d'imposition, du territoire français au sein de l'UE en fonction du pays d'origine de la société-mère qui décide d'implanter une filiale dans l'un des quinze pays de l'UE

Pays d'origine de la société-mère qui décide d'implanter une filiale dans l'un des pays de l'UE

Classement du territoire français au sein des quinze pays de l'UE susceptibles d'accueillir la filiale

Allemagne

14/15

Autriche

13/15

Belgique

14/15

Espagne

13/15

Finlande

14/15

France

13/15

Grèce

10/15

Irlande

14/15

Italie

14/15

Luxembourg

13/15

Pays-Bas

13/15

Portugal

11/15

Royaume-Uni

14/15

Suède

13/15

Note : les taux effectifs sont calculés à partir de la législation fiscale de 1999 et sur la base d'une hypothèse de rendement de l'investissement égal à 20 %.

Dans le cas où une multinationale, dont la société-mère est italienne, décide d'implanter une nouvelle filiale dans l'un des quinze pays européens, la France arrive en quatorzième position si l'on compare les taux effectifs moyens d'imposition des quinze pays de l'UE susceptibles d'accueillir la nouvelle filiale.

Source : calcul des auteurs.

CHAPITRE III :

UNE ACCENTUATION DE LA PRESSION DES PRÉLÈVEMENTS SUR LES MÉNAGES

Il n'y a pas eu, en Europe, de grande réforme de l'imposition des revenus des ménages . Cependant, des tentatives, inscrites souvent dans une perspective pluriannuelle, et fréquemment remises en cause au gré des alternances politiques ou des retournements du cycle économique, ont été faites pour réduire les taux nominaux d'imposition . Elles se sont le plus souvent accompagnées de mesures d'élargissement de l'assiette d'imposition afin de les financer , mais aussi d' assurer une plus grande neutralité et équité de l'impôt sur le revenu.

Le bilan de ces mesures reste décevant . La pression fiscale sur le revenu des ménages, qui avait déjà beaucoup progressé dans la période antérieure, s'est encore accentuée et, compte tenu d' un renforcement de la progressivité , certaines catégories de population ont été plus touchées que d'autres.

I. DES RÉFORMES POURSUIVANT UN DOUBLE OBJECTIF DE RÉDUCTION DES TAUX D'IMPOSITION ET D'ÉLARGISSEMENT DES ASSIETTES

Des réformes sont intervenues, articulées autour d'une baisse des taux légaux d'imposition et d'élargissement de l'assiette.

A. LES RÉFORMES DANS QUELQUES PAYS EUROPÉENS

De façon générale, les réformes mises en oeuvre en Europe durant les dix dernières années ont visé à réduire les taux d'imposition marginaux, censés décourager le travail ou l'épargne .

Cette baisse s'est souvent accompagnée de mesures d'élargissement de la base imposable , par la suppression de certains abattements ou crédits d'impôt. Souvent, les réformes ont visé à améliorer la situation des familles avec enfants , compte tenu des problèmes de natalité en Allemagne et dans les pays d'Europe du Sud et des problèmes de pauvreté au Royaume-Uni.

Une telle orientation a été prise en Allemagne , où la réforme fiscale engagée par le gouvernement Schröder vise à élargir la base imposable afin de permettre une baisse des taux d'imposition. Le taux le plus bas a été ramené de 25,9 % en 1998 à 19,9 % en 2002 ; il devrait baisser à 15 % en 2005. Le taux maximum , déjà passé de 53 % à 48,5 %, doit baisser à 42 %.

Les principales données de la réforme de l'IRPP en Allemagne

 

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Cumul

Taux maximum

53

51

48,5

48,5

47

47

42

- 11 points

Taux minimum

23,9

22,9

19,9

19,9

17

17

15

- 8,9 points

Minimum non imposable
(en euros)

6681

6902

7206

7235

7426

7426

7664

+ 11 %

Source : ministère des Finances allemand.

La baisse du taux maximum est importante (- 11 points) ainsi que celle du taux minimum, qui est toutefois plus réduite (- 8,9 points). En outre, une hausse du plancher d'imposition est prévue. Toutefois, elle devrait être inférieure à la hausse du salaire moyen sur la période, ce qui devrait se traduire par une augmentation du nombre des contribuables.

En Espagne , plusieurs réformes sont intervenues allant dans ce même sens.

Une réforme en 1992 a eu pour but d'élargir l'assiette fiscale et d'inciter à l'épargne de long terme. Elle a été financée par l'intégration dans l'assiette de nouvelles sources de revenus, comme les avantages en nature.

En 1997 , le nombre de tranches de l'IRPP a été réduit de 16 à 10. La réforme de l'impôt sur le revenu des personnes physiques mise en oeuvre en 1999 a poursuivi plusieurs objectifs : réduire la charge fiscale et approfondir les mesures encourageant le travail ; accroître la neutralité envers les divers types de revenus et placements ; remplacer un ensemble d'exonérations par un revenu minimal exonéré ; abaisser le coût de perception de l'impôt.

Les taux marginaux ont été réduits de 56 à 48 % pour la tranche supérieure et de 20 à 18 % pour la tranche inférieure, tandis que le nombre de tranches a diminué de 10 à 6.

Le revenu fictif des logements occupés par leurs propriétaires n'est plus imposable, au nom de la simplification.

Le seuil à partir duquel il faut remplir une déclaration a été relevé à 21.000 € (au lieu de 7.200 € en 1998), ceci devant réduire de 5 millions le nombre de déclarations (soit d'environ un tiers du total des déclarations).

Selon les estimations officielles, ces réformes ont entraîné une baisse de la pression fiscale totale de 11 % (voir le tableau ci-dessous). Les contribuables auraient ainsi bénéficié d'une réduction d'impôts de 4,85 milliards d'euros en 1999, concentrée sur les revenus comparativement faibles.

Effets de la réforme espagnole de 1999 de l'IRPP

Revenu (en euros)

Contribuables concernés (en %)

Réduction de la charge fiscale au titre de l'IRPP (en %)

< 12 020

60,3

29,7

12 02018 030

19,8

15,0

18 03030 051

14,3

8,3

> 30 051

5,6

6,2

Total

100,0

11,1

Source : Ministerio de economia y hacienda

La situation des Pays-Bas apparaît assez typique des problèmes que les aménagements fiscaux de l'impôt sur le revenu ont eu pour objectif de résoudre. Ce pays a connu depuis 1990 une nette érosion de l'assiette d'imposition sous le double-effet de réaménagements ponctuels et des adaptations de comportement des ménages face au système fiscal.

En 1998 l'abattement forfaitaire avait presque doublé, afin d'assurer le maintien du pouvoir d'achat des travailleurs payés au salaire minimum et des bénéficiaires de prestations durant une période où ces salaires et prestations avaient progressé plus lentement que les prix à la consommation. 11,5 % des titulaires de revenus n'acquittaient pas d'impôt sur le revenu en 1998, contre 9 % en 1990. Comme le rappelle l'OCDE, la base d'imposition a été également entamée par l'augmentation des déductions au titre des primes d'assurance-vie et par la déduction illimitée des versements d'intérêts hypothécaires, si bien qu'est devenu nécessaire un alourdissement de la pression fiscale pesant sur un large éventail de salariés. De fait, le taux marginal pour un célibataire s'élevait rapidement de 35,75 % au niveau minimum à 50 % pour l'ouvrier moyen, ce qui a pu inciter les individus à substituer les loisirs au travail en recherchant des emplois à temps partiel. La conjonction de taux marginaux élevés et de prestations sous conditions de ressources dissuade les prestataires (et leurs conjoints) de rechercher un emploi rémunéré et pour rééquilibrer les incitations, les autorités ont augmenté régulièrement l'abattement forfaitaire pour frais professionnels.

C'est dans ce contexte qu'une réforme est intervenue, ordonnée autour d' un élargissement de l'assiette et d'une réduction des taux légaux , destinés à renforcer les incitations à travailler.

Cette réforme n'est que partiellement financée et l'allégement fiscal net devrait s'élever à 2,3 milliards d'euros.

Financement de la réforme fiscale de 2001
(milliards d'euros)

Ressources

Emplois

Limitation des déductions fiscales

4,4

Réduction des taux d'imposition

7,0

Relèvement du taux de la TVA

2,0

Crédit d'impôt sur le revenu du travail

3,6

Relèvement des taxes environnementales

1,7

 
 

Impôt sur le revenu imputé du patrimoine

0,2

 
 

Total

8,3

 

10,6

Source : Ministère des Finances.

On peut observer qu'un crédit d'impôt unique, destiné à renforcer les incitations à rechercher du travail, au montant forfaitaire de 697 euros, est introduit. Il n'est pas prévu qu'il soit réduit progressivement en fonction de l'augmentation des gains, afin de minimiser l'impact du niveau élevé des taux marginaux effectifs.

En outre, une réduction des taux est prévue : la première tranche d'imposition sera dédoublée tandis que le taux marginal supérieur sera ramené de 60 à 52 pour cent.

B. LES RÉFORMES EN FRANCE

En France , l'imposition des revenus des ménages présente la forte particularité de combiner un impôt fortement progressif, l' IRPP (impôt sur le revenu des personnes physiques) avec , depuis les années 1990, une imposition proportionnelle qui est assise sur l'ensemble des revenus mais qui, compte tenu de la corrélation existant entre le niveau du revenu des ménages et sa diversification, touche davantage les revenus relativement les plus élevés.

L'élargissement de l'assiette d'imposition a permis une réduction, quelque peu chaotique, des taux nominaux de l'IRPP.

L'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP), progressif, a été complété par la création de la contribution sociale généralisée (CSG) en 1991 et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) en 1996 , impôts proportionnels, affectés respectivement à la Sécurité sociale et au remboursement de la dette de celle-ci. La CSG avait pour objectif d'élargir la base de financement de la Sécurité sociale et s'est traduite par un alourdissement sensible de la taxation de l'épargne . La CSG et la CRDS étant considérées comme des impôts sur le revenu (IR), la part de l'imposition des revenus des ménages dans le PIB a très fortement augmenté au cours des années 90, passant de 4,6 % du PIB en 1990 à 8,5 % en 2001. L'IRPP stricto sensu n'a pas augmenté : il représentait 3,8 % du PIB en 1990 et 3,7 % en 2001 .

L'adjonction à l'IRPP de la CSG et de la CRDS peut être assimilée à un processus d'élargissement de la base taxable qui a permis de contenir l'augmentation des taux marginaux d'imposition sur le revenu sans toutefois prévenir une très forte augmentation du taux apparent d'imposition des revenus .

Évolution du taux apparent d'impôt sur le revenu

 

1980

1985

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Impôt sur le revenu

7,3

7,8

7,6

8,0

8,3

8,3

8,4

8,2

8,6

9,2

12,7

13,1

13,2

Note : il s'agit de l'impôt sur le revenu au sens de la Comptabilité nationale (y compris CSG-CRDS) en pourcentage du revenu disponible brut.

Source : Comptes nationaux.

Celui-ci est passé de 7,6 à 13,2 % du revenu disponible des ménages en 10 ans.


LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES À L'IRPP EN FRANCE

Les principales modifications de la taxation des revenus des ménages depuis le début des années 1990 ont été les suivantes :

- Une importante réforme en 1994 a simplifié un impôt très complexe et réduit de moitié le nombre de tranches passées de 12 à 6.

- Les baisses de taux à la fin de la décennie.

- Une forte diminution des avantages familiaux pour les foyers aisés en 1999.

- Une grande instabilité des nombreux mécanismes d'allégement d'IRPP (dont le nombre a augmenté pendant la première moitié de la décennie et s'est légèrement réduit depuis 1995).

- Une réduction des avantages dont bénéficie l'assurance-vie, des mesures en faveur de l'épargne longue et/ou risquée, mais une diminution des seuils en deçà desquels les revenus d'épargne sont exonérés (voir le chapitre sur l'imposition de l'épargne).

- La création de la PPE en 2001, impôt négatif conditionnel à l'exercice d'une activité professionnelle et très fortement individualisé (voir le chapitre V).

La réforme de 1994 a réduit le produit de l'IRPP de 19 milliards de francs (2,9 milliards d'euros) selon les estimations du moment, soit un peu plus de 6 % du rendement de l'IRPP. En 1997 , le gouvernement Juppé a mis en oeuvre un plan de réduction de l'ensemble des taux de l'IRPP, qui devait aboutir au bout de 5 ans à une baisse d'un quart de l'IRPP. Seule la première phase de ce plan a été effectuée, car la nouvelle majorité parlementaire a suspendu le plan. Toutefois, après une stabilisation des taux pendant trois ans, qui a abouti en 1999 à des recettes record compte tenu du dynamisme des revenus en 1998, le gouvernement Jospin a engagé à partir de 2000 un plan de baisse de l'ensemble du barème sur quatre ans.

Ce plan a, à son tour, été révisé lors de la dernière alternance.

Même si ses modalités ont été modifiées au gré des alternances politiques, une baisse des taux marginaux d'imposition a donc été mise en oeuvre.

Les taux d'IRPP

Années 1

1974 à 1981

1982 à 1985

1986

1987 à 1992

1993 à 1995

1996 à 1998

1999

2000

2001 2

2002

« 2000
Juppé

« 2002
Fabius 3 »

1 ère tranche

5

5

5

5

12

10,5

9,5

8,25

7,5

7,05

7

7

2 e tranche

10

10

10

9,6

25

24

23

21,75

21

19,74

20

20,5

3 e tranche

15

15

15

14,4

35

33

33

31,75

31

29,14

28

30,5

4 e tranche

20

20

20

19,2

45

43

43

41,75

41

38,54

35

40,5

5 e tranche

25

25

25

24

50

48

48

47,25

46,75

43,94

41

46,5

6 e tranche

30

30

30

28,8

56,8

54

54

53,25

52,75

49,58

47

52,5

7 e tranche

35

35

35

33,6

 
 
 
 
 
 
 
 

8 e tranche

40

40

40

38,4

 
 
 
 
 
 
 
 

9 e tranche

45

45

45

43,2

 
 
 
 
 
 
 
 

10 e tranche

50

50

50

49

 
 
 
 
 
 
 
 

11 e tranche

55

55

55

53,9

 
 
 
 
 
 
 
 

12 e tranche

60

60

58

56,8

 
 
 
 
 
 
 
 

13 e tranche

 

65

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

1 Il s'agit de l'année du revenu, l'impôt est payé l'année suivante.

2 Ces taux ne prennent pas en compte la réduction de 5 % de l'impôt sur le revenu soumis au barème, mise en oeuvre à l'automne 2002 par la nouvelle majorité.

3 « 2000 Juppé » correspond aux taux prévus pour 2000 dans le plan pluriannuel de réduction des taux de l'IRPP dont la première étape a été mise en place en 1996 et qui a été interrompu en 1997 par la nouvelle majorité. « 2002 Fabius » est le barème applicable aux revenus de 2002 annoncé en 2000 par le ministre des finances de l'époque, modifié par la nouvelle majorité.

Source : Piketty (1999), projets de lois de finances.

II. UN ALOURDISSEMENT MOYEN DU POIDS DE L'IMPÔT SUR LE REVENU ET UNE ACCENTUATION DE SA PROGRESSIVITÉ

Les objectifs intermédiaires des réformes - baisse des taux marginaux, élargissement de l'assiette - ont, en général, été atteints .

Cependant, plusieurs constats doivent être mis en évidence :

- celui, d'abord, du maintien d'une grande variété des situations nationales ;

- celui, ensuite, d'une légère accentuation de la pression fiscale sur le revenu des ménages ;

- celui, enfin, d'une accentuation de la progressivité de l'imposition du revenu des ménages.

A. LA FRANCE EST LARGEMENT RESTÉE À L'ÉCART DU PROCESSUS DE BAISSE DES TAUX MOYENS D'IMPOSITION

Si les taux moyens d'imposition ont généralement été abaissés en Europe, la France se singularise par le fait que cette baisse n'a été significative que pour les revenus inférieurs au revenu moyen. Dès celui-ci dépassé, c'est un alourdissement de la pression des prélèvements qu'il faut constater.

1. Une baisse des taux moyens d'imposition

Les données rassemblées par l'étude de l'OFCE conduisent globalement au constat qu' une baisse des taux moyens d'imposition 5 ( * ) est intervenue dans de nombreux pays européens .

Evolution entre 1989 et 2001 des taux moyen d'imposition du revenu des ménages en Europe, par pays et par tranche de revenu

(couple marié, deux enfants, deux revenus salariaux
la femme travaille et gagne 70 % du salaire du mari)

Niveau du salaire/SMO 1

0,7

1

2

3

5

1989

2001

1989

2001

1989

2001

1989

2001

1989

2001

Allemagne

39

33,2

41

40,2

46

48,0

47

48,7

50

48,6

Belgique

40

39,9

46

46,4

56

56,4

61

62,2

67

66,0

Danemark

41

33,1

44

37,2

55

48,0

59

52,9

62

56,8

Espagne

29

30,6

34

33,9

41

40,3

41

40,2

41

40,7

France

40

23,5

42

40,0

46

47,9

49

51,0

53

54,9

Italie

35

38,0

37

42,8

43

49,8

46

53,0

50

56,0

Pays-Bas

41

27,1

46

32,0

51

41,1

53

43,6

57

46,7

Royaume-Uni

29

19,0

33

25,2

36

32,2

38

36,1

40

40,3

1. SMO : salaire moyen ouvrier. Le SMO était de l'ordre de 140 000 francs bruts en 2001.

Source : Calculs de l'OFCE d'après OCDE, Les impôts sur les salaires, 2000-2001, 2002.

2. Une baisse qui n'a pas été uniforme


a) A peu près partout, une réduction des prélèvements sur les très bas revenus

La baisse des taux moyens d'imposition des ménages n'a pas été uniforme . Elle a varié , d'une part, selon les pays , d'autre part, selon le niveau du revenu des ménages (appréhendé à partir d'une fraction du salaire moyen ouvrier - SMO -.)

Evolution du taux moyen d'imposition du revenu des ménages en Europe entre 1989 et 2001 par pays et par tranche de revenu

Niveau du salaire/SMO

0,7

1

2

3

5

Allemagne

- 5,8

+ 0,8

+ 2

+ 1,7

- 1,4

Belgique

- 0,1

+ 0,4

+ 0,4

+ 1,2

- 1

Danemark

- 7,9

- 6,8

- 7

- 6,1

- 5,2

Espagne

+ 1,6

- 0,1

- 0,7

- 0,8

- 0,3

France

- 16,5

- 2

+ 1,9

+ 2

+ 1,9

Italie

+ 3

+ 5,8

+ 6,8

+ 7

+ 6

Pays-Bas

- 13,9

- 14

- 9,9

- 9,4

- 10,3

Royaume-Uni

- 10

- 7,8

- 3,8

- 1,9

+ 0,3

En dehors de la Belgique et de l'Espagne où les taux n'ont presque pas varié, la plupart des pays ont assez nettement réduit les taux d'imposition des plus bas revenus . L'Italie fait exception puisque le taux d'imposition a augmenté pour cette tranche de revenu, comme d'ailleurs pour toutes les autres.

b) Pour les autres catégories de revenus, une grande diversité des évolutions

Seul autre pays à avoir enregistré une augmentation significative de la pression fiscale sur les revenus les plus élevés , la France partage avec l'Italie et l'Allemagne une tendance haussière pour les taux d'imposition appliqués aux revenus dépassant le seuil de deux fois le salaire moyen ouvrier.

En France , les revenus du bas de l'échantillon ont bénéficié d'un allègement fiscal très massif. Mais, cette évolution n'a que peu profité aux autres ménages. Pour les titulaires d'un revenu équivalant au salaire moyen ouvrier, l'avantage est minime, au-delà, la pression fiscale a été accentuée. Pour les autres pays, les taux d'imposition ont nettement diminué dans leur ensemble.

Plusieurs expériences nationales peuvent être distinguées en fonction de la structure des évolutions de pression fiscalo-sociale par strate de revenus.

Au Danemark et aux Pays-Bas , la réduction de la pression fiscale est à la fois de grande ampleur et distribuée uniformément.

Au Royaume-Uni , la réduction de la pression fiscale est conforme à un modèle progressif, maximale pour les plus bas revenus, elle décroît régulièrement pour s'annuler pour les revenus les plus élevés.

En Allemagne , seules les strates extrêmes de revenu sont concernées. La pression fiscale est accrue dès le revenu moyen.

Ces différences d'approches sont l'une des expressions d'une disparité très grande des systèmes de prélèvements sur le revenu des ménages en Europe.

B. UNE AUGMENTATION DE LA PRESSION FISCALE SUR LE REVENU DES MÉNAGES

La baisse des taux moyens d'imposition n'a souvent pas connu de prolongement dans une réduction effective de la pression fiscale sur les ménages appréhendée à partir des données très agrégées de la Comptabilité nationale. De fait, le poids des impôts sur le revenu dans le PIB s'est alourdi de 0,7 point de PIB. La France enregistre le record de hausse en raison de la substitution de prélèvements considérés comme des impôts sur le revenu (CSG et CRDS) à des cotisations sociales.

Sur une longue période, entre 1970 et 2000, la part de l'impôt sur le revenu dans le PIB a nettement augmenté , en lien avec l'accroissement des dépenses publiques, mais aussi en raison du rattrapage effectué par les pays du Sud (Espagne, Italie, Grèce, Portugal).

La forte hausse du poids de l'impôt sur le revenu en France s'explique, quant à elle, par la substitution de la CSG-CRDS à des cotisations sociales salariés.

Mais, sur une période plus récente (1990-2000), malgré la volonté proclamée de réduire les taux d'imposition, on ne peut encore constater de baisse du poids de l'impôt sur le revenu.

Le poids moyen des impôts sur le revenu des ménages en Europe a enregistré un léger alourdissement estimé à 0,7 point de PIB pour l'OCDE et s'établit à environ 10 points de PIB et 24 % des recettes fiscales.

Impôts sur le revenu des ménages en Europe

 

En  % du PIB

Variation 1990-2000

(1)

 

1970

1980

1990

2000

2000

Autriche

7,2

9,2

8,5

9,6

+ 1,1

22,2

Allemagne

8,8

9,8

9,0

9,6

+ 0,6

25,3

Belgique

8,7

15,4

13,9

14,3

+ 0,4

31,1

Danemark

19,6

22,9

24,8

25,3

+ 0,5

52,4

Espagne

1,9

4,7

7,2

7,2

0

19,5

Finlande

12,8

14,0

17,2

15,1

- 2,1

19,5

France

3,8

4,7

4,6

8,3

+ 3,7

18,3

Grèce

2,0

3,6

4,1

5,0

+ 0,9

13,1

Irlande

5,5

10,0

10,7

9,9

- 0,8

31,5

Italie

2,8

7,0

10,2

10,1

+ 0,1

23,9

Luxembourg

6,7

10,9

9,5

7,6

- 1,9

18,1

Pays-Bas

9,9

11,4

10,6

6,3

- 4,3

15,1

Portugal

n.d.

n.d.

4,7

6,0

+ 1,3

17,4

Royaume-Uni

11,7

10,4

10,0

10,8

+ 0,8

28,6

Suède

19,8

19,5

20,6

18,8

- 1,8

35,2

UE 15

7,1

8,7

9,2

9,9

+ 0,7

24,1

(1) En  % des recettes fiscales

Source : OCDE, Statistiques des Recettes publiques, 2001


Une augmentation de la pression fiscale sur le revenu des ménages s'est ainsi produite en dépit des mesures adoptées pour réduire les taux marginaux d'imposition.

Ce phénomène s'explique d'abord par la caractéristique progressive des systèmes fiscaux. Les gains réels de revenu des ménages se sont combinés à la progressivité de l'impôt pour en accroître le poids dans le PIB.

Compte tenu de la progression des revenus réels, la baisse des taux marginaux n'a pas réduit le rendement de l'impôt. Mais, l'élargissement des assiettes d'imposition et des pratiques, quelque peu opaques, comme le défaut d'indexation intégrale des seuils sur l'inflation, sont également à l'origine de l'augmentation de la pression fiscale sur les ménages.

Dans ce panorama, deux pays font exception : le Luxembourg et les Pays-Bas, où au début des années 1990 certaines prestations sociales sont passées d'un financement par l'impôt à un financement par des cotisations sociales.

Le poids de l'imposition du revenu a beaucoup diminué dans ce pays de 4,3 points de PIB de 1990 à 2000 , grâce au transfert du financement de certaines prestations sociales de l'impôt aux cotisations sociales, substitution qui apparaît comme originale en Europe.

Les réformes de l'imposition du revenu réalisées aux Pays-Bas

1. La réforme de 1990 : le transfert du financement de certaines prestations de l'impôt aux cotisations sociales

Au début des années 1990 certaines prestations sociales sont passées d'un financement par l'impôt à un financement par des cotisations sociales.

Depuis 1990, les cotisations sociales générales, qui financent l'assurance vieillesse, les pensions de réversion, les allocations familiales et les prestations maternité, sont supportées par l'ensemble des contribuables, et donc intégrées dans les deux premiers taux de l'impôt sur le revenu. Les autres cotisations sociales ne sont supportées que par les salariés (assurance maladie, invalidité et chômage).

Ainsi, l'imposition du revenu a diminué de 4,3 points de PIB de 1990 à 2000.

2. La réforme de 2001 : l'introduction d'un système cédulaire

L'imposition des revenus a fait l'objet d'une réforme d'envergure en 2001, qui modifie radicalement le traitement des différents types de revenus en introduisant un système cédulaire.

Trois boîtes sont distinguées, chacune intégrant des catégories spécifiques de revenus, imposées selon des logiques différentes, sans compensation entre les différentes boîtes, comme l'indique le tableau ci-après.

 

L'imposition du revenu aux Pays-Bas (2001)

 
 
 

« Boîte » 1

« Boîte » 2

« Boîte » 3

 

Base imposable

Revenus du travail

Dividendes, intérêts et gains en capital provenant d'une participation substantielle

Patrimoine net mondial

Taux d'imposition

Quatre tranches :

32,35 %,

37,6 %,

42 % et 52 %

Prélèvement à la source libératoire de 25 %

1,2 % de l'actif net (1)

(1) Imposition du rendement fictif (4 % net) du patrimoine net mondial (moyenne de la valeur du patrimoine au 1er janvier-31 déc.) à un taux de 30 %

La France a d'ores et déjà de facto assez largement recours à l'imposition cédulaire du revenu, notamment par le biais du prélèvement libératoire sur les intérêts.

La réforme néerlandaise est néanmoins intéressante, en particulier en ce qui concerne l'imposition des revenus du patrimoine à un taux unique et déterminé en fonction de leur rendement théorique .

Source : rapport de l'OFCE

C. UNE GRANDE VARIÉTÉ DES SITUATIONS NATIONALES

L'imposition des revenus des ménages est agencée en Europe selon des modalités nationales très variables. Appréhendée à partir du seul IRPP, la taxation des ménages apparaît relativement en retrait en France. Mis, cet indicateur est trompeur.

Tous prélèvements confondus, la France appartient au groupe des pays où la pression fiscale sur les ménages est la plus forte.

1. D'importantes disparités

Les modifications apportées à l'imposition du revenu des ménages peuvent, pour certaines, avoir répondu à des préoccupations communes, elles n'en ont pas été pour autant coordonnées. Chaque pays a poursuivi des objectifs propres, ce qui est conforme au principe de souveraineté fiscale des Etats. Ainsi, si, globalement , une réduction des taux d'imposition est intervenue, cette tendance ne se vérifie pas partout et les situations nationales restent très contrastées .

Même si les comparaisons internationales rencontrent quelques difficultés de méthode (voir encadré ci-dessous), l'imposition du revenu des ménages est marquée par une réelle dispersion .


De quelques difficultés posées par les comparaisons internationales
en matière d'impôt sur le revenu des ménages

Les comparaisons internationales du poids de l'impôt sur le revenu des ménages soulèvent plusieurs difficultés :

- Un même transfert peut être versé sous forme d'une réduction fiscale (ce qui réduit le poids de l'impôt) ou sous forme d'une prestation ou d'une subvention (allocations familiales, mesures incitatives à l'emploi des travailleurs non qualifiés, ...).

- Le financement des prestations sociales fait l'objet de choix différents, certains pays privilégiant les cotisations sociales, d'autres les impôts. Il existe trois types de prestations sociales : les prestations de solidarité réservées aux plus pauvres, les prestation universelles que touchent tous les ménages, les prestations d'assurances (retraites, chômage) réservées aux personnes cotisantes et dépendantes des cotisations versées. En théorie, les deux premières (qui n'ont plus de lien avec l'activité) devraient logiquement être financées par l'impôt, les troisièmes (qui sont des salaires différés) par les cotisations sociales. Ce n'est pas toujours le cas. En France, par exemple, les prestations famille et maladie sont financées par des cotisations, ce qui réduit le poids de l'impôt sur le revenu. En général, l'impôt sur le revenu est particulièrement élevé dans les pays beveridgiens, où il finance les prestations maladie, famille et des prestations retraites universelles. Il est plus bas dans les pays bismarckiens, où les retraites sont financées par des cotisations, surtout si, de plus, les cotisations financent aussi des prestations universelles ou de solidarité.

- La frontière entre l'impôt sur le revenu et les cotisations sociales n'est pas toujours claire, comme le montre l'exemple de la CSG, qui est traitée en comptabilité nationale comme un impôt.

- Rapporter les recettes engendrées par l'impôt sur le revenu au PIB ne suffit pas pour évaluer la pression fiscale sur le revenu des ménages. Les résultats obtenus doivent être décomposés pour identifier l'effet des différentes modalités de partage du revenu national.

En 2000, le poids de l'impôt sur le revenu stricto sensu va de 5 % du PIB en Grèce à 25,3 % au Danemark ; soit, de 13 % des recettes fiscales en Grèce à 52 % au Danemark. Deux types de pays s'écartent fortement de la moyenne :

- les pays scandinaves (Danemark, Finlande, Suède), où l'impôt sur le revenu est très important, en particulier parce qu'il finance le système de protection sociale, qui donne à tous les résidents des prestations uniformes d'un montant relativement élevé ;

- les pays du Sud (Espagne, Grèce, Portugal), marqués par des structures fiscales où les impôts indirects sont très importants et où l'impôt sur le revenu ne joue qu'un rôle mineur.

La considération des taux moyens effectifs d'imposition des ménages par tranche de revenu confirme cette dispersion.

Taux moyen d'imposition en 2001 (couple marié, deux enfants, deux revenus salariaux, la femme travaille et gagne 70 % du salaire du mari) 1

Niveau du salaire/SMO

0,7

1

2

3

5

a

b

a

b

a

b

a

b

a

b

Allemagne*

0

33,2

9,5

40,2

27,1

48,0

34,6

48,7

40,3

48,6

Autriche*

1,6

25,1

13,8

35,7

27,7

43,8

35,6

45,4

41,4

46,9

Belgique*

20,8

39,9

28,2

46,4

39,1

56,4

49,9

62,2

48,9

66,0

Danemark**

28,5

33,1

32,5

37,2

43,9

48,0

49,1

52,9

53,0

56,8

Espagne*

3,3

30,6

7,9

33,9

16,9

40,3

21,0

40,2

29,2

40,7

France*

6,6

23,5

11,2

40,0

16,9

47,9

21,5

51,0

27,5

54,9

Italie*

13,4

38,0

16,9

42,8

25,8

49,8

30,3

53,0

34,5

56,0

Pays-Bas**

12,4

27,1

15,5

32,0

30,1

41,1

37,9

43,6

43,6

46,7

Royaume-Uni**

12,8

19,0

16,1

25,2

21,5

32,2

26,8

36,1

32,2

40,3

Suède**

26,2

42,8

29,0

46,1

37,0

53,1

41,4

57,4

48,4

63,4

1. Les coefficients 0,7, 1, 2, 3 et 5 se rapportent au salaire moyen ouvrier dans chacun des pays concerné .

a) IR/salaire net

b) (IR + cotisations sociales - prestations familiales) / salaire super brut. Dans le cas français, la CSG/CRDS figure dans l'impôt sur le revenu.

* Donne droit à une retraite proportionnelle

** Donne droit à une retraite forfaitaire


Source : Calculs des auteurs d'après OCDE, Les impôts sur les salaires, 2000-2001 , 2002

Etant entendu que le diagnostic sur les taux moyens d'imposition du revenu des ménages diffère selon l'indicateur choisi, l' approche « étroite » où l'on rapporte les seuls impôts sur le revenu au revenu disponible (colonne a du tableau qui précède) - qui est un indicateur du poids des impôts sur le revenu au sens juridique -, est l'approche qui met en évidence la plus forte dispersion des situations nationales.

Pour un couple au niveau du salaire moyen , l'imposition s'étage de 7,9 % en Espagne à 32,5 % au Danemark .

Les taux moyen d'imposition sur les revenus les plus élevés vont de 27,5 % en France à 53 % au Danemark et, sur les revenus les plus faibles de l'échantillon choisi 6 ( * ) , de 0 % en Allemagne à 28,5 % au Danemark .

Ces données sont à mettre en relation - plus ou moins étroite - avec la variété des caractéristiques des régimes d'imposition du revenu en Europe.

Caractéristiques de l'impôt sur le revenu en 2001

 

Seuil de paiement*

Nombre de tranches

Taux maximum

Atteint pour*...

Allemagne

0,31

Infinité

48,5

1,93

Autriche

0,57

5

50

2,78

Belgique

0,47

7

60,6

2,84

Danemark

0,16

3

59

1,06

Espagne

0,50

6

48

5,04

Finlande

0,35

6

55,2

2,20

France

0,67

6

53,25

2,74

Grèce

0,67

5

45

5,43

Irlande

0,27

2

44

0,98

Italie

0,16

5

46,4

3,69

Luxembourg

0,43

17

47,2

2,68

Pays-Bas

0,21

4

60

1,93

Portugal

0,53

5

40

4,66

Royaume-Uni

0,32

3

40

1,78

Suède

1,11

2

55,4

1,79

Japon

0,27

4

37

5,27

Etats-Unis

0,23

5

39,6

9,56

* En salaire moyen ouvrier, cas du célibataire.

Sources : OCDE, Les impôts sur les salaires, 2000-2001, 2002; European Tax Handbook, 2001, calculs des auteurs.

Si la plupart des pays font payer l'impôt à la plupart des ménages, d'autres ont un seuil d'imposition élevé : Grèce, France et Suède.

La plupart des pays ont un barème d'imposition à plusieurs tranches. L'Allemagne fait exception avec un taux marginal croissant de façon continue. Le nombre de tranches va de 2 en Suède à 17 au Luxembourg

Le taux maximum est généralement de l'ordre de 50 %. Toutefois, il n'est que de 40 % au Portugal et au Royaume-Uni ; il est proche de 60 % au Danemark, en Belgique et aux Pays-Bas. Par ailleurs, ce taux est parfois atteint très vite (Irlande, Danemark), parfois pour des revenus élevés (Italie, Portugal, Espagne, Grèce).

Si une « approche élargie » (colonnes b du tableau page 63) rapportant le total des prélèvements net des prestations familiales au coût salarial total - qui permet, en particulier, de neutraliser les biais liés à la répartition des prélèvements entre impôts sur le revenu et cotisations sociales - conduit à de réelles nuances , elle ne modifie pourtant pas le diagnostic d'une variété des situations nationales d'imposition des revenus des ménages.

Les différences sont moins nettes mais restent des écarts significatifs dans les prélèvements directs sur le revenu des ménages.

2. Deux modèles ?

Les données figurant dans le rapport de l'OFCE conduisent à distinguer schématiquement deux modèles, comme l'indique le graphique ci-après :

- un premier modèle, où la désincitation à maximiser son revenu est faible , correspondant aux pays où une faible proportion des ménages (correspondant à ceux gagnant au moins 5 fois le salaire ouvrier moyen) est soumise au taux maximum, qui est inférieur à 50 % (Europe du sud, Etats-Unis, Japon) ;

- un second modèle, où la désincitation à maximiser son revenu est élevée, correspondant aux pays où le taux maximum concerne une forte proportion des ménages (ceux gagnant de 1 à 2 fois le salaire ouvrier moyen), et est supérieur à 55 % (Scandinavie).

La France se rapproche de ce second modèle (avec un taux marginal maximal d'imposition de 53,25 % en 2001, à partir de trois fois le revenu moyen ouvrier environ). L'imposition du revenu y est donc plus désincitative que dans la plupart des autres pays européens.

Le pays où la désincitation est la plus faible est les Etats-Unis . Dans ce pays, le taux maximal d'imposition (de 40 %) ne concerne que les personnes gagnant au moins 10 fois le salaire moyen ouvrier, ce qui correspond à un seuil bien plus élevé que ce que l'on peut observer dans l'Union européenne (en Grèce, pays européen où ce seuil est le plus élevé, il est de 5 fois le salaire moyen ouvrier). Au Royaume-Uni et en Irlande la désincitation à travailler est plus forte qu'aux Etats-Unis puisque si le taux d'imposition maximal est faible (de l'ordre de 40 %), il concerne une proportion importante de ménages (à partir de 1 ou 2 fois le salaire moyen ouvrier).

Les taux d'imposition dans l'Union européenne (2001)

(seuil d'imposition au taux maximum,
en % du salaire moyen ouvrier)

(taux maximum, en % du revenu)

Source : d'après le rapport de l'OFCE (calculs des auteurs d'après OCDE, Les impôts sur les salaires, 2000-2001, 2002)

D. UNE PROGRESSIVITÉ ACCRUE

La progressivité des prélèvements sur les ménages s'est presque partout accentuée en Europe, mais nulle part cette accentuation n'a été plus marquée qu'en France où l'imposition des ménages était déjà l'une des plus concentrées en Europe.

1. Un phénomène particulièrement marqué en France

Le tableau ci-dessous récapitule les évolutions des écarts de taxation entre différents niveaux de revenu 7 ( * ) .

Evolution de la progressivité des prélèvements sur le revenu des ménages

(couple marié, deux enfants, deux revenus salariaux
la femme travaille et gagne 70 % du salaire du mari)

Niveau du salaire/SMO 1

Ecarts des taux moyens d'imposition par strate de revenu

 

5 - 0,7

5 - 1

3 - 1

 

a
1989

b
2001

b - a

a
1989

b
2001

b - a

a
1989

b
2001

b - a

Allemagne

+11

+16,4

+5,4

+9

+8,6

-0,4

+6

+8,5

+2,5

Belgique

+27

+26,1

-0,9

+21

+19,6

-1,4

+15

+15,8

+0,8

Danemark

+21

+23,7

+2,7

+18

+19,6

+1,6

+15

+15,7

+0,7

Espagne

+12

+10,1

-1,9

+7

+6,8

-0,2

+7

+6,3

-0,7

France

+13

+31,4

+18,4

+11

+14,9

+3,9

+7

+11

+4

Italie

+15

+18

+3

+13

+13,2

+0,2

+9

+10,2

+1,2

Pays-Bas

+16

+19,6

+3,6

+11

+14,7

+3,7

+7

+11,6

+4,6

Royaume-Uni

+11

+21,3

+10,3

+7

+15,1

+8,1

+5

+10,9

+5,9

1. SMO : salaire moyen ouvrier

Source : Calculs de l'OFCE d'après OCDE, Les impôts sur les salaires, 2000-2001, 2002.


Le tableau montre qu'une accentuation de la progressivité de l'imposition des revenus des ménages s'est produite dans la plupart des pays. Cette tendance a été la plus forte si l'on considère les très hauts revenus et les plus bas revenus (inférieurs au salaire moyen ouvrier).

En effet, si les taux marginaux supérieurs ont été abaissés , ils l'ont été moins que les taux du bas du barème .

Dans quelques pays dont la France et l' Italie , l'allégement de la pression fiscale sur les bas revenus a été financé par une accentuation des prélèvements sur les revenus dépassant le salaire moyen . Pour ces pays, la progressivité s'accentue mais cette accentuation est plus forte pour les revenus atteignant 3 fois le salaire moyen que pour les revenus plus élevés.

La progressivité du système d'imposition des revenus varie cependant beaucoup d'un pays à l'autre et selon l'indicateur adopté pour le mesurer.

Estimée à partir d'un indicateur « étroit » comprenant les prélèvements hors cotisations, la progressivité apparaît très forte en Allemagne, en Autriche, en Belgique et aux Pays-Bas. Elle est plus limitée en France, en Italie et au Royaume-Uni. Cependant, pour la France, les résultats sont biaisés par le champ des données de l'étude qu ne comprennent pas les revenus inférieurs à 0,7 fois le SMO, qui échappent à l'IRPP. En les réintégrant, la progressivité ressortirait nettement plus accusée.

Taux moyen d'imposition du revenu des ménages en Europe

Taux moyen
1 par tranches de salaire

Niveau du salaire/SMO

Allemagne

Autriche

Belgique

Danemark

Espagne

France

Italie

Pays-Bas

Royaume-Uni

Suède

0,7

0

1,6

20,8

28,5

3,3

6,6

13,4

12,4

12,8

26,2

1

9,5

13,8

28,2

32,5

7,9

11,2

16,9

15,5

16,1

29

2

27,1

27,7

39,1

43,9

16,9

16,9

25,8

30,1

21,5

37

3

34,6

35,6

49,9

49,1

21

21,5

30,3

37,9

26,8

41,4

5

40,3

41,4

48,9

53

29,2

27,5

34,5

43,6

32,2

48,4

1. Taux moyen « étroit » : Impôt sur le revenu / salaire net.

Écarts :

5 - 1

40,3

39,8

28,1

24,5

25,9

20,9

21,1

31,2

19,4

22,2

3 - 1

34,6

34

29,1

20,6

17,7

14,9

16,9

25,5

14

15,2

Appréciée à partir d'un indicateur « élargi » (avec les cotisations), la progressivité des mécanismes d'imposition des revenus des ménages est dans tous les pays, sauf la France, moins accusée que lorsqu'on la mesure à partir du seul impôt sur le revenu des ménages.

La prise en compte des cotisations sociales , en général proportionnelles, tasse l'échelle des prélèvements .

La France et le Royaume-Uni se singularisent avec une progressivité plus forte qui est liée aux allégements différenciés de prélèvements mis en place dans ces pays.

La France apparaît comme le pays qui pratique le système de prélèvements sur le revenu des ménages le plus progressif de l'échantillon . Aux effets des allégements spécifiques de cotisations sociales s'ajoutent ceux de l'introduction et de l'augmentation des taux de la CSG qui frappe plus lourdement les ménages à revenus élevés en raison de la part des revenus financiers dans leur revenu global.

Longtemps présenté comme peu progressif, notre système de prélèvements sociaux a « muté » vers une logique de plus en plus progressive.

Taux moyen d'imposition du revenu des ménages en Europe

Taux moyen
1 par tranches de salaire

 

Allemagne

Autriche

Belgique

Danemark

Espagne

France

Italie

Pays-Bas

Royaume-Uni

Suède

0,7

33,2

25,1

39,9

33,1

30,6

23,5

38

27,1

19

42,8

1

40,2

35,7

46,4

37,2

33,9

40

42,8

32

25,2

46,1

2

48

43,8

56,4

48

40,3

47,9

49,8

41,1

32,2

53,1

3

48,7

45,4

62,2

52,9

40,2

51

53

43,6

36,1

57,4

5

48,6

46,9

66

56,8

40,7

54,9

56

46,7

40,3

63,4

Écarts :

5 - 1

15,4

21,8

26,1

23,7

10,1

31,4

18

19,6

21,3

20,6

3 - 1

15,5

20,3

22,3

19,8

9,6

27,5

15

16,5

17,1

14,6

1. Taux moyen « élargi » : Impôts sur le revenu + cotisations sociales - prestations familiales/salaire super brut. Le salaire super brut comprend le salaire direct + les cotisations sociales employeurs et salariés.

L'ensemble de ces développements portent sur des niveaux de revenus dépassant le seuil de déclenchement de l'impôt personnalisé sur le revenu (l'impôt sur le revenu des personnes physiques en France). L'inclusion dans l'analyse de l'ensemble des ménages accentue la progressivité des systèmes d'imposition du revenu en Europe, en particulier en France .

La situation de la France est, en effet, éloquente. L'IRPP y est très fortement concentré sur les hauts revenus . Cette situation est constante malgré l'instabilité des règles de calcul de l'impôt sur le revenu, dont témoignent la succession de ses réformes, et la multiplicité des régimes dérogatoires. Elle résulte de la structure du barème mais aussi de ce que la moitié des foyers fiscaux ne paye pas l'IRPP du fait de l'étroitesse de l'assiette de prélèvement.

Répartition de l'impôt sur le revenu (y compris PPE) par déciles en 2002

Déciles

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

Total

Impôt payé en 2000

0,0

0,0

0,1

1,0

2,2

3,6

5,6

8,7

14,6

64,2

100

Impôt payé en 2003
(hors PPE 1 )

0,0

0,0

0,0

0,4

1,6

2,9

4,7

7,9

13,8

68,7

100

Impôt payé en 2003
(y compris PPE 1 )

-0,2

-1,7

-2,4

-1,7

-0,9

2,5

4,3

7,6

14,9

75,9

100

1. PPE : Prime pour l'emploi

Note : En 2000, les 10 % de ménages ayant les revenus les plus élevés payaient 64,2 % de l'impôt sur le revenu encaissé par l'Etat. En 2003, les 10 % de ménages ayant les revenus les moins élevés ont perçu une aide équivalant à 0,2 % du total recettes d'impôts sur le revenu, tandis que les 10 % les plus aisés ont payé un IRPP équivalant à 75,9 % de ce total.

Source : Notes bleues de Bercy, septembre 2001, PLF 2002.

L'introduction de la prime pour l'emploi n'a fait qu'accroître encore cette concentration, comme le montre le tableau ci-avant.

Aux effets des seuils et du barème, il faut ajouter l'impact des pratiques suivies en matière d'indexation des différentes tranches sur l'évolution de la progressivité de l'IRPP.


Si, en théorie, il existe une indexation des tranches sur l'inflation, il faut préciser que, de 1993 à 2001, le premier seuil du barème a été nettement plus augmenté que l'inflation (+2,5 % par an en moyenne pour une inflation moyenne de 1,4 %), en raison de la forte hausse de 1997 (+11,3 %). Les cinq autres seuils, au contraire, ont été légèrement sous-indexés (+1,1 % en moyenne entre 1993 et 2001). Cet effet de ciseaux, favorable aux foyers imposés dans les tranches les plus basses et défavorable aux foyers imposés dans les tranches les plus hautes, a accentué encore la progressivité du prélèvement et amputé l'impact de la baisse des taux nominaux marginaux de l'IRPP pour les revenus au-delà de la première tranche.

2. La nécessité d'un renversement de tendance

L'OFCE indique, à juste titre, qu'« une tendance commune vers l'atténuation de la progressivité de l'impôt se dessine maintenant au sein des pays européens. En France le taux marginal supérieur est redescendu à 54 % en 1996 et a ensuite été réduit à 52,5 %, l'Espagne et l'Allemagne se sont engagés à une baisse progressive du taux supérieur de 11 points respectivement sur la période de 1997 à 2003 et de 2000 à 2005. L'Italie est la pointe du processus d'affaiblissement de la progressivité par une réforme, qui met en place un barème à deux tranches avec un taux supérieur à 33 %. Cette évolution suit l'abaissement massif des taux supérieurs de l'impôt sur le revenu mis en place depuis le début des années 1980 aux Etats-Unis. Ce taux, relevé par l'administration Clinton, a été ultérieurement baissé par l'administration Bush. L'évolution fut similaire au Royaume-Uni de 1979 à 1988 avec une baisse du taux marginal supérieur de 98 % à 40 %, non remise en cause par les travaillistes ».

Dans ce contexte, la France doit poursuivre la diminution de ses taux supérieurs d'imposition et renverser son habitude de recourir à l'accentuation de la pression fiscale sur les revenus intermédiaires à laquelle elle s'est trop souvent laissée aller dans les années récentes.

CHAPITRE IV :

LES COTISATIONS SOCIALES,
UNE VARIABLE EFFICACE DES POLITIQUES D'EMPLOI ?

Même si les pays européens connaissent des situations très différentes au regard des cotisations sociales, une certaine communauté d'inspiration combinant un objectif d'amélioration de la compétitivité et de réduction du « coin socio-fiscal » a orienté les mesures prises en la matière.

Des allégements de cotisations, qu'ils soient généraux ou ciblés, ont été mis en oeuvre. Leur efficacité, toujours délicate à apprécier, doit, globalement, être reconnue. Mais, leur impact ultime doit être nuancé.

I. UN OBJECTIF ASSEZ LARGEMENT PARTAGÉ, LA RÉDUCTION DU COÛT DU TRAVAIL

La baisse du coût du travail dans l'optique d'une lutte contre le chômage a justifié une série d'allégements de cotisations sociales dans différents pays européens. L'objectif est à la fois d'augmenter la compétitivité et de réduire le « coin sociofiscal » 8 ( * ) censé décourager l'embauche et la participation au marché du travail.

A. DES ALLÉGEMENTS GÉNÉRAUX ET CIBLÉS DE COTISATIONS

Dans de nombreux pays, une baisse générale des cotisations est intervenue et elle a alors porté sur les cotisations employeurs qui sont supposées avoir l'impact le plus direct sur le coût du travail. Tel fut le cas en Allemagne, en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas et en France.

Plus nombreux encore sont les pays ayant choisi des baisses ciblées de cotisations .

Les allégements spécifiques et leurs cibles sont présentés dans le tableau ci-après.

Allègements spécifiques de cotisations sociales en Europe

 

Allègement bas salaires

Autres allègements spécifiques

Montant

en %PIB

Autriche

Non

non

--

--

Belgique

Oui

salariés âgés, jeunes, réduction du temps de travail

2,9 Md €

1,1

Danemark

Non

non

--

--

France

Oui

Réduction du temps de travail

7,6 Md €

1,0

Finlande

Non

petites entreprises, entreprises intensives en main d'oeuvre

non disp.

non disp.

Allemagne

non (en projet)

non (en projet)

--

--

Grèce

Oui

nouveaux embauchés

non disp.

non disp.

Italie

Oui

catégories à fort taux de chômage, PME, régions défavorisées (Italie du Sud), jeunes

autour de 350 Md €, par an

> 0,1

Irlande

 
 
 
 

Pays-Bas

Oui

chômeurs de longue durée

1,1 Md €, par an

0,3

Portugal

Non

jeunes, chômeurs, handicapés, retraités en activité partielle, footballeurs professionnels

non disp.

non disp.

Espagne

Non

+ 65 ans, transformations de CDD en CDI particulièrement pour les femmes

non disp.

non disp.

Suède

Non

non

--

--

Royaume-Uni

Oui

non

1,0 Md €*

0,25

* L'évaluation de l'ampleur de l'allègement pour le Royaume-Uni est faite par rapport à la situation de 1997. En 1997, le système anglais était anti-progressif du fait de l'existence de seuil. La comparaison avec les autres pays est donc délicate.

Sources : Plans nationaux pour l'emploi (version 2002 sauf France et Italie, version 2001), OCDE, MISSOC, Peer Review et différentes sources nationales.

Les cibles des allégements spécifiques sont diverses.

Si ces allégements portent souvent sur les bas salaires, tous les pays européens n'ont pas emprunté cette voie. Dans un certain nombre de pays, les cibles ont été choisies directement en fonction de caractéristiques des populations bénéficiaires non liées au salaire, les chômeurs, mais aussi parfois des salariés déterminés en fonction de leur âge ou de leur appartenance géographique ou sectorielle.

L'ampleur des allégements spécifiques dans les différents pays varie aussi beaucoup. La Belgique et la France avec des mesures représentant environ 1 point de PIB se distinguent par le haut. Aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, les allégements spécifiques sont nettement plus modestes. Il est probable qu'il existe dans les situations nationales d'emploi et dans l'existence des salaires minimaux plus ou moins élevés une explication à ces différences. Mais ce n'est pas toujours le cas puisque l'Allemagne avec un haut taux de chômage n'a encore que projeté de mettre en oeuvre des allégements spécifiques.


APERÇU SUR LES ALLÉGEMENTS SPÉCIFIQUES
DE COTISATIONS SOCIALES EN EUROPE

En Belgique , une réduction forfaitaire des cotisations sociales employeurs, augmentée pour les publics de moins de 25 ans et de plus de 50 ans fait suite aux réductions de charges entreprises dans les années 1980, puis sur les bas salaires en 1993. Une réduction supplémentaire est prévue à partir de 2001 pour les chômeurs de plus de 45 ans (plan activa). En outre, une réduction de charges sociales salariés (8 % de revenu en plus pour les salaires bas) est intervenue à partir de 2000 et il existe une aide forfaitaire unique en cas de réduction de la durée du travail (800 euros par heure réduite par salarié, non permanente), puis permanente (de 250 à 600 euros par salarié par an selon l'ampleur de la réduction). Avec, au total, 31 millions d'euros, cette aide représente un dispositif de faible ampleur.

En Finlande , la réduction de charges a été modulée. Elle va de 0,1 point pour les petites entreprises à 0,35 pour les grandes. Par ailleurs, une réduction de 0,65 point pour les entreprises intensives en main-d'oeuvre a été mise en place.

En Grèce , la réduction de charges employeurs concerne les bas salaires (2 points de réduction pour les salaires inférieurs à 580 euros par mois), avec une suppression dans le cas des salaires les plus bas. Une réduction de charges employeurs est prévue dans le cas d'une nouvelle embauche .

En Italie , jusqu'en 2000 il existait une aide forfaitaire (de 4 100 euros à 5 100 euros) pour l' embauche nouvelle en CDI avec un plafond annuel. L'aide était versée en une seule fois. Les PME seules étaient éligibles au dispositif. Depuis, un dispositif supplémentaire a été introduit pour les zones à fort taux de chômage (1 500 euros) et en 2000, le dispositif antérieur a été étendu à toutes les PME, devenant une aide mensuelle (413 euros) pour une durée de 3 ans (soit 14 868 euros pour trois années).

Aux Pays-Bas , depuis 1996, le SPAK est un allègement forfaitaire de cotisations sociales employeurs sur les bas salaires (jusqu'à 1,15 salaire minimum) qui réduit (en 2000) de 10 % le coût salarial. L'allègement et le seuil sont proportionnels à la durée du travail. Le t-SPAK est, quant à lui, un allègement entre 115 et 130 % du salaire minimum pour ceux qui ont bénéficié avec le même employeur du SPAK. Pour les chômeurs de longue durée nouvellement embauchés , un allègement supplémentaire pendant 4 ans est possible, doublant le SPAK.

Au Portugal , il existe une exonération de cotisations sociales patronales pendant une année pour les groupes ciblés lors de la transformation d'un CDD en CDI. Pour les travailleurs handicapés, le taux de cotisations patronales est de 12,5 au lieu de 23,7 %, pour les footballeurs il est de 17,5.

Au Royaume-Uni , en dessous d'un seuil de salaires (environ 609 euros par mois), il n'y a pas de cotisations sociales salariés ou employeurs . Le taux est ensuite constant et s'applique au salaire moins le seuil. Passé un second seuil (+ de 4 000 euros par mois), le taux des cotisations employeurs redevient nul. Auparavant, avant 1997, en dessous d'un seuil (environ 400 € par mois) il n'y avait ni cotisations sociales ni ouverture de droits et, au-delà du seuil, la montant des cotisations sociales était de 5 % du salaire plus 10 % du salaire moins le seuil.

La réforme intervenue au Royaume-Uni apparaît ainsi singulière puisqu'elle combine incitation au travail des « peu qualifiés » et allégement des cotisations dues par les plus hauts revenus .

B. LA SITUATION EN FRANCE

Dans ce panorama, la situation française apparaît assez singulière : les baisses généralisées de cotisations sociales ont été l'occasion d'une nette modification de la logique de financement du système social ; quant aux allégements ciblés, ils sont, depuis la réduction du temps de travail, moins consacrés à résoudre des problèmes particuliers d'intégration au marché du travail qu'à compenser la hausse du coût salarial unitaire par tête induite par cette politique.

En France, le taux de cotisation apparent qui rapporte les versements au titre des cotisations sociales à la masse salariale brute a été réduit, légèrement pour les cotisations patronales, plus substantiellement pour les cotisations salariés.

Taux de cotisations apparents

 

1980

1985

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Cotisations patronales

30,4

33,1

32,7

32,2

32,9

33,1

33,3

32,5

32,7

32,7

32,5

32,7

31,5

Cotisations salariés

12,4

14,8

17,1

17,0

17,4

17,8

18,1

18,1

18,4

17,4

13,5

13,6

13,6

Note : il s'agit des cotisations versées respectivement par les sociétés non financières et par les salariés en pourcentage de la masse salariale brute.

Source : Comptes nationaux.

Cet allégement a été financé par la création de ressources nouvelles, la CSG, la CRDS, la TGAP et par l'augmentation de divers droits dont ceux taxant les tabacs, mesures qui se sont traduites par un élargissement de la base de contribution à la protection sociale et, ainsi, par une modification de la logique du financement dans un sens moins assurantiel et plus contributif .

Les taux de CSG - CRDS

Assiette

Revenus de remplacement 1

Autres revenus

Bénéficiaire

CNAF 2

FSV 3

Maladie

Total CSG

CRDS

CNAF 2

FSV 3

Maladie

Total CSG

CRDS

Février 1991

1,1

0,0

0,0

1,1

0,0

1,1

0

0

1,1

0,0

Juillet 1993

2,4

0,0

0,0

2,4

0,0

2,4

0

0

2,4

0,0

1994

1,1

1,3

0,0

2,4

0,0

1,1

1,3

0

2,4

0,0

Février 1996

1,1

1,3

0,0

2,4

0,5

1,1

1,3

0

2,4

0,5

1997

1,1

1,3

1,0

3,4

0,5

1,1

1,3

1

3,4

0,5

1998

1,1

1,3

3,8

6,2

0,5

1,1

1,3

5,1

7,5

0,5

2001

1,1

1,15

3,95

6,2

0,5

1,1

1,15

5,25

7,5

0,5

1. Les revenus de remplacement sont les pensions de retraite et d'invalidité, ainsi que les allocations chômage et préretraite. Les titulaires de minima sociaux ou du minimum vieillesse sont exonérés. Les personnes non imposables titulaires de pensions de retraite ou d'invalidité ou d'allocations chômage ou de préretraites, sont exonérées si leur revenu fiscal de référence est inférieur à un certain seuil (6819 euros pour la première part du quotient) et taxés au taux réduit de 3,8 % si leur revenu fiscal est supérieur à ce seuil ;

2. Branche famille de Régime général de Sécurité sociale ;

3. Fonds de solidarité vieillesse.

Source : Rapports de la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale.


Deux conséquences s'ensuivent :

Le financement de la sécurité sociale est en effet de plus en plus assuré par l'impôt .

Le financement des Administrations de Sécurité Sociale

 

1980

1985

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Dépenses et recettes des Administrations de Sécurité sociale (en % du PIB)

 
 
 
 

Dépenses

20,1

22,6

21,9

22,4

23,2

24,2

24,2

24,2

24,4

24,4

24,0

23,9

23,5

Recettes

21,2

23,1

22,1

22,2

22,7

23,3

23,6

23,6

23,9

23,9

23,9

24,1

24,1

Structure du financement (en % des recettes totales)

 
 
 
 
 
 
 

Cotisations sociales

82,3

81,4

84,4

83,5

82,7

80,8

78,6

78,3

77,7

75,4

66,7

67,2

66,6

Impôts

0,5

1,2

1,6

2,9

3,5

4,8

7,1

7,1

7,2

9,8

18,9

19,1

21,6

Autres

17,2

17,5

14,0

13,5

13,8

14,5

14,3

14,6

15,1

14,7

14,3

13,8

11,7

Source : Comptes nationaux.

Le système de financement de la protection sociale est devenu de plus en plus progressif. L'alourdissement de la CSG a davantage amputé les revenus les plus élevés du fait de leur composition qui comprend des revenus du travail et, en proportion non négligeable, des revenus nouvellement taxés : les revenus financiers.

Cette accentuation de la progressivité s'explique par ailleurs par le fait que la France a également conduit une politique active d'allégements ciblés de cotisations sociales, dont la finalité a été radicalement modifiée après la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail.

Dès le 1 er juillet 1993 ont été mises en place des exonérations dégressives de cotisations patronales pour les salaires mensuels inférieurs à 1,2 SMIC avec pour objectif de réduire le coût du travail, jugé responsable du chômage des travailleurs les moins qualifiés. Les baisses de cotisations ont été étendues jusqu'à 1,3 SMIC et fortement renforcées en 1995. Le taux de cotisations patronales au niveau du SMIC est passé, en plusieurs étapes, de 40 % au début des années 1990 à 22 % en 1996 .

 

Les dispositifs d'allègements de charges patronales sur les bas salaires :

- 1 er juillet 1993 : exonérations de cotisations d'allocations familiales pour les salaires inférieurs à 1,1 SMIC (5,4 points) ; réduction de moitié entre 1,1 et 1,2 SMIC. Réduction pour un SMICard : 5,4 points.

- 1 er janvier 1995 : les seuils sont relevés à 1,2 et 1,3 SMIC respectivement pour l'exonération totale et l'exonération partielle.

- 1 er septembre 1995 : s'ajoute à la mesure précédente une réduction dégressive de cotisations maladie, totale au niveau du SIMC (12,8 points) et nulle au niveau de 1,2 SMIC. Réduction pour un SIMCard : 18,2 points.

- 1 er octobre 1996 : les deux mesures fusionnent en une ristourne unique dégressive (« ristourne Juppé ») pour les salaires mensuels inférieurs à 1,33 SMIC.

- 1 er janvier 1998 : le seuil est abaissé de 1,33 à 1,3 SMIC.

1 er juillet 1993

5,4 points jusqu'à 1,1 SMIC
2,7 points de 1,1 à 1,2 SMIC

1 er janvier 1995

5,4 points jusqu'à 1,2 SMIC
2,7 points de 1,2 à 1,3 SMIC

1 er septembre 1995

18,2 points au niveau du SMIC
de 18,2 points à 5,4 points du SMIC à 1,2 SMIC
2,7 points de 1,2 à 1,3 SMIC

1 er octobre 1996

18,2 points au niveau du SMIC
de 18,2 points à 0 point du SMIC à 1,33 SMIC

1 er octobre 1998

18,2 points au niveau du SMIC
de 18,2 points à 0 point du SMIC à 1,3 SMIC

1 er février 2000

26 points au niveau du SMIC
de 26 points à 2,7 points du SMIC à 1,8 SMIC
4.000 F par an au-delà de 1,8 SMIC

La réduction du temps de travail a modifié la logique des dispositifs précédents.

Les réductions de cotisations patronales pour les entreprises ayant signé un accord de réduction du temps de travail (RTT) ont été amplifiées . Les entreprises dans lesquelles un accord a été signé bénéficient d'une baisse de cotisation annuelle de 4 000 francs (610 euros) pour chaque salarié (quel que soit son niveau de salaire) et de réductions dégressives qui sont plus élevées que les réductions prévues par le dispositif Juppé et concernent les salariés gagnant jusqu'à 1,8 SMIC. En régime de croisière, le coût de l'aide forfaitaire était estimé à 6,1 milliards d'euros et l'extension de la ristourne dégressive devait coûter 3,8 milliards d'euros. Aujourd'hui, le taux normal de charges sociales et fiscales sur les salaires payées par les entreprises est d'environ 45 % ( en dessous du plafond de Sécurité sociale ), mais il est seulement de 18 % ou 26 % pour les salariés au SMIC , selon que leur entreprise a signé un accord de réduction du temps de travail ou non.

Mais, avec la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail, une part importante des allégements spécifiques de cotisations sociales ne correspond plus à un objectif de réduction du coût du travail de catégories de population données, mais à la nécessité de compenser le surcoût salarial occasionné par la mesure de diminution de la durée du travail.

Une nouvelle modification du dispositif d'allègements de charges patronales en trois étapes, de 2003 à 2005 , est prévue. Les aides conditionnelles à la mise en place d'un accord de réduction du temps de travail sont supprimées et la ristourne « Juppé » est étendue progressivement. A terme, l'allègement concernera les salaires inférieurs à 1,7 SMIC, ce qui constitue une extension du champ des bénéficiaires aux salaires compris entre 1,3 et 1,7 SMIC. Le niveau d'allègement sera supérieur à son niveau actuel : le taux de cotisations patronales sera réduit de 26 points au niveau du SMIC contre 18,2 jusqu'en 2002, et à 1,3 SMIC, la ristourne sera de 11,5 points de cotisations contre 0 avec le dispositif « Juppé ». Un des corollaires importants de cette réforme est la perte, pour les entreprises ayant passé des accords de RTT, de l'aide forfaitaire dont elles bénéficiaient pour chaque salarié, quel que soit le niveau de rémunération. Pour les bas salaires, la ristourne aura tendance à augmenter, même dans les entreprises qui bénéficiaient des aides « Aubry ». Ce nouveau dispositif n'est plus conditionné par une réduction du temps de travail. Il n'est pour autant pas un pas supplémentaire vers un allégement net des charges salariales. En effet, il s'inscrit dans un contexte marqué par une très nette hausse du SMIC horaire et il vise à compenser cette hausse.

Selon les estimations disponibles, la hausse du coût du travail pour un salarié au SMIC à 39 heures passerait, ainsi, grâce au nouveau régime d'allégements, de 11,4% à 4,61 % après allégements sur la période 2003-2005.

II. UN BILAN À NUANCER

L'impact socio-économique des mesures d'allégements de charges sociales doit être nuancé. Certes, une décrue des charges pesant sur le travail a été amorcée et elle a contribué à préserver ou créer des emplois. Cependant, au-delà des questions que pose l'évaluation quantitative de leurs résultats intermédiaires, il faut s'interroger, d'une part sur les impacts complets de ces mesures, d'autre part, sur leur cohérence avec le contexte économique et social.

A. UNE AMORCE DE DÉCRUE DES CHARGES PESANT SUR LE TRAVAIL

Au cours de la décennie écoulée, le poids des cotisations sociales dans le PIB est resté remarquablement stable en Europe.

Recettes de cotisations sociales
en % du PIB

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

90-2000

Autriche

13,3

13,4

14,0

14,5

14,9

15,1

15,1

15,2

15,1

15,1

14,9

+1,6

Belgique

14,2

14,8

15,0

15,3

15,1

14,7

14,6

14,5

14,4

14,4

14,1

-0,1

Allemagne

13,3

14,1

14,3

14,5

14,8

14,9

15,0

15,2

15,0

14,9

14,8

+1,5

Danemark

1,4

1,4

1,5

1,6

1,6

1,5

1,6

1,6

1,5

2,1

2,2

+0,8

Espagne

11,8

11,9

12,6

12,7

12,5

11,9

11,7

11,8

11,9

12,2

12,3

+0,5

Finlande

9,7

11,2

10,7

11,8

12,3

12,4

12,2

11,6

11,6

11,9

11,2

+1,5

France

18,9

18,9

19,1

19,1

18,8

18,7

18,8

18,4

16,3

16,6

16,4

-2,5

Royaume-Uni

6,1

6,1

6,2

5,9

6,1

6,1

6,1

6,0

6,4

6,1

6,3

+0,2

Grèce

8,9

8,6

8,5

9,6

9,6

9,8

9,7

10,9

11,2

11,4

11,4

+2,5

Irlande

5,0

5,2

5,3

5,3

5,1

4,7

4,4

4,2

4,0

4,1

4,2

-0,8

Italie

12,8

13,0

13,2

13,6

12,9

13,0

14,6

14,8

12,5

12,3

12,0

-0,8

Luxembourg

11,1

11,2

11,7

11,7

11,2

11,3

11,1

10,6

10,3

10,7

10,6

-0,5

Pays-Bas

16,0

16,9

17,5

17,4

17,6

17,6

16,5

17,2

16,2

16,7

16,2

+0,2

Portugal

8,0

8,3

8,3

8,3

8,4

8,8

8,3

8,5

8,6

8,7

8,9

+0,9

Suède

14,6

15,1

14,5

13,2

13,2

13,9

14,9

15,0

14,8

13,2

15,2

+0,6

Union européenne

12,8

13,1

13,4

13,5

13,5

13,5

13,7

13,5

12,7

12,6

12,4

-0,4

USA

6,8

6,9

6,8

6,7

6,8

6,8

6,7

6,7

6,7

6,8

 

0

Source : Statistiques des recettes publiques 2001, Economic outlook n° 70.

Cependant, après avoir augmenté de près de 1 point de PIB jusqu'en 1996, un mouvement de reflux est intervenu et les cotisations sociales représentaient, en 2000, 12,4 points de PIB, soit 0,4 point de moins qu'en 1990.

La stabilité moyenne , sur la période, du poids des cotisations sociales se vérifie assez fidèlement dans chaque pays européen. De fait, seuls deux Etats ont connu des mouvements significatifs (et de sens contraire), la France et la Grèce , où la part des cotisations sociales dans le PIB a respectivement diminué et augmenté de 2,5 points de PIB. En France, cette évolution résulte largement de la substitution d'impôts à des recettes de cotisations sociales dans un contexte où le poids des prélèvements totaux sur le revenu des ménages a été alourdi.

Cette stabilité a été obtenue malgré une hausse du poids des dépenses sociales brutes dans le PIB, qui est passé de 25,5 % à 27,5 % du PIB 9 ( * ) .

En effet, les cotisations n'ont cessé de perdre de l'importance comme source de financement au cours des années 1990. Elles représentaient alors 66 % des recettes totales et ne s'élèvent plus en 1999 qu'à 60,5 % de l'ensemble.

Une restructuration du financement de la protection sociale est intervenue.

Deux pays européens doivent être distingués pour l'ampleur de la baisse de la part du financement des dépenses sociales brutes réservée aux cotisations : la France où elle est passée de 80 % à 67 % ; l'Italie où elle est passée de 70 % à 58 %. Mais, partout en Europe , cette restructuration du financement de la protection sociale a favorisé une amorce de décrue des charges sociales sur le travail observée dans la seconde partie des années 90.

Ces tendances sont imputables à des choix de financement qui répondent à des objectifs de politique publique principalement axés sur la lutte contre le chômage (v. infra ) .

B. UNE GRANDE DIVERSITÉ DES SITUATIONS NATIONALES

Le niveau des cotisations sociales est, en Europe, près du double de ce qu'il est aux Etats-Unis et les pays européens témoignent eux-mêmes d'une forte disparité de ce point de vue.

Cotisations des employeurs et des salariés par rapport aux coûts salariaux dans les Etats membres en 1990, 1994 et 1999

40

35

30

25

20

15

10

5

0

40

35

30

25

20

15

10

5

0

En  % des coûts salariaux (rémunération des salariés)

B DK D EL E F IRL I L NL A P FIN S UK EU-15

Cotisations des employeurs Cotisations des salariés

Source : Commission européenne

Plusieurs catégories de pays peuvent être distinguées :

la Belgique, la Grèce, la France et les Pays-Bas, où les charges sociales sont comparativement élevées ; elles y atteignent environ 35 % des coûts salariaux ;

l'Allemagne, l'Italie, l'Autriche et la Finlande, où ce taux atteint 30 % ;

les autres pays de l'Union européenne où, avec d'importantes inégalités, les charges sociales représentent moins d'un quart des coûts salariaux.

Ces disparités tiennent, pour partie, à des niveaux différents de socialisation des systèmes de protection sociale.

Niveau et répartition des dépenses courantes de protection sociale par fonction, 1999
(En  % du PIB)

 

B

DK

D

EL

E

F

IRL

I

L

NL

A

P

FIN

S

UK

UE

Maladie

1,1

0,9

1,5

0,8

1,0

0,7

0,6

0,7

0,7

2,4

1,1

0,4

1,2

2,1

0,7

1,1

Santé

5,3

4,7

6,5

5,3

4,7

7,4

5,0

5,1

4,7

5,2

6,3

6,2

4,8

6,1

5,6

6,0

Invalidité

2,4

3,5

2,2

1,6

1,5

1,7

0,7

1,5

3,0

3,1

2,4

2,4

3,7

3,8

2,6

2,2

Vieillesse/survivants

11,3

10,9

12,0

12,5

9,0

12,7

3,5

15,6

8,8

10,3

13,1

8,7

9,1

12,8

11,7

12,1

Famille/enfants

2,4

3,7

3,0

1,9

0,4

2,8

1,8

0,9

3,3

1,1

2,9

1,0

3,3

3,4

2,3

2,2

Chômage

3,2

3,2

2,1

1,4

2,5

2,1

1,6

0,5

0,5

1,6

1,5

0,7

2,9

2,6

0,8

1,7

Logement

0,0

0,7

0,2

0,8

0,2

0,9

0,5

0,0

0,1

0,4

0,1

0,0

0,4

0,8

1,6

0,6

Exclusion sociale

0,6

1,0

0,6

0,5

0,1

0,4

0,3

0,0

0,2

1,5

0,3

0,3

0,5

0,8

0,2

0,4

Administration

1,2

0,8

1,0

0,8

0,5

1,2

0,7

0,7

0,5

1,3

0,5

0,9

0,7

0,5

0,9

0,9

Autres

0,7

0,0

0,5

0,0

0,1

0,3

0,0

0,2

0,2

1,1

0,3

2,1

0,0

0,0

0,2

0,4

Total

28,2

29,4

29,6

25,5

20,0

30,3

14,7

25,3

21,9

28,1

28,6

22,9

26,7

32,9

26,6

27,5

Source : Commission européenne - La protection sociale en Europe - 2001

Mais, elles sont aussi le reflet d'options différentes de financement de la protection sociale .

Financement des principaux risques dans les pays de l'Union européenne

 

Maladie et maternité

Vieillesse

Chômage

Famille

Accident travail

Belgique

CS + Etat + IA

CS + Etat + IA

CS + Etat + IA

CS + Etat + IA

CS + Etat + IA + ass.

Danemark

IA

IA + CS (comp.)

CS

IA

CS

Allemagne

CS

CS + Etat

CS + IA

IA

CS

Grèce*

CS + Etat

CS + Etat après 1993

CS

CS

CS

Espagne

CS + IA

CS

CS

IA

CS

France

CS + IA

CS + IA

CS + Etat

CS + IA

CS

Irlande

CS + Etat

CS + Etat

CS + Etat

IA

CS + Etat

Italie

CS

CS

CS

CS

CS

Luxembourg

CS + Etat

CS + Etat

IA

CS + IA

Etat + ass.

Pays-Bas

CS

CS

CS

Etat

-

Norvège

CS + IA

CS + IA

CS + IAs

IA

CS

Autriche

CS + Etat

CS + Etat

CS + Etat

principalement IA

CS + Etat

Portugal

CS + IA

CS

CS

CS

CS + ass.

Finlande

CS + IA

CS + IA

CS + IA

IA

CS

Suède

CS + IA

CS + Etat

CS + Etat

IA

CS

Royaume-Uni

CS + IA

CS

CS + Etat

IA

IA

* Pour les assurés après 1993, le système de cotisations sociales est remplacé par un système tripartite salarié, employeur, état.

Notes : CS signifie financement par les cotisations sociales, IA financement par impôt affecté, Etat financement par inclusion dans le budget général ou subvention de l'Etat récurrente ou exceptionnelle. Les parts des différentes sources de financement ne sont pas indiquées et peuvent varier d'un type de risque à l'autre ou d'un pays à l'autre.

Source : MISSOC, Communauté européenne.

Ainsi, le poids des cotisations sociales dans le PIB est plus bas au Royaume-Uni qu'en France d'environ 10 points, mais cet écart est partiellement le résultat d'une structure de financement différente. Les dépenses de santé (6 % du PIB) sont presque entièrement financées par l'impôt au Royaume-Uni (le budget du National Health Service), alors qu'elles le sont, pour une part importante, par les cotisations sociales en France (54 %).

Toutefois, la différence entre le pois des cotisations ne s'explique qu'en partie par cette différence dans les modalités de financement, l'autre partie s'expliquant par des dépenses de santé plus faibles au Royaume-Uni qu'en France (de 4 points de PIB).

Si, ainsi, on ne peut déduire des données relatives aux seules cotisations sociales de conclusions sur le coût de la protection sociale, il est, en revanche, possible d'y voir le poids exercé par les dépenses de protection sociale sur les salaires.

C'est précisément ce poids que de nombreux pays européens ont essayé de réduire afin de favoriser l'emploi.

C. ELÉMENTS D'ÉVALUATION

L' évaluation de l'efficacité des mesures de baisse des charges sociales est une entreprise très délicate . Même s'il convient de se féliciter des nets progrès de méthode réalisés en ce domaine, qui est désormais un classique des processus d'évaluation des politiques publiques, le raffinement des méthodes n'est pas tel qu'elles puissent être totalement conclusives.

L'examen d'une controverse récente, occasionnée par la parution d'une évaluation relative aux allégements de charges sociales sur les « bas salaires » 10 ( * ) a abondamment illustré les difficultés de l'évaluation. On s'y réfère ici moins pour ce motif que pour souligner quelques données fondamentales.


Quelques mots sur l'évaluation des politiques d'allégements
de charges sociales

Les évaluations de l'impact des mesures de réductions de charges sociales sont confrontées à des difficultés de méthode, qui peuvent être présentées comme suit.

Il faut d'abord isoler l'effet des allégements de charges de l'effet sur l'emploi des autres facteurs susceptibles d'intervenir (les « facteurs contextuels »).

Il faut également tenir compte des effets induits .

Le premier problème est particulièrement ardu à résoudre dans la mesure où les politiques d'allégements de charges, qu'elles soient ciblées ou générales, s'appliquent souvent de façon indiscriminée.

Il n'existe donc pas le plus souvent de « groupe-témoin » dont les comportements puissent être comparés avec le « groupe-sujet », c'est-à-dire le groupe des bénéficiaires de la mesure. Au demeurant, lorsque ce groupe existe, les différentes « variables de contrôle » qui permettent de distinguer les deux catégories utiles aux comparaisons doivent être soigneusement sélectionnées.

Le recours à des méthodes alternatives, telles les enquêtes d'opinion, est une voie envisageable mais dont les résultats appellent une certaine prudence.

La question des effets induits est elle aussi épineuse. On peut la décliner en trois sous-questions. Comment les allégements sont-ils financés et avec quels effets ? Existe-t-il des effets de destructions d'emplois à côté des effets de créations d'emplois, du fait, par exemple, d'un changement des conditions de concurrence ? Au-delà des résultats immédiats en termes de créations d'emplois, l'impact des emplois créés est-il entièrement favorable ou doit-on prendre en compte des données complémentaires qui tendent à atténuer l'utilité des emplois créés ? Par exemple : des « trappes à bas salaires » apparaissent-elles ? L'emploi évolue-t-il vers des emplois peu qualifiés ?

La multiplicité et l'importance de ces difficultés ne doivent pas être considérées comme des arguments contre l'évaluation - sans évaluation, comment décider ? - mais bien plutôt comme des défis à relever.

La capacité des évaluations réalisées à affronter ces difficultés est en tout cas un critère certain de leur qualité.

Les évaluations empiriques de l'efficacité en termes d'emploi des allègements de charges sociales sont assez peu concluantes, du fait des difficultés de méthode (v. ci-dessus) que rencontrent ces travaux, et les évaluations a priori , sur la base de modèles microéconomiques ou macroéconomiques concluent à des fourchettes d'estimations importantes (de 100.000 à 500.000 par exemple pour la France).

Dans ces conditions, la mise en évidence par l'étude susmentionnée d'un très fort effet des mesures d'allégements de charges sociales mises en oeuvre entre 1994 et 1997 a provoqué une réelle controverse.

En un mot, alors que, selon une évaluation concomitante 11 ( * ) , l'élasticité de l'emploi non-qualifié à son coût avait été estimée à 0,6, - une baisse du coût du travail non qualifié de 1 point entraîne une augmentation de l'emploi non-qualifié de 0,6 point -, les résultats de l'étude en cause s'éloignaient beaucoup de cette évaluation avec une élasticité supérieure à 2.

Sans entrer dans le détail technique de cette controverse, on peut rappeler les éléments essentiels du débat. Ils contiennent en effet les données fondamentales d'une politique dont le succès apparaît conditionné à un contexte favorable.

Mais, il faut aller au-delà et s'interroger sur d'éventuels effets pervers de certaines formes d'allégements de charges sociales.

1. Les allégements de charges, quels effets sur l'emploi ?

Les enchaînements à l'oeuvre dans l'évaluation de Crépon et Desplatz, ainsi que les principales critiques qu'elle a suscitées, offrent une vision complète des conditions d'efficacité des politiques d'allégements de charges sociales.


DES ALLÈGEMENTS DES COTISATIONS EMPLOYEURS SUR LES BAS SALAIRES,
POUR QUOI FAIRE ?

1°) Réduire spécifiquement les cotisations employeurs sur les plus bas salaires est justifié par trois arguments* :

-- Il existe actuellement un problème spécifique de chômage pour les travailleurs non qualifiés : ceux-ci sont particulièrement concurrencés par les productions des pays à bas salaires ; ils sont les victimes du progrès technique et de la substitution du capital au travail qui font disparaître leurs emplois dans l'industrie et dans certains services. Au contraire, les salariés qualifiés sont proches du plein emploi. Toute relance se heurterait au manque de personnel qualifié avant qu'un niveau d'emploi satisfaisant ne soit atteint pour l'ensemble des salariés.

-- Une cause essentielle du chômage en France est le niveau du SMIC (et du RMI) qui empêcherait une baisse suffisante du salaire des non qualifiés. De nombreux travailleurs non qualifiés ont une productivité du travail inférieure au coût du SMIC, charges comprises, et ne sont employables que si ce coût est diminué. La baisse des cotisations sociales employeurs est socialement préférable à la baisse du SMIC, puisque le niveau de vie des travailleurs non qualifiés n'est pas affecté.

-- Une mesure ciblée est plus efficace en terme d'emplois gagnés à coût budgétaire donné qu'une mesure globale. Il coûte moins cher de réduire de 10 % le coût d'un salarié au SMIC que le coût d'un cadre.

En sens inverse, les allègements bas salaires sont peu utiles si le chômage est essentiellement dû à une demande insuffisante, si les possibilités de substitution entre travail qualifié et travail non qualifié sont faibles, si le chômage frappe toutes les catégories de salariés, et que le taux de chômage plus fort des non qualifiés s'explique par le fait qu'en situation de sous-emploi généralisé, les actifs diplômés occupent des postes pour lesquels ils sont surqualifiés.

La mesure fait courir deux risques. Si elle est peu efficace, elle doit être financée : un financement par hausse des impôts portant sur les ménages peut entraîner une baisse de la demande et augmenter le « chômage keynésien ». Les entreprises sont incitées à créer des emplois non qualifiés (ce qui est nuisible si le degré de qualification de la population active tend à augmenter) et à refuser toute hausse de salaire et toute évolution de carrière pour les salariés qui occupent ces emplois, puisque la hausse de leur salaire, qui fait perdre les allègements de cotisations, est très coûteuse : c'est la trappe à bas salaires.

2°) Les allègements de cotisations sociales sur les bas salaires jouent par deux canaux. Si la mesure n'est pas financée ex ante par une hausse des autres charges portant sur les entreprises, jouent les canaux macroéconomiques habituels : baisse des coûts des entreprises, donc baisse des prix, donc hausse de la demande par gain de compétitivité, hausse des investissements (du fait de l'amélioration des profits des entreprises), hausse de la consommation (grâce à la baisse des prix). Selon les modèles macroéconomiques français, une réduction induisant une baisse de 1 % du coût salarial des entreprises du secteur marchand (soit un coût ex ante de 30 milliards de francs) aboutirait à une hausse de l'emploi de l'ordre de 70 000 à 80 000 au bout de 5 ans. Par ailleurs, même si la mesure est financée ex ante , jouent les effets de substitution, les entreprises sont incitées à utiliser plus de travailleurs non qualifiés, dont le coût relatif a diminué, en utilisant moins de travailleurs qualifiés ou de capital. Globalement, la demande se déplace vers les produits à fort contenu en main-d'oeuvre non qualifiée, au détriment des produits à fort contenu en capital ou en main-d'oeuvre qualifiée.

Supposons que les entreprises emploient 30 % de travailleurs non qualifiés et 70 % de travailleurs qualifiés (dont le coût du travail est le double). Introduisons un allègement de 10 % du coût du travail des non qualifiés (soit ex ante une baisse de 1,5 % du coût moyen du travail) financés par une hausse de 1,8 % du coût du travail des qualifiés. Si l'élasticité de substitution entre les deux catégories de travailleurs est de 0,7, l'emploi des travailleurs non qualifiés progresse de 7 % ; celui des travailleurs qualifiés diminue de 1,2 %. Globalement, l'emploi augmente de 1,3 %. Les coûts de production des entreprises, donc a priori les prix, ne sont pas affectés.

* Voir E. Malinvaud (1998), H. Sterdyniak et P.Villa (1998) ou J.-P. Fitoussi (2000).

a) Des allégements de charges permettent de réduire le chômage classique

Les controverses suscitées par l'étude ici examinée ne doivent pas éloigner de l'essentiel. Dès lors que, pour des salariés donnés, leur coût du travail apparaît supérieur à leur productivité, une réduction de ce coût est favorable à l'emploi.

Dans les pays à prix du travail administré comme la France, où le SMIC s'impose comme un plancher de rémunération comparativement élevé, une solution alternative à une baisse du SMIC consiste à réduire les charges sociales qui lui sont attachées.

La totalité des exercices d'évaluation concluent à l'efficacité de telles mesures et ils ne diffèrent que sur le nombre d'emplois qu'elles créent.

Les créations d'emplois engendrées par les allégements de charges sociales seraient le produit de deux enchaînements complémentaires :

des effets de substitutions , entre salariés avec une déformation de la structure de la main-d'oeuvre au profit des populations bénéficiaires des allégements, ainsi qu' entre facteurs de production , la baisse du coût relatif du travail par rapport au capital engendrant per se un enrichissement de la croissance en emplois ;

des effets de volume , la baisse des prix entraînant une augmentation de la demande, du volume de la production et donc de l'emploi.

Un troisième effet théorique est souvent cité : l'amélioration de la profitabilité qui résulte de la baisse des coûts de production. L'étude sous revue le mentionne, mais sans trop y insister. Les raisons de cette relative discrétion sont probablement les suivantes :

- plus la profitabilité s'améliore à prix constants moins instantanément les créations d'emplois sont fortes puisqu'alors le redressement de la profitabilité résulte d'une accélération des gains de productivité ;

- l'étude ne conclut pas, sur l'échantillon d'entreprises observées, à une significative augmentation du taux de marge, ce qui est par ailleurs nécessaire pour extérioriser à la fois une forte progression de l'emploi et une forte augmentation de la production ;

- enfin, l'étude met en évidence un effet rapide sur l'emploi des mesures d'allégement alors que l'amélioration de la profitabilité n'a pas d'effets très immédiats ;

Les créations d'emplois résulteront de la combinaison d'un accroissement du rythme de croissance économique et d'effets de substitution entre travail qualifié et travail non-qualifié particulièrement marqués dans l'industrie.

Evaluation des taux de croissance imputables
aux réductions de charges

Variables

Industrie

Tertiaire

Effectifs salariés

2,62

3,44

Coût moyen du travail

- 3,10

- 4,36

Part des non qualifiés 1)

0,7

0,7

Part des jeunes 1)

- 0,23

- 0,50

Part des jeunes non qualifiés 1)

- 0,14

- 0,30

Intensité capitalistique

- 1,41

- 1,61

Productivité du capital

0,73

1,36

Productivité du travail

- 0,69

- 0,25

Taux de marge

- 0,34

0,16

Coût unitaire de production

- 2,44

- 3,48

Valeur ajoutée

1,94

3,19

1. Augmentation en point de la part de la population sous revue dans le total de la population active.

Source : Economie et Statistique n° 348, 2001-8

Selon l'étude, l'augmentation de la valeur ajoutée en volume résultant des allégements de charges atteint 2 % dans l'industrie et 3,2 % dans le tertiaire. Les effectifs salariés totaux s'accroissent un peu plus vite (2,6 % dans l'industrie et 3,4% dans le tertiaire). Il y a enrichissement de la croissance en emplois. Mais celui-ci reste modéré. Si au total l'augmentation de la part des non-qualifiés dans la population employée est modérée (0,7 point), ce qui traduit des effets de substitution assez modestes entre travail qualifié et travail non-qualifié, la croissance de l'emploi non-qualifié est cependant rapide.

Dans l'industrie , où le taux de croissance des effectifs est estimé à 2,6%, la variation de la part des non-qualifiés atteint 0,7 point. Compte tenu de la part initiale des non-qualifiés qui est de 22%, on évalue à 5,8% le taux de croissance de l'emploi non qualifié imputable au dispositif (2,6 + 0,7/0,2). Pour les qualifiés, le taux de croissance des effectifs est de 1,8 %. Leur part dans la main-d'oeuvre totale recule donc.

Dans le tertiaire , où la part des non-qualifiés est initialement de 30%, les taux de croissance par qualification sont estimés à 5,7% pour les non-qualifiés et à 2,5% pour les qualifiés.

On en déduit des créations ou sauvegardes d' emplois non-qualifiés de 70 000 dans l'industrie et de 150 000 dans le tertiaire. Les créations d' emplois qualifiés s'élèveraient quant à eux à 80 000 dans l'industrie et à 160 000 dans le tertiaire. Au total, il résulterait des allégements sous revue 220 000 créations ou maintiens d'emplois non-qualifiés , et 240 000 créations ou maintiens d'emplois qualifiés , dans l'économie.

L'effet de substitution est important dans l'industrie et, même de second ordre, non négligeable dans le tertiaire.

b) Des enchaînements dont l'efficacité est subordonnée à des données de contexte

Au-delà des aspects techniques des critiques suscitées par l'évaluation en cause - elles concernent la mesure de l'augmentation en volume de la production des entreprises bénéficiaires des allégements de charges ou encore la prise en compte du temps partiel -, il faut retenir deux enseignements essentiels des observations que cette évaluation a provoquées.

(1) Quel bouclage financier ?

Il apparaît tout d'abord que l'efficacité des politiques d'allégements de charges sociales dépend étroitement des conditions de leur bouclage financier.

Si, dans l'étude mentionnée, la perte de recettes sociales ex ante est plus que compensée ex post par les recettes engendrées par les créations d'emplois et par les économies réalisées sur les transferts sociaux, ce résultat, très inhabituel est, pour tout dire, fragile. De façon générale, les évaluations soulignent que le besoin de financement ex post est inférieur au besoin de financement ex ante mais n'en font pas moins apparaître un besoin de financement ex post . Dans ces conditions, il apparaît essentiel que celui-ci puisse être couvert sans que la logique d'allégement des prélèvements obligatoires soit remise en cause.

A cet égard, les réductions de cotisations sociales, entreprises en Europe dans la seconde partie des années 90, pourraient n'être que très transitoires si les pays européens devaient se montrer incapables de maîtriser la dynamique de leurs transferts sociaux.

(2) De l'importance d'être cohérent

Un second enseignement essentiel est que pour produire leur plein effet, les allégements de charges sociales doivent améliorer la compétitivité de leurs bénéficiaires.

On peut en tirer deux premières conclusions :

la première pour mettre en évidence que les effets nets des allégements sont moins importants que les effets appréhendés auprès de leurs bénéficiaires directs puisque l'amélioration de compétitivité que ceux-ci connaissent se produit au détriment de leurs concurrents ;

la deuxième pour rappeler que les politiques de désinflation compétitive conduites de façon concomitante par les Etats en Europe, dont les allégements de charges sociales constituent l'une des facettes, se neutralisent partiellement les unes les autres .

Mais il convient surtout de relever qu'il n'est pas cohérent ni responsable de conduire une politique économique susceptible de grever le coût du travail et de poursuivre un objectif de baisse de ce coût.

Une telle combinaison qu'a illustrée la politique économique et sociale du précédent gouvernement revient à tenter de remplir le tonneau des Danaïdes sans gain pour l'emploi et en épuisant les sources de financement de la protection sociale. Il apparaît particulièrement dangereux de se placer en situation de devoir compenser les hausses du coût de travail provoquées par des mesures comme les 35 heures par des réductions de charges sociales. Celles-ci, quoique insuffisantes pour contenir l'aggravation du coût du travail provoquée par des décisions anti-économiques, sapent l'assise financière de la protection sociale . C'est toute l'histoire du FOREC.

2. Les « trappes à bas salaires », un effet pervers à surveiller

Les allègements de charges sociales sur les bas salaires créent potentiellement des « trappes à bas salaires » : le taux de charges sociales est plus faible pour les salaires les plus bas, ce qui peut inciter les entreprises à maintenir des salaires bas et des structures de qualifications privilégiant les postes à salaires peu élevés.

Ce risque ne doit pas être négligé. Il revêt deux visages, tous deux susceptibles d'écorner la valeur du travail, qu'il convient de restaurer dans notre pays :

d'une part, celui de la démotivation de salariés dont les perspectives de progression de leurs revenus sont amoindries ;

d'autre part, celui de la démotivation de salariés qui, quoique plus qualifiés, obtiennent une rémunération indifférenciée.

Toutefois, ce risque est plus ou moins élevé selon les modalités d'allégements. Les exonérations dégressives de cotisations sociales ont pour effet de rendre très coûteuses les hausses de salaire . Quand une entreprise augmente le salaire d'un salarié au SMIC, une hausse très forte des cotisations patronales intervient. Au niveau du SMIC, le taux de cotisations patronales est de 26,2 % contre, environ, 45 % hors ristourne dégressive. Une augmentation du salaire brut de 10 % se traduit par une augmentation du coût du travail de 15,2 %. Le taux marginal de cotisations varie selon les dispositifs une fois les seuils d'allégements dépassés. Hors ristourne, une augmentation du salaire mensuel brut (SB) de 113 euros coûte 165 euros à l'entreprise. Avec la ristourne « Juppé », l'entreprise doit débourser 216 euros pour augmenter le SB de 113 euros ; le taux marginal de cotisation patronale est de 92 %. Pour les entreprises bénéficiant de la ristourne « Aubry », la trappe à bas salaire est plus faible : le taux marginal de cotisations patronales est de 80 %. Pour ces entreprises, l'effet de trappe à bas salaire joue jusqu'à 1,8 SMIC contre seulement 1,3 SMIC pour les entreprises ne bénéficiant que de la ristourne « Juppé ».

Ces effets pervers sont moins accusés lorsque la réduction de charge est forfaitaire , c'est-à-dire lorsque le montant de réduction est indépendant du salaire (c'est le cas du nouveau système belge, ou d'une partie du système français pour les 35 heures). Une autre solution consiste à définir des seuils en deçà desquels le taux de cotisations est plus bas (ou nul), à la condition que les marches soient nulles, c'est-à-dire que le taux au-delà du seuil s'applique au salaire diminué du seuil, comme dans le système anglais après les réformes initiées en 1997. Dans les cas des réductions forfaitaires ou à seuil, le taux marginal des cotisations sociales reste modéré, au niveau du taux moyen de cotisations, au lieu d'être très élevé (comme dans le système français ou néerlandais où il est supérieur à 100 % dans certains cas).

Dans ce contexte, une récente évaluation a posteriori sur données microéconomiques réalisée par Crépon et Desplatz a suscité une réelle controverse. Elle conclut à un effet important et rapide des baisses de charges sur les bas salaires mises en oeuvre entre 1994 et 1996 avec 460.000 emplois créés entre 1994 et 1997.

CHAPITRE V :

INCITER AU TRAVAIL,
UNE PRÉOCCUPATION COMMUNE, DES DISPOSITIFS PLUS OU MOINS EFFICACES

L'une des rares orientations communes qui semble traverser les réformes des prélèvements obligatoires entreprises en Europe au cours des années écoulées est celle qui a consisté à développer l'incitation au travail en s'efforçant de lutter contre les « trappes à inactivité ».

En effet, de nombreux pays européens ont adopté des mesures visant à accroître le taux d'activité des personnes les moins qualifiées. Les mesures les plus significatives ont été prises au Royaume-Uni et en France, qui, à l'image de l' Earned Income Tax Credit (EITC) américain adopté dès 1975, ont mis en place un dispositif de crédit d'impôt.

Le contenu des dispositifs varie toutefois assez nettement avec un impact également différencié selon certaines évaluations externes récentes.

I. UN OBJECTIF COMMUN, INCITER AU TRAVAIL PEU QUALIFIÉ EN LUTTANT CONTRE LES TRAPPES À INACTIVITÉ

Un objectif commun aux pays européens les a incités à modifier leur régime fiscal afin de lutter contre les trappes à inactivité des « peu qualifiés ».

Même si son exactitude est débattue, le diagnostic de la responsabilité d'un phénomène de trappes à inactivité dans l'importance du chômage en Europe s'est imposé, étayé par l'existence de taux d'imposition effectifs élevés en cas de reprise d'emploi par les « peu qualifiés ».

A. UN DIAGNOSTIC À LA PERTINENCE RELATIVE...

La notion de trappe à inactivité renvoie à la situation dans laquelle un individu, chômeur ou inactif, n'est pas incité financièrement à prendre un emploi, parce que la rémunération à laquelle il pourrait prétendre serait à peine supérieure, voire inférieure, aux revenus de transferts qu'il perçoit en restant inoccupé.

Un certain nombre d'éléments arithmétiques viennent donner quelque crédit à l'existence d'un tel phénomène. Toutefois, plusieurs considérations doivent être gardées à l'esprit, qui conduisent à conserver une attitude prudente à l'égard de ce concept.

En premier lieu, on ne saurait passer du constat de l'existence de taux d'emploi 12 ( * ) et taux d'activité 1 relativement faibles pour des « peu qualifiés » à la conclusion de l'existence, pour les populations concernées, d'un fort chômage volontaire.

C'est le cas pour le taux d'emploi dont la principale variable explicative est la demande de travail. Les très fortes créations d'emplois observées, en France, à la fin des années 90 ont montré la vigueur des liens positifs entre demande d'emploi et taux d'emploi des non qualifiés.

Mais c'est probablement aussi vrai du taux d'activité qui, mesurant la participation au marché du travail (soit comme personne occupée, soit comme personne à la recherche d'un emploi) est a priori un indicateur plus pertinent pour mesurer l'impact dissuasif du système fiscalo-social sur la volonté de trouver un travail. On observe en effet que cet indicateur varie de façon indépendante par rapport aux caractéristiques nationales des systèmes redistributifs. En revanche, une corrélation assez robuste semble exister entre son niveau et celui du taux d'emploi, qui pourrait attester l'existence de phénomènes de découragement des populations en cause devant la persistance du chômage.

Plus globalement, on ne peut que constater la thèse selon laquelle le système redistributif entraîne l'apparition de trappes à inactivité repose sur un modèle de rationalité étroite où les choix ne seraient motivés que par la comparaison entre les gains associés à l'emploi et les revenus sociaux nets d'impôt. Or un tel modèle exclut, par définition, une série de considérations qu'un modèle de rationalité complète recommande de prendre en compte. Ces considérations peuvent comprendre le fait que l'emploi n'est pas seulement un moyen de subvenir à des besoins matériels immédiats, que sont associés des avantages de long terme à la prise d'un emploi (en termes de retraite future plus importante ou de formation et d'expérience professionnelle pouvant sensiblement améliorer sa situation professionnelle dans le futur), ou encore que les structures sociales, l'existence de revenus occultes ou d'autres phénomènes socio-économiques peuvent jouer.

En bref, sans rejeter le cadre théorique expliquant l'éventualité de trappes à inactivité, un spectre complet d'analyse conduit plutôt à s'interroger sur l'ampleur d'un tel phénomène.

Une étude de Laroque et Salanié (2000) a proposé une décomposition du non emploi. Ils estiment que pour 57 %, il s'agit de non emploi volontaire. Cet ordre de grandeur reste toutefois incertain. Par exemple, l'analyse qui le sous-tend exclut le temps partiel. Or, la plupart des travailleurs à temps partiel (le plus souvent des femmes) n'auraient pas intérêt à travailler étant donné les faibles salaires qu'ils perçoivent relativement au RMI et autres allocations associées à l'inactivité. De plus, ils sont souvent en situation de sous-emploi involontaire (ils souhaiteraient travailler davantage). Ainsi, les exclure de l'analyse sous-estime le chômage involontaire et surestime le chômage volontaire. Du reste, le pouvoir explicatif du modèle utilisé semble relatif dans la mesure où la décision de rechercher un emploi telle qu'elle y est représentée dépend en grande partie de facteurs inexpliqués.

B. ... MAIS ÉTAYÉ PAR DES DONNÉES ARITHMÉTIQUES PEU CONTESTABLES

Malgré ces réserves, les données arithmétiques viennent conforter l'idée que la prise d'un emploi est souvent peu attrayante financièrement.

Dans le cas français, la comparaison entre les revenus tirés du Revenu minimum d'insertion (RMI) et les revenus tirés d'un emploi payé au niveau du SMIC présente la situation suivante pour l'année 2000.

Gains mensuels à la reprise d'activité

(en francs)

 

du RMI à ½ SMIC

du RMI à 1 SMIC

Célibataire sans enfant

- 149

1 782

Couple 2 enfants
conjoint inactif

- 1 479

779

Couple 2 enfants
conjoint rémunéré au SMIC

2 097

4 088

Source : OFCE (2001)

Ces données ne sont pas propres à la France comme le montrent les informations ci-après extraites de l'étude de l'OFCE figurant en annexe.

Taux effectifs d'imposition de la reprise d'un emploi en 1997

(le travailleur principal a le niveau de salaire moyen 1)

Travailleur principal :

Du chômage 2
à l'emploi à plein temps

Du chômage de longue durée 4 à l'emploi à temps partiel 5

Travailleur secondaire :

Non emploi 3

Non emploi

Allemagne

80

115

Autriche

76

135

Belgique

68

109

Danemark

84

118

Espagne

78

159

Finlande

88

152

France

76

133

Grèce

54

104

Irlande

68

60

Italie

63

84

Luxembourg

87

198

Pays-Bas

89

134

Portugal

79

174

Royaume-Uni

72

93

Suède

88

154

Eu15

77

128

Etats-Unis

68

102

1. SMO : Salaire moyen ouvrier, calculé comme le salaire moyen brut d'un adulte travaillant à plein temps dans le secteur manufacturier.. En Espagne, par exemple, le salaire minimum correspond à 50 % du SMO alors qu'en France en 1998, le SMIC représente 60 % du SMO (Joumard, 2001).

2. 1 er mois de chômage du travailleur principal qui était employé au niveau du SMO. Il reçoit le montant d'allocation chômage de base plus éventuellement des aides sociales pour personne à charge et pour le loyer.

3. Le travailleur secondaire ne perçoit aucune allocation chômage.

4. On suppose que le chômeur de longue durée reçoit une aide sociale s'il est en fin de droit d'allocation chômage.

5. Le temps partiel est supposé correspondre à un salaire de 40 % du SMO.

Lecture du tableau : En France, 76 % du salaire du temps plein est perdu en impôt et réduction de transferts sociaux. Un taux effectif d'imposition supérieur à 100 % indique que le ménage perd de l'argent lors du passage au temps partiel, ce qui est, par exemple, le cas en France lorsque le travailleur principal passe du chômage de longue durée au temps partiel.

Source : OCDE, Benefit systems and Work Incentives, (1999) .

Le tableau évalue l'imposition effective qui pesait en 1997 sur la transition emploi/non emploi au sein du couple. La première colonne du tableau donne le montant de salaire retiré quand, dans un couple, une personne est non employée et ne perçoit aucune aide particulière et que le travailleur principal passe du chômage (indemnisé) à l'emploi à temps plein (au salaire moyen). En moyenne pour l'Europe des 15 en 1997, 77 % du salaire individuel est retiré dans le cas de la prise d'un emploi à plein temps. Ceci est le résultat de l'interaction entre l'impôt et le retrait des allocations chômage. Les Pays-Bas (tout comme la Finlande et la Suède) retirent un taux plus élevé, de 89 %, alors qu'en France, il est de 76 %.

La deuxième colonne concerne l'imposition de la reprise d'un emploi à temps partiel du travailleur principal qui était au chômage de long terme. Dans ce cas, il n'existe pratiquement aucune incitation financière à prendre un emploi à temps partiel dans aucun pays (à l'exception de l'Irlande avec un taux de 60 %). La moyenne européenne est de 128 %, cette transition est donc fortement pénalisée. L'Italie et le Royaume-Uni ont un taux élevé qui reste inférieur à 100 %, mais dans tous les autres pays et en particulier en France, le taux est très élevé, indiquant une forte désincitation des individus dans des situations précaires à prendre un emploi à temps partiel.

II. DES RÉFORMES DIFFÉRENTES PAR LEUR CONTENU ET PAR LEUR IMPACT

La plupart des pays européens ont pris des mesures destinées à accroître l'incitation au travail. Mais ces mesures diffèrent nettement par leur contenu.

Dans de nombreux pays, les mesures fiscales d'incitation au travail des personnes peu qualifiées, présentées en annexe de ce rapport, ont simplement consisté à réduire les prélèvements sur les revenus du travail les plus modestes : les taux d'imposition marginaux minima ont été baissés, des abattements ou des exonérations ont été mis en place.

Des mesures plus substantielles ont été adoptées dans quelques pays dont la France et le Royaume-Uni, qui ont mis en oeuvre des dispositifs inspirés de l'impôt négatif à l'image de l'EITC américain.

Ces trois dispositifs apparaissent cependant très différents.

A. PRÉSENTATION DES TROIS DISPOSITIFS


1. L'Earned Income Tax Credit

L' EITC figure dans le code des impôts des Etats-Unis depuis 1975. Le dispositif a été progressivement élargi et renforcé, et la dépense consentie au titre de l'EITC a été d'environ 32 milliards de dollars en 2000.

Un foyer sur cinq, soit vingt millions de foyers, bénéficie de l' EITC et 80 % des foyers éligibles touchent effectivement cette prestation.

L' EITC n'est appliqué qu'aux foyers dans lesquels au moins une personne travaille. Tout bénéficiaire de l' EITC doit, de plus, satisfaire à certaines conditions de ressources, qui varient en fonction de sa situation familiale. Le barème de la prestation dépend aussi du nombre d'enfants à charge : en 1999, le crédit maximum pour un foyer sans enfants s'élève à 347 dollars, tandis qu'il vaut 2 312 dollars pour un foyer avec au moins deux enfants.

Le graphique ci-dessous retrace le profil de la prestation. Dans une première phase, le montant de l' EITC augmente proportionnellement avec le revenu ; il est ensuite constant jusqu'à un certain seuil ; puis il décroît, jusqu'à s'annuler à partir d'un certain niveau de revenu.

Le barème de l' EITC selon la structure du foyer en 1999

Montant du crédit d'impôt
( en dollars )

Revenu annuel (en $)



Source : Bontout (2000)

En pratique, le montant de l' EITC est déduit du montant d'impôt sur le revenu fédéral dû par son bénéficiaire ; si l' EITC est supérieur au montant de l'impôt, la différence fait l'objet d'un versement direct au bénéficiaire. Actuellement, 80 % environ des dépenses fédérales liées à l' EITC correspondent à des versements directs aux ménages.

2. Le Working Families Tax Credit

Le WFTC britannique est de création récente, puisqu'il a été instauré en 1999. Il se substitue à un dispositif beaucoup moins généreux, le Family Credit , qui existait depuis 1992. La création du WFTC répondait à une double préoccupation : relever le niveau de vie des familles à faibles revenus et les inciter à l'activité.

Le coût budgétaire du WFTC a été de l'ordre de 5 milliards de livres en 2001, pour 1 269 000 bénéficiaires recensés au 31 mai 2001.

Le WFTC est un mécanisme de crédit d'impôt en faveur des familles avec enfants. Ses règles d'attribution sont relativement complexes, puisqu'il dépend à la fois du nombre d'heures travaillées, des revenus et du patrimoine déclaré par le ménage, et des caractéristiques de la famille (nombre d'enfants à charge, âge des enfants et mode de garde). Deux conditions principales d'éligibilité sont requises : d'une part, l'un des adultes du foyer doit exercer une activité, salariée ou indépendante, d'une durée d'au moins 16 heures par semaine ; d'autre part, le foyer ne doit pas disposer d'un patrimoine (hors logement principal) d'une valeur supérieure à 8 000 £.

Le graphique ci-dessous renseigne sur le barème du WFTC . Le cas de figure retenu est celui d'un couple mono-actif, rémunéré au salaire minimum, et ayant deux enfants de moins de 11 ans. Aucune allocation n'est versée lorsque la durée du travail hebdomadaire est inférieure à 16 heures. Elle est constante pour une durée de travail comprise entre 16 et 25 heures. Puis, l'allocation décroît.

Montant du WFTC (en livres sterling),
en fonction du revenu net d'activité.



Source : Delarue, 2000

Chaque enfant à charge donne droit à une majoration, dont le montant croît avec l'âge des enfants. Une majoration éventuelle peut être versée pour compenser les frais de garde d'enfants, dans la limité d'un plafond.

3. La Prime pour l'emploi

La Prime pour l'emploi (PPE), instituée par une loi du 30 mai 2001, est le dernier-né des trois dispositifs.

En 2001, 8 millions de foyers ont touché la PPE, pour un coût total de 2,5 milliards d'euros . Puis, la prime a été doublée par anticipation dès 2001 (pour sa composante variable) et son régime a été modifié en faveur des emplois à temps partiel en 2003.

La prime pour l'emploi ne concerne que les foyers fiscaux dans lesquels une personne au moins exerce une activité, et dont le revenu déclaré à l'impôt sur le revenu est inférieur à un plafond, variable selon la taille du foyer. Son montant moyen était de 288 € en 2001 et 255 € en 2002.

Le graphique ci-après présente le barème de la PPE versée en 2001, selon quatre configurations familiales avant aménagement du dispositif en faveur du temps partiel. On observe que la prime est nulle jusqu'à un seuil de revenu de 0,3 SMIC. Au-delà de ce seuil, la prime croît avec le revenu au rythme de 2,2 %. Elle atteint son maximum au niveau d'un SMIC à temps plein, puis décroît au taux de 5,5 %. Pour un célibataire sans enfant, la prime disparaît à partir d'un niveau de revenu de 1,4 SMIC.

Montant de la prime pour l'emploi versée en 2001
(en euros)



Source : INSEE (2002)

B. DES DISPOSITIFS QUI DIFFÈRENT SENSIBLEMENT

En dépit d'une inspiration commune, les trois dispositifs étudiés présentent des différences sensibles.

1. Des efforts financiers très disparates, des niveaux de « prestation » très inégaux

En premier lieu, les montants financiers en jeu sont très différents . Les Etats-Unis consacrent 32 milliards de dollars (à peu près autant d'euros) à l' EITC chaque année. Le Royaume-Uni dépense 5 milliards de livres, soit environ 8,1 milliards d'euros, au titre du WFTC . La PPE représente un budget de 2,5 milliards d'euros (en 2001). Le WFTC représente donc un effort financier trois fois plus important que la PPE. Une comparaison avec les Etats-Unis suppose de tenir compte de la différence de population : si l'on admet que le rapport entre la population française et la population américaine est approximativement de un à cinq, l'effort financier consenti au titre de l' EITC reste environ deux fois et demi plus important que l'effort financier consenti au titre de la PPE.

Les mécanismes de crédit d'impôt se distinguent également par les populations ciblées . Le WFTC ne concerne qu'un ménage britannique sur vingt. L' EITC est perçu par un ménage américain sur cinq, et la PPE touche un ménage français sur quatre. Le crédit d'impôt britannique est donc celui qui, rapporté à la population, représente la dépense budgétaire la plus importante, mais aussi la plus concentrée. A l'opposé, le crédit d'impôt français, qui représente déjà une dépense moindre, exerce ses effets de manière très diffuse.

Conséquence logique des deux observations précédentes, le gain financier d'un bénéficiaire du WFTC est beaucoup plus significatif que celui d'un bénéficiaire de la PPE . P. Cahuc (2002) calcule que, pour un foyer bi-actif au SMIC avec au moins un enfant, la PPE versée en 2001 a représenté 4,4 % de leur revenu déclaré. Par contraste, le montant maximal de l'aide qui peut être perçue au titre du Working Families Tax Crédit représente 160 % du revenu déclaré du bénéficiaire. Toutefois, l'aide apportée par le WFTC est, en pratique, amputée des deux tiers par la réduction d'autres prestations sociales, ce qui n'est pas le cas pour la PPE française. Mais, même en tenant compte de cet important correctif, le système britannique reste nettement plus généreux que celui adopté par la France (le gain net est supérieur à 50 % du revenu déclaré). L' EITC occupe une position intermédiaire, quoique plus proche du niveau britannique que du niveau français : le montant maxima de l' EITC peut représenter jusqu'à 40 % du revenu déclaré de son bénéficiaire.

2. Un traitement différent du temps partiel

La PPE française se distinguait des dispositifs étrangers par une orientation très nette en faveur du travail à temps plein qui demeure, même si elle a été un peu atténuée. Avant l'aménagement de 2003, les deux tiers des foyers bénéficiaires de la PPE travaillaient à temps plein, et le montant de la PPE était maximum au niveau d'un SMIC à temps plein. Au Royaume-Uni, le WFTC commence à décroître à partir de la vingt-cinquième heure de travail hebdomadaire pour les personnes percevant le salaire minimum. Aux Etats-Unis, le montant de l'aide est généralement proportionnel à la durée du travail, et on observe que les célibataires et les couples mariés sans enfant, qui sont employés au salaire minimum à temps plein, n'ont généralement pas droit à l' EITC .

Cette orientation de la PPE reflète le souci de conserver au travail à temps plein son statut de norme sociale de référence.

Les systèmes français et britanniques partagent cependant un objectif commun : ne pas encourager la création d'emplois à temps très partiel. Cette préoccupation explique la présence d'un seuil en deçà duquel aucune aide n'est versée. Ce seuil correspond à 16 heures de travail hebdomadaire au Royaume-Uni, pour un salarié percevant le salaire minimum, et à environ 11,5 heures de travail hebdomadaire en France.

3. Une prise en compte variable de la dimension familiale

Le WFTC présente la particularité de n'être octroyé qu'aux familles avec enfants, ce qui en fait un instrument de politique de l'emploi, mais aussi de politique familiale. Aux Etats-Unis, le champ de l' EITC a été progressivement élargi, de sorte qu'il est, depuis 1994, versé à tous les travailleurs, sous condition de revenus, y compris les célibataires sans enfant. Le montant du crédit d'impôt est cependant beaucoup plus important pour les familles avec enfants.

Par comparaison, la prise en compte des charges de famille au titre de la PPE apparaît assez limitée. Mais il faut rappeler que le système de prestations familiales est beaucoup plus développé en France que dans les pays anglo-saxons. La PPE reste donc, prioritairement, un outil de subvention à l'emploi, et non un instrument de redistribution au profit des familles.

4. Des modalités d'administration différentes

L'une des caractéristiques du WFTC tient à son mode de gestion particulier. Alors que la PPE et l' EITC sont versés directement par l'administration fiscale, le WFTC est versé au salarié par son employeur, par le biais de la feuille de paie. L'administration fiscale britannique examine les conditions d'éligibilité du loyer du demandeur, et calcule les droits éventuels. Puis, elle communique à l'employeur la somme qu'il doit verser au salarié, sous forme de complément de rémunération, ou de baisse des prélèvements au titre de l'impôt sur le revenu.

P. Cahuc (2002) considère que ce mode de gestion améliore la lisibilité du dispositif, puisque les salariés perçoivent immédiatement une amélioration de leur salaire net résultant de l'application du crédit d'impôt. Dans la mesure où la lisibilité du dispositif conditionne pour partie son efficacité, la France aurait intérêt, selon cet auteur, à s'inspirer du modèle britannique.

C. DES DISPOSITIFS AUX EFFETS TRÈS VARIABLES

En raison de son ancienneté, mais aussi du développement plus abouti des démarches d'évaluation des politiques publiques aux Etats-Unis, les effets de l' EITC sont bien mieux connus que ceux de ses équivalents britannique et français. Cependant, les évaluations externes, dont il faut saluer l'initiative, permettent d'établir des différences très sensibles d'impact entre les trois dispositifs aussi bien en termes d'incitation au travail que de redistribution des revenus.

1. Effets sur l'incitation au travail

Il importe au préalable de rappeler la distinction entre effet revenu et effet de substitution. Un accroissement du salaire net, qui peut résulter de l'instauration d'un crédit d'impôt, rend le travail plus attractif, dans la mesure où il augmente le pouvoir d'achat de chaque heure travaillée. Ceci incite à substituer du travail au temps libre afin de profiter du revenu obtenu grâce au travail (effet de substitution). Mais l'augmentation du salaire a aussi pour effet d'augmenter le revenu total à nombre d'heures travaillées donné. Cette augmentation du revenu total peut inciter à travailler moins (effet revenu). On observe qu'effet revenu et effet de substitution jouent en sens contraire, ce qui rend l'impact d'une hausse de salaire sur l'offre de travail a priori indéterminée.

a) Evaluation de l'EITC

Les effets de l' EITC sur l'offre de travail dépendent beaucoup de la situation de ses bénéficiaires et doivent être distingués son effet sur le taux d'activité et son effet sur le nombre d'heures travaillées par les personnes occupant déjà un emploi.

Pour les personnes seules passant du non-emploi à l'emploi, la perspective d'un revenu plus élevé du fait de l' EITC fournit sans ambiguïté une incitation au travail. Cependant, pour les couples bi-actifs, l' EITC peut induire une incitation opposée pour le second salaire. En effet, l'augmentation de revenu du couple peut le faire passer dans la phase de sortie de l' EITC . Dans la phase de sortie, toute hausse des revenus salariaux est partiellement compensée par une baisse du revenu tiré de l' EITC (qui équivaut à une taxation du salaire au taux marginal de 60 %).

Pour les personnes déjà actives et dans la phase d'entrée du dispositif, l'effet sur le nombre d'heures travaillées est généralement positif, l'effet de substitution dominant l'effet revenu. Pour les personnes dans la phase intermédiaire (plateau), seul un effet revenu subsiste, produisant en théorie une incitation à réduire le nombre d'heures travaillées. Dans la phase de sortie, les effets revenu et substitution négatifs s'ajoutent, produisant à nouveau une incitation à réduire le nombre d'heures travaillées.

Au vu de ses propriétés incitatives, l'EITC devrait donc avoir pour effet d'augmenter les taux d'activité des personnes seules, mais éventuellement de les diminuer pour les seconds salaires des couples bi-actifs, l'effet sur le nombre d'heures travaillées étant positif dans la phase d'entrée puis négatif dans les phases de plateau et de sortie du dispositif.

Cette analyse a priori des effets incitatifs de l' EITC est confirmée par les évaluations empiriques réalisées ex post .


Les résultats disponibles confirment l'important effet incitatif de l' EITC à la reprise d'emploi pour les foyers mono-actifs avec enfants . Une estimation de Scholz (1996) suggère que la réforme de l' EITC de 1993 aurait induit, entre 1993 et 1996, une hausse du taux d'activité des familles monoparentales de 65,5 % à 72,1 % (146 millions d'heures).

En revanche, l' EITC a un effet désincitatif sur l'activité des femmes mariées . SCHOLZ (1996) estime que la réforme de 1993 aurait induit, pour les seconds salaires des familles biparentales, une baisse de leur taux d'activité représentant une perte de 8,9 millions d'heures travaillées.

L' EITC semble avoir un effet faiblement négatif sur le volume d'heures travaillées par les personnes occupant déjà un emploi , mais cet effet est plus que compensé par son impact sur le passage de l'inactivité à l'emploi.

b) Evaluation du WFTC

Comme pour l' EITC , les effets incitatifs du WFTC dépendent de la position du bénéficiaire.

Le WFTC exerce un fort effet incitatif à la prise d'un emploi d'une durée supérieure à 16 heures par semaine, puisqu'il accroît sensiblement le gain financier qui y est associé. De même, il incite les personnes dont la durée du travail hebdomadaire est inférieure à 16 heures à augmenter le nombre d'heures travaillées, afin d'entrer dans le dispositif.

Pour les ménages qui se situent dans la partie forfaitaire du WFTC (plateau), le versement d'un fort revenu de transfert devrait exercer, en théorie, un effet désincitatif sur l'offre de travail (effet revenu négatif).

Pour ceux qui se situent dans la partie dégressive du dispositif, chaque gain supplémentaire au titre des revenus du travail est partiellement compensé par la diminution de l'allocation perçue au titre du WFTC . Ceci devrait, en principe, avoir un effet désincitatif sur l'offre de travail. Toutefois, l'existence d'une majoration éventuelle pour garde d'enfant peut inciter à l'activité des personnes qui, en raison d'une contrainte de liquidité, n'avaient pas la possibilité de faire garder leurs enfants, et renonçaient de ce fait à exercer une activité, ou se contentaient d'une activité réduite. L'effet total du WFTC apparaît donc ici incertain.

Pour les couples bi-actifs, le WFTC devrait avoir un effet désincitatif sur l'offre de travail . Le WFTC devrait, en particulier, décourager l'activité des femmes dont le conjoint travaille. En effet, l'augmentation par le WFTC du revenu disponible de non-activité pour une personne dont le conjoint travaille ne l'incite pas à l'activité (effet revenu négatif).

Rappelons enfin que le WFTC ne prétend pas régler à lui seul la totalité du problème des trappes à inactivité, puisqu'il n'est versé ni aux personnes seules ni aux couples sans enfants.


Peu d'études ont été réalisées, à ce jour, pour tenter d'évaluer les effets ex post du dispositif.

Une étude de Blundell et al . (2000) tente d'évaluer les effets nets du WFTC , par rapport au dispositif antérieur du Family Credit . Globalement, le nombre d'entrées sur le marché du travail engendrées par le WFTC devrait être de l'ordre de 44 000 selon cette étude. Rapporté aux 28,2 millions de personnes employées au Royaume-Uni en 2001, cela représente une variation de + 0,15%. Au vu du coût net du WFTC par rapport au Family Credit qui est de 2,7 milliards de livres, le coût de chaque entrée supplémentaire sur le marché du travail est de 60 000 livres.

L'impact du WFTC sur l'emploi est donc modeste, et le rapport coût/efficacité est peu favorable.

c) Evaluation de la PPE

Une analyse a priori de la structure de la PPE montre qu'elle pourrait avoir, comme l' EITC ou le WFTC , des effets incitatifs ou désincitatifs sur l'offre de travail, selon la position du bénéficiaire.

La PPE devrait accroître la participation au marché du travail des individus sans emploi, puisqu'elle augmente le gain financier associé à la reprise d'un emploi.

L'effet incitatif de la PPE est cependant indéterminé pour les personnes qui perçoivent un revenu d'activité compris entre 0,3 et 1 SMIC. Effet revenu et effet de substitution jouent en sens contraire, ce qui rend délicate toute appréciation de l'effet net de la mesure.

Pour les personnes dont le revenu est compris entre 1 et 1,4 SMIC (ou 2,1 SMIC pour les couples monoactifs), la PPE exerce un effet désincitatif sur l'offre de travail (effet revenu et de substitution jouent dans le même sens).

La PPE devrait exercer un effet désincitatif sur le travail du second conjoint dans les couples biactifs. L'activité du second conjoint peut entraîner la perte d'une partie de la prime (fin de la majoration forfaitaire pour conjoint inactif), voire de la totalité de la prime si les revenus du conjoint sont assez importants.

Il est encore trop tôt pour que des évaluations ex post complètes des effets de la prime pour l'emploi sur les taux d'activité puissent être produites. Cependant, un certain nombre d'évaluations externes sont disponibles.

Ainsi, Laroque et Salanié (2001) ont proposé une simulation des effets de la PPE sur l'emploi des femmes (avec le barème initialement prévu pour 2003 rétropolé pour l'année 1999). Ils étudient un effectif de référence qui comprend 5 290 000 personnes, parmi lesquelles 2 732 000 occupent un emploi. Les résultats restent modestes . Ils estiment que, pour cette population, la PPE devrait entraîner l'entrée sur le marché du travail de 9 000 personnes supplémentaires, dont 4 000 pour des emplois à temps partiel (le nombre de personnes employées augmente ainsi de + 0,33 %). De manière plus précise, la PPE ferait passer 16 000 femmes du non-emploi à l'emploi, dont 6 000 à temps partiel, et 10 000 à temps plein ; dans le même temps, 2 000 femmes travaillant à temps plein choisissent le temps partiel, et 5 000 autres arrêtent de travailler ; enfin, 2 000 femmes travaillant à mi-temps passent à temps plein, et autant quittent la population active.

En appliquant le barème de 2003, le coût budgétaire de la PPE, pour cette population, est environ de 1,2 milliard d'euros. Chaque nouvelle entrée sur le marché du travail serait donc acquise au prix d'une dépense de 140 000 euros, ce qui représente une dépense pour le moins importante.

Une étude de Bassanini et al. (1999) suggère que l'efficacité des mécanismes de crédit d'impôt pourrait être moindre dans les pays, comme la France, qui se caractérisent par un éventail de salaires resserré, des salaires de réserve élevés 13 ( * ) , et des prélèvements importants sur les revenus du travail. Dans ces pays, en effet, le crédit d'impôt est plus coûteux à financer pour atteindre un effet incitatif donné. Le financement du crédit d'impôt suppose d'augmenter les prélèvements pesant sur une partie de la population déjà fortement taxée ; dès lors, l'effet global pourrait être une diminution du nombre d'heures travaillées, et une réduction du produit global .

Cahuc (2002) rappelle également qu' une mesure visant à augmenter l'offre de travail, alors que la demande de travail reste inchangée, risque d'avoir pour effet d'aggraver le déséquilibre du marché du travail. On peut toutefois supposer que l'introduction de la PPE, qui vient soutenir le pouvoir d'achat des ménages, aura pour effet de modérer les revendications salariales, à court et moyen terme. Une modération salariale prolongée est susceptible d'augmenter la demande de travail émanant des entreprises. Il n'existe cependant aucune modélisation permettant d'estimer la portée d'un tel effet.

2. Des effets redistributifs très différents

Si l'impact des mécanismes de crédit d'impôt sur le fonctionnement des marchés du travail apparaît relativement modeste, les effets redistributifs de ces dispositifs sont, en revanche, beaucoup plus significatifs et très différents.

a) L'EITC est un instrument efficace de réduction de la pauvreté aux Etats-Unis

Une étude américaine de 1998 14 ( * ) indique que, sans l' EITC , 34,5 millions de personnes vivraient sous le seuil de pauvreté aux Etats-Unis, soit un taux de pauvreté de 12,7 %. L'adjonction des revenus tirés de l' EITC fait passer 4,3 millions au-dessus du seuil de pauvreté, et ramène ainsi le taux de pauvreté à 11,1 %.

L' EITC a, d'autre part, permis de compenser, partiellement, l'augmentation des écarts de salaire observée aux Etats-Unis au cours des deux dernières décennies. Liebman (1997) calcule ainsi que, entre 1976 et 1996, la part des revenus perçue par le cinquième de la population le moins bien payé est tombée de 4,4 à 3,7 %, tandis que celle perçue par les 5 % les mieux payés est passée de 16,6 à 21,4 %. Dans le cas des ménages avec enfants, l' EITC compense la baisse des revenus à hauteur de 29 % pour le premier quintile de la population, et de 9% pour le deuxième quintile.

b) Le WFTC est un instrument de redistribution au profit des familles

Comme l'illustre le graphique suivant, le WFTC apporte un soutien significatif aux familles aux revenus les plus modestes. Les gains financiers les plus importants concernent les deux premiers déciles de la distribution des revenus. Le deuxième décile est le plus touché, car les ménages du premier décile sont souvent sans emploi, ou sans enfant, et ne bénéficient donc pas du WFTC .

c) Les effets de la PPE sont plus modestes et se diffusent assez largement dans l'échelle des revenus

Près de 80 % du montant global de la PPE bénéficie à la moitié la moins aisée de la population, mais les effets de la PPE se diffusent assez haut dans l'échelle des revenus.

Cette diffusion vers le haut de la distribution des revenus s'explique par deux raisons. En premier lieu, le plafond d'éligibilité, pour chaque apporteur de revenu d'activité, est assez élevé. Le seuil de 1,4 SMIC correspond, à peu près, au passage du sixième au septième décile de niveau de vie. En second lieu, cet effet de diffusion s'explique aussi par l'hétérogénéité des revenus au sein des couples. Pour un couple de concubins, dont la déclaration à l'impôt sur le revenu est séparée, il se peut que l'un des deux membres bénéficie de la prime, quand bien même le revenu du partenaire est d'un niveau élevé.

Cela dit, comme l'illustre le graphique ci-après, la PPE bénéficie principalement aux déciles deux à quatre de la distribution du revenu.

Le premier décile de revenu est relativement tenu à l'écart du profit de la prime. Cela s'explique par la composition particulière de cette population, qui comprend beaucoup de chômeurs ou d'inactifs, non éligibles à la prime pour l'emploi.

CHAPITRE VI :



L'IMPOSITION DES REVENUS DU CAPITAL

Dans son rapport d'information de 1997 sur la fiscalité de l'épargne 15 ( * ) , notre ancien collègue Alain Lambert, alors rapporteur général de la commission des finances, soulignait que la fiscalité de l'épargne était en France particulièrement lourde, quand on la comparait à celle des autres pays européens. Il en déduisait que le risque de sortie de capitaux était important, et proposait sept principes devant guider la fiscalité de l'épargne.

La doctrine de la commission des finances du Sénat en matière de fiscalité de l'épargne, selon le rapport Lambert de 1997

« Premier principe : l'épargne est importante : sans épargne, pas d'investissement, sans investissement pas de croissance durable.

« Deuxième principe : l'opposition capital / travail est stérile ; si tant est qu'un rééquilibrage de la fiscalité du capital par rapport à la fiscalité du travail soit souhaitable, ce rééquilibrage doit se faire en diminuant les prélèvements sur les revenus du travail et non pas en augmentant ceux supportés par le capital.

« Troisième principe : une taxation supplémentaire de l'épargne ne permet pas de relancer la consommation. Il ne sert à rien d'invoquer des alibis économiques pour justifier des mesures qui n'ont d'autre objet que de faire rentrer des recettes dans les caisses de l'État. Seule la confiance permet de modifier le partage épargne-consommation. Or, on ne rétablit pas la confiance en augmentant les impôts.

« Quatrième principe : il vaut mieux essayer d'agir sur la structure de l'épargne que sur son volume. La fiscalité est impuissante à modifier le volume de l'épargne, en revanche elle est très influente sur la structure de l'épargne, c'est à dire sur l'orientation des placements.

« Cinquième principe : la fiscalité de l'épargne doit assurer la neutralité entre actifs de même nature (par exemple tous les titres de taux doivent être traités de la même manière, quelque soit le support).

« Sixième principe : la fiscalité de l'épargne doit prendre en compte la durée de l'engagement d'épargne, et favoriser les titres de fonds propres plutôt que les titres de dettes.

« Septième principe : le législateur doit assurer un cadre fiscal stable et s'abstenir de prendre des mesures rétroactives ».

Source : Alain Lambert, rapport d'information du Sénat n°82 sur la fiscalité de l'épargne (1997-1998)

Le diagnostic d'une fiscalité de l'épargne particulièrement lourde en France est malheureusement toujours d'actualité. Comme le souligne l'OFCE, « la France est le seul pays à avoir augmenté l'imposition des revenus de l'épargne » durant la décennie 1990, le taux d'imposition sur les revenus de l'épargne ayant alors « augmenté de près de 10 points. »

Non seulement la fiscalité de l'épargne en France est lourde, mais en plus elle présente, plus que dans les autres pays, une structure économiquement inappropriée : si la plupart des pays européens taxent davantage les revenus d' actions que les revenus d' intérêt , cette caractéristique est particulièrement marquée en France.

I. UNE FISCALITÉ FRANÇAISE RELATIVEMENT FAVORABLE POUR LES REVENUS D'INTÉRÊT

La fiscalité française est relativement peu élevée dans le cas des revenus d'intérêt .

Selon l'OFCE, « seule l'Espagne applique un taux réellement élevé. L'Allemagne et le Luxembourg sont des cas particuliers. En effet, l'imposition à l'IR n'est réellement effective que si le pays qui l'applique possède les moyens de la faire respecter, à savoir une obligation de déclaration à l'administration fiscale par les établissements payeurs. Dans ces deux pays, l'absence de système d'information aboutit à l'application en pratique de la retenue à la source. Celle-ci est en l'occurrence nulle pour le Luxembourg. (...) Au total, le Luxembourg présente donc, devant la Suisse, le régime le plus favorable. Pour les autres (à l'exclusion de l'Espagne) les taux varient selon les pays entre 15 % et 25 %. »

Les principales caractéristiques de la fiscalité des revenus d'intérêt indiquées par l'OFCE sont synthétisées par le graphique ci-après.

L'imposition des intérêts sur les obligations d'Etat en Europe, selon l'OFCE (2001)

Taux marginal de prélèvement, au taux supérieur de l'impôt sur le revenu

(en %)

(1) Base d'imposition de 4 % de la valeur de marché des actifs (actions ou obligations), taux d'imposition de 30 %

(2) Au Royaume-Uni existe un barème progressif : 20 % et 32,5 %.

(3) Le taux ici pris en compte pour l'impôt sur le revenu est le taux maximal.

Source : d'après les données figurant dans le rapport de l'OFCE


Reposant sur la notion de taux marginal de prélèvement effectif (cf. encadré ci-après) , ainsi que sur des hypothèses différentes de celles de l'OFCE 16 ( * ) , un récent rapport du commissariat général du Plan 17 ( * ) confirme globalement cette analyse, comme l'indique le graphique ci-après.

Le taux marginal de prélèvement effectif

Dans une étude 18 ( * ) réalisée pour l'observatoire de l'épargne européenne, dont un résumé figure en annexe du récent rapport du commissariat général du Plan sur la place des actions dans la patrimoine des ménages (2002) 19 ( * ) , MM. Thierry Laurent et Yannick L'Horty comparent les régimes d'imposition de l'épargne de douze Etats en recourant à la notion de taux marginal de prélèvement effectif .

Cette notion se définit comme le taux de prélèvement effectué sur les revenus réels de l'actif. Ainsi, elle prend en compte le fait que, les revenus imposés étant les revenus nominaux, selon les hypothèses d'un rendement nominal de 5 % et d'un taux d'inflation de 2 %, un taux d'imposition marginal de 60 % correspond à un taux marginal de prélèvement effectif de 100 % 20 ( * ) .

L'imposition des revenus des obligations dans certains Etats européens, selon le commissariat général du Plan (2001)

Taux marginal de prélèvement effectif , pour un revenu moyen

(en % du rendement réel )



Selon les hypothèses d'un rendement nominal avant imposition de 5 % et d'une inflation de 2 %.

(1) En Suède le taux dépasse 100 % du fait de l'importance des taxes locales.

Source : Commissariat général du Plan, La place des actions dans le patrimoine des ménages, mesure et comparaisons internationales (contribution de Th. Laurent et Y. L'Horty), décembre 2002

II. UNE FISCALITÉ FRANÇAISE PARTICULIÈREMENT LOURDE POUR LES REVENUS DES ACTIONS


A. UNE SITUATION AMBIGUË DANS LE CAS DE L'IMPOSITION DES DIVIDENDES

Les différentes études comparatives sur l'imposition des dividendes en Europe conduisent à des conclusions ambiguës dans le cas de la France.

1. Une imposition des dividendes particulièrement lourde pour les personnes imposées au taux supérieur de l'impôt sur le revenu, selon l'OFCE

Selon l'OFCE, qui considère des ménages imposés au taux supérieur de l'impôt sur le revenu, les dividendes seraient taxés en France de manière particulièrement lourde.

Selon l'OFCE, « la charge fiscale supportée par l'actionnaire dès lors que l'on considère l'IS comme un pré-paiement est relativement proche dans les divers pays. Elle varie entre 43 % et 53 % ».

Ainsi, « seule la France se distingue pour les contribuables dont le taux marginal est celui de la dernière tranche du barème par un taux d'imposition sur les dividendes de près de 63 %. »

Le graphique ci-après, élaboré à partir des données figurant dans le rapport de l'OFCE, synthétise les différentes modalités d'imposition des dividendes.

L'imposition des dividendes en Europe, selon l'OFCE (2001)


Taux marginal de prélèvement, au taux supérieur de l'impôt sur le revenu

(en %)

(1) Base d'imposition de 4 % de la valeur de marché des actifs (actions ou obligations), taux d'imposition de 30 %

(2) Sans tenir compte des systèmes d'abattements

(3) Participations non qualifiées

(4) 52,75 % + prélèvements sociaux de 10 %

Source : d'après les données figurant dans le rapport de l'OFCE


Dans le cas de la France, l'OFCE souligne les effets néfastes de la fiscalité sociale sur l'épargne.

Les effets néfastes de la fiscalité sociale sur l'épargne, selon l'OFCE

« Contrairement à l'impôt sur le revenu, la fiscalité sociale sur l'épargne connaît très peu de régimes dérogatoires puisque seules six catégories de produit d'épargne réglementée sont exonérées. Cette augmentation de la fiscalité sociale permet de réduire l'écart de taxation entre revenus d'épargne et revenus du travail, mais elle porte atteinte à la compétitivité des produits d'épargne français ».

2. Une analyse remise en cause par le commissariat général du Plan dans le cas des revenus moyens

Le rapport précité du commissariat général du Plan 21 ( * ) conduit cependant à nuancer cette analyse.

Sur la base on l'a vu du taux marginal de prélèvement effectif ( cf. page 116 du présent rapport) et d'hypothèses différentes de celles de l'OFCE 22 ( * ) , ce rapport suggère que l'imposition des dividendes en France serait proche de la moyenne constatée en Europe, comme l'indique le graphique ci-après.

L'imposition des dividendes dans certains Etats européens, selon le commissariat général du Plan (2001)

Taux marginal de prélèvement effectif , pour un revenu moyen

(% du rendement réel )



Selon les hypothèses d'un rendement nominal avant imposition de 5 % et d'une inflation de

2 %.

(1) Le fait qu'en Suède les taux dépassent 100 % provient de l'importance des taxes locales dans ce pays.

Source : Commissariat général du Plan, La place des actions dans le patrimoine des ménages, mesure et comparaisons internationales (contribution de Th. Laurent et Y. L'Horty), décembre 2002


Cette divergence provient du fait que le Plan suppose que la taxation se fait pour un revenu de niveau moyen , alors que l'OFCE l'envisage pour la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu. Elle permet de mettre en évidence le rôle essentiel des hypothèses retenues, quand il s'agit de comparer les prélèvements entre pays.

B. POUR L'IMPOSITION DES PLUS-VALUES, LA SITUATION DE LA FRANCE EST COMPARATIVEMENT DÉFAVORABLE, TANT PAR SA STRUCTURE QUE PAR SON TAUX

En ce qui concerne l'imposition des plus-values , il convient de considérer, outre le taux généralement pratiqué, sa structure générale et les choix économiques qui la sous-tendent.

La France est dans une situation comparativement défavorable, par son taux , mais aussi par sa structure.

Tout d'abord, parmi les pays étudiés par l'OFCE (qui il est vrai ne comprennent pas ici la Suède), elle a le taux de taxation des plus-values réalisées sur les participations non substantielles 23 ( * ) de long terme le plus élevé ( 26 % avec les prélèvements sociaux), comme l'indique le graphique ci-après.

La taxation des plus-values non substantielles de long terme en Europe (2001)

(en %)

Remarque : les données fournies par l'OFCE pour le Royaume-Uni ne permettent pas de calculer un taux d'imposition significatif, dans la mesure où ces plus-values sont soumises à l'impôt sur le revenu (dont le taux maximal est de 40 %), mais avec de nombreux abattements.

Source : d'après les données figurant dans le rapport de l'OFCE


Ensuite, la France est également dans une situation défavorable du fait de la structure de sa fiscalité des plus-values. De nombreux Etats distinguent différents types de plus-values, selon deux critères :

- le caractère spéculatif de la plus-value ;

- le montant de participation, les plus-values substantielles étant dans certains cas davantage taxées.

La France est l'un des rares Etats à appliquer un taux uniforme , comme l'indique le tableau ci-après, ce qui l'empêche d'orienter le marché des actions dans un sens qu'elle jugerait optimal. On peut rappeler à cet égard que, selon le sixième principe défini par le rapport Lambert de 1997, « la fiscalité de l'épargne doit prendre en compte la durée de l'engagement d'épargne ».

Les différentes logiques de taxation des plus-values en Europe (2001)

 

Plus-values de court terme (« spéculatives ») davantage taxées que les plus-values de long terme

Oui

Non

Plus forte taxation des plus-values portant sur des cessions de participations importantes

Oui

Allemagne*, Luxembourg*, Belgique* (1) (plus-values de long terme exonérées)

Pays-Bas, Italie

Non

Espagne, Royaume-Uni* (imposition décroissante en fonction de la durée de détention)

Suisse (exonération totale)

France (taux uniforme de 26 %) (2)

* Pays soumettant les plus-values au barème de l'impôt sur le revenu

Pays fiscalement le plus intéressant selon l'OFCE (phénomènes de fraude exceptés)

(1) En Belgique, choix entre IR et taux de 33 % pour les cessions d'opérations « spéculatives »

(2) Imposition au taux de 16 %, soit 26 % avec les prélèvements sociaux

Source : d'après les données figurant dans le rapport de l'OFCE


Sur la base on l'a vu du taux marginal de prélèvement effectif ( cf. page 116 du présent rapport) et d'hypothèses différentes de celles de l'OFCE de celles de l'OFCE 24 ( * ) , un récent rapport du commissariat général du Plan 25 ( * ) confirme globalement cette analyse 26 ( * ) , comme l'indique le graphique ci-après.

L'imposition des plus-values dans certains Etats européens, selon le commissariat général du Plan (2001)

Taux marginal de prélèvement effectif , pour un revenu moyen

(en % du rendement réel )

Plus-values de court terme



Plus-values de long terme

Selon les hypothèses d'un rendement nominal avant imposition de 5 % et d'une inflation de 2 %.

(la droite en pointillés correspond à l'égalité des taux d'imposition)

(1) Le fait qu'en Suède les taux dépassent 100 % provient de l'importance des taxes locales.

Source : Commissariat général du Plan, La place des actions dans le patrimoine des ménages, mesure et comparaisons internationales (contribution de Th. Laurent et Y. L'Horty), décembre 2002


Ainsi, selon l'OFCE, « la Suisse et les pays où la non déclaration permet la fraude sont les pays les plus favorables en ce qui concerne ce type d'imposition ». En revanche, la situation de la France est défavorable pour les plus-values réalisées sur les participations non substantielles de long terme.

L'imposition des plus-values selon la mission commune d'information du Sénat sur l'expatriation (2001) 27 ( * ) : prendre en compte l'érosion monétaire ?

« La mission estime qu'il importe de tenir compte de l'érosion monétaire qui affecte les titres des entreprises. En effet, le code général des impôts prévoit un abattement pour tenir compte de l'érosion monétaire en matière de vente d'un immeuble. Il convient d'élargir ce régime aux ventes de titres mobiliers. »

Ce point de vue est également celui de l'OFCE, qui estime que, d'une manière générale, l'imposition des revenus de l'épargne devrait porter sur le revenu réel et non sur le revenu nominal. En effet, un taux d'inflation élevé peut rendre un taux libératoire excessif : « avec un taux d'inflation de 6 % et un taux d'intérêt nominal de 9 %, un prélèvement de 25 % correspond à un taux d'imposition de 75 % ».

III. LA FRANCE FAIT PARTIE DES PAYS OÙ LES REVENUS D'INTÉRÊT SONT LES PLUS PRIVILÉGIÉS PAR RAPPORT AUX REVENUS DES ACTIONS

Si dans la plupart des pays de l'Union européenne les revenus d'intérêt sont moins taxés que les revenus des actions, cela est particulièrement net en France.

A. L'ÉTAT DES LIEUX

Comme le résume l'OFCE, « se sont développées dans tous les pays de l'UE des formules de taxation privilégiées des revenus d'intérêt, à des taux libératoires, inférieurs pour la quasi-totalité des épargnants à leur taux d'imposition à l'impôt sur le revenu. Par contre, les dividendes sont souvent taxés à l'IR, avec restitution de l'IS versé par une formule d'avoir fiscal. Les plus-values, qui représentent théoriquement la contrepartie des profits non distribués, supportent généralement le seul taux de l'IS ; elles sont parfois aussi taxées spécifiquement. Au total, la taxation des revenus des actions est généralement nettement plus forte que celle des revenus d'intérêt, alors même que les pays européens souhaitaient développer l'épargne à risque ».

Cet écart est « particulièrement important en France », comme le graphique ci-après permet de le mettre en évidence.

L'imposition des dividendes et des intérêts sur les obligations d'Etat
dans certains Etats européens, selon l'OFCE (2001)


Taux marginal de prélèvement, au taux supérieur de l'impôt sur le revenu

(en %)

Taux d'imposition
des dividendes

Taux d'imposition des intérêts
sur obligations d'Etat

En cas d'imposition à l'IR, on suppose que celle-ci se fait au taux maximal

(la droite en pointillés correspond à l'égalité des taux d'imposition)

(1) Sans tenir compte du système d'abattements

Source : d'après les données figurant dans le rapport de l'OFCE


Le rapport précité du commissariat général du Plan 28 ( * ) , qui repose sur la notion de taux marginal de prélèvement effectif (cf. page 116 du présent rapport), confirme globalement cette analyse, comme l'indique le graphique ci-après. Selon ce rapport, la France se situe parmi les pays qui surtaxent le plus les revenus des dividendes par rapport à ceux des obligations (bien moins cependant que les Etats-Unis).

L'imposition des dividendes et des intérêts sur les obligations d'Etat
dans certains Etats européens, selon le commissariat général du Plan (2001)


Taux marginal de prélèvement effectif , pour un revenu moyen

(en % du rendement réel )

Taux marginal effectif de
prélèvement des dividendes

Taux marginal effectif de
prélèvement des obligations

Selon les hypothèses d'un rendement nominal avant imposition de 5 % et d'une inflation de 2 %.

(la droite en pointillés correspond à l'égalité des taux d'imposition)

(1) Le fait qu'en Suède les taux dépassent 100 % provient de l'importance des taxes locales.

Source : Commissariat général du Plan, La place des actions dans le patrimoine des ménages, mesure et comparaisons internationales (contribution de Th. Laurent et Y. L'Horty), décembre 2002


Comme le graphique ci-avant le montre dans le cas du Danemark, la surtaxation des revenus des actions par rapport à ceux des obligations n'est pas inévitable. Ainsi, l'OFCE indique que « les pays nordiques et la Grèce ont évolué vers une imposition plus neutre des revenus du capital mobilier. Ces pays appliquent ce que l'on appelle le système dual : les dividendes, les intérêts et les plus-values sont imposés à un taux unique, les revenus du travail étant imposés selon un barème progressif. La Finlande par exemple accorde un avoir fiscal qui supprime totalement la double imposition et impose au même taux les profits des sociétés et les revenus du capital (29 %). Les Pays-Bas ont opté pour une imposition sur la richesse 29 ( * ) . La Grèce exonère totalement les dividendes au niveau de l'actionnaire et impose un taux unique sur des deux formes de profit (distribué ou non) de 35 % au niveau de la firme. »

La fiscalité des revenus financiers a donc, dans la plupart des pays européens, des effets pervers, en infléchissant la structure de détention de l'épargne dans un sens économiquement non optimal. Ainsi, les entreprises sont incitées à se financer par la dette plutôt que par l'émission d'actions. La France est, avec l'Italie, le pays où ce déséquilibre de l'épargne des ménages est le plus marqué, comme le montre le graphique ci-après.

Affectation de l'épargne des ménages en 1999

Source : OFCE (V. Oheix, B. Séjourné « Les portefeuilles des ménages européens : des choix initiaux à l'affectation finale », Revue d'économie financière, n° 64)

B. INSTAURER UN PRÉLÈVEMENT LIBÉRATOIRE À TAUX UNIQUE ?

La structure inappropriée de l'épargne française a été critiquée par notre collègue Alain Lambert, dans son rapport d'information précité (1997) 30 ( * ) .

Fiscalité et structure de l'épargne en France, selon le rapport Lambert de 1997

1. Un modèle franco-allemand japonais

« [La structure de l'épargne financière française] correspond à un modèle de comportement des placements des ménages caractéristique du "modèle franco-allemand-japonais", dans lequel les ménages détiennent directement très peu d'actions et d'obligations et partagent essentiellement leurs richesses entre liquidités (bancaires) et assurance-vie, celle-ci détenant surtout des obligations. Ce modèle s'oppose au modèle anglo-saxon, dans lequel les ménages ont assez peu de liquidités et peu d'obligations ; ils détiennent directement de gros portefeuilles d'actions, et une partie considérable de leur patrimoine dans les assurance-vie et les fonds de pension ; ces derniers investissent essentiellement en actions ».

2. La nécessité de la neutralité fiscale et de la prise en compte de la durée de l'engagement d'épargne

« Une fiscalité cohérente de l'épargne doit normalement, s'assigner deux principes directeurs : la neutralité et la prise en compte de la durée de l'engagement d'épargne.

« La théorie économique enseigne (...) que la neutralité de la fiscalité conditionne l'allocation optimale du capital en fonction des rendements déterminés par les marchés, ces derniers prenant en compte les différences de risque et de liquidité qui existent entre les différents types de rendement. L'objectif de neutralité devrait donc conduire, d'une part, à viser un traitement identique pour des mêmes classes d'actifs (les titres de taux, les titres de capital, les liquidités...) et, d'autre part, à ne pas perturber l'apparition d'une hiérarchie normale des rendements, notamment en fonction du niveau de risque assumé par l'épargnant.

« L'épargne stable, c'est à dire celle qui accepte de s'engager ex ante pour une durée de moyen et long terme, permet aux entreprises de constituer des fonds propres les mettant à l'abri des fluctuations économiques et à l'État de disposer d'un marché liquide et profond sur lequel s'appuyer pour financer ses déficits. En regard, l'utilité économique de l'épargne liquide est moindre puisqu'elle ne permet pas le financement de crédits à l'économie, sauf à ce que le système bancaire soit en mesure d'exercer pleinement sa fonction de transformation des dépôts en crédits à long terme. Dans le système français cette utilité est encore amoindrie du fait de la gestion administrée des taux d'intérêt des livrets défiscalisés qui, lorsqu'ils se situent à un taux supérieur à celui du marché de l'argent à court terme, renchérissent le financement des secteurs auxquels ils sont pourtant censés bénéficier ».

Source : Alain Lambert, rapport d'information du Sénat n°82 sur la fiscalité de l'épargne (1997-1998)

La neutralité fiscale et la prise en compte de la durée de l'engagement d'épargne constituent deux des sept principes constituant la doctrine de la commission des finances du Sénat en matière d'épargne, telle qu'elle a été définie par le rapport Lambert 31 ( * ) .

Dans ces conditions, l'instauration pour tous les revenus de l'épargne d'un prélèvement libératoire à taux unique , inférieur à celui de l'impôt sur le revenu, mérite d'être envisagée. Cette éventualité est brièvement évoquée par l'OFCE dans son rapport.

Les autres inconvénients de la fiscalité de l'épargne en Europe, selon l'OFCE

I. Les problèmes de coordination entre Etats européens

La diversité de la fiscalité des revenus du capital en Europe peut inciter certains contribuables à déterminer les pays dans lesquels ils investissent en fonction de considérations fiscales.

1. Le secret bancaire (qui concerne surtout les revenus d'intérêts) : un problème en voie de résolution ?

Tout d'abord, la majorité des pays de l'UE pratiquent le secret bancaire 32 ( * ) , ce qui permet à certains contribuables de frauder afin de ne pas acquitter l'impôt dans leur pays de résidence.

Ce système bénéficie surtout aux revenus d'intérêt , qui sont exonérés pour les non résidents (alors que les dividendes sont soumis à un prélèvement à la source). Selon l'OFCE, « de fait, un épargnant français qui achète des obligations en Allemagne ou en Belgique et qui ne les déclare pas à l'administration fiscale française est totalement exonéré sur ces revenus ».

Cette situation a été dénoncée en 1997 par notre collègue Alain Lambert 33 ( * ) .

En 1998, la commission européenne a proposé de mettre en place un « régime de coexistence », les Etats membres pouvant choisir entre l'application d'une retenue à la source sur les revenus des non résidents ou l'adhésion à un système d'échange d'information avec les administrations fiscales des pays de l'Union européenne. L'objectif à terme est que tous les Etats adoptent la solution de l'échange d'informations. Au conseil européen de Feira (juin 2000), les Etats membres se sont engagés à adopter avant fin de 2002 une directive mettant en oeuvre ces dispositions.

Après la conclusion d'un accord avec la Suisse, le conseil « Ecofin » a adopté , le 3 juin 2003, une directive qui prévoit d'instaurer un échange d'informations à partir du 1er janvier 2005 pour 12 des 15 pays de l'Union européenne 34 ( * ) .

2. Le problème de la double imposition (dans le cas des dividendes)

En outre, dans le cas des dividendes, un contribuable s'acquittant de ses impôts dans son pays de résidence peut être doublement imposé : une première fois dans le pays où il a réalisé son investissement, une seconde fois dans son pays de résidence.

La fraude fiscale tend à réduire ce phénomène. L'OFCE cite à cet égard le cas d'un épargnant français qui disposerait d'actions au Luxembourg 35 ( * ) .

En l'absence de fraude, les Etats s'efforcent de réduire la double imposition grâce à des conventions . Cependant, comme la France, l'Espagne et l'Italie sont les seuls pays à rembourser l'avoir fiscal , dans la plupart des cas « l'impôt effectivement remboursé est au mieux le taux de retenue à la source ».

L'OFCE estime que « seule la généralisation du système de l'avoir fiscal aux résidents et aux non résidents pour l'ensemble des pays de l'UE peut permettre une application totale du principe de résidence et supprimer les inefficacités (traitements différentiés des investissements selon leur origine) générés par l'hétérogénéité des systèmes actuels ».

II. Taxer les plus-values latentes ?

L'OFCE estime enfin que la taxation des plus-values devrait concerner les plus-values latentes , et non seulement les plus-values réalisées.

Il faut néanmoins souligner à cet égard que la taxation des plus-values latentes pourrait être contraire au droit communautaire quand elle s'applique aux sorties de capitaux. Ainsi, le décret d'application de l' « exit tax », ou « herse fiscale », mise en place en France en 1998 pour décourager le transfert à l'étranger du patrimoine de contribuables voulant échapper à l'impôt de solidarité sur la fortune, pourrait être annulée pour excès de pouvoir par le Conseil d'Etat 36 ( * ) .

CHAPITRE VII :

LES RÉFORMES DE LA FISCALITÉ LOCALE EN EUROPE

Les collectivités locales européennes ont un poids financier et une autonomie financière très variables d'un pays à l'autre. Après la forte opposition suscitée en 1990 par l'instauration au Royaume-Uni de la Community charge (dite Poll tax ) 37 ( * ) , aucune réforme d'envergure de la fiscalité locale n'a été réalisée, même si des réformes significatives ont eu lieu dans certains pays, en particulier en Italie, en France et en Espagne.

I. DES FISCALITÉS LOCALES TRÈS DIFFÉRENTES D'UN PAYS À L'AUTRE


A. DES COLLECTIVITÉS LOCALES D'IMPORTANCE ET D'AUTONOMIE FINANCIÈRE VARIABLES

Le poids et l'autonomie fiscale des collectivités locales varient fortement en Europe, comme l'indique le graphique ci-après.

Poids et autonomie fiscale des collectivités locales en Europe
(en %)

Autonomie fiscale
(recettes fiscales propres locales/
recettes locales totales)
(1999)

Poids financier
(dépenses publiques locales/PIB)
(2000)

Remarques :

- Dans les Etats fédéraux - Allemagne, Belgique, Autriche -, Dexia ne classe pas les Etats fédérés parmi les collectivités locales.

- Sont ici considérés comme recettes fiscales propres les impôts locaux et les taxes locales votées additionnellement à un impôt national, mais pas les impôts répartis entre collectivités sans que celles-ci puissent en fixer le taux.

Source : Dexia, Les finances locales dans les quinze pays de l'Union européenne, 2002


En règle générale, plus le poids des collectivités locales est important, plus leur autonomie fiscale l'est également, comme l'indique le graphique ci-avant. Cette règle doit cependant être fortement nuancée, dans la mesure où la corrélation est nulle si l'on ne prend pas en compte les pays scandinaves.

On peut, schématiquement, distinguer trois groupes de pays 38 ( * ) .

1. Le modèle « européen » : des collectivités locales au faible poids financier et à faible autonomie fiscale

La plupart des Etats européens - situés dans l'ellipse en bas à gauche du graphique - ont des collectivités locales peu autonomes fiscalement et au faible poids financier.

Ainsi, le taux d'autonomie fiscale des collectivité locales varie d'environ 8 % des recettes pour les Pays-Bas à 27 % pour l'Espagne, et le poids financier de 2,2 % du PIB pour la Grèce à 15,2 % pour les Pays-Bas.

L'Allemagne appartient à ce groupe, si l'on considère que les Länder , en tant qu'Etats fédérés, ne sont pas des collectivités locales. Les dépenses des Länder ont été de 13,8 points de PIB en 2000. Il convient cependant de souligner que leur autonomie fiscale est très faible, ceux-ci n'ayant pas de possibilité de fixer les taux des impôts qu'ils perçoivent.

2. Les pays d'Europe du nord : des collectivités locales au fort poids financier et à forte autonomie fiscale

Les pays scandinaves - situés dans l'ellipse en haut à droite du graphique - ont des collectivités locales à la fois très autonomes fiscalement (avec une autonomie fiscale de 50 % pour le Danemark et 57 % pour la Suède) et au poids financier important (respectivement 30,6 % et 23,9 % du PIB pour ces deux pays).

Comme l'indique l'OFCE, cette double caractéristique des collectivités locales scandinaves s'explique « essentiellement parce qu'elles ont, dans ces pays, la charge de l'éducation, y compris la rémunération des enseignants, et, dans certains cas, de la santé ».

3. Le « modèle français » : des collectivités locales au faible poids financier et à forte autonomie fiscale

La France, la Belgique et le Luxembourg - situés dans l'ellipse en haut à gauche du graphique - se caractérisent à la fois par un faible poids financier des collectivités locales (de 5,7 % du PIB pour le Luxembourg à 9,8% du PIB pour la France), et par une forte autonomie fiscale des collectivités locales (de 32 % des recettes dans le cas du Luxembourg à 57 % dans celui de la France).

La forte autonomie fiscale des collectivités territoriales françaises a récemment acquis une valeur constitutionnelle. En effet, depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, le nouvel article 72-2 de la constitution prévoit que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources ».

Il faut néanmoins souligner à cet égard que, comme l'indique le tableau ci-après, le taux d'autonomie fiscale des collectivités territoriales en France a eu tendance à se réduire ces dernières années, suscitant une rigidité accrue des budgets et une pénalisation des collectivités territoriales disposant d'une économie dynamique.

 

Taux d'autonomie fiscale* des collectivités territoriales en France

 
 
 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

 
 
 
 
 
 
 
 

Communes

49,3%

49,9%

48,5%

46,1%

42,5%

nd

 
 
 
 
 
 
 

Départements

58,0%

59,6%

56,5%

55,9%

52,3%

51,3% (1)

 
 
 
 
 
 
 

Régions

57,8%

57,6%

48,7%

50,2%

41,7%

37,3% (1)

 

nd : non disponible

(1) estimation à partir des budgets primitifs

* Le taux d'autonomie fiscale est calculé comme la part des recettes fiscales (hors compensations) dans les recettes totales hors emprunts.

 

Source : direction générale des collectivités locales

Par ailleurs, si l'on prend en considération la faculté de fixation de l'assiette des impôts locaux, jusqu'à la révision constitutionnelle précitée, l'autonomie fiscale des régions françaises était moindre que celles de plusieurs de leurs homologues européennes, comme l'indique le tableau ci-après.

Source : Nicolas Painvin, in Jean Arthuis, Fiscalité locale : quelles pistes pour la réforme ?, rapport d'information du Sénat n°289 (2002-2003)

L'autonomie fiscale des régions en Europe, selon Fitch Ratings

La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 placera donc les régions françaises au même niveau que leurs homologues italiennes et espagnoles. En effet, selon l'article 72-2 de la Constitution, la loi peut désormais autoriser les collectivités territoriales à « fixer l'assiette et le taux » des impositions de toutes natures, « dans les limites qu'elle détermine ».

La fiscalité propre est le mode de financement qui assure aux collectivités locales la plus grande autonomie, comme l'indique le tableau ci-après.

Comparaison des différents modes de financement des collectivités territoriales :
synthèse des jugements exprimés par les personnalités auditionnées par la commission des finances à l'automne 2002

Mode de financement

Exemples européens

Principaux avantages

Inconvénients

Dotations

 

Prévisibilité

Tendance à l'augmentation

Partage d'un impôt d'Etat

Allemagne, Royaume-Uni

Simplicité de la répartition, faibles coûts de gestion, absence de cercle vicieux entre taux élevés et sous-développement économique

Absence de véritable responsabilité fiscale locale, conduisant à une faible légitimité politique

Forte dépendance au cycle économique

Faible incitation à la coopération intercommunale

Fiscalité propre

France

Responsabilisation des collectivités territoriales

Maîtrise de la dépense publique

Possibilité de prise de risque raisonnée, notamment dans le développement territorial ou économique

Ressource gérée avec plus d'efficacité

Possibilité de faire face à un retournement de conjoncture

Risque de cercle vicieux entre taux élevés et sous-développement économique

Nécessité d'une péréquation importante, jugée faible en France

Source : Jean Arthuis, Fiscalité locale : quelles pistes pour la réforme ?, rapport d'information du Sénat n°289 (2002-2003)

B. DES ASSIETTES VARIABLES

A l'occasion de son audition par votre commission des finances à l'automne 2002, M. Hansjörg Blöchliger, administrateur principal à l'OCDE, a communiqué des évaluations de la part des différents types d'impôt dans les recettes fiscales des collectivités locales.

Ces informations sont synthétisées, dans le cas des pays européens, par le graphique ci-après.

La part des différents types d'impôts locaux dans les recettes fiscales des collectivités locales


Source : OCDE

1. Les taxes foncières, un impôt important en Europe latine et exclusif dans les îles britanniques

Tous les pays européens disposent de taxes foncières, sauf la Suède et la Grèce. Cependant celles-ci ne représentent une part importante des recettes fiscales des collectivités locales que dans certains pays : Europe latine (de 22 % pour l'Espagne à 52 % pour la France), Pays-Bas (63 %) et, surtout, Royaume-Uni et Irlande (100 %).

Selon l'OFCE, « en dehors du Royaume-Uni qui recourt à la valeur vénale, la plupart s'appuient sur une valeur locative, dont les révisions sont, presque toujours, coûteuses, donc peu fréquentes ».

Le Royaume-Uni a abandonné toute imposition locale des entreprises (tant en ce qui concerne les impôts fonciers qu'en ce qui concerne l'imposition de l'activité économique), afin de garantir la neutralité de la fiscalité sur l'implantation des entreprises. En revanche, en Irlande l'imposition foncière des entreprises est la principale ressource fiscale des collectivités locales.

2. Les impôts sur les revenus et les bénéfices, presque exclusifs dans les pays scandinaves

La part des impôts sur les revenus et les bénéfices dans les recettes fiscales locales est particulièrement importante en Suède (100 %) et dans les autres pays de la péninsule scandinave (entre 91 % et 96 %).

Certains Etats imposent les revenus des personnes physiques. Selon l'OFCE, tel est le cas de sept pays européens : l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, le Portugal et la Suède.

3. Autres types d'impôts locaux

La part des impôts indirects est particulièrement élevée dans les pays d'Europe latine (de 11 % pour la France à 35 % pour l'Espagne), en Allemagne, en Autriche, en Belgique et dans les Pays-Bas (de 34 % à 38 %), ainsi qu'en Grèce, seul pays où ces impôts représentent une part majoritaire des recettes fiscales des collectivités locales (51 %), le reste provenant d'impôts sur les salaires.

II. LES RÉFORMES DE LA FISCALITÉ LOCALE EN EUROPE


A. UNE TENDANCE EN TROMPE-L'oeIL À LA RÉDUCTION DU POIDS FINANCIER DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES


1. Une tendance générale à la réduction du poids financier des collectivités territoriales

Comme l'indique le graphique ci-après, la part des dépenses publiques locales dans le PIB a eu tendance à se réduire au cours des années récentes dans la plupart des pays européens, à l'exception de l'Irlande, de l'Espagne, du Portugal et, de manière moins importante, de la France.

L'évolution du poids financier des collectivités locales en Europe de 1994 à 2000
(dépenses publiques locales/PIB, évolution en points)

N.B. Dans les Etats fédéraux - Allemagne, Autriche, Belgique -, ces chiffres prennent en compte les Etats fédérés.

Source : rapport de l'OFCE (Dexia, 1997, 2002)

2. Les pays où le poids financier des collectivités locales est faible ont connu une évolution inverse

Les données fournies par l'OFCE suggèrent que les différences d'évolution s'expliquent en partie par celles du poids financier des collectivités locales, comme l'indique le graphique ci-après.

Le poids financier des collectivités territoriales en 1994 et son évolution de 1994 à 2000
(poids financier : dépenses publiques locales/PIB, en %)

Evolution en points,
1994-2000

Poids financier, 1994

N.B. Ces chiffres prennent en compte les Etats fédérés (Allemagne, Autriche, Belgique).

Source : d'après le rapport de l'OFCE (Dexia, 1997, 2002)


Ainsi, les pays où le poids financier des collectivités locales était le plus élevé en 1994 (Finlande, Suède, Danemark) l'ont depuis réduit.

Inversement, ceux où il était le plus faible (comme la France) l'ont, en règle générale, augmenté depuis. Il existe néanmoins quelques exceptions puisque le Royaume-Uni et, surtout, le Luxembourg, ont réduit le poids financier de leurs collectivités locales alors que celui-ci était déjà parmi les plus faibles en 1994.

L' « acte II » de la décentralisation actuellement en cours en France correspond donc à la tendance européenne , les pays où le poids des collectivités locales est faible s'efforçant d'accroître celui-ci, afin de permettre une administration plus proche des citoyens.

B. L'ABSENCE DE RÉFORME FISCALE D'ENVERGURE

En revanche, aucune réforme fiscale d'envergure n'a été réalisée dans les années 1990.

1. La fiscalité locale des personnes physiques

Tel est tout d'abord le cas en matière de fiscalité locale des personnes physiques.

Comme le rappelle l'OFCE, « le seul bouleversement d'envergure -- l'introduction, au Royaume-Uni, de la Poll tax, ou Community charge, impôt forfaitaire local sur toutes les personnes physiques majeures, par le gouvernement Thatcher en 1990 --, s'était révélé suffisamment désastreux sur le plan politique pour calmer les ardeurs des plus fervents réformateurs ».

On peut également rappeler qu'en France une loi votée en 1990 par l'Assemblée nationale se proposait de remplacer la part départementale de la taxe d'habitation par une taxe départementale sur le revenu des personnes sur le mode des centimes additionnels à l'impôt sur le revenu des personnes physiques.

Plusieurs réformes significatives méritent cependant d'être évoquées :

- en France, l'allégement des impôts locaux sur les ménages (1999-2001), avec notamment la réduction de la taxe d'habitation ;

- en Espagne, la cession aux communautés autonomes (qui, désormais, assurent le financement des dépenses de santé) d'une part plus importante d'impôts nationaux (impôt sur le revenu, TVA) et l'instauration pour elles de la possibilité de créer leurs propres taxes, et par conséquent d'en fixer l'assiette et le taux (cf. encadré ci-après).

La réforme de la fiscalité locale en Espagne, selon Fitch Ratings

« Les évolutions en matière de fiscalité locale qui sont intervenues en Espagne ont été marquées par 4 étapes principales.

1982-1987 : Les communautés autonomes participent aux recettes de l'Etat ( Participaciones en Ingressos del Estado , PIE) en fonction du coût effectif des compétences décentralisées.

1987-1995 : La PIE est révisée et évolue vers une répartition selon des critères objectifs (démographie, effort fiscal régional). Par ailleurs, en 1992, les communautés obtiennent une part de 15% de l'IRPP collecté sur leur territoire.

1996-2001 : A partir de 1997 et progressivement jusqu'à 2001, les régions reçoivent une tranche supplémentaire de 15% de l'IRPP (avec autonomie sur le taux national de +/- 20%). L'impôt sur les jeux leur est par ailleurs confié.

A partir de 2002 : Le cadre réglementaire applicable aux communautés autonomes est régulièrement renégocié et a été renouvelé le 27 juillet 2001 (modifications applicables en janvier 2002). Les nouveaux accords se traduisent globalement par un accroissement de l'autonomie fiscale des communautés en prévoyant :

- une hausse de la responsabilité fiscale régionale : les recettes des collectivités locales vont devenir plus dépendantes des taxes locales. Les régions recevront désormais :

- 33% du produit de l'impôt sur le revenu.

- 35% des recettes de TVA.

- 40% des taxes sur les carburants, le tabac et l'alcool ainsi que la totalité de l'impôt sur le patrimoine et de la taxe sur les immatriculations automobiles.

Les communautés autonomes disposent par ailleurs de la faculté de créer leurs propres taxes et par conséquent d'en déterminer l'assiette et d'en fixer le taux. A titre d'exemple, l'Estrémadure a créé un impôt sur les dépôts bancaires. La Catalogne a créé un impôt sur les grandes surfaces et les Baléares envisagent la création d'une taxe de séjour.

La modification de la structure des recettes de la plupart des régions espagnoles : en juillet 2001, les impôts représentent environ 29% des recettes courantes des régions espagnoles et cette part doit croître à hauteur de 50% à partir de 2002.

Les régions qui sont le plus susceptibles de bénéficier de cette autonomie fiscale accrue sont celles qui disposent de bases fiscales dynamiques et importantes.

Selon Fitch, le système actuel présente les faiblesses suivantes :

- L'autonomie sur les taux des impôts d'état est faible bien que les communautés puissent jouer sur les abattements et les dégrèvements (ex: enfants à charge).

- La volatilité des impôts de flux pèsera sur les communautés. En effet, l'IRPP est fortement lié au cycle économique et la part des impôts indirects (sans autonomie) augmente.

- Le remplacement des anciennes dotations par la quote-part d'impôts d'état est calculé sur la seule base de 1999. On a mesuré le produit (pro forma) des 33% de l'IRPP et des 35% de TVA sur l'assiette de 1999; soit X ce produit. On a compensé la différence entre X et les dotations supprimées (base 1999) par une dotation nouvelle. Le risque est que si 1999 était une année faste pour la fiscalité, on minore la dotation de remplacement versée dorénavant. Enfin, la collecte des impôts d'état reste centralisée. »

Source : Nicolas Painvin (directeur du département Finances publiques de l'Agence Fitch Rating)s, in Jean Arthuis, Fiscalité locale : quelles pistes pour la réforme ?, rapport d'information du Sénat n°289 (2002-2003)

2. L'imposition locale des entreprises

De même, dans le cas de l'imposition locale des entreprises, plusieurs réformes méritent d'être évoquées :

- en Allemagne, la « taxe professionnelle », précédemment assise sur les immobilisations et la masse salariale, à l'instar de la taxe professionnelle française, repose désormais sur les bénéfices ;

- en Italie, depuis 1998 les régions reçoivent les recettes d'une taxe additionnelle à l'impôt sur le revenu, ainsi que l'IRAP (impôt sur le revenu des activités productives), qui repose sur la valeur ajoutée (cf. encadré ci-après).

La réforme de la fiscalité locale en Italie, selon Fitch Ratings

« Jusqu'en 1997, 85% des revenus des régions italiennes étaient constitués de transferts. A partir de 1998, cette proportion a commencé à décroître rapidement au profit des impôts dont la part dans les recettes totales est brusquement passée de 12% à 45% ! Ce développement de la fiscalité locale est la conséquence directe des lois « Bassanini » et la loi sur le fédéralisme fiscal en 2000, qui ont introduit des changements fiscaux majeurs pour les régions à statut ordinaire.

Ces lois ont en effet créé, au profit des régions, une taxe additionnelle à l'impôt sur le revenu (IRPEF : Imposta sul Reditto delle Persone Fisiche ) composée d'un taux fixe (0,9% en 2000) et d'un taux variable (dans la limite de 0,5% supplémentaire). Les régions à statut ordinaire ont vu également leur part dans la taxe sur les carburants augmenter et bénéficient de la possibilité d'augmenter de 10% le tarif national de la taxe sur l'équivalent de la carte grise.

Les régions reçoivent par ailleurs un impôt régional sur l'activité productive (IRAP : Imposta Regionale sulle Attività Produttive ) qui a été créé en 1998. Son assiette est constituée de la valeur ajoutée nette hors amortissement (salaires, charges financières et profits) sur les entreprises, les commerces, les entreprises agricoles, les professions libérales, l'Etat et les collectivités publiques. En 2001, les régions avaient la possibilité d'augmenter le taux normal, fixé à 4,25%, dans la limite de 1% (soit un taux maximum de 5,25% ) En 2001, le produit de l'IRAP était au total de EUR 25,6 milliards soit environ un tiers des recettes réelles de fonctionnement des régions. Celles-ci disposent par ailleurs de la faculté de fixer des taux d'imposition différenciés selon les catégories d'entreprises. A titre d'exemple, le Latium a choisi d'imposer plus lourdement les grandes entreprises du secteur chimique.

Ce mouvement s'est poursuivi en 2001 avec la loi Amato qui a eu pour effet d'accroître les pouvoirs fiscaux des régions, notamment celui de créer et de percevoir leurs propres taxes. Cette loi a ouvert la voie à une révision de la Constitution, confirmée par referendum le 7 octobre 2001. Selon cette loi, les régions participent dès lors au partage du produit fiscal perçu sur leur territoire (pour l'instant à travers la TVA dont 38,5% va aux régions et qui a remplacé en 2001 les transferts de l'état en matière de santé). Avec la TVA, le gouvernement central institue un fonds de péréquation pour les régions les plus démunies (l'effet péréquatif est total en 2001 puis dégressif, jusqu'à disparaître en 2013). Par ailleurs, la Commission Régionale de Contrôle et le Commissaire, instances nommées par le Premier ministre pour contrôler les activités des régions, sont supprimées.

Aujourd'hui certaines incertitudes demeurent quant à l'application de ces nouvelles règles. En effet, s'il semble que les régions aient le droit d'augmenter sans limite la surtaxe sur le revenu des personnes physiques, cette question ne fait pas l'unanimité. Par ailleurs, le gouvernement Berlusconi, inquiet du non-respect de la promesse électorale de baisse des impôts (l'état diminue ses impôts mais les régions les augmentent) veut «congeler» l'autonomie financière des régions. Enfin, la Constitution ne détermine et ne garantit pas les ressources des régions, qui sont déterminées par la Loi de Finances. L'Etat dispose donc en la matière d'un pouvoir discrétionnaire (les régions ordinaires ne sont pas représentées en tant que telles au Parlement ou auprès du gouvernement).

En résumé, les régions italiennes ont réalisé un véritable « bond en avant » en termes d'autonomie fiscale et financière en passant d'un financement par le biais de transferts à un financement majoritairement fiscal assorti de la possibilité d'augmenter les taux et, depuis 2001, de créer leurs propres taxes. La principale limite à l'autonomie financière régionale qui tenait jusqu'en 2001 à l'absence d'une véritable liberté en matière de dépenses -- très largement affectées au secteur de la santé -- a désormais disparu. Mais les conditions d'acquisition de l'autonomie sont loin d'être idéales car elles n'ont pas été suffisamment programmées. Le transfert des compétences dans un premier temps puis, dans un deuxième temps, des ressources a fait apparaître des déséquilibres plus ou moins persistants. Enfin, l'autonomie fiscale est obérée par une certaine « incertitude du droit » illustrée par la surtaxe IRPEF qui n'a pas été clairement interprétée et qui risque aujourd'hui d'être « congelée » par l'Etat. Il est également question d'abolir l'IRAP, jugé contre-productif économiquement ; or l'IRAP est la principale ressource offrant une autonomie. »

Source : Nicolas Painvin (directeur du département Finances publiques de l'Agence Fitch Rating)s, in Jean Arthuis, Fiscalité locale : quelles pistes pour la réforme ?, rapport d'information du Sénat n°289 (2002-2003)

Comme le souligne l'OFCE, si ces assiettes (bénéfices ou valeur ajoutée) apparaissent économiquement mieux fondées, elles présentent cependant deux inconvénients : elles sont plus difficilement localisables, et leurs recettes sont plus sensibles à la conjoncture.

EXAMEN DU RAPPORT PAR LA COMMISSION DES FINANCES ET LA DÉLÉGATION POUR LA PLANIFICATION

A l'occasion d'une réunion commune, la commission et la délégation pour la planification ont entendu une communication de M. Joël Bourdin, président de la délégation pour la planification , et de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances , sur les réformes fiscales intervenues dans les Etats européens au cours des années 90.

M. Jean Arthuis, président
, a souligné que, pour la première fois, la commission des finances et la délégation pour la planification se réunissaient de manière conjointe. Il a précisé que la commission des finances avait déjà publié deux rapports d'information sur la fiscalité en Europe, respectivement en 1990 et en 1999, s'appuyant chacun sur une étude de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Il a ajouté que la présente étude, sur les réformes fiscales intervenues dans les Etats européens au cours des années 90, que l'OFCE venait de remettre à la commission et à la délégation pour la planification, était donc la troisième réalisée sur ce thème pour le Sénat, et s'est félicité de la qualité de cette collaboration.

A titre liminaire, après avoir souligné l'imprécision de la notion de prélèvements obligatoires, M. Joël Bourdin, président de la délégation pour la planification, a indiqué que ce taux s'était accru, en Europe, de 1,8 point de PIB, seuls, deux Etats - l'Irlande et les Pays-Bas - l'ayant diminué. Il a estimé que ce phénomène provenait du fait que certains Etats du sud de l'Europe, en retard de développement, avaient considérablement augmenté leur pression fiscale, et que les Etats européens avaient dû réduire leurs déficits publics afin de satisfaire aux critères de convergence fixés par le traité sur l'Union européenne. Il a ajouté que la France était, avec la Belgique, l'Etat dont le taux de prélèvements obligatoires était le plus élevé, à l'exception des Etats scandinaves.

M. Joël Bourdin, président de la délégation pour la planification, a également considéré qu'aucun Etat européen n'avait réalisé de réforme importante de sa fiscalité, si l'on définissait l'expression « réforme » comme recouvrant un ensemble de mesures destinées à modifier sensiblement soit le niveau, soit l'architecture des prélèvements obligatoires, dans le cadre de la poursuite d'objectifs clairement énoncés.

Il a ajouté qu'un paradoxe était que l'augmentation du poids des prélèvements obligatoires dans le PIB des Etats de l'Union européenne s'était accompagnée d'une diminution des taux légaux de prélèvement, aussi bien dans le cas de l'impôt sur les sociétés que dans ceux de l'impôt sur le revenu, voire de la taxe sur la valeur ajoutée, qui n'entrait pas dans le champ de l'étude. Il a estimé que ce phénomène provenait, d'une part, de la structure de la croissance économique, et, d'autre part, de l'élargissement des bases d'imposition.

Enfin, M. Joël Bourdin, président de la délégation pour la planification , a estimé que les réductions de cotisations sociales avaient, en France, pour objectif, moins de réduire le coût du travail que de compenser la hausse de celui-ci, suscitée par la réduction du temps de travail et les augmentations du SMIC.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que la « globalisation » de l'économie rendait d'autant plus nécessaire pour la France de pouvoir faire face, dans des conditions favorables, à la concurrence fiscale de ses partenaires. Il a jugé que le « benchmarking », ou « étalonnage », réalisé par l'OFCE, suggérait que la situation n'était pas favorable à la France, que l'on considère le taux de prélèvements obligatoires, la fiscalité du revenu, celle de l'épargne, celle des entreprises ou celle du travail.

Il a indiqué que la France avait l'une des fiscalités les plus lourdes de l'Union européenne, avec un taux de prélèvements obligatoires de 45,5 % du PIB en 1999 et de 45 % du PIB en 2001. Il a rappelé que, selon les simulations du Centre d'observation économique (COE) de la chambre de commerce et d'industrie de Paris réalisées pour la commission à l'occasion du débat d'orientation budgétaire pour 2001, il avait été établi qu'une diminution des prélèvements obligatoires, compensée par une diminution équivalente des dépenses publiques, pourrait être bénéfique à la croissance, en particulier si cette diminution concernait l'impôt sur le revenu et les cotisations sociales. Il a indiqué qu'une telle réforme avait été mise en oeuvre aux Pays-Bas, où le taux de prélèvements obligatoires avait baissé de 2,6 points de 1991 à 2001, revenant de 41,8 % à 39,2 % du PIB, essentiellement du fait d'une baisse des impôts directs sur les ménages (moins 4,8 points de PIB) et des cotisations sociales (moins 0,8 point de PIB), la réduction supérieure des dépenses publiques ayant permis, globalement, une amélioration du solde public structurel.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que la fiscalité française était également mal conçue. Il a affirmé que, sur la base du critère du taux implicite de taxation des entreprises, la France apparaissait comme le deuxième Etat le moins bien placé en Europe. Il a également estimé que l'impôt sur le revenu était, en France, à la fois parmi les moins productifs, et les plus désincitatifs, son taux maximum figurant parmi les plus élevés, et parmi ceux concernant la plus grande proportion de ménages. Il a considéré que la fiscalité française était également parmi les plus inadaptées en ce qui concernait l'épargne, la surtaxation des revenus des actions par rapport à ceux des obligations, qui existait dans la plupart des Etats européens, étant, en France, particulièrement marquée. Enfin, il a jugé qu'en France une part importante des allégements spécifiques de cotisations sociales pouvait être imputée, moins à un objectif de réduction du coût du travail des actifs les moins qualifiés, qu'à la nécessité de compenser le surcoût salarial occasionné par la diminution de la durée du travail.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que l'harmonisation des fiscalités des Etats de l'Union européenne était nécessaire, mais que, la politique fiscale pouvant être considérée comme l'expression de la souveraineté fiscale des Etats, la vitesse de cette harmonisation en était nécessairement affectée. Il a rappelé que, lors de son audition par la commission le 27 mai 2003, M. Pedro Solbes, commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, avait indiqué que les mesures en matière d'harmonisation fiscale ne devraient, selon lui, être prises à la majorité qualifiée que dans le cas des impositions indirectes affectant le marché intérieur. Il a estimé que les aspects institutionnels de l'harmonisation fiscale n'avaient pas été suffisamment abordés par la convention sur l'avenir de l'Europe. Il a néanmoins salué l'adoption par le Conseil « Ecofin », le 3 juin dernier, d'un « paquet fiscal », comportant notamment une directive sur la fiscalité de l'épargne, prévoyant d'instaurer un échange d'informations entre administrations fiscales.

En conclusion, M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné l'intérêt de travaux tel celui réalisé par l'OFCE, et la nécessité, pour la France, de réformer sa fiscalité afin que la concurrence fiscale ne joue pas en sa défaveur.

Un large débat s'est alors engagé.

M. Jean Arthuis, président , a estimé que l'harmonisation fiscale européenne était insuffisante. Il a en particulier évoqué la récente suppression, par l'Italie, de ses droits de mutation.

M. Jacques Oudin a considéré que la réduction du taux de prélèvements obligatoires était difficile pour les grands Etats, que certains prélèvements obligatoires pourraient être utilement transformés en redevances, que l'efficacité des administrations publiques devait être améliorée, et que certaines dépenses publiques, comme celles en matière d'infrastructures de transports, favorisaient le développement économique.

M. Maurice Blin s'est interrogé sur la part de l'impôt sur le revenu dans les ressources fiscales et s'est demandé si la fiscalité française favorisait trop la demande par rapport à l'offre. Il a considéré que l'importance des dépenses relatives à la politique de l'emploi n'empêchait pas la France d'avoir un taux de chômage élevé, et que la fiscalité des Etats de l'Union européenne ne leur permettait pas d'affronter la concurrence fiscale des Etats-Unis dans des conditions favorables.

Evoquant le cas de distorsions économiques suscitées par les différences entre les systèmes fiscaux français et espagnol, M. Auguste Cazalet a fait état de son pessimisme quant à la possibilité d'une réelle harmonisation fiscale entre Etats européens.

M. Gérard Bailly, membre de la délégation pour la planification, a estimé que les nouvelles charges des collectivités territoriales, telles que l'allocation personnalisée d'autonomie, allaient susciter une augmentation de leurs prélèvements obligatoires, alors que le contexte budgétaire incitait à une réduction des dotations et subventions de l'Etat aux collectivités territoriales.

M. Jean Arthuis, président , a estimé que l'harmonisation fiscale en Europe était très insuffisante. Il a considéré que la France se caractérisait à la fois par un taux de prélèvements obligatoires élevé et par un solde public fortement déficitaire, et que la seule grande réforme fiscale qu'elle avait réalisée ces dernières années était l'instauration de la contribution sociale généralisée (CSG). Il a en outre jugé que, dans une économie globalisée, l'impôt permettant d'affronter la concurrence fiscale dans les meilleures conditions était celui sur la consommation, cette dernière n'étant pas délocalisable.

En réponse aux différents intervenants, M. Joël Bourdin, président de la délégation pour la planification , a indiqué que quatre Etats avaient réduit leur taux de prélèvements obligatoires de 1990 à 2000 (la Suède, les Pays-Bas, l'Irlande et le Japon). Il a estimé que la proposition de transformer certains prélèvements obligatoires en redevances était intéressante, et que l'impact des différents types d'investissement sur la croissance était difficile à évaluer.

Continuant à répondre aux questions posées, M. Philippe Marini, rapporteur général , a estimé que la décentralisation était susceptible de réduire le taux de prélèvements obligatoires. MM. Philippe Marini, rapporteur général, Jean Arthuis, président , et Yann Gaillard, ont déploré l'échec de la tentative de réforme de l'administration fiscale menée par le précédent gouvernement. M. Philippe Marini a indiqué que la part de l'imposition du revenu dans le PIB était en France plus faible que dans la plupart des autres Etats européens, et a estimé que la fiscalité française était excessivement favorable à la demande, et pas assez à l'offre. Dans le cas de l'impôt sur les successions, il a renvoyé au récent rapport d'information (n° 65, 2002-2003) réalisé par la commission sur « la fiscalité des mutations à titre gratuit ». Il a, enfin, estimé que l'éventualité d'une augmentation du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée ne devait pas être écartée.

La commission et la délégation pour la planification ont décidé de publier l'étude de l'OFCE , précédée d'un texte de présentation, sous la forme d'un rapport d'information commun à la commission et à la délégation pour la planification.

ANNEXE :


ÉTUDE DE L'OFCE

« LES RÉFORMES FISCALES EN EUROPE 1992-2001 »



Rapport pour le Sénat

Les réformes fiscales en Europe 1992-2001

Le 28 juin 2002

Les réformes fiscales en Europe 1992-2001

Introduction

par Réjane Hugounenq, Jacques Le Cacheux et Henri Sterdyniak 157

Partie 1 : Fiscalité européenne, l'état des lieux

Chapitre 1 : Fiscalité européenne, l'état des lieux 175

par Réjane Hugounenq et Henri Sterdyniak

Partie 2 : Les objectifs des réformes fiscales

Chapitre 2. 1 : L'imposition des bénéfices 191

par Réjane Hugounenq

Chapitre 2. 2 : L'impôt sur le revenu 209

par Henri Sterdyniak et Paola Veroni

Chapitre 2. 3 : L'imposition des revenus du capital 237

par Réjane Hugounenq

Chapitre 2. 4 : Les mesures d'incitation au travail des personnes non qualifiées 254

par Hélène Périvier

Chapitre 2. 5 : Les cotisations sociales 292

par Xavier Timbeau

Chapitre 2. 6 : La fiscalité locale 301

par Jacques Le Cacheux

Chapitre 2. 7 : La fiscalité écologique 311

par Jacques Le Cacheux

Partie 3 : Les réformes nationales

Chapitre 3. 1 : Les réformes fiscales en Allemagne 317

par Odile Chagny

Chapitre 3. 2 : Les réformes fiscales en France 334

par Gaël Dupont

Chapitre 3. 3 : Les réformes fiscales au Royaume-Uni 364

par Gaël Dupont et Catherine Mathieu

Chapitre 3. 4 : Les réformes fiscales en Italie 388

par Paola Veroni

Chapitre 3. 5 : Les réformes fiscales en Espagne 418

par Sabine Le Bayon

Chapitre 3. 6 : Les réformes fiscales aux Pays-Bas 436

par Odile Chagny

INTRODUCTION

Depuis 1992, la plupart des pays de l'Union européenne ont procédé à de nombreuses modifications de leurs législations fiscales, dont certaines, de par leur ampleur et leur cohérence, méritent le nom de réformes fiscales. Disparates, ces changements ont toutefois été influencés par des situations macroéconomiques similaires ou des impératifs communs : ainsi, de 1992 à 1997, la majorité des pays européens ont-ils dû augmenter leurs impôts pour restaurer la situation de leurs finances publiques et satisfaire aux critères définis à Maastricht alors même que le ralentissement de l'activité avait tendance à réduire les rentrées fiscales ; de 1998 à 2001, au contraire, la croissance retrouvée et la réduction des charges d'intérêt ont permis des baisses sensibles de fiscalité 39 ( * ) .

Les orientations des politiques économiques ont évolué : dans de nombreux pays, la priorité est maintenant d'améliorer la compétitivité et l'attractivité du site de production national et de rétablir les incitations à travailler plutôt que d'étendre la redistribution et les dépenses publiques. Toutefois, la part des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques dans le PIB n'a, jusqu'à présent, pas été sensiblement réduite et les principaux attributs du « modèle social européen » n'ont, nulle part, été sérieusement remis en cause. Aucun pays n'a réalisé la Grande réforme , modifiant fortement le niveau et la structure des prélèvements ; dans la plupart des cas, les réformes sont restées ponctuelles, de sorte que leur cohérence n'est guère visible.

Enfin, tous les pays sont confrontés à des défis similaires : financer un niveau important de dépenses publiques dans une situation de mondialisation croissante ; rendre la fiscalité plus favorable à l'emploi et plus écologique ; préparer l'alourdissement des dépenses de retraites. Toutefois, des stratégies différentes apparaissent : certains pays mettent l'accent sur la réduction des taux marginaux élevés de prélèvements sur les hauts revenus ; d'autres s'attachent à rendre rentable le travail pour les non qualifiés ; certains réduisent les charges salariales pesant sur les bas salaires. Des dispositifs originaux ont été mis en place dans plusieurs pays, tels le Working Family Tax Credit au Royaume-Uni, l'Imposition Régionale sur les Activités Productives en Italie, la taxation cédulaire aux Pays-Bas, etc.

La réalisation du marché unique, au 1 er janvier 1993 avait déjà été l'occasion d'une réflexion sur les orientations fiscales dans l'UE et sur les possibilités de l'harmonisation (Sterdyniak et alii , 1991). La préparation de l'Union économique et monétaire, puis le passage à la monnaie unique ont, à nouveau, obligé les pays à repenser leur fiscalité. A priori , ils avaient le choix entre l'harmonisation négociée et le libre jeu de la concurrence fiscale. Faute d'accord et en raison des risques perçus comme plus grands, l'attention a été portée sur les impôts assis sur les facteurs les plus mobiles : impôts sur les sociétés, impôts sur les revenus du capital des ménages, impôts sur les contribuables les plus riches. Compte tenu de la disparité des points de vue et des intérêts nationaux, compte tenu de l'exigence d'unanimité en matière fiscale pour des décisions communes à l'échelle communautaire, l'harmonisation n'a pu aboutir à une situation satisfaisante sur la plupart des dossiers. De grands choix n'ont pas été faits au niveau européen : faut-il généraliser ou supprimer l'avoir fiscal ? Quelle fiscalité pour les groupes européens ? La plupart des dossiers restent en chantier. Seul celui de la fiscalité des revenus du capital semble progresser. Les réformes fiscales des années 1990 ont été conduites isolément par chaque pays, sans stratégie européenne d'ensemble.

Ce rapport fait le point sur l'évolution des systèmes fiscaux des principaux pays européens tout au long des années 1990 et sur la situation actuelle, près de dix ans après la nouvelle étape d'ouverture des frontières induite par le marché unique. Il confronte les différentes expériences nationales relatives aux domaines qui ont fait l'objet de préoccupations communes tout au long de la décennie. Le premier est la lutte contre le chômage et l'utilisation pour ce faire, de la fiscalité. De nombreuses pistes ont été utilisées pour rendre les systèmes fiscaux plus favorables à l'emploi : la réduction des cotisations sociales, celles-ci étant remplacées par un prélèvement sur l'ensemble des revenus des ménages, par une taxe sur la valeur ajoutée ou par des taxes écologiques ; la baisse des cotisations sociales concentrée sur les bas salaires ; la mise en oeuvre de mécanismes proches de l'impôt négatif pour réduire la désincitation au travail des non qualifiés. Une deuxième préoccupation concerne la taxation des entreprises multinationales dans un monde de plus en plus globalisé. Faut-il appliquer la taxation à la source ou à la résidence ? Comment rendre compatible l'autonomie nationale en la matière et la nécessité d'une cohérence européenne pour la taxation des entreprises transnationales ? Des problèmes similaires se posent pour la taxation des revenus du capital des ménages, la question de la taxation des dividendes et de l'avoir fiscal faisant le pivot entre les deux préoccupations. Une troisième préoccupation est celle de la fiscalité écologique : les nouvelles contraintes imposées par la nécessité de réduire les consommations d'énergie, d'éviter les émissions de gaz polluants peuvent-elles être prises en compte par une taxation écologique ? Celle-ci fournit-elle un second dividende en permettant de réduire la taxation portant sur le travail ou est-il vain de prétendre courir deux lièvres à la fois ? Enfin, à un niveau plus national, se pose la question de l'organisation de la fiscalité locale. Peut-on concilier l'autonomie des collectivités locales avec le souci de redistribution et d'égalité des citoyens face aux services publics à l'échelle nationale ?

Le rapport évalue aussi les risques de concurrence fiscale et l'urgence de l'harmonisation. Nous présenterons, sur ces points, les récentes propositions de la Commission en matière d'harmonisation fiscale. Mais, nous nous interrogerons également sur l'évolution souhaitable du système fiscal européen. Comment créer un cadre harmonisé permettant de préserver la liberté de chaque pays de maîtriser le niveau de ses dépenses publiques et son niveau de redistribution ?

L'évolution du taux de prélèvement obligatoire et des structures fiscales

Les années 1990 ont été marquées par une succession de réformes fiscales, plus ou moins ambitieuses, dans l'ensemble des pays membres. Ceux-ci ont d'abord tous été confrontés à la nécessité d'augmenter leur niveau de prélèvements obligatoires (Partie 1 et tableau 1) pour faire face à des situations financières relativement dégradées et mettre un terme à la montée des déficits et des endettements publics résultant de la faible croissance du début des années 1980 et du début des années 1990. L'ouverture des frontières en 1993 n'a pas affecté cette évolution : contrairement aux effets attendus de l'ouverture des frontières en l'absence d'harmonisation, non seulement les taux de prélèvement n'ont pas diminué dans l'ensemble des pays mais ont plutôt eu tendance à augmenter, même si le rythme de croissance s'est infléchi au cours des années 1990 par rapport à la décennie précédente : le montant des recettes fiscales des pays de l'UE est ainsi passé de 38,9 % du PIB en 1990 à 40,8 % en 2000 (graphique 1). Jusqu'à présent donc, la concurrence fiscale n'a pas privé les pays européens de ressources. Les pays du Sud en rattrapage (Grèce, Portugal) ont augmenté massivement leur taux de prélèvement obligatoire. Certains pays ont pu réduire le leur grâce à une croissance vigoureuse (Irlande, Finlande) ou à la réduction de leurs dépenses publiques (Danemark, Pays-Bas, Suède).

Graphique 1 : Evolution des taux de prélèvement en pourcentage du PIB



Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001

Globalement, les années 1990-2001 ont été une période d'assainissement budgétaire, marquée par une hausse des taux de prélèvement obligatoire, une légère baisse du taux de dépense publique et une nette amélioration des soldes publics courants, et un peu moindre des soldes primaires (hors charges d'intérêt sur la dette publique) : globalement, l'effort budgétaire (mesuré par l'évolution du solde primaire) a représenté 2,5 points de PIB.

Les quinze pays membres peuvent être classés en trois catégories : huit pays ont réussi à obtenir une nette baisse du poids des dépenses publiques ; deux ont connu une forte hausse des dépenses publiques, qui correspond en fait à un rattrapage (Grèce, Portugal) ; la configuration moyenne -- stabilité ou légère hausse des dépenses, et nette hausse des recettes -- se retrouve dans cinq pays, dont les plus grands (Allemagne, France, Royaume-Uni, Belgique, Autriche). La tendance à la convergence du niveau des dépenses persiste, mais reste lente. Globalement, pour l'ensemble de l'UE 15, la croissance des dépenses publiques a été de 1,6 % l'an de 1990 à 2001, en terme réel (pour une croissance du PIB de 2 %).

Tableau 1 : Evolution des finances publiques de 1990 à 2001*

En points de PIB

Recettes publiques

Dépenses primaires

Solde Primaire

Intérêts

Solde public

Allemagne

1,4

1,1

0,2

0,8

- 0,5

Autriche

1,4

- 0,9

2,3

0,0

2,3

Belgique

2,6

0,8

1,8

- 4,9

6,7

Danemark

- 1,1

- 2,2

1,0

- 2,0

3,0

Espagne

0,6

- 3,1

3,7

- 0,4

4,2

Finlande

- 1,3

- 2,6

1,3

2,8

- 1,5

France

1,9

0,8

1,1

0,5

0,6

Grèce

19,7

6,2

13,5

- 2,2

15,7

Irlande

- 3,9

- 4,1

0,2

- 5,8

6,0

Italie

2,7

- 3,3

6,0

- 4,3

10,3

Luxembourg

- 1,7

- 3,1

1,5

1,1

0,4

Pays-Bas

- 1,3

- 6,5

5,1

2,6

2,5

Portugal

4,3

6,0

- 1,6

- 4,9

3,3

Royaume-Uni

2,0

- 0,2

2,1

- 0,5

2,6

Suède

- 3,0

- 4,2

1,2

1,2

0,0

UE15

1,7

- 0,8

2,5

- 0,9

3,4

* Niveau de 2001 moins niveau de 1990.

Source : OCDE, Perspectives économiques , décembre 2001.

La période d'assainissement budgétaire est-elle achevée ? La réponse à cette question dépend de l'appréciation que l'on peut porter sur la conjoncture récente. L'Europe, avec un taux de chômage de 7,8 % était-elle, en 2001, proche de son niveau de production potentielle, comme l'écrivent l'OCDE et la Commission européenne, ou disposait-elle encore de marges de croissance au-delà de son rythme potentiel ? La réponse dépend aussi de l'objectif : un solde public nul, ou même excédentaire pour préparer la hausse des retraites ? Un solde primaire nul (ce qui correspond à peu près à la stabilité de la dette publique par rapport au PIB) ? En fait, douze pays avaient en 2001 un solde primaire positif de plus de 2,5 points de PIB (dont sept dépassaient ou atteignaient un excédent de 4 points) ; la France et le Portugal avaient des excédents primaires de l'ordre de 1,5 point. Seule, l'Allemagne était juste à l'équilibre primaire. Le solde primaire de l'UE 15 est excédentaire de 2,3 points de PIB en 2001. Jugée à l'aune de cet indicateur, la politique budgétaire a donc largement retrouvé des marges de manoeuvre ; pourtant, influencés par une interprétation rigoureuse du Pacte de stabilité, la plupart des gouvernements européens, suivant la Commission et la Banque centrale européenne, semblent décidés à poursuivre dans la voie de la réduction des dettes publiques.

Le maintien pendant les 5 années à venir d'une croissance modérée des dépenses publiques (à 1,6 % l'an), une croissance moyenne de l'ordre de 2,5 % l'an, une politique monétaire prudente (égalisant le taux d'intérêt réel au taux de croissance) permettraient d'avoir chaque année une marge de manoeuvre supplémentaire de 0,45 point de PIB. Il serait donc possible, soit de baisser le taux de prélèvement obligatoire de 2,25 points en 5 ans, soit, en maintenant à son niveau le taux de prélèvement obligatoire, d'aborder le début de la phase de croissance des dépenses de retraites avec une marge d'environ 4,5 points. 40 ( * )

La comparaison du poids moyen des différents impôts en 1990 et en 2000 ne montre guère de grands bouleversements durant la période (tableau 2). Tous les impôts ont légèrement augmenté en pourcentage du PIB, de façon pratiquement homothétique. Toutefois, le poids des cotisations sociales a très légèrement diminué (de 0,3 point de PIB), la baisse provenant en grande partie de l'introduction de la CSG en France et de l'IRAP en Italie. Cette évolution va dans le bon sens, celui d'alléger la charge portant sur le travail, même si elle reste modérée.

Tableau 2 : Poids des prélèvements obligatoires dans le PIB de l'UE (en %)

 

1990

2000

Impôts sur le revenu des ménages

9,6

10,1

Impôts sur les sociétés

2,7

3,0

Cotisations sociales

12,8

12,5

Impôts sur le patrimoine

1,8

2,4

Impôts sur les biens

11,1

11,8

Total

38,9

40,8

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Comparée aux Etats-Unis, l'UE se caractérise par le poids important des cotisations sociales et des taxes portant sur les biens alors que le poids de l'impôt sur le revenu des ménages y est moindre. Les pays scandinaves font jouer un grand rôle à l'impôt sur le revenu des ménages, alors qu'il reste peu important dans des pays du Sud à structure fiscale relativement « archaïque » 41 ( * ) (Portugal, Grèce, Espagne). Le poids de l'impôt sur les sociétés est faible en Allemagne et en Autriche ; il n'est particulièrement élevé qu'en Finlande et au Luxembourg. Les cotisations sociales pèsent fortement sur les salaires dans les pays bismarkiens (Autriche, France, Suède, Pays-Bas) ; elles sont, en revanche, peu importantes au Danemark, en Irlande, au Royaume-Uni. Les impôts sur les produits sont particulièrement élevés au Danemark (où ils compensent l'absence de cotisations employeurs). Globalement, deux facteurs expliquent les diversités de structures fiscales : l'organisation du système de protection sociale -- Bismarkien (dépenses importantes financées par des cotisations assises sur les salaires), scandinave (dépenses importantes financées par l'impôt) ou anglo-saxon (dépenses publiques faibles) -- ; l'opposition entre les systèmes modernes (fort poids de l'impôt sur le revenu) et les systèmes archaïques (fort poids des impôts indirects).

En moyenne, un pays continental européen type se caractérise par des dépenses publiques primaires représentant environ 45 % du PIB, réparties entre 11 points pour les retraites ; 8 pour la santé ; 3 pour le chômage ; 3 pour l'ensemble famille-logement-pauvreté ; 6 pour le poste éducation-culture ; 3 pour les subventions économiques ; 8 pour les dépenses collectives ; 3 points de dépenses en capital. C'est l'importance des dépenses publiques de retraite, santé, prestations de solidarité et éducation qui différencie les pays continentaux du modèle anglo-saxon. Aussi, toute baisse sensible du taux de prélèvement obligatoire, qui suppose une baisse équivalente des dépenses publiques, passe par une privatisation, sous une forme ou une autre, de dépenses profitant directement aux ménages.

Dans les années à venir, le vieillissement de la population devrait induire une nette hausse des dépenses de retraites et de santé en Europe, alors que certaines économies pourront sans doute être réalisées sur le poste chômage. Par contre, la faiblesse de la fécondité dans la grande majorité des pays européens ne rend ni souhaitable ni probable des économies sur le poste famille. La plupart des pays devront donc choisir entre une certaine hausse des taux de prélèvements obligatoires et une certaine privatisation des systèmes de retraites et de santé. La seconde stratégie pose cependant deux problèmes : la stabilité des taux de prélèvements obligatoires aurait comme contrepartie une hausse des primes aux fonds de pensions, aux mutuelles et aux assurances privées ; ces primes devraient être plus ou moins obligatoires si l'on veut que toutes les personnes restent couvertes dans des conditions satisfaisantes. Un système mixte -- assurance publique pour les plus pauvres et assurances privées pour les couches moyennes et supérieures -- permet certes de faire baisser comptablement le taux de prélèvements obligatoires, mais ne résout pas le problème puisque les couches moyennes devraient payer des impôts pour les moins favorisés et des primes pour elles-mêmes. Par ailleurs, la hausse des cotisations retraites pour financer celles des prestations est plus acceptable pour les cotisants qu'une hausse de la fiscalité générale dans la mesure où elle a une contrepartie directe 42 ( * ) .

Deux mesures devraient toutefois être mises en oeuvre pour éviter l'alourdissement du coût du travail. D'une part, les hausses devraient porter sur les cotisations salariés, de sorte que la compétitivité des entreprises ne serait pas affectée directement à court terme. D'autre part, l'assiette « masse salariale » devrait être réservée aux seules cotisations finançant des prestations contributives, liées au salariat (retraite, chômage, accident du travail, prestations maladie-maternité de remplacement), les autres prestations devant être financées par l'impôt. C'est d'ailleurs ce genre de réformes que l'Italie a mises en oeuvre par l'IRAP et la France par la CSG.

Fondamentalement, l'Europe a le choix entre deux stratégies. La première consiste à préserver le modèle social européen , caractérisé par un niveau important de transferts redistributifs et de dépenses publiques, en particulier de protections sociales, et donc par un niveau important de prélèvement obligatoire. Les revenus du travail et du capital resteront soumis à des taux d'imposition élevés. En contrepartie, les ménages bénéficieront de transferts importants. Le système devra être préservé de la concurrence fiscale par des mesures d'harmonisation interne en Europe et des accords internationaux contre les pratiques déloyales de concurrence. Surtout, il devra compter sur ses avantages comparatifs (éducation et santé gratuites pour tous, infrastructures publiques, prestations d'assurances). La seconde consiste, au contraire, à se diriger vers un modèle plus libéral, où la privatisation des dépenses sociales, permettra une baisse des taux d'imposition censée inciter à l'emploi, à la formation, à l'épargne, à l'investissement. La seconde stratégie suppose que les Européens acceptent de vivre dans une société plus inégalitaire.

Réduire les tranches supérieures du barème

Partant d'un haut niveau de taux de prélèvements obligatoires, les Etats membres, confortés par le retour en force des thèses de l'économie de l'offre et encouragés par les organismes internationaux ont tenté de réformer leur système fiscal pour en diminuer les effets désincitatifs qui, selon certains, expliqueraient la différence de dynamisme entre l'économie américaine et les économies européennes. De façon générale, cela s'est traduit par une diminution des taux marginaux d'imposition : les taux marginaux d'imposition sur le revenu (ceux des tranches les plus élevées du barème) et le taux de l'impôt sur les bénéfices des sociétés, supposés désinciter, au travail et à l'épargne pour le premier et à l'investissement pour le second. De plus, les progrès de la mondialisation et la mise en place du Marché unique sans harmonisation fiscale ont fait craindre que des taux moyens élevés induisent l'évasion des actifs à hauts revenus ou des individus à patrimoine élevé et des grandes entreprises vers des pays plus cléments fiscalement.

Selon la théorie microéconomique, la fiscalité est désincitative dès lors qu'elle réduit la rentabilité pour un individu de ses choix de comportement, notamment de travail et d'épargne. La désincitation naissant de la baisse du rendement marginal du travail ou de l'épargne, aucun impôt n'est neutre, à l'exception de ceux assis sur les dotations initiales (impôt forfaitaire, impôt assis sur des caractéristiques innées, impôt sur les ressources naturelles). Les impôts les plus redistributifs sont aussi les plus désincitatifs. Le caractère désincitatif d'un impôt provient de son assiette et de sa structure, c'est à dire de son taux marginal, et non de son taux moyen. Les économistes qui insistent sur l'importance des effets desincitatifs soulignent généralement l'impossibilité de mettre en place des impôts neutres ; ils sont ainsi amenés à préconiser la réduction des dépenses publiques et des transferts redistributifs.

Les pays ont cependant essayé de compenser ces diminutions de taux par l'élargissement de la base fiscale. Souvent, les tranches des barèmes n'ont pas été indexées sur l'évolution des revenus ; les possibilités d'abattement ont été réduites ; les possibilités de déduction des intérêts versés, des primes d'assurance-vie ont été supprimées. La taxation du revenu du capital des ménages a été augmentée. Dans la mesure où ce sont les contribuables les plus aisés qui bénéficiaient le plus de possibilités des diverses formules d'abattement, l'élargissement de la base a quelque peu compensé, du point de vue de la redistribution, les effets de la baisse des taux marginaux les plus élevés.

Ces réformes auraient pu aboutir à une diminution des impôts les plus à même de générer des comportements de délocalisation. En fait, sur la décennie 1990, la structure fiscale des différents pays a relativement peu évolué. Les prélèvements sur assiette d'activité (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés) ont tous augmenté dans des proportions similaires. Les compensations entre la baisse de taux et l'élargissement de la base se sont effectuées dans la plupart des pays au sein de chaque impôt.

Reste qu'à l'avenir, dans un monde de plus en plus globalisé, la tension entre les objectifs d'incitation et de redistribution risque de grandir. Les couches supérieures, les grandes gagnantes de la mondialisation, auront plus de facilité pour choisir leur lieu de travail et de taxation. Elles risquent de refuser de contribuer à l'aide aux couches sociales frappées par ce processus. Les Etats risquent d'être contraints de baisser fortement les taux marginaux supérieurs, voire d'offrir aux plus riches des possibilités d'évasion fiscale (comme les stock-options ) alors même que se creuserait l'écart entre leurs revenus et ceux de la masse de la population. Il y aura de plus en plus une limite aux prélèvements possibles sur les couches supérieures mondialisées de la population. Les nations devront réduire leur ambition social-démocrate ou la faire financer par les couches moyennes.

Aussi, est-il important que l'Europe maintienne une croissance vigoureuse pour éradiquer le chômage de masse et éviter que persistent durablement des zones de pauvreté de masse. Chaque pays devrait chercher à réduire la fracture sociale le plus en amont possible (aide à l'éducation dans les zones défavorisées, incitation à la création d'emplois non qualifiés, lutte contre les trappes à pauvreté). Pour que chaque pays puisse gérer son arbitrage spécifique entre redistribution et incitation, il serait souhaitable qu'aucune mesure ne favorise spécifiquement le nomadisme fiscal 43 ( * ) .

Taxer les revenus du capital

L'équité horizontale implique que les revenus du capital des ménages soient taxés comme leurs revenus du travail. La comparaison devrait porter sur des bases comparables : d'un côté, la taxation des revenus réels (hors inflation) du capital, de l'autre, la taxation des revenus du travail, hors cotisations retraites et chômage qui ouvrent des droits et constituent donc des salaires différés.

Toutefois, il est justifié que, pour des raisons de justice sociale et pour inciter les contribuables à revenus modestes à faire un certain effort d'épargne, l'épargne populaire (un montant limité de capital placé dans des formules spécifiques) bénéficie de la non imposition et que l'épargne retraite (à sortie obligatoire en rente viagère) ne soit pas soumise à la double taxation (et bénéficie donc d'une exonération fiscale à l'entrée pour tous les impôts ou cotisations auxquels les rentes seront soumises).

Malheureusement, se sont développées dans tous les pays de l'UE des formules de taxation privilégiées des revenus d'intérêt, à des taux libératoires, inférieurs pour la quasi-totalité des épargnants à leur taux d'imposition à l'impôt sur le revenu. Par contre, les dividendes sont souvent taxés à l'IR, avec restitution de l'IS versé par une formule d'avoir fiscal. Les plus-values, qui représentent théoriquement la contrepartie des profits non distribués, supportent généralement le seul taux de l'IS ; elles sont parfois aussi taxées spécifiquement. Au total, la taxation des revenus des actions est généralement nettement plus forte que celle des revenus d'intérêt, alors même que les pays européens souhaitaient développer l'épargne à risque. Certaines réformes récentes (en Allemagne, au Royaume-Uni) créent une nouvelle incohérence : l'avoir fiscal est supprimé, mais les dividendes sont imposés à l'IR après réduction par un coefficient arbitraire. Les dividendes sont moins imposés que naguère, mais restent plus imposés que les revenus d'intérêt.

Enfin, certains pays ont développé des formules de placements non imposés, qui favorisent certains intermédiaires financiers (assurance-vie, placement à long terme), sans cohérence du point de vue de l'équité fiscale.

Les Pays-Bas ont mis en place une réforme globale et ambitieuse : le capital financier détenu est taxé à 1,2 % de sa valeur, soit 30 % d'un taux de rentabilité fictif de 4 %. Toute disparité entre les formes de placement est ainsi éliminée (du moins si le système comporte un avoir fiscal intégral). Il n'est pas nécessaire de distinguer la rentabilité réelle et nominale ; les plus-values latentes et réalisées. Par contre, la logique de l'impôt progressif est perdue de vue : les revenus du travail et ceux du capital ne font pas masse. L'impôt ne tient pas compte de la rentabilité effective des placements. Les bénéficiaires de la réforme sont les ménages les plus riches qui effectuent généralement des placements plus risqués et plus rémunérateurs.

La situation actuelle de la fiscalité des revenus du capital en Europe n'est guère satisfaisante. Il faudrait choisir clairement entre deux structures. Le principe de soumission à l'impôt de tous les revenus des ménages, y compris les revenus financiers, est le plus satisfaisant du point de vue de l'équité, mais il est difficile à mettre en oeuvre. La pratique d'un taux spécifique pour les revenus du capital semble se généraliser. Si elle était choisie, ce taux devrait être uniforme pour tous les placements, s'appliquer aux plus-values et intégrer l'impôt sur les bénéfices déjà payé par les entreprises. Dans ce cas, le choix hollandais est une stratégie intéressante.

Diminuer le coût du travail et inciter à l'emploi

Malgré de nombreux symptômes montrant l'insuffisance de la demande en Europe de 1991 à 1996 (en particulier, la baisse de l'inflation), les explications du chômage persistant en Europe se sont focalisées, dans les milieux gouvernementaux et les organisations internationales, sur les problèmes d'offre et en particulier sur le poids des charges sociales. Les charges sociales ont été jugées responsables de l'alourdissement général du coût du travail, donc d'un manque de compétitivité ; couplées avec l'existence de salaire minimum dans la plupart des pays européens, elles seraient responsables d'un niveau trop élevé du coût du travail non qualifié ; enfin, pesant sur les salaires nets, elles les rabaisseraient à un niveau trop faible, ne les écartant pas suffisamment des revenus de remplacement (prestations chômage, revenu minimum), de sorte que les travailleurs non qualifiés préféreraient bénéficier des revenus de remplacement plutôt que de travailler et seraient donc plongés dans une trappe à pauvreté.

Il convient cependant de relativiser ce discours. Le choix que font la société ou les salariés pris collectivement entre salaires directs et salaires différés n'a aucune raison a priori d'augmenter le coût global du travail, du moins à moyen terme. Les cotisations sociales financent des prestations, qui évitent aux salariés d'avoir à supporter des dépenses d'assurances maladie privées et des primes aux fonds de pensions. L'élément redistributif, qui existe dans les systèmes d'assurance universelle, bénéficie aux travailleurs les plus mal payés et augmente donc leur salaire disponible à coût salarial donné. Imaginons que dans un pays coexistent 100 travailleurs payés 100 et 100 travailleurs payés 200. Un système d'assurance privée où chacun doit cotiser pour 15 est plus coûteux pour les plus mal payés qu'un système d'assurance sociale où chacun verse 10 % de son salaire (10 pour les uns, 20 pour les autres).

Néanmoins, la stratégie d'allégement des prélèvements sur les revenus salariaux mise en oeuvre a comporté quatre éléments, d'importance variable selon les pays.

La réduction de la croissance des dépenses de protection sociale

Les dépenses de protection sociale ont été gérées avec rigueur dans la plupart des pays de l'UE. Mais, globalement, elles sont passées de 25,5 % du PIB en 1990 à 27,6 % en 1999 ; soit une croissance moyenne de 2,4 % l'an, en terme réel par tête. Plusieurs pays (Suède, Italie, Royaume-Uni) ont adopté des dispositifs destinés à éviter la croissance des prestations publiques de retraites, mais ceux-ci ne jouent qu'à long terme. D'autres pays ont mis en oeuvre des politiques familiales ambitieuses pour enrayer leur déclin démographique. Enfin, les dépenses de santé ont progressé au taux de 2 % par an, en terme réel par tête. Les réformes drastiques sont apparues difficiles à mettre en oeuvre et peu populaires. Les perspectives démographiques en Europe ne permettront sans doute pas de ralentir substantiellement la croissance future de ces prestations.

La recherche de nouvelles ressources

A prestations sociales données, il est possible de baisser les cotisations sociales en dégageant d'autres sources de financement pour la Sécurité sociale. Le financement par les cotisations sociales se justifie pour les prestations retraites, chômage et les autres prestations de remplacement, liées au salariat. Il ne se justifie pas pour les prestations famille, solidarité et maladie (si leur couverture est universelle). La part des cotisations dans le financement des prestations est passée, pour l'ensemble de l'Union, de 67,1 % en 1990 à 60,6 % en 1999, soit 6,5 points de baisse répartis entre 4,6 points de baisse pour les employeurs et 1,9 point pour les salariés. Le mouvement a été particulièrement sensible en Allemagne (baisse de 7 points, grâce à la hausse de la fiscalité écologique), en France (baisse de 13 points en raison de la CSG et des exonérations de cotisations employeurs pour les bas salaires), en Italie (baisse de 12 points en raison de la création de l'IRAP), au Portugal (baisse de 13 points).

Une telle politique a cependant ses limites. D'une part, il est souhaitable que les cotisations réduites soient remplacées par une ressource autonome, stable et pérenne et non par des subventions discrétionnaires qui mettent en péril la fiabilité du financement. D'autre part, remplacer des cotisations par un impôt sur les revenus des ménages ne diminue la charge portant sur les actifs que si ce nouvel impôt frappe les revenus non liés à l'activité, c'est-à-dire les revenus du capital et éventuellement les revenus sociaux des ménages. Or, il devient difficile d'alourdir la charge portant sur les revenus du capital financier (compte tenu du niveau atteint et du manque d'harmonisation fiscale dans l'UEM) et les revenus sociaux (famille, chômage) sont souvent déjà faibles ou gérés avec rigueur (retraite).

Pour un pays en situation de chômage de masse, changer l'assiette des cotisations employeurs pour passer d'une assiette « salaires » à une assiette « valeur ajoutée » a l'avantage d'inciter les entreprises à utiliser plus de main-d'oeuvre et moins de machines et de favoriser les entreprises de main-d'oeuvre. Seule l'Italie a mis en oeuvre cette réforme. La France l'a mise à l'étude, puis y a renoncé de crainte qu'une telle mesure ne frappe trop les secteurs les plus capitalistiques 44 ( * ) .

Une baisse ciblée des cotisations employeurs

Réduire spécifiquement les cotisations employeurs sur les plus bas salaires peut être justifié par trois arguments :

Il existe actuellement un problème spécifique de chômage pour les travailleurs non qualifiés : ceux-ci sont particulièrement concurrencés par les productions des pays à bas salaires ; ils sont les victimes du progrès technique et de la substitution du capital au travail qui font disparaître leurs emplois dans l'industrie et dans certains services. Au contraire, les salariés qualifiés sont proches du plein emploi. Toute relance se heurterait au manque de personnel qualifié avant qu'un niveau d'emploi satisfaisant ne soit atteint pour l'ensemble des salariés.

Une cause essentielle du chômage en Europe est le niveau du salaire minimum (et du revenu minimum) qui empêche une baisse suffisante du salaire des non qualifiés. De nombreux travailleurs non qualifiés ont une productivité du travail inférieure au coût du salaire minimum charges comprises et ne seraient employables que si ce coût était diminué. La baisse des cotisations sociales employeurs est socialement préférable à la baisse du salaire minimum, puisque le niveau de vie des travailleurs non qualifiés n'est pas affecté.

Une mesure ciblée est plus efficace en termes d'emplois gagnés à coût budgétaire donné qu'une mesure globale. Il coûte moins cher de réduire de 10 % le coût d'un salarié à bas salaire que le coût d'un cadre.
En sens inverse, les allègements bas salaires sont peu utiles si le chômage est essentiellement dû à une demande insuffisante, si les possibilités de substitution entre travail qualifié et travail non qualifié sont faibles, si le chômage frappe toutes les catégories de salariés, et si le taux de chômage plus fort des non qualifiés s'explique par le fait qu'en situation de sous-emploi généralisé, les actifs diplômés occupent des postes pour lesquels ils sont surqualifiés.

Durant la décennie 1990, ce type de mesures a été mis en oeuvre de façon importante pour les travailleurs à bas salaires en Belgique, en France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Elle aurait réussi à y stopper la baisse continuelle du nombre d'emplois non qualifiés, mais semble avoir aussi encouragé l'extension des emplois à temps partiel.

Elle fait courir deux risques. Si elle est peu efficace, elle crée peu d'emplois et doit être financée : un financement par hausse des impôts portant sur les ménages peut entraîner une baisse de la demande et augmenter le chômage keynésien. Les entreprises sont incitées à créer des emplois non qualifiés (ce qui est nuisible si le degré de qualification de la population active tend à augmenter) et à refuser toute hausse de salaire et toute évolution de carrière pour les salariés qui occupent ces emplois, puisque la hausse de leur salaire, qui fait perdre les allègements de cotisations, est très coûteuse : c'est la trappe à bas salaires.

En tout état de cause, cette mesure est théoriquement plus efficace pour créer des emplois non qualifiés, que la baisse de la TVA sur certains services à forte intensité en main-d'oeuvre, qui a été autorisée par le Conseil européen et mise en oeuvre par la plupart des pays européens, mesure qui a le défaut de ne s'appliquer qu'à certains secteurs et de favoriser toutes les entreprises de ces secteurs indépendamment de leur choix de techniques de production.

Une hausse ciblée des revenus des travailleurs non qualifiés

Dans les années 1990, suivant l'exemple américain, l'accent a été mis sur les problèmes d'incitation au travail des travailleurs non qualifiés. Le développement du chômage de masse et de la pauvreté a fait que de nombreux travailleurs n'ont trouvé d'autre solution que d'accepter des emplois à mi-temps rémunérés au salaire minimum. Ce genre d'emploi ne leur permettait pas d'obtenir un niveau de vie supérieur à celui que la société jugeait nécessaire d'offrir aux personnes sans emploi, tout particulièrement s'agissant de personnes avec charge d'enfants. Alors que le plus souvent, c'est le manque d'emplois disponibles qui les empêche de travailler ; alors que l'urgence aurait dû être de leur offrir des emplois à temps plein avec un salaire leur permettant d'éviter la pauvreté (et d'ailleurs la stratégie de baisse des cotisations employeurs allait dans ce sens et elle aurait été d'autant plus efficace qu'elle aurait été combinée avec une politique de croissance, qui aurait aspiré vers le haut des travailleurs qualifiés qui avaient dû se résigner à accepter des emplois peu qualifiés), un certain consensus s'est fait pour mettre en cause la générosité du système de protection sociale, qui serait responsable du manque d'incitation de ces personnes à travailler. Pourtant, il n'y a guère de preuves empiriques qu'il existe un vaste stock d'emplois vacants disponibles pour des travailleurs non qualifiés qui préféreraient vivre de ressources d'assistance.

Ce diagnostic aurait pu induire des stratégies de diminution des minima sociaux. Heureusement, ce ne fut pas le cas. Certes, les minima sociaux ont été gérés avec rigueur, mais les réformes principales ont surtout consisté à offrir des prestations supplémentaires aux travailleurs non qualifiés pour creuser l'écart de leur niveau de vie avec celui des bénéficiaires des prestations d'assistances. La plupart des pays ont réformé leur barème de l'impôt en augmentant le seuil d'imposition et en réduisant le taux le plus bas. Certains ont instauré des crédits d'impôt remboursables aux travailleurs à faibles ressources dont la logique se rapproche de celle de l'impôt négatif. Le Royaume-Uni a montré la voie à l'utilisation de ce principe déjà largement pratiqué aux Etats-Unis. La France, la Belgique et les Pays-Bas ont suivi le mouvement. La France a également modifié les règles d'attribution de certaines prestations pour éviter les effets de seuil. Néanmoins, l'ampleur et l'ambition de ces réformes sont restées modestes au regard des mécanismes mis en place dans les pays anglo-saxons, l'efficacité de ce type de mécanisme dépendant largement de la situation et des modes de régulation du marché du travail, sensiblement différents en France et en Belgique (en situation de chômage de masse) et dans les pays anglo-saxons (plus proches du plein emploi).

Même si le diagnostic est contestable, ces mesures ont l'avantage d'augmenter quelque peu le revenu disponible des familles de travailleurs pauvres. Elles ont par contre le défaut de compliquer encore le système fiscal, la plupart des pays n'ayant pas choisi une mesure simple (une baisse des cotisations sociales pour les salariés mal rémunérés), mais une mesure fiscale (qui tient compte de la situation familiale) de sorte que la mesure est à la fois une mesure d'incitation à l'emploi et une mesure de lutte contre la pauvreté. Dans ce dernier rôle, elle est bizarrement conçue puisque la prestation augmente d'abord d'un revenu d'activité nul à un revenu d'activité correspondant à un plein emploi au salaire minimum (pour inciter à l'emploi) puis décroît pour des salaires plus élevés.

Une mesure plus large et plus simple, comme une Allocation compensatrice de revenu, aurait sans doute permis de mieux jouer les deux rôles simultanément. Elle aurait été maximale pour un revenu d'activité nul, puis aurait décrû linéairement de sorte que sur 100 euros de revenus supplémentaires 50 seraient restés au travailleur. Aucun pays ne s'est vraiment engagé dans cette voie. Le point délicat est qu'une telle allocation subventionne, et donc rend acceptable, des situations d'emplois à temps partiel. En sens inverse, on peut penser que le développement des emplois à mi-temps doit être enrayé, que ceux-ci doivent être réservés à des cas particuliers (étudiants, travailleurs seniors, parents d'enfants en bas âge) et que l'objectif doit être de permettre à chacun de trouver un emploi à temps plein 45 ( * ) .

La coexistence dans de nombreux pays d'un mécanisme de salaire minimum, d'exonération de cotisations employeurs et de crédit d'impôt pour les bas salaires permet aux pouvoirs publics de gérer à la fois, et de manière quasi indépendante, le coût du travail et le niveau de vie des travailleurs non qualifiés. En sens inverse, le risque existe de créer une catégorie particulière d'emplois coupés du reste des salariés, victimes de la trappe à bas salaires, à temps de travail réduit et flexible, et sans perspective de carrière.

La fiscalité écologique

Bien que les préoccupations environnementales aient considérablement progressé dans les opinions publiques européennes, l'instauration puis la montée en puissance des taxes écologiques ou écotaxes, ont été relativement tardives et leur poids demeurent modestes. Certes tous les pays prélèvent depuis longtemps des taxes spécifiques sur les consommations de certains produits à l'origine d'émissions polluantes, au premier rang desquels figurent les carburants à base d'hydrocarbures fossiles. Ces droits d'accise ont été sensiblement alourdis au cours de la décennie passée dans tous les pays européens pour inciter aux économies d'énergie et limiter l'augmentation des émissions polluantes. Mais, face à la hausse des cours du pétrole en 1999-2000, le souci d'en limiter les conséquences inflationnistes et, dans de nombreux pays, de répondre au mécontentement populaire et des professions directement concernées par l'augmentation des prix des carburants a incité certains gouvernements européens à alléger un peu la pression fiscale sur ces assiettes et, dans le cas de la France, à mettre en place un dispositif de lissage.

Les écotaxes proprement dites, c'est-à-dire les taxes générales sur les activités polluantes, n'ont commencé à jouer un rôle notable que très récemment, et dans un nombre limité de pays européens, à commencer par les Pays-Bas. Ce type d'instruments répond à la logique du « double dividende » : d'une part, la taxation de l'usage de produits à l'origine d'émissions polluantes -- et notamment de gaz à effets de serre, pour la réduction desquels l'UE s'est engagée, en signant le Protocole de Kyoto, et de polluants des nappes phréatiques, comme les nitrates et les pesticides d'origine agricole -- incite leurs utilisateurs à en réduire les quantités, selon le principe pigouvien de taxation du pollueur ; d'autre part le surcroît de recettes ainsi procuré permet de réduire, en compensation, d'autres prélèvements, notamment d'alléger les charges sociales pesant sur les salaires. C'est ainsi que plusieurs pays, dont l'Allemagne, ont entrepris de substituer des écotaxes, dont le taux et le champ d'application font l'objet d'une montée en puissance progressive et programmée, à des cotisations sociales.

En dépit des avantages de ces prélèvements, leur généralisation se heurte à de nombreuses résistances et à des obstacles indéniables. Les prélèvements sur les carburants sont, dans la plupart des pays, déjà à des niveaux élevés et impopulaires, ce qui rend les alourdissements plus difficiles politiquement. En outre, les activités productives directement affectées par les taxes générales sur les activités polluantes cherchent -- et parviennent généralement -- à obtenir des exonérations ou des allégements, de sorte que l'efficacité du dispositif et son rendement sont faibles et souvent au prix d'une complexité élevée. Enfin, ces écotaxes pèsent sur les coûts moyens de production des activités les plus polluantes, ce qui nuit à leur compétitivité et risque d'entraîner leur délocalisation. Ces difficultés peuvent être en partie résolues, ou du moins atténuées, par des mécanismes de compensation, puisque c'est l'alourdissement du coût marginal de l'usage des produits visés qui doit inciter à en limiter la demande. Mais ces compensations ne peuvent être complètes, sauf à introduire des procédures lourdes et complexes d'évaluation des coûts ; et les compensations globales, comme celles auxquelles aboutissent les allégements de charges sociales par exemple, engendrent inévitablement une redistribution du poids des prélèvements entre les producteurs. Dans ces conditions, des progrès ultérieurs dans la généralisation des écotaxes sont peu probables aussi longtemps que la stratégie de lutte contre les pollutions n'aura pas fait l'objet de choix clairs et que la l'harmonisation européenne n'aura pas permis d'en limiter les effets en termes de compétitivité.

La fiscalité locale

Presque tous les pays européens ont, au cours de la décennie passée, élargi les compétences de leurs collectivités territoriales en matière de dépenses. Ce mouvement de décentralisation, plus ou moins marqué selon les pays, n'a toutefois pas été reflété partout dans un accroissement du poids de la fiscalité locale au sens strict, ce qui montre que les réponses apportées aux exigences d'autonomie financière des collectivités locales varient considérablement selon les pays 46 ( * ) .

L'une des difficultés majeures en matière de fiscalité locale provient du conflit inévitable qui existe entre l'autonomie locale, qui engendre nécessairement la diversité, et les objectifs nationaux de la politique fiscale, qu'il s'agisse de justice sociale et de redistribution ou de choix de politique économique, tel que l'allégement des prélèvements sur les salaires. A cela s'ajoutent les problèmes spécifiques que posent la mobilité des assiettes fiscales à l'échelle de découpages territoriaux qui, dans certains pays, dont la France, peuvent être très fins : la concurrence fiscale est sans doute plus vive entre collectivités locales d'une même agglomération ou bassin d'emploi qu'entre pays.

Dans la plupart des pays européens où des responsabilités importantes sont confiées aux collectivités locales, aux communautés autonomes (Espagne) ou aux Etats fédérés (Allemagne, Autriche, Belgique) en matière de dépenses publiques, notamment d'investissement, de santé et d'éducation, la modalité dominante de financement est le partage, selon des clés prédéfinies, des recettes d'impôts nationaux à fort rendement, tels que la TVA ou l'impôt sur le revenu des personnes. Cependant, dans la presque totalité des pays européens, les collectivités locales prélèvent également des impôts sur les assiettes peu mobiles, notamment des impôts fonciers. L'imposition locale des entreprises continue d'être pratiquée dans une minorité de pays membres, même si son assiette a été, presque partout, sensiblement remaniée pour éviter les problèmes de concurrence fiscale ou des conflits avec les objectifs nationaux de la politique fiscale -- comme c'est le cas avec la suppression de la part salariale de l'assiette de taxe professionnelle en France ou des réformes de l'impôt local sur les entreprises en Allemagne et en Italie. Le mouvement de regroupement communal lancé en France depuis les lois Voynet et Chevènement, la généralisation de la taxe professionnelle de zone qui l'accompagne, n'ont pas d'équivalent ailleurs en Europe, où les problèmes de structures et d'empilement sont généralement moindres et ont souvent été réglés depuis longtemps.

Les transferts en provenance du budget central représentent, dans de nombreux pays, une source importante de financement des dépenses publiques locales. Ils ont l'avantage de permettre une péréquation des ressources entre collectivités. Celle-ci est le préalable indispensable à une décentralisation audacieuse des compétences et à l'autonomie des collectivités locales en matière de taux de prélèvement sur les assiettes qui leur sont octroyées. Faute d'une péréquation financière suffisante, en effet, les disparités de prélèvements sur les ménages ou les écarts de services publics locaux qui leur sont offerts apparaissent particulièrement injustes, tandis que les écarts de prélèvements sur les activités productives engendrent des phénomènes cumulatifs de concentration spatiale et de désertification. Si les transferts compensent la quasi-totalité des disparités de potentiel fiscal ex ante des collectivités locales, une décentralisation poussée peut être compatible avec le maintien de l'équité sur l'ensemble du territoire national..

Un modèle fiscal européen ?

Dans chaque pays, la structure et le poids du système fiscal reflètent des choix économiques, sociaux et politiques effectués par la collectivité nationale ; ce sont les résultats des circonstances historiques ayant prévalu lors de sa construction et à chaque étape de son évolution. Chaque Etat membre de l'UE présente des spécificités ; c'est en ordre fiscal dispersé que les pays se sont présentés au début des années 1990, au départ de la construction du Marché unique et de l'UEM. Une plus grande ouverture des frontières dans une situation caractérisée par un assemblage non organisé de systèmes fiscaux différents est susceptible de générer des mouvements de personnes et de capitaux physiques et financiers motivés par des considérations fiscales. Ces mouvements peuvent réduire la capacité des Etats membres à organiser la redistribution et à financer leurs dépenses publiques. Ils peuvent générer aussi une ré-allocation non efficace des ressources. Sont concernés principalement le comportement migratoire des entreprises et des actifs hautement rémunérés et la circulation du capital physique ou financier. Certes, la Commission et le Conseil ont avant même l'ouverture de 1993, et tout au long de la décennie, élaboré un certain nombre de directives (par exemple les directives TVA) visant à éviter les cas les plus flagrants de non-neutralité fiscale. Malgré cela, la construction fiscale européenne reste encore largement en chantier. Les décisions qui seront prises dans la prochaine décennie auront de fait une influence considérable sur le devenir de l'Europe fiscale.

En la matière, le principe de subsidiarité continue à prévaloir. Il ne s'agit pas, dans l'état actuel des choses, et tant que les citoyens n'auront pas décidé de passer à une Europe fédérale, d'organiser une fiscalité unifiée à l'échelle européenne. Chaque pays reste libre de son niveau de dépenses publiques, donc de recettes fiscales ; de son degré de redistribution entre ses résidents ; de l'organisation de son système de protection sociale. Cependant, certaines décisions seront plus efficaces si elles sont prises à l'échelle européenne ; par ailleurs, la liberté doit être organisée. Ce doit être l'objectif de l'harmonisation fiscale que de permettre aux pays de pouvoir jouir des degrés de liberté nécessaire. Reste que l'Europe fiscale devra vivre longtemps dans une tension entre le désir d'autonomie de chaque pays, son souci de maintenir son droit à décider de sa politique fiscale, de garder sa liberté d'innover et la nécessité de l'harmonisation 47 ( * ) .

Le projet de directive sur la taxation des revenus de l'épargne va dans le bon sens. Reconnaissant le principe de résidence, il permet à chaque pays d'appliquer la fiscalité de son choix sur les revenus de ses résidents en organisant les circuits d'information nécessaire.

La taxation des revenus des ménages peut pour le reste demeurer purement nationale. Restent deux points délicats. Il faut éviter des pratiques de concurrence fiscale dommageables et contraire au principe de résidence, par exemple que certains pays accordent des régimes dérogatoires aux résidents de fraîche date, ayant des revenus d'origine étrangère. L'exode fiscal demeurera certes possible pour les individus à patrimoines élevés ou les actifs à très forts revenus, mais devrait rester limité, compte tenu des coûts induits par l'obligation de changer durablement de pays de résidence. Toutefois, sa possibilité obligera sans doute les pays à limiter quelque peu la taxation des plus hauts revenus et patrimoines. L'instauration d'un taux supérieur minimal est, de toute évidence, impossible en Europe actuellement, mais les pays devraient s'accorder sur la nécessité de lutter contre les paradis fiscaux extra-communautaires.

La protection sociale doit, elle aussi, rester purement nationale, tant que la vie sociale, les organisations syndicales et les négociations sociales restent organisées à l'échelon national. La disparité des systèmes est aujourd'hui extrême en matière de retraite, de prestations chômage, d'assurance-maladie. Le risque est que, sous prétexte de liberté de concurrence et d'établissement, les assurances privées n'obtiennent le droit de concurrencer les systèmes publics à composante redistributive. Aussi, les pays concernés devraient-ils clairement déclarer que les régimes d'assurance sociale qui ont des objectifs sociaux ou de redistribution sont obligatoires et échappent au principe de la libre concurrence. En même temps, chaque pays a la responsabilité propre de mettre en place un système suffisamment attractif pour être compétitif à l'échelle européenne tout en restant suffisamment redistributif. Bien sûr, la tâche sera facilitée si des normes sociales sont définies à l'échelle européenne : revenu minimal, minimum vieillesse, retraite minimale, prestations familiales (tous quatre en pourcentage du revenu moyen dans chaque pays), couverture maladie de base universelle. Mais c'est un choix politique que de décider si ces exigences font partie du modèle européen 48 ( * ) .

Théoriquement, chaque pays peut décider de sa propre fiscalité écologique et utiliser les fonds ainsi dégagés pour réduire la charge portant sur le travail. Mais une stratégie purement nationale trouve vite ses limites : il est difficile d'augmenter la charge portant sur un secteur industriel donné si ses concurrents ne subissent pas les mêmes contraintes. De plus, les effets favorables sont diffus. Aussi, peut-on penser que c'est un domaine où la stratégie doit rapidement devenir communautaire. En sens inverse, ceci ne favorise pas la prise de conscience nationale de la nécessité d'agir. La fiscalité écologique apparaît comme une contrainte bruxelloise, que les gouvernements abandonnent vite face aux lobbies sectoriels.

Le cas le plus délicat est celui de l'impôt sur les sociétés. Une assiette commune serait nécessaire, mais les pays veulent garder le droit de mettre en oeuvre des mesures spécifiques (aide à l'investissement, à la recherche-développement, à l'innovation, etc.). La Commission a pris le parti de ne juger comme réellement préjudiciable que les régimes fiscaux ayant un caractère dérogatoire. Elle s'est refusée à imposer un taux minimal 49 ( * ) . Le démantèlement complet des régimes dérogatoires serait déjà un progrès important. Le refus d'uniformiser les taux d'imposition ne laisse comme stratégie d'harmonisation disponible que le principe de l'imposition à la source 50 ( * ) . Chaque entreprise doit payer l'impôt sur les sociétés sur les profits réalisés dans chacun des pays où elle exerce son activité. Sinon, le principe d'imposition à la résidence induirait une concurrence fiscale destructrice, chaque entreprise pouvant déplacer son siège social dans le pays le moins taxant. De plus, un accord entre les pays membres est nécessaire sur les principes de taxation des dividendes, en particulier sur l'avoir fiscal. Sinon, l'unification du marché financier européen serait entravée, les ménages des pays membres devant faire leurs choix d'investissements en Bourse en fonction de considérations fiscales. L'accord pourrait comporter la généralisation du système de l'avoir fiscal, chaque pays pourrait alors choisir librement la taxation des dividendes reçus par ses résidents selon le principe de subsidiarité et la neutralité de l'imposition vis-à-vis du choix du pays d'investissement serait assurée. En sens inverse, il pourrait comporter la suppression de l'avoir fiscal, mais la neutralité vis-à-vis du pays d'investissement ne serait pas assurée.

Malheureusement, il n'existe pas de solutions simples, ni dans le domaine de la réforme fiscale, ni dans celui de l'harmonisation. Il n'y a pas de grande réforme fiscale, mais des retouches qui cherchent à améliorer l'équité et le fonctionnement de l'économie, qui souvent compliquent au lieu de simplifier. Jusqu'à présent, les pays européens semblent avoir réussi à préserver le niveau de redistribution et de dépenses publiques qu'ils souhaitaient. Par ailleurs, l'Europe fiscale devra vivre longtemps dans cette contradiction entre des marchés du capital et des biens qui s'unifient rapidement, des fiscalités (et plus généralement des structures budgétaires, sociales et politiques) qui restent nationales. Ceci rend difficiles les grands progrès.

Références bibliographiques

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Chapitre I : Fiscalité européenne, l'état des lieux

Réjane Hugounenq et Henri Sterdyniak

Les pays de l'Union européenne sont caractérisés par des taux de prélèvement obligatoire élevés, 40,8 % en moyenne, supérieurs de plus de 10 points aux niveaux japonais et américain. La mondialisation n'a jusqu'à présent pas privé les pays européens de ressources. Au sein de l'UE, les pays dont le TPO est le plus élevé sont la Suède, le Danemark, la Finlande, la Belgique et la France. A l'autre extrémité du spectre se trouvent le Royaume-Uni, l'Irlande et les pays du Sud (Espagne, Grèce, Portugal). Les différences de TPO reflètent essentiellement les choix du montant des dépenses collectives (éducation, santé) et des prestations sociales. Comparée aux Etats-Unis, l'UE se caractérise par le poids important des cotisations sociales et des taxes sur les produits (TVA). Par contre, le poids de l'impôt sur le revenu des ménages est plus faible. Les pays européens s'étagent entre les pays très centralisés où le gouvernement central prélève plus des 2/3 des recettes (Irlande, Royaume-Uni, Grèce, Portugal, Luxembourg, Danemark) et des pays peu centralisés : Allemagne, en raison du poids des Länder, Belgique en raison de sa division linguistique, France en raison du poids de la Sécurité sociale, Suède en raison du poids des communes.

Ce chapitre présente les niveaux d'imposition et leur évolution depuis le début des années 1990 pour les pays membres de l'Union européenne (UE) auxquels nous avons ajouté les Etats-Unis et le Japon à titre de comparaison. Il analyse aussi des indicateurs de la structure de la fiscalité comme l'assiette des prélèvements et l'administration perceptrice.

Le niveau d'imposition est appréhendé par le taux de prélèvement obligatoire (TPO) tel qu'il est mesuré par l'OCDE, soit les impôts et les cotisations sociales obligatoires en pourcentage du PIB (Notes de méthode).

Dans chaque pays, le taux de prélèvement obligatoire reflète fondamentalement le poids des dépenses publiques, compte tenu cependant des recettes non fiscales, des charges d'intérêt, du déficit public. Aussi, fournissons-nous plusieurs indicateurs du poids des dépenses publiques, qui permettent d'expliquer les différences de taux de prélèvement obligatoire.

Notes de méthodes

Les données présentées ici sont essentiellement issues des Statistiques des recettes publiques de l'OCDE. Sous le terme de « prélèvements obligatoires », l'OCDE regroupe en principe l'ensemble des versements obligatoires (y compris cotisations sociales) effectués sans contrepartie au profit des administrations publiques.

Les administrations publiques comprennent les autorités supranationales (institutions de l'Union européenne), les administrations centrales, régionales et locales, les entités publiques autonomes (églises dans certains pays), à l'exception des entreprises publiques, et les organismes de Sécurité sociale. Un certain flou existe quant à l'appartenance aux secteurs des administrations publiques de certains organismes d'assurance maladie ou d'assurance retraite. Les mutuelles ne font pas partie des administrations publiques (dans la mesure où l'adhésion y est facultative). Les fonds de pension par capitalisation n'y figurent pas, sauf dans certains pays où ils sont obligatoires et socialement contrôlés (Finlande, par exemple). Les régimes obligatoires y figurent, même s'ils sont juridiquement gérés par le secteur privé (pour la France, Unedic, Arrco, Agirc).

L'expression de « sans contrepartie » exclut en principe les versements qui ouvrent des droits à des prestations proportionnelles aux versements. C'est ainsi que ne sont pas considérées comme prélèvement obligatoire certaines taxes qui sont le paiement d'un services rendu (passeports, redevance radio-télévision, amendes, etc.). Par contre, en dérogation à ce principe, sont comptabilisées dans les prélèvements obligatoires toutes les cotisations obligatoires, même si elles donnent droit à des prestations plus ou moins directement liées aux cotisations versées (en matière de retraite ou de chômage).

Les cotisations volontaires sont exclues des prélèvements obligatoires de même que les cotisations obligatoires mais versées à des organismes extérieurs au secteur des administrations publiques (dans les pays où les salariés sont obligés de s'assurer, mais peuvent le faire auprès de leurs entreprises ou d'une assurance privée). Enfin, les cotisations fictives ne sont pas comptabilisées dans les prélèvements obligatoires : la création d'une caisse de retraite pour les fonctionnaires augmente donc le taux de prélèvement obligatoire.

Les données de l'OCDE sont comptabilisées sur la base des versements effectivement reçus par les administrations. Elles tiennent donc compte des dispositions fiscales particulières : crédit d'impôts, avoir fiscal, par exemple. De façon générale, les recettes sont nettes des dépenses fiscales. Le taux de prélèvement obligatoire est donc plus faible pour les pays qui offrent des ristournes de cotisations sociales au lieu de subventions à l'emploi, des crédits d'impôt aux familles plutôt que des prestations familiales, des primes à l'emploi plutôt des subventions aux travailleurs peu qualifiés, des ristournes à l'impôt sur les sociétés plutôt que des subventions à l'investissement, etc. De même, ce taux est fictivement plus faible dans les pays qui exonèrent les retraites et les chômeurs de cotisations ou d'impôt, mais qui tiennent compte de cette exonération dans le calcul des prestations.

Enfin, pour ce qui est de la structure d'imposition, l'OCDE classe les recettes fiscales en fonction de leur assiette : revenus, salaires, patrimoine, biens et services etc., et non en fonction de leurs répercussions économiques.

I. Les taux de prélèvement obligatoire des pays de l'UE

En 2000, les pays de l'UE restent caractérisés par des taux de prélèvement obligatoire élevés, 40,8 % en moyenne, supérieurs de plus de 10 points aux niveaux japonais et américain (tableau 1). Globalement, les taux de prélèvement obligatoire ont légèrement augmenté (de 1,8 point en moyenne). La mondialisation n'a jusqu'à présent pas obligé les pays européens à se priver de ressources. En dépit d'un certain rapprochement, les divergences entre pays de l'UE restent fortes.

Au sein de l'UE, les pays dont le ratio recettes fiscales sur PIB est le plus élevé sont la Suède, le Danemark, la Finlande, la Belgique et la France. A l'autre extrémité du spectre se trouvent le Royaume-Uni et l'Irlande ainsi que les pays du Sud (Espagne, Grèce, Portugal). Pour l'année 2000, l'écart entre le pays dont le taux est le plus élevé et celui dont le taux est le plus bas est de près de 22 points de PIB. Les cinq pays où le taux de prélèvement obligatoire est le plus élevé avaient un TPO de 46,3 % en 1990 ; il est passé à 47,9 % en 2000 ; les cinq pays où le TPO est le plus faible avaient un TPO de 32,2 % en 1990 ; il est monté à 35,4 % en 2000.

La mise en application du traité de Maastricht et du Pacte de stabilité a généré, de la part des gouvernements européens, des efforts pour réduire le déficit public. Ceux-ci sont passés par la baisse relative des dépenses publiques (investissement public, effectifs du secteur public, gestion rigoureuse des prestations sociales, etc.) mais aussi par une certaine hausse de la fiscalité. De 1990 à 2000, les taux de prélèvement ont augmenté en Europe, de 1,8 point en moyenne 51 ( * ) . Seuls, l'Irlande et les Pays-Bas ont vu leur taux de prélèvement diminuer respectivement de 2 et 1 points. Par contre, la hausse du taux de prélèvement obligatoire a été particulièrement forte pour la Grèce (8,7 points), l'Italie (3,4 points) et le Portugal (5,3 points). Les dix années ont été marquées par un certain rapprochement des taux de prélèvement, en raison du rattrapage des pays du Sud. L'Irlande n'a pas participé à ce rattrapage : ayant bénéficié sur la décennie 1990 d'une croissance exceptionnelle (qui a culminé à 9 % en moyenne entre 1994 et 2000), elle a mis en place des programmes d'allègements fiscaux, notamment sur le revenu, destinés à compenser la faible évolution des salaires avant impôts.

Graphique 1 :Taux de prélèvement obligatoire

En % du PIB



Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Graphique 2 : Taux de prélèvement obligatoire

En %

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Tableau 1 : Les prélèvements obligatoires en pourcentage du produit intérieur brut

Pays

1990

2000

Suède

53,6

53,3

Danemark

47,1

48,4

Finlande

44,7

46,5

Belgique

43,2

46,0

France

43,0

45,5

Pays-Bas

42,8

41,8

Luxembourg

40,5

42,0

Autriche

40,5

43,3

Italie

38,9

42,3

Allemagne

36,8 (1)

37,8

Royaume-Uni

35,9

37,7

Irlande

33,5

31,5

Espagne

33,0

35,3

Portugal

29,4

34,7

Grèce

29,3

38,0

UE pondérée

39,0

40,8

Japon

30,7

27,1

Etats-Unis

26,7

28,9 (2)

(1) 1991 ; (2) 1999.

Source : OCDE, Statistiques des Recettes publiques , 2001.

Un classement qui diffère selon les sources mais des écarts qui subsistent

Les recettes fiscales évaluées par l'OCDE dans son document Statistiques des recettes publiques différent de celles que l'on peut calculer dans les Comptes nationaux. Ces divergences ont trois causes : les Comptes nationaux incluent les cotisations sociales volontaires aux administrations privées (mais, cette divergence est corrigeable, tableau 2) ; le document de l'OCDE utilise parfois des chiffres périmés (tant en ce qui concerne l'évaluation du PIB que celle de certaines recettes) ; enfin, les comptables nationaux peuvent reclasser certaines dépenses fiscales en impôts. L'écart est particulièrement marqué pour l'Allemagne, et à un moindre degré pour le Portugal et le Royaume-Uni.

Tableau 2 : Comparaison des taux de prélèvement obligatoire selon les Statistiques des recettes publiques et Comptes nationaux des pays de l'OCDE

1999, en point de PIB

Taux de prélèvement obligatoire

Cotisations volontaires

Ecarts non expliqués

SRP (1)

CN (2)

(3)

(2)-(1)-(3)

Allemagne

37,7

42,7

1,18

3,8

Autriche

43,9

44,3

0,10

0,3

Belgique

45,7

46,3

0,00

0,6

Danemark

50,4

50,8

0,04

0,3

Espagne

35,1

35,2

 

0,1

Finlande

46,3

46,3

0,29

- 0,3

France

45,9

45,8

 

- 0,1

Royaume-Uni

36,3

38,1

0,00

1,8

Grèce

37,1

37,6

 

0,5

Irlande

32,3

32,6

 

0,3

Italie

43,3

43,3

 

0,0

Luxembourg

41,8

42,6

 

0,8

Pays-bas

42,1

42,3

 

0,2

Portugal

34,3

36,8

 

2,3

Suède

52,2

53,0

 

0,8

Sources : OCDE, Statistiques des recettes publiques et Comptes nationaux des pays de l'OCDE, tableaux détaillés, volume II - 1988-1999 , 2001.

Royaume-Uni : une analyse plus fine

Il existe trois sources pour le taux de prélèvement obligatoire : les Statistiques des recettes publiques de l'OCDE (SRP), 2001 (qui donnent 36,3 % pour 1999) ; les Comptes nationaux des pays de l'OCDE, tableaux détaillés, volume II, 2001 (qui donnent 38,1 %) ; enfin, les Comptes nationaux de source britannique, The Blue Book , 2001 (qui donnent 37,2 %).

Ces différences ont deux causes (tableau 3) :

1) Des différences de concepts : les Comptes nationaux de l'OCDE incorporent les cotisations volontaires aux administrations ; les autres sources non.

2) Des différences de mesures . : la publication SRP a fait une erreur de 4 milliards en recopiant le chiffre « taxe sur le tabac ». De façon générale, ses chiffres sont un peu plus anciens et n'intègrent pas les dernières révisions des Comptes nationaux. La Comptabilité nationale britannique a augmenté le PIB de 1,1 % dans sa dernière évaluation, ce qui diminue le TPO.
Aucune des trois sources n'intègre les 8,8 milliards de contributions obligatoires à des organismes privés.

Conclusion : Le bon chiffre est celui de la comptabilité nationale britannique soit 37,2 % selon les concepts de l'OCDE. Il monte à 38,7 % si on ajoute les contributions volontaires aux administrations publiques et les contributions obligatoires aux organismes privés.

Tableau 3 : Comparaison de trois sources sur les impôts au Royaume-Uni

En milliards de livres
(en 1999)

SRP - OCDE

Comptes nationaux - OCDE

Comptes nationaux - ONS

Impôts sur les produits

123,5

130,3

131,0

Impôts sur les revenus

142,9

145,5

145,3

Cotisations sociales

55,2

56,6

56,6

Cotisations volontaires

 

5,0

 

Impôts sur le capital

2,0

2,0

2,0

Total

323,6

339,4

334,9

PIB

891

891

901

Taux de PO

36,3

38,1

37,2

Sources : OCDE, Statistiques des recettes publiques et Comptes nationaux des pays de l'OCDE, tableaux détaillés, volume II - 1988-1999 , 2001 ; ONS, United Kingdom National Accounts , The Blue Book , édition 2001.

II. Les recettes et les dépenses

Comment expliquer les écarts de prélèvements entre les différents pays ? Quels choix reflètent-ils et peut-on en inférer un modèle européen ? Le tableau 4 détaille les comptes des administrations publiques ce qui permet d'obtenir une vision globale de l'utilisation des prélèvements obligatoires pour chaque pays. Les dépenses publiques sont financées par les prélèvements obligatoires mais aussi par les recettes non fiscales et les déficits.

Ici aussi, l'enregistrement des dépenses publiques effectué par la Comptabilité nationale ne reflète pas l'intégralité des interventions économiques et sociales de l'Etat et plus généralement de la Nation. Si les TPO ne prennent pas en compte les dépenses fiscales, les dépenses publiques n'en tiennent elles non plus pas compte.

Certains avantages fiscaux se substituent directement à des dépenses sociales ; par exemple, le Royaume-Uni accorde une réduction d'impôts pour les frais médicaux privés des personnes de plus de 60 ans. De même, les réductions d'impôt au titre des systèmes contractuels de substitution au régime national d'assurance y représentaient 3,1 % du PIB en 1993. D'autres avantages fiscaux sont accordés pour encourager l'achat de prestations privées sociales se substituant aux dépenses publiques. C'est notamment le cas aux Etats-Unis, où des avantages fiscaux sont accordés aux employeurs qui contribuent aux programmes d'assurance maladie.

Il faut aussi tenir compte des dépenses privées obligatoires à caractère social. Par exemple, en Allemagne, au Danemark et en Suède, les employeurs versent pour une durée déterminée des indemnités maladie en cas d'arrêt maladie, non remboursées par l'Etat. Au Royaume-Uni, 20 % de ces mêmes dépenses ne sont pas remboursées.

Nous ne disposons pas des données nécessaires pour corriger les chiffres de la CN. Cependant, une étude de l'OCDE (1997) 52 ( * ) montre que les écarts, pour ce qui est des montants des seules dépenses sociales, passent de 15,5 à 8 points de PIB entre la Suède et le Royaume-Uni après prise en compte des éléments énoncés plus haut. Pour les même raisons, la situation relative des Pays-Bas et de l'Allemagne est inversée après prise en compte des avantages fiscaux, particulièrement élevés en Allemagne.

Ces réserves faites, les recettes fiscales s'étagent de 53 % en Suède et 51,2 % au Danemark, à 36,9 % au Portugal et 35,4 % en Espagne. Les différentiels de taux de pression fiscale restent donc importants.

Les recettes non fiscales comportent les intérêts reçus, parfois importants pour des pays où des caisses de retraites ont accumulé des actifs importants (Suède, Danemark, Finlande, Espagne).

Les soldes ont subi de fortes variations tout au long de la décennie 1990. Pour l'année 1999, les bons élèves sont le Danemark, le Royaume-Uni et la Finlande et les Pays-Bas. Quand le taux d'intérêt est peu éloigné du taux de croissance du PIB en valeur, la contrainte de stabilité de la dette est la nullité du solde primaire. Tous les pays de l'UE avait en 1999 un solde primaire positif. Ceci signifie qu'ils étaient en phase de réduction de dette, que leurs recettes fiscales étaient supérieures au niveau impliqué par leurs dépenses primaires. L'écart est de l'ordre de 6 points pour la Belgique et le Luxembourg ; de 5 points pour la Grèce et le Danemark ; de 4 points pour le Royaume-Uni, l'Italie et les Pays-Bas ; de 3 points pour l'Irlande et la Suède ; de 2 points pour la Finlande ; de 1 point pour l'Allemagne, la France et l'Espagne. Il est pratiquement nul pour l'Autriche et le Portugal. Les pays auront donc une marge à l'avenir pour réduire leur taux de prélèvement obligatoire.

Les dépenses publiques primaires vont de 31 % du PIB en Irlande et 36 % au Royaume-Uni et en Espagne à 49 % au Danemark et 52 % en Suède. De 1990 à 1999, la part des dépenses publiques primaires a augmenté de 2 points au Portugal et en France. Par contre, elle a baissé de 2 points en Italie et en Espagne, de 8 points aux Pays-Bas, de 11 points en Suède.

Les dépenses collectives (il s'agit des dépenses liées à l'administration générale, la sécurité, la défense nationale, la recherche et développement, la protection de l'environnement etc.) sont relativement proches, de l'ordre de 8 % du PIB avec 9,5 % en France et en Grèce, 11 % aux Pays-Bas et seulement 5 % en Irlande.

Les dépenses individualisables (enseignement, santé, sécurité sociale, culture, fourniture de logement etc.) et la protection sociale représentent de 30 à 34 % du PIB. Deux groupes de pays s'écartent de la moyenne, vers le haut pour les pays scandinaves, le Danemark (35 %) et la Suède (38 %) ; vers le bas pour l'Irlande (19 %), la Grèce (21 %), l'Espagne (22 %) et le Royaume-Uni (25 %). Les Pays-bas, où la protection sociale est assurée en partie par des organismes privés, sont aussi à 25 %.

Les dépenses en investissement public sont de l'ordre de 1,8 % du PIB de l'UE, mais de 1 % seulement au Royaume-Uni, tandis qu'elles dépassent 3 % dans les pays du Sud.

Les différences de prélèvement obligatoire entre les pays reflètent essentiellement les choix du montant des dépenses individualisables et du montant des prestations sociales. Elles représentent un choix de société entre les dépenses que chaque ménage doit assurer lui-même et celles qui sont collectivement fournies, en matière de santé, retraite, protection contre le chômage, dépenses pour les enfants...

Globalement, un pays continental européen type se caractérise par des dépenses publiques primaires représentant environ 45 % du PIB, réparties ainsi : 11 points pour les retraites, 8 pour la santé, 3 pour le chômage, 3 pour le poste famille-logement-pauvreté, 6 pour le poste éducation-culture, 3 pour les subventions économiques, 8 pour les dépenses collectives, 3 points de dépenses en capital. La privatisation partielle de la retraite et de la santé (à 5 % du PIB chacun), la réduction des prestations de solidarité (à 3 % du PIB pour le total chômage-famille), une certaine privatisation de l'éducation (limitant le financement public 4 % du PIB), un peu moins de subventions et de dépenses collectives (1 point de moins au total) permettent de passer à 30 points de PIB, soit au modèle américain.

Tableau 4 : Comptes des administrations, en % du PIB

 
 

Recettes fiscales

Recettes non fiscales (1)

Solde

Dépenses courantes (2)

Intérêt de la dette

Prestations sociales

FBCF

Dépenses publiques

Dépenses primaires (3)

 
 
 

Total

Dont :

 

Total

Dont :

Y compris :

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Intérêts

 
 

Dépenses individ.

Dépenses collectives

Rémunération des salariés

 
 
 
 
 

Allemagne

1991

39,7

2,8

1,1

- 3,1

22,3

10,5

8,7

9,0

2,8

15,7

2,8

43,8

41,0

 

1999

43,2

2,3

0,8

- 1,4

22,7

11,1

7,9

8,3

3,5

18,9

1,8

46,9

43,4

Autriche

1990

42,8

4,3

2,1

- 2,4

25,5

11,4

7,6

11,9

4,1

18,7

3,0

49,5

45,4

 

1999

45,8

1,7

1,2

- 2,1

24,6

11,9

7,7

11,4

3,5

17,8

1,8

49,5

46,0

Belgique

1990

43,9

3,3

1,3

- 6,7

24,1

12,8

7,5

11,2

11,9

16,2

1,7

53,9

42,0

 

1999

47,5

2,4

0,8

- 0,7

25,9

13,7

7,7

11,6

7,2

15,7

1,8

50,6

42,4

Danemark

1990

47,6

7,0

4,6

- 1,0

28,9

17,4

8,2

17,7

7,3

17,9

1,6

55,6

48,3

 

1999

51,2

5,3

3,2

3,1

29,6

17,5

8,0

17,1

4,6

17,5

1,7

53,4

48,8

Espagne

1995

33,6

3,1

1,6

- 6,6

20,6

10,1

8,0

11,3

5,2

13,9

3,7

43,3

38,1

 

1999

35,4

2,7

1,2

- 1,2

19,9

9,8

7,5

10,5

3,6

12,4

3,3

39,3

35,7

Finlande

1990

45,8

6,1

3,8

5,3

26,5

14,2

7,4

15,1

1,4

14,9

3,8

46,6

45,2

 

1999

45,8

5,1

2,6

1,8

25,3

13,5

8,1

13,6

3,1

17,9

2,8

49,2

46,0

France

1990

44,0

3,2

1,2

- 2,1

25,9

12,9

9,4

12,5

2,9

16,9

3,6

49,3

46,4

 

1999

47,1

2,8

0,6

- 1,6

26,7

14,0

9,4

13,6

3,3

18,3

3,0

51,5

48,2

Grèce

1995

33,9

2,7

2,5

- 10,2

15,7

5,9

9,4

11,3

12,7

15,1

3,2

46,8

34,1

 

1999

39,2

2,7

2,3

- 1,8

14,5

5,9

9,3

11,5

8,8

14,5

4,1

43,7

34,9

Irlande

1990

34,8

2,6

1,7

- 2,8

18,2

9,8

6,6

10,4

7,9

11,9

2,1

40,2

32,3

 

1999

33,2

1,8

1,1

1,9

17,6

8,9

5,0

8,2

2,5

10,2

2,6

33,1

30,6

Italie

1990

39,4

1,7

0,6

- 11,8

23,6

12,3

7,9

12,6

10,5

15,4

3,3

52,9

42,4

 

1999

43,2

1,8

0,6

- 1,8

20,2

10,8

7,2

10,7

6,7

17,2

2,5

46,8

40,1

Lux.

1990

40,8

7,2

4,1

4,7

23,6

9,1

8,4

10,0

0,4

14,8

4,5

43,3

42,9

 

1999

43,1

4,7

1,8

4,7

23,4

9,9

7,4

8,7

0,3

15,1

4,3

43,1

42,8

Pays-Bas

1995

40,6

5,6

2,9

- 9,1

31,2

12,5

11,6

10,8

5,9

15,3

3,0

55,3

49,4

 

1999

42,4

4,4

1,8

1,0

25,6

12,1

11,0

10,3

4,5

12,6

3,1

46,0

41,5

Portugal

1995

34,6

2,9

1,1

- 4,6

20,3

10,7

8,0

13,7

6,2

11,8

3,7

42,1

35,9

 

1999

36,9

2,5

0,6

- 2,1

20,7

11,7

8,1

14,4

3,2

13,5

4,1

41,5

38,3

R-U

1990

36,7

2,5

1,6

- 1,5

23,2

10,7

9,2

12,0

3,8

11,9

2,6

41,7

37,9

 

1999

38,1

2,2

0,8

1,3

21,5

10,9

7,6

7,5

3,0

13,5

1,1

39,0

36,0

Suède

1993

48,8

8,9

2,4

- 11,9

36,8

20,2

8,2

19,1

6,0

23,3

3,3

69,6

63,6

 

1999

53,0

5,8

2,2

1,7

30,4

19,2

7,7

16,5

5,0

18,9

2,7

57,1

52,1

Japon

1990

30,0

3,6

0,6

2,8

11,1

8,8

6,8

3,8

11,0

4,9

30,8

27,0

 

1998

27,9

3,3

0,7

10,1

17,8

9,9

7,4

3,7

14,2

5,6

41,3

37,6

Interprétation : Recettes fiscales + recettes non fiscales - solde public - intérêts nets = prestations sociales + dépenses courantes + dépenses en capital.

(1) Les recettes non fiscales incluent l'excédent d'exploitation et les revenus de la propriété.

(2) Ces dépenses comprennent aussi les subventions, les transferts nets et les acquisitions d'actifs non financiers non produits.

(3) Les dépenses publiques primaires sont les dépenses publiques hors les intérêts de la dette.

Sources : OCDE, Comptes nationaux des pays de l'OCDE, tableaux détaillés, volume II - 1988-1999 , 2001 ; calculs des auteurs.

III. Structure fiscale et incidence des impôts

Il est d'abord possible de classer les impôts selon leur assiette (tableaux 5 et 6). L'importance des différentes assiettes varie fortement selon les pays :

Comparée aux Etats-Unis, l'UE se caractérise par le poids important des cotisations sociales et des taxes portant sur le prix des produits. Par contre, le poids de l'impôt sur le revenu des ménages est plus important aux Etats-Unis.

Les pays scandinaves font jouer un grand rôle à l'impôt sur le revenu des ménages. Celui-ci reste peu important dans des pays du Sud (Portugal, Grèce, Espagne) ainsi qu'aux Pays-Bas.

Le poids de l'impôt sur les sociétés est faible en Allemagne et en Autriche ; il n'est particulièrement fort qu'en Finlande et au Luxembourg.

L'impôt sur le patrimoine est important au Luxembourg et au Royaume-Uni, à un degré moindre en France.

Les cotisations sociales pèsent fortement sur les salaires dans les pays Bismarkiens (Autriche, France, Suède, Pays-Bas). Ils sont peu importants au Danemark, en Irlande, au Royaume-Uni.

Les impôts sur les produits sont particulièrement élevés au Danemark et au Portugal.

La comparaison du poids des différents impôts en 1990 et en 2000 ne montre guère de grands bouleversements. Pratiquement, tous les impôts ont légèrement augmenté en pourcentage du PIB, de façon homothétique. Toutefois, le poids des cotisations sociales a très légèrement diminué de 0,3 point de PIB (la baisse provient en fait de l'introduction de la CSG) en France.

Une autre décomposition consiste à classer les impôts en fonction de leur répercussion économique (tableaux 7 et 8), soit en cinq catégories, selon qu'ils pèsent sur :

Les ménages (IR, impôts sur le patrimoine, cotisations sociales salariés...).

Les entreprises : (IS).

Le coût du travail (cotisations sociales employeurs et taxes sur les salaires).

Les autres coûts de production (impôts sur l'actif des sociétés, etc.).

Le prix des produits (impôts sur la production).
Globalement, on retrouve l'importance des taxes portant sur le travail et le prix des produits. Les impôts sur les ménages sont importants dans les pays scandinaves, en Belgique et aux Pays-Bas ; faibles dans les pays du Sud (Portugal, Grèce, Espagne) ainsi qu'en Irlande. Les impôts sur le revenu des entreprises sont faibles en Allemagne et en Autriche et plus particulièrement au Luxembourg. Les taxes sur le travail sont fortes dans les pays Bismarkiens (Autriche, France, Suède). Elles sont peu importantes au Danemark, aux Pays-bas, en Irlande et au Royaume-Uni. Les impôts sur les produits sont particulièrement élevés au Danemark et au Portugal.

Tableau 5 : Structure des recettes fiscales selon l'assiette des taxes, en % des recettes (2000, sauf (1))

 

ALL

AUT

BEL

DAN

ESP

FIN

FRA

GRC

IRL

ITA

LUX

PB.

PRT

SUE.

RU

UE

JAP

EU

Impôts sur le revenu

Ménages

Sociétés

30,1

28,5

39,3

59,0

28,0

44,1

25,0

27,4

42,2

33,6

35,7

25,2

28,8

42,1

38,4

32,3

33,7

49,1

25,3

22,2

31,1

52,4

18,7

32,5

18,3

13,1

30,1

23,9

18,1

15,1

16,9

35,2

28,6

24,8

20,9

40,7

4,8

4,7

8,1

4,8

8,6

11,7

6,7

11,7

12,1

6,0

17,5

10,1

11,7

6,9

9,8

7,3

12,8

8,3

Prélèvement sur les salaires
dont :

Cotisations sociales

Impôts sur les salaires

39,1

40,5

30,8

4,9

35,1

23,9

38,2

30,8

13,3

28,3

25,4

39,4

25,4

32,8

16,8

31,5

37,0

23,9

39,1

34,3

30,8

4,6

35,1

23,9

36,2

30,3

12,9

28,3

25,4

39,4

25,4

28,4

16,8

30,6

37,0

23,9

0,0

6,2

0,0

0,3

0,0

0,0

2,0

0,5

0,3

0,0

0,0

0,0

0,0

4,4

0,0

0,9

0,0

0,0

Impôt sur le patrimoine

2,3

1,4

3,3

3,3

6,2

2,5

6,7

5,2

5,5

4,3

10,5

5,4

3,3

3,6

11,8

5,9

10,2

10,7

Impôts sur les Biens et services
dont :

TVA

Accises

28,1

28,4

25,4

32,4

29,7

29,2

26,1

36,2

38,4

28,1

28,0

28,4

41,3

21,2

32,5

28,9

18,9

16,4

18,3

19,1

16,1

19,6

17,6

17,4

16,6

22,1

22,0

15,6

14,0

17,4

23,7

13,6

18,5

17,9

8,9

0,0

7,5

5,9

5,0

10,5

7,7

9,2

6,3

10,6

13,8

6,3

12,1

8,3

13,5

6,5

10,6

8,2

7,1

5,1

Autres

0,4

1,2

1,1

0,4

1,0

0,3

4,0

0,5

0,6

5,7

0,5

1,7

1,3

0,4

0,5

1,4

0,2

0,0

(1) Année 1999 pour l'Irlande, le Portugal et les Etats-Unis.

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Tableau 6 : Structure des recettes fiscales selon l'assiette des taxes en % du PIB (2000, sauf (1))

 

ALL

AUT

BEL

DAN

ESP

FIN

FRA

GRC

IRL

ITA

LUX

PB.

PRT

SUE.

RU

UE

JAP

EU

Impôts sur le revenu

Ménages

Sociétés

11,4

12,3

18,1

28,5

9,9

20,5

11,4

10,4

13,6

14,2

15,0

10,5

9,9

22,5

14,5

13,2

9,1

14,2

9,6

9,6

14,3

25,3

6,6

15,1

8,3

5,0

9,7

10,1

7,6

6,3

5,8

18,8

10,8

10,1

5,7

11,8

1,8

2,0

3,7

2,3

3,0

5,4

3,1

4,4

3,9

2,5

7,4

4,2

4,0

3,7

3,7

3,0

3,5

2,4

Prélèvement sur les salaires
dont :

Cotisations sociales

Impôts sur les salaires et la main-d'oeuvre

14,8

17,5

14,2

2,4

12,4

11,1

17,4

11,7

4,3

12,0

10,7

16,4

8,7

17,5

6,3

12,8

10,0

6,9

14,8

14,8

14,2

2,2

12,4

11,1

16,5

11,5

4,2

12,0

10,7

16,4

8,7

15,2

6,3

12,5

10,0

6,9

0,0

2,7

0,0

0,2

0,0

0,0

0,9

0,2

0,1

0,0

0,0

0,0

0,0

2,3

0,0

0,4

0,0

0,0

Impôt sur le patrimoine

0,9

0,6

1,5

1,6

2,2

1,1

3,0

2,0

1,8

1,8

4,4

2,2

1,1

1,9

4,4

2,4

2,8

3,1

Impôts sur les Biens et services
dont :

TVA

Accises

10,6

12,3

11,7

15,7

10,5

13,6

11,9

13,7

12,4

11,9

11,8

11,8

14,2

11,3

12,2

11,8

5,1

4,7

6,9

8,3

7,4

9,5

6,2

8,1

7,5

8,4

7,1

6,6

5,9

7,3

8,1

7,3

7,0

7,3

2,4

0,0

2,8

2,5

2,3

5,1

2,7

4,3

2,9

4,0

4,5

2,7

5,1

3,5

4,6

3,5

4,0

3,3

1,9

1,5

Autres

0,2

0,5

0,5

0,2

0,4

0,1

1,8

0,2

0,2

2,4

0,2

0,7

0,4

0,2

0,2

0,6

0,1

0,0

Total

37,8

43,3

46,0

48,4

35,3

46,5

45,5

38,0

32,3

42,3

42,0

41,7

34,3

53,3

37,7

40,8

27,1

28,9

(1) Année 1999 pour l'Irlande, le Portugal et les Etats-Unis.

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Tableau 6 bis : Structure des recettes fiscales selon l'assiette des taxes en % du PIB (1990)

 

ALL

AUT

BEL

DAN

ESP

FIN

FRA

GRC

IRL

ITA

LUX

PB.

PRT

SUE.

RU

UE

EU

Impôts sur le revenu

Ménages

Sociétés

11,5

10,3

16,2

27,6

10,2

19,3

6,9

5,8

12,4

14,2

16,0

13,8

7,6

22,3

14,1

12,4

11,9

9,8

8,5

13,9

24,8

7,2

17,2

4,6

4,1

10,7

10,2

9,6

10,6

4,7

20,6

10,0

9,6

9,9

1,7

1,4

2,4

1,5

2,9

2,0

2,3

1,6

1,7

3,9

6,4

3,2

2,3

1,7

4,2

2,7

2,0

Prélèvement sur les salaires
dont :

Cotisations sociales

Impôts sur les salaires et la main-d'oeuvre

13,3

15,7

14,3

1,7

11,8

9,7

19,7

9,1

5,4

12,9

11,1

16,0

8,0

15,9

6,1

13,1

6,8

13,3

13,3

14,3

1,4

11,8

9,7

18,9

8,9

5,0

12,8

11,1

16,0

8,0

14,6

6,1

12,8

6,8

0,0

2,4

0,0

0,3

0,0

0,0

0,8

0,2

0,4

0,1

0,0

0,0

0,0

1,3

0,0

0,3

0,0

Impôt sur le patrimoine

1,2

1,1

1,2

2,0

1,8

1,1

2,7

1,4

1,6

0,9

3,4

1,6

0,8

1,9

2,9

1,8

3,0

Impôts sur les Biens et services
dont :

TVA

Accises

9,5

12,7

11,4

15,8

9,4

14,6

12,2

13,1

14,2

10,9

10,3

11,3

12,9

13,4

11,1

11,1

4,5

5,9

8,4

7,1

8,7

5,2

8,7

7,9

7,2

6,9

5,7

4,8

7,1

5,8

8,0

6,1

6,6

0,0

2,4

2,5

2,1

4,7

1,9

4,3

2,7

3,5

5,7

3,0

4,1

2,5

4,1

3,9

3,5

2,9

1,3

Autres

0,0

0,5

0,0

0,0

0,0

0,1

1,4

0,0

0,0

0,0

0,1

0,1

0,2

0,1

1,5

0,5

0,0

Total

35,6

40,5

43,2

47,1

33,2

44,7

42,9

29,3

33,5

38,9

40,9

42,8

29,4

53,6

35,8

38,9

26,2

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Tableau 7 : Structure des recettes fiscales selon leur répercussion économique immédiate en % des recettes (1999)

 

ALL

AUT

BEL

DAN

ESP

FIN

FRA

GRC

IRL

ITA

LUX

PB.

PRT

SUE.

RU

UE

JAP

EU

Revenu des ménages

46,3

41,3

43,9

54,9

33,2

38,0

32,4

32,7

35,8

34,9

35,9

51,0

28,0

44,2

41,7

39,3

36,6

56,6

Revenu des entreprises

4,8

4,1

7,9

5,9

8,0

9,1

6,4

8,7

12,1

7,7

17,6

10,1

11,7

6,0

10,4

7,2

12,9

8,3

Coût du travail

19,3

23,0

19,3

1,3

24,1

20,1

27,1

14,5

8,5

20,1

11,1

6,0

14,5

26,7

9,7

18,3

19,1

12,2

Autres coûts de production

0,2

0,5

0,8

0,2

0,7

0,3

4,1

0,2

0,7

4,5

4,7

0,6

0,1

0,3

0,4

1,3

0,3

0,9

Prix des produits

27,1

26,9

23,3

30,9

27,7

30,2

25,9

35,1

36,6

25,0

27,5

25,6

40,8

20,8

30,6

27,8

17,9

14,4

Divers

2,4

4,2

4,9

6,8

6,3

2,3

4,2

8,8

6,3

7,9

3,3

6,7

4,9

2,0

7,2

6,2

13,3

7,5

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001 ; calculs des auteurs.

Tableau 8 : Structure des recettes fiscales selon leur répercussion économique immédiate en % du PIB (1999)

 

ALL

AUT

BEL

DAN

ESP

FIN

FRA

GRC

IRL

ITA

LUX

PB.

PRT

SUE

RU

UE

JAP

EU

Revenu des ménages

17,4

18,2

20,0

27,6

11,7

17,6

14,9

12,1

11,6

15,1

15,0

21,5

9,6

23,1

15,1

15,9

9,6

16,3

Revenu des entreprises

1,8

1,8

3,6

3,0

2,8

4,2

2,9

3,2

3,9

3,3

7,3

4,2

4,0

3,2

3,8

2,9

3,4

2,4

Coût du travail

7,3

10,1

8,8

0,7

8,4

9,3

12,4

5,4

2,7

8,7

4,7

2,5

5,0

13,9

3,5

7,4

5,0

3,5

Autres coûts de production

0,1

0,2

0,4

0,1

0,3

0,2

1,9

0,1

0,2

1,9

2,0

0,3

0,0

0,1

0,2

0,5

0,1

0,3

Prix des produits

10,2

11,8

10,6

15,6

9,7

14,0

11,9

13,0

11,8

10,8

11,5

10,8

14,0

10,9

11,1

11,2

4,7

4,2

Divers

0,9

1,8

2,2

3,4

2,2

1,1

1,9

3,3

2,0

3,4

1,4

2,8

1,7

1,0

2,6

2,5

3,5

2,2

Total

37,7

43,9

45,7

50,4

35,1

46,3

45,8

37,1

32,3

43,3

41,8

42,1

34,3

52,2

36,3

40,5

26,2

28,9

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001 ; calculs des auteurs..

IV. La centralisation des prélèvements

La répartition des prélèvements entre les types d'administration est très différenciée selon les pays :

Dans deux des trois pays fédérés (Belgique et Allemagne), le poids de la fiscalité des Etats est extrêmement fort, de l'ordre de 10 % du PIB, supérieur à celui des Etats-Unis.

Dans les pays scandinaves, la fiscalité locale est très importante (de 10 à 15 % du PIB). Dans certains petits pays, elle est en dessous de 1 % (Belgique, Grèce, Irlande).

Le poids des impôts perçus par les administrations centrales va de 11 % du PIB en Allemagne à plus de 25 % (Danemark, Irlande, Royaume-Uni, Suède).

Les recettes propres de la Sécurité sociale sont très faibles dans certains pays où elle est financée par le budget de l'Etat, totalement (Danemark, Suède) ou partiellement (Royaume-Uni, Irlande). Au contraire, elles sont très fortes dans les modèles bismarkiens (France, Pays-Bas, Belgique, Allemagne).
Les pays européens s'étagent entre les pays très centralisés où le gouvernement central prélève plus des 2/3 du total des recettes (Irlande, Royaume-Uni, Grèce, Portugal, Luxembourg, Danemark) et des pays peu centralisés pour des raisons diverses : Allemagne, en raison du poids des Länder , Belgique en raison de sa division linguistique, France en raison du poids des recettes de la Sécurité sociale, Suède en raison du poids des communes.

Tableau 9 : Répartition des prélèvements selon l'administration perceptrice,
en % du total des recettes

En 1997

CE

Adm. Centrales.

Etats fédérés

Adm. locales

Séc. Sociale

Allemagne

1,5

29,2

22,0

7,9

39,3

Autriche

1,4

51,2

9,4

10,1

27,9

Belgique

1,9

34,9

23,6

4,4

35,0

Danemark

1,1

62,4

--

31,5

4,1

Espagne

1,9

46,7

--

16,9

34,5

Finlande

1,2

54,8

--

22,7

26,6

France

1,2

42,5

--

10,0

45,1

Grèce

1,8

67,6

--

1,1

29,5

Irlande

2,2

85,0

--

1,8

11,1

Italie

1,1

61,0

--

9,4

26,6

Luxembourg

1,2

67,0

--

5,7

25,3

Pays-Bas

2,3

54,7

--

2,7

40,0

Portugal

1,8

65,0

--

6,6

26,5

Royaume-Uni

1,7

76,9

--

4,1

17,3

Suède

1,0

61,8

--

30,3

8,8

Etats-Unis

--

45,0

19,1

12,0

23,9

Japon

--

36,7

--

26,1

37,2

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Tableau 10 : Répartition des prélèvements selon l'administration perceptrice,
en % du PIB

En 1999

CE

Adm. Centrales

Etats fédérés

Adm. locales

Sécu. Sociale

Allemagne

0,6

11,0

8,3

3,0

14,8

Autriche

0,6

22,5

4,1

4,4

12,2

Belgique

0,9

16,0

10,8

0,2

16,0

Danemark

0,6

31,5

--

15,9

2,1

Espagne

0,7

16,4

--

5,9

12, 1

Finlande

0,6

25,3

--

10,5

12,3

France

0,6

19,5

--

4,6

20,7

Grèce

0,7

25,1

--

0,4

10,9

Irlande

0,7

27,4

--

0,6

3,6

Italie

0,5

26,4

--

4,1

11,5

Luxembourg

0,5

28,0

--

2,4

10,6

Pays-Bas

1,0

23,0

--

1,3

16,9

Portugal

0,6

22,3

--

2,3

9,1

Royaume-Uni

0,6

27,9

--

1,5

6,3

Suède

0,5

30,8

--

15,8

4,6

Etats-Unis

--

13,0

5,5

3,5

6,9

Japon

--

9,8

--

6,8

9,7

Source : OCDE, Statistiques des recettes publiques , 2001.

Chapitre 2. 1 : L'imposition des bénéfices

Réjane Hugounenq

L'organisation de la fiscalité des entreprises en Europe, dix ans après l'ouverture des frontières, est encore à construire. Les taux effectifs d'imposition, ainsi que les législations auxquelles sont soumises les entreprises sont relativement disparates, ce qui, en l'absence d'organisation génère des distorsions. Elles concernent principalement les entreprises qui opèrent sur l'ensemble du territoire européen : renchérissement des coûts du fait de la coexistence de quinze régimes mais aussi, et surtout, des possibilités d'optimisation fiscale (délocalisation de sociétés-mères, prix de transferts etc.). Les délocalisations pures sont, par contre, rares. Les Etats, de leur côté, par la mise en place de régimes dérogatoires tentent d'attirer des entreprises sur leur territoire. L'enjeu de la construction fiscale européenne est clair : soit chaque pays tente de tirer partie de l'absence de coordination avec des conséquences dangereuses (concurrence fiscale, baisse de recettes et son corollaire réduction du rôle de l'Etat), soit la fiscalité des sociétés est organisée sous l'égide de la Commission. Cette dernière a déjà mis en place un certain nombre de directives visant à assurer la neutralité de la fiscalité vis-à-vis des investissements transnationaux, de même qu'elle a engagé des procédures de lutte contre la concurrence fiscale. Mais les avancées sont laborieuses et insuffisantes. Les dernières propositions concernent la base d'imposition des sociétés multinationales afin de lutter contre certaines discriminations et de limiter l'optimisation fiscale. En dépit de leur intérêt, ces propositions sont insuffisantes pour permettre aux Etats, de conserver leur autonomie fiscale et les recettes nécessaires à la pérennité de leurs choix sociaux. L'adoption d'un taux minimal à l'instar de ce qui s'est fait pour la TVA devrait compléter ces propositions.

Une entreprise multinationale qui envisage d'investir aujourd'hui dans les pays de l'UE a fort à faire pour analyser ce que sera sa situation fiscale. Quinze régimes nationaux d'imposition des bénéfices (IS) régis par tout un réseau de conventions bilatérales et par trois directives de la Commission forment l'architecture du système fiscal européen. Cette complexité est, pour les entreprises, à la fois une aubaine et une source de coûts. Une aubaine pour les plus grandes d'entre elles, qui utilisent les divergences fiscales pour minimiser leurs charges d'imposition (optimisation fiscale). Une source de coûts pour les petites et moyennes entreprises susceptibles d'opérer en Europe.

Les Etats, de leur côté, sous l'effet de la pression des entreprises et des autres Etats tentent d'attirer des entreprises sur leur territoire (concurrence fiscale). Les entreprises courtisées sont principalement les grandes entreprises et c'est à leur intention qu'ont été mis en place par certains Etats membres, des régimes dérogatoires aux droits communs (la Commission qui les combat en a recensé plus de 200). Le comportement concurrentiel ne se limite cependant pas à l'utilisation de ces régimes. Subventions diverses et fourniture publique d'infrastructures sont autant d'instruments permettant d'attirer les entreprises. Par ailleurs, comme nous le verrons, les Etats membres se sont quasiment tous engagés dans un processus de baisse des taux de l'IS accompagné par l'élargissement de la base imposable. De sorte que si concurrence il y a, elle se signale certainement plus par la présence de régimes dérogatoires que par la baisse des taux.

La Commission, quant à elle, conformément à son engagement de réalisation du grand marché européen, vise par ses propositions et directives en matière d'imposition des bénéfices à assurer la neutralité de la fiscalité vis-à-vis des investissements transnationaux 53 ( * ) : les entreprises doivent pouvoir investir sur l'ensemble du territoire européen sans que la fiscalité soit une source de coût ou de distorsion économique 54 ( * ) . Des directives ont donc été mises en oeuvre pour éviter par exemple, les doubles impositions ou encore pour limiter certaines pratiques d'optimisation fiscale. De même, la Commission a engagé des procédures de luttes contre la concurrence fiscale à laquelle se livrent subrepticement les Etats. Mais, les avancées sont laborieuses et pour certaines d'entre elles, insuffisantes. Les groupes transnationaux continuent d'optimiser et le système dans son ensemble reste complexe et non neutre. Telle est aujourd'hui la situation en Europe en matière de fiscalité des sociétés.

La question urgente, qu'il s'agit de traiter aujourd'hui, en matière de fiscalité des entreprises n'est pas celle de la comparaison du niveau des taux d'imposition selon les pays ou encore celle de la délocalisation des entreprises afin de désigner les bons ou les mauvais élèves, mais celle de la nécessité de l'organisation de l'IS au niveau européen. Et ce précisément pour que les entreprises ne soient pas incitées à se délocaliser pour des raisons uniquement fiscales. La non neutralité du système, de même que la concurrence fiscale (qui contribue aussi à cette non neutralité) sont coûteuses, en termes d'efficacité économique 55 ( * ) et de recettes fiscales pour les Etats.

L'organisation fiscale qui est du ressort de la Commission se heurte, comme d'ailleurs celle des autres impôts, à l'autonomie fiscale des Etats membres et au principe de subsidiarité. Cela explique que le choix de l'harmonisation des bases et des taux qui supprimerait l'ensemble des problèmes est aujourd'hui inenvisageable. Les Etats la refuseraient au motif qu'elle nuit à leur souveraineté fiscale. On voit bien qu'en matière de TVA par exemple, c'est un ensemble de principes généraux minimal et non l'harmonisation qui a été choisi.

Quelle organisation mettre en place ? Est-il possible d'instituer un système d'IS neutre en Europe tout en préservant la diversité des régimes et sans mettre en péril les recettes fiscales des Etats membres ? La Commission a récemment émis un certain nombre de propositions visant à faire avancer le processus de coordination. Suffiront-elles à enrayer les pratiques de concurrence fiscale et les menaces de délocalisation des entreprises ? En clair, ces propositions permettront-elles à chaque Etat, de conserver son autonomie fiscale et les recettes nécessaires à la pérennité de leurs choix sociaux ? Ce sont les questions que nous traiterons dans ce chapitre. Dans un premier temps, cependant, nous présenterons les régimes nationaux d'IS en Europe et leur évolution ces dix dernières années et discuterons des problèmes de délocalisations des entreprises ainsi que des solutions à apporter. Sachant que le point d'achoppement le plus aigu concerne l'imposition des entreprises transnationales, nous ferons dans une seconde partie, le point sur le fonctionnement du système d'imposition tel qu'il s'applique aux sociétés dont les activités s'étendent sur l'ensemble du territoire européen. L'évolution des positions de la Commission en matière de coordination, des comportements d'optimisation et de concurrence fiscale seront alors évoqués.

I. L'IS en Europe, son poids, son évolution

1. Le poids de l'IS en Europe

Le poids de l'IS (tableau 1) dans les budgets nationaux est relativement proche. Seuls se distinguent, l'Autriche et l'Allemagne (avec des recettes nettement inférieures à la moyenne), le Luxembourg et dans une moindre mesure le Royaume-Uni (avec des recettes d'IS légèrement supérieures à l'ensemble des autres pays). Au cours de la décennie 1990, le poids de l'IS a légèrement progressé dans l'ensemble des pays de l'UE (sauf pour le RU). Cette progression est en grande partie due aux évolutions conjoncturelles (les entreprises ont des profits plus élevés), les modifications structurelles opérées dans les pays membres au cours des dernières années s'étant compensées.

Tableau 1 : Impôt sur les sociétés en % du PIB

 

1980

1990

1996

1997

1998

1999

2000

2001*

2002*

Autriche

1,4

1,3

1,8

1,8

1,8

1,7

1,7

1,8

1,8

Allemagne

1,8

1,8

1,7

1,9

1,9

2,0

2,1

1,9

1,9

Belgique

2,2

2,4

3,1

3,5

3,6

3,5

3,5

3,5

3,4

Danemark

1,5

2,6

3,4

3,7

3,6

3,6

3,5

3,5

3,5

Espagne

1,2

3,1

2,1

2,1

2,1

2,1

2,1

2,1

2,1

Finlande

1,2

2,0

3,0

3,7

3,7

3,7

3,8

3,6

3,5

France

2,1

2,4

1,9

2,2

2,7

2,9

2,9

2,8

2,8

Grèce

0,5

1,7

2,2

2,4

2,9

3,2

3,3

3,3

3,2

Irlande

1,5

2,2

3,6

3,7

3,7

3,7

3,5

3,4

3,3

Italie

2,4

3,7

4,2

4,3

3,9

4,1

4,1

3,9

3,9

Luxembourg

7,6

6,6

6,9

8,3

8,3

8,2

8,2

8,0

7,6

Pays-Bas

3,0

3,4

4,1

4,6

4,5

4,5

4,4

4,2

4,2

Portugal

0,9

2,5

2,7

2,8

2,8

2,9

3,0

3,1

3,1

RU

2,9

4,1

3,8

4,3

4,7

4,7

4,8

4,7

4,7

Suède

1,2

2,0

3,1

2,8

2,9

2,9

2,8

2,7

2,6

Europe

2,2

2,9

2,7

3,0

3,1

3,2

3,2

3,2

3,1

* Estimations/Prévisions.

Sources : Commission européenne/Eurostat.

2. Les modifications structurelles de la décennie 1990

Les réformes fiscales mises en oeuvre tout au long de la décennie 1990 ont toutes été façonnées par l'idée selon laquelle, tout prélèvement autre que forfaitaire étant source de distorsions 56 ( * ) , il est préférable que l'impôt, pour un montant de recette donné, soit prélevé à un taux relativement faible quitte à ce que la base d'imposition soit la plus large possible.

De fait, pour la raison évoquée ci-dessus, mais aussi pour des effets d'affichages en termes d'attractivité fiscale, les pays de l'UE n'ont cessé tout au long des années 1990 de diminuer les taux d'imposition sur les bénéfices (tableau 2). L'Allemagne avait deux taux d'imposition sur les sociétés : 30 et 40 % (respectivement pour les bénéfices distribués et non distribués) qui ont été ramenés par la réforme 2000 au taux unique de 25 %. La Grande-Bretagne a un barème progressif qui commence à 10 et se termine à 30. En Suède, le taux est unique, fixé à 28 %. L'Italie a introduit la DIT (Dual Income Tax), ce qui revient à pratiquer un barème progressif (en fonction de la rentabilité de l'entreprise) à deux taux : 19 (pour la rentabilité normale) et 36 % (pour la rentabilité exceptionnelle). Le taux français, a lui aussi subi par rapport à son niveau des années 1980 une forte baisse mais reste, compte tenu des majorations qui subsistent, aux alentours de 35 % soit avec les Pays-Bas dans le haut de la fourchette dans l'Union européenne. L'Irlande a un double système : un taux normal d'imposition sur les sociétés comparable à celui de la Grande-Bretagne -- c'est à dire un taux progressif dont la fourchette se situe entre 22 et 34 % -- et un taux de 10 % pour des activités manufacturières localisées dans des zones préférentielles. Ce mouvement de baisse des taux engagé depuis une décennie perdure. Les Irlandais, par exemple, en prévision d'une éventuelle condamnation pour compétition fiscale déloyale, envisagent de fusionner en 2003 tous leurs régimes sur la base d'un taux unique de 12,5 %.

On remarque qu'aujourd'hui, hormis le cas particulier de l'Irlande, le taux nominal d'IS est en moyenne en Europe de 30 %.

Tableau 2 : Evolution des taux nominaux de l'IS

 

Taux normal hors surcharge (1 )

Autriche

34 %

Allemagne

Avant 2000 : Taux sur les bénéfices réinvestis : 40 %
Taux sur les bénéfices distribués : 30 %

Après 2000 : Taux unique 25 %

Belgique

39 %

Danemark

1999 : 32 %
2001 : 29 %

Espagne

35 %

Finlande

1999 : 28 %
2001 : 29 %

France

50 % fin de la décennie 1980
33,33 % depuis le début des années 1990 (2)

Grande-Bretagne

33 % début des années 1990
30 % à partir de 2000

Grèce

1999 : 40 %
2001 : 37,5 %

Irlande

10 % (3)

Italie

37 % avant 1998
A partir de 1998 : 19 % et 37 % (4)
A partir de 2001 : 19 % et 36 %

Luxembourg

30 %

Portugal

1999 : 34 %
2001 : 32 %

Pays-Bas

35 % tout au long de la décennies 90

Suède

28 %

(1) Taux maximal hors surcharges . Il existe par ailleurs dans tous les pays des taux réduits pour les PME ou pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est en deçà d'un certain montant.(voir annexes pour plus de précisions sur les pays).

(2) Le taux normal de l'IS a été l'objet de nombreuses surcharges tout au long des années 1990 pour atteindre près de 42 % en 1997 avant de redescendre en 2002 à 35,43 %. Le taux sera de 34,43% en 2003 (voir annexes sur la France pour plus de précisions).

(3) L'Irlande a un double système : un taux normal d'imposition sur les sociétés -- soit un taux progressif dont la fourchette se situe entre 22 et 34 % -- et un taux de 10 % pour des activités manufacturières localisées dans diverses zones préférentielles. On peut considérer que le taux normal est de 10 % dans la mesure ou les entreprises qui se délocalisent en Irlande pour des raisons fiscales s'installent précisément dans ces zones préférentielles.

(4) L'application de l'un ou de l'autre taux dépend de la rentabilité du capital. Le barème est progressif, le taux moyen comme le taux marginal croissent avec la rentabilité du capital.

Sources: Rapport Commission européenne 2001(935), Eurostat.

Les pays membres étant confrontés tout au long des années 1990 à des impératifs budgétaires, les modifications de taux se sont quasiment toutes traduites par un élargissement de la base d'imposition. L'Allemagne a par exemple durci sa position en matière de règles d'amortissement. La Grande-Bretagne a réduit certains avantages comme l'exonération des dividendes reçus de sociétés résidentes pour certains types d'actionnaires, etc.

Il est à priori difficile, à partir de la seule analyse qualitative de l'évolution des taux et des éléments constitutifs de la base imposable, de se prononcer sur l'évolution de la charge fiscale supportée par les entreprises dans chaque pays . La baisse du taux nominal de l'IS ne signifie pas nécessairement réduction de la charge fiscale pour les entreprises, ni même diminution des recettes fiscales pour l'Etat. En effet, des compensations peuvent s'effectuer entre taux et bases et entre les éléments de la base elle-même, et ce à la fois au niveau de l'entreprise mais aussi au niveau global. Par exemple, un pays qui impose des restrictions sur les pratiques d'évaluation des biens immatériels pourra les compenser par un régime d'amortissement favorable sur les biens tangibles. Où en est-on aujourd'hui des charges d'IS pesant sur les entreprises des différents Etats membres, autrement dit qu'en est-il du taux effectif d'imposition ?

3. Taux moyens effectifs d'imposition dans les pays de l'UE

Dans son dernier rapport sur l'imposition des entreprises en Europe 57 ( * ) , la Commission mesure quantitativement l'ampleur des divergences entre les régimes fiscaux. Elle calcule pour cela un taux moyen d'imposition effectif, c'est-à-dire, le taux d'imposition que supporte un investissement type qui rapporterait avant impôt une rentabilité de 20 % (tableaux 3 et 4).

Ces taux doivent être interprétés avec précaution. Ils tiennent compte non seulement de l'IS (base et taux nominal d'imposition y compris les surcharges), mais aussi de la fiscalité locale. Autrement dit, des éléments fiscaux comme par exemple la taxe professionnelle ou les impôts fonciers pour la France entrent en ligne de compte. Ces derniers impôts n'ont pas forcément comme base d'imposition le bénéfice. Les différences ne sont donc pas seulement dues à l'IS. Par ailleurs, pour ce qui est de l'IS, si une bonne partie des éléments constitutifs de ces impôts sont considérés (taux, provisions, crédit d'impôts, etc.), d'autres comme le traitement des pertes ou le report des déficits sont ignorés. Enfin, il s'agit d'investissements type portant sur un actif composite (combinaison de machines, de biens intangibles, etc.) avec un mode de financement qui combine dans des proportions fixées l'autofinancement, l'endettement et l'émission d'actions. Leur représentativité est donc soumise à questionnement.

Quoiqu'il en soit des modalités de calculs, il ressort des analyses de la Commission que les charges fiscales auxquelles sont soumises les entreprises dans le cadre des investissements domestiques sont relativement disparates (tableaux 3 et 4). Trois groupes de pays peuvent être distingués. L'Irlande et les pays du Nord de l'Europe (Suède, Finlande) avec des taux inférieurs à 25 %. Un groupe de pays (Italie, Grande-Bretagne, Danemark, Autriche, etc.) avec un taux proche de 30 %. Et enfin, la France et l'Allemagne avec des taux compris entre 35 % et 40 %. L'Allemagne en dépit de sa récente réforme est toujours en première position, juste devant la France. L'Allemagne a certes diminué son taux nominal d'imposition mais a élargi sa base. Si la réforme a effectivement réduit le poids de l'IS, elle n'a pas modifié la position de ce pays vis-à-vis de ses partenaires européens. La raison est que l'Allemagne a réduit le poids d'un impôt initialement très élevé. Quant à la France, sa position est en partie due à la prise en compte dans le calcul de l'imposition locale. Celle-ci est d'autant plus importante qu'elle est un coût fixe pour les entreprises (indépendant de leur résultat).

Tableau 3 : Taux moyen effectif d'imposition dans les pays membres de l'UE

En 1999

Taux légal d'imposition

Taux nominal utilisé pour le calcul du taux effectif (1)

Taux moyen effectif d'imposition (2)

Autriche

34.00

34.00

29.8

Allemagne

40.00

52.35

39.1

Belgique

39.00

40.17

34.5

Danemark

32.00

32.00

28.8

Espagne

35.00

35.00

31.0

Finlande

28.00

28.00

25.5

France

33.33

40.00

37.5

Grande-Bretagne

30.00

30.00

28.2

Grèce

40.00

40.00

29.6

Irlande

10.00

10.00

10.5

Italie

37.00

41.25

29.8

Luxembourg

30.00

37.45

32.2

Pays-Bas

35.00

35.00

31.0

Portugal

34.00

37.40

32.6

Suède

28.00

28.00

22.9

En 2001

Taux nominal d'imposition

Taux nominal utilisé pour le calcul du taux effectif (1)

Taux moyen effectif d'imposition (2)

Autriche

34

34

27.9

Allemagne

25

39,35

34.9

Belgique

39

40,17

34.5

Danemark

30

30

27.3

Espagne

35

35

31.0

Finlande

29

29

26.6

France

33,33

36,43

34.7

Grande-Bretagne

30

30

28.3

Grèce

37,5

37,50

28.0

Irlande

10

10

10.5

Italie

36

40,25

27.6

Luxembourg

30

37,45

32.2

Pays-Bas

35

35

31.0

Portugal

32

35,20

30.7

Suède

28

28

22.9

(1) Il comprend le taux nominal de l'IS normal, les surcharges et l'impôt sur le bénéfice local.

(2) Ce calcul prend en compte le taux d'imposition global sur les bénéfices tel que défini en (1) et des impôts locaux ne portant pas sur le bénéfice, tel que la taxe professionnelle (pour la France par exemple).

Source : Rapport Commission européenne 2001(935).

Lecture : Le taux moyen effectif d'imposition pour un investissement type (biens et mode de financement composite) qui rapporte avant impôt 20 % est de 34,7 % en France et de 34,9 % en Allemagne.

Que conclure de ces résultats et de la position relativement défavorable de la France ?

On peut craindre que ce différentiel ne génère des délocalisations d'entreprises. Or, il n'y pas eu en Europe de délocalisations massives d'entreprises dues à la seule imposition des sociétés. La raison en est simple, l'IS est un déterminant relativement mineur des choix de localisation des entreprises. Celles-ci sont sensibles à la qualité et au coût de la main-d'oeuvre, à la qualité des infrastructures, à la plus ou moins grande flexibilité des procédures administratives, etc. Les choix de localisations peuvent aussi répondre à des impératifs économiques (parts de marché, conditions de production, etc.) 58 ( * ) . Les délocalisations pures (délocaliser la production pour l'exporter dans le pays d'origine) sont relativement rares.

L'effet du différentiel d'IS n'est pas pour autant nul. Même si les délocalisations pures ne sont aujourd'hui pas massives, on ne peut ignorer leur éventualité. Par ailleurs, les grandes entreprises, qui opèrent sur l'ensemble du territoire européen utilisent ce différentiel pour optimiser fiscalement (voir section II.2) sans pour autant délocaliser la production.

Que faire ? Bien sûr un IS nul supprimerait les problèmes mais nuirait aux pays qui souhaitent conserver des recettes fiscales sauf à alourdir la fiscalité des autres facteurs de production. La course à la baisse de l'IS n'est pas de ce point de vue une solution viable et ce d'autant que l'issue du processus est une imposition nulle sur les entreprises. Il coûterait certainement plus cher à un pays de baisser le poids de l'IS qui porte sur l'ensemble de ses entreprises pour conserver les quelques entreprises qui pourraient se délocaliser et tenter d'attirer des entreprises étrangères (ce qui est peu probable, si l'ensemble des pays se comporte de la sorte) que de laisser se délocaliser les quelques cas existants. Il en est de même en ce qui concerne l'effet d'une baisse du poids de l'IS sur les pratiques d'optimisation.

Le problème doit être résolu au niveau de l'Union européenne par la mise en place, par exemple, d'un taux minimal en dessous duquel les pays ne pourraient pas descendre, à l'instar de ce qui est fait pour la TVA. Comme nous le verrons plus bas, aucune proposition ne va dans cette direction.

II. L'imposition des opérations transnationales

Comment sont imposés les groupes dont les opérations s'étendent à l'ensemble de la Communauté et quels sont les défauts de ce système ?

1. La situation de fait

Tout résident est imposable dans son pays de résidence. Le statut de résident dépend cependant de la forme juridique de la société. Une filiale, dotée d'une personnalité juridique et fiscale, sera considérée du point de vue du pays d'accueil comme une société résidente et du point de vue du pays d'origine de la société mère comme un contribuable étranger. En revanche, les établissements non dotés d'une personnalité juridique (succursales ou branches) sont des non résidents.

L'imposition des bénéfices des sociétés peut reposer sur deux principes : le principe de la source (ou du territoire) et celui de la résidence (ou du bénéfice mondial) . Selon le premier, un pays impose tous les revenus engendrés sur son territoire, qu'ils aient été réalisés par des résidents ou des non résidents. Ainsi, dans un pays qui applique le principe de la source, les bénéfices des entités de groupes étrangers sont imposés et les sociétés nationales doivent exclure de leurs résultats imposables les bénéfices de leurs entités étrangères. En contrepartie, les déficits subis à l'étranger ne sont pas imputables dans le pays d'origine. Un pays qui applique le principe de résidence doit imposer tous les revenus perçus par les résidents nationaux, qu'ils aient été réalisés sur le territoire national ou à l'étranger. Les pertes subies à l'étranger peuvent être imputées de leurs bénéfices.

La France applique dans la majeure partie des cas le principe de la source, mais autorise sous certaines conditions les groupes internationaux à utiliser le régime du bénéfice consolidé 59 ( * ) , autrement dit, le principe de résidence. Les autres pays membres appliquent le principe de résidence, mais se réservent le droit d'imposer les entreprises non résidentes. De fait, dans la majorité des cas, étant donné la définition du statut de résident, le bénéfice des entreprises est imposé dans le pays de la source de production. Les sociétés mères localisées dans un pays qui appliquent le principe de résidence sont autorisées 60 ( * ) à imputer sur l'impôt exigible les impôts payés par leurs succursales à l'étranger. Elles ne peuvent pas en revanche intégrer dans leur résultat les bénéfices (pertes) de leurs filiales .

Ce système est insatisfaisant à plusieurs égards et est critiqué par la Commission et par les entreprises. Il subsiste des discriminations en fonction de la nationalité et certains revenus subissent une double imposition.

Etant donné l'imposition séparée de chaque entité d'un groupe multinational, la déduction sur le bénéfice de la société mère des pertes subies par des entreprises localisées à l'étranger, n'est actuellement autorisée que pour les succursales et non pour les filiales. Autrement dit, la compensation des pertes entre filiales d'un même groupe mais localisées dans deux pays distincts n'est pas autorisée. De fait, le régime de bénéfices consolidés est quasi réservé aux seuls groupes nationaux 61 ( * ) c'est-à-dire réservé aux sociétés mères et filiales résidentes. On est alors en présence d'une « discrimination positive » en faveur des filiales nationales 62 ( * ) . Il s'agit là pour la Commission d'un obstacle à la libre circulation du capital qu'il faut supprimer.

Autre source d'insatisfaction, le système actuel est potentiellement générateur de doubles impositions pour les flux de revenus (dividendes, revenus d'intérêts, etc.), qui circulent entre une filiale et sa société mère (voir annexe 1). Certes les directives de la Commission et tout un ensemble de convention bilatérales ont partiellement résolu le problème de la double imposition des dividendes , mais le système reste complexe et le problème demeure entier pour les autres catégories de revenus.

Les dividendes

La directive 90/435 (mère-filiale) stipule que la double imposition des dividendes doit être évitée lors de leur rapatriement. D'une part, le taux de prélèvement à la source sur les dividendes distribués doit être nul dans le pays de la source. Ces dividendes ne doivent en principe supporter que le taux de l'IS du pays d'accueil. D'autre part, ces revenus sont, soit exonérés lors de leur rapatriement (système de l'exemption), soit réintégrés dans le bénéfice de la société mère donc soumis à l'IS avec en contrepartie un crédit d'impôt égal à l'impôt sur les sociétés supporté à l'étranger. Cependant, ce crédit est plafonné dans la limite de l'impôt sur les sociétés, payé dans le pays de résidence de la société mère. Les pays dans leur grande majorité utilisent le système de l'exemption. Seuls trois pays en Europe, la Grande Bretagne, l'Irlande et la Grèce appliquent le crédit d'impôt. La double imposition des dividendes n'est cependant pas totalement corrigée car elle ne s'applique qu'aux dividendes payés aux sociétés mères qui détiennent au moins 25 % de leur filiale 63 ( * ) . La Commission a émis en 1993 une proposition de directive visant à élargir le champ d'application de la directive de 1990. Mais cette proposition est restée sans suite. Le système des conventions bilatérales a pris, dans une certaine mesure, le relais pour le traitement fiscal de la circulation des dividendes entre entreprises ne bénéficiant pas de la directive européenne 64 ( * ) . Cependant, en l'absence de convention, l'investissement est clairement pénalisé. Par exemple, une société résidente dans un pays n'ayant pas signé de convention avec la France devra payer sur les dividendes d'origine française rapatriés l'IS français plus une retenue à la source de 25 %.

Enfin, les doubles impositions sont en partie supprimées pour les entreprises, les asymétries de traitement sont en revanche beaucoup plus marquées lors de la distribution des dividendes aux actionnaires personnes physiques. La non généralisation de l'avoir fiscal et la présence du système de l'exonération des dividendes au niveau des entreprises (pour les plus importantes) créent des inégalités de traitement très fortes entre les actionnaires en fonction de leur nationalité (voir chapitre sur l'imposition du capital).

Paiements d'intérêts, redevance etc.

Les dividendes ne constituent pas les seuls revenus qui transitent entre une société mère et sa filiale. Les paiements d'intérêts et autres redevances sont aussi concernés. Or ces derniers font souvent l'objet d'une retenue à la source et de doubles impositions. La Commission a présenté en 1998 une proposition, COM(1998/67), visant à supprimer cette source d'inefficacité à l'instar de ce qui a été fait pour les dividendes. Là encore, la proposition reste pour le moment sans suite.

2. Optimisation fiscale, localisation des sièges sociaux et régimes dérogatoires

L'application de fait du principe de la source associé à une correction imparfaite des doubles impositions et à la coexistence d'une pluralité de régimes d'imposition dans l'UE permet aux grandes entreprises de minimiser leurs charges d'imposition. Elles sont, de plus, aidées en cela par les régimes dérogatoires mis en place par les Etats membres. Ces pratiques ainsi que les régimes dérogatoires sont nombreux. Il ne s'agit pas ici de les recenser ici (la Commission en a dénombré plus de 200) mais plutôt à l'aide de quelques exemples d'expliquer les mécanismes à l'oeuvre.

Holding financière et système de correction de la double imposition

Une holding financière est une structure qui détient des actions d'autres sociétés. Le motif de création d'une holding qui nous intéresse ici est celui d'utiliser en toute légalité les divergences fiscales des pays. Certaines filiales doivent être localisées pour des raisons économiques dans des pays non attractifs fiscalement. La création d'une holding judicieusement localisée permettra alors de réorienter la distribution de dividendes ou d'intérêts et de minimiser ainsi la charge fiscale. Par exemple, les entreprises peuvent chercher à exploiter le fait que les pays appliquent différentes méthodes d'imputation pour la correction des doubles impositions pour les dividendes. Les systèmes de l'exemption et crédit d'impôt sont équivalents pour une entreprise multinationale lorsque le pays de résidence de la société mère a un taux nominal d'imposition plus faible que celui du pays d'accueil de la filiale. L'exonération est un système plus avantageux pour les entreprises que ne l'est le crédit d'impôt si le taux du pays de la société mère est le plus élevé. A partir de là, il est possible de mettre en place un montage financier qui exploitera avantageusement la divergence des systèmes employés.

Le principe général du montage financier est celui-ci : la société mère est installée dans le pays A, la holding dans le pays B et la filiale dans le pays C. La société mère peut financer la holding qui en fait de même pour la filiale, soit par émission d'actions, soit par prêts. La société mère et la holding reçoivent donc en retour des dividendes ou des intérêts.

Le financement de la filiale (par exemple, émission d'action) en passant par la holding financière peut être avantageux si les conventions entre les pays A et C éliminent la double imposition en utilisant le système du crédit d'impôt alors que les conventions entre les pays C et B et entre les pays B et A utilisent le système de l'exonération. Imaginons que le taux d'imposition dans le pays C soit de 15 % et celui de la société mère de 30 %. Sans holding, le taux que supporte l'entreprise sur les dividendes sera de 30 %. Si cette société passe par la holding , elle supportera in fine le taux de 15 %.

Les cas de figure sont aussi nombreux que les combinaisons de choix possibles de financement. De façon générale, le choix de localisation des holdings est sensible au traitement fiscal des dividendes, des intérêts, à l'éventuelle exonération des plus-values de cessions ; aux règles d'imposition des groupes (mise en commun des bénéfices et des pertes par exemple), à l'importance des réseaux de conventions fiscales (ce qui multiplie les possibilités d'optimisation), aux règles relatives aux ratios endettement/fonds propres (qui préviennent la sous-capitalisation), etc.

Ces pratiques d'optimisation reposent sur les régimes dérogatoires mis en place par les Etats membres. Les pays d'accueil des holdings en Europe sont : Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, France, Allemagne, Espagne. Aucun pays cités ne constitue dans l'absolu le lieu d'accueil idéal, mais chacun en fonction des objectifs de la holding présente (plus ou moins) des avantages comparatifs. Le tableau 5, issu d'une étude du ministère des Finances, donne quelques cas de figure.

Tableau 4 : Les pays d'accueil des holdings en fonction de leurs priorités

Objectifs

Pays recommandés

Pays à éviter

Echapper à l'impôt sur les plus-values résultant de la cession des participations

Pays-Bas
Belgique

France

Bénéficier d'un réseau de convention fiscale important

France
Pays-Bas

--

Conquérir des participations en déduisant des intérêts au titre d'emprunt

France
Belgique (dans certains cas)

Pays-Bas

Bénéficier de l'imposition des retenues à la source

France
Pays-Bas (dans certains cas)

--

Préparer la succession d'une personne physique

--

France
Pays-Bas

Source : Rapport Bollé, n° 82, Sénat.

Encadré 1 : Exemples d'utilisation des régimes des holdings

L'optimisation fiscale

Comment fonctionnent les régimes spéciaux des compagnies financières aux Pays-Bas ?
L'avantage du régime des compagnies financières hollandaises repose non pas sur un taux d'IS particulièrement favorable mais sur l'existence d'un réseau de conventions bilatérales relativement important et sur la possibilité de négocier directement avec les autorités hollandaises le montant de la base imposable. Par un accord avec l'administration et un mécanisme de prix de transfert, les holdings néerlandaises peuvent échapper à l'impôt. En effet, les compagnies financières sont autorisées à constituer des réserves pour risques financiers, réserves pouvant atteindre 80 % du revenu imposable de ces sociétés et déductibles de ce même revenu ; les revenus d'intérêts d'origine étrangère bénéficient d'un crédit d'impôt et la distribution des dividendes vers de nombreux pays (Allemagne, France, etc.) n'est pas soumise à une retenue à la source et exonéré à l'arrivée (Allemagne, ...).

L'utilisation optimale du crédit d'impôt au Royaume-Uni . Le Royaume-Uni utilise comme méthode d'élimination de la double imposition (cadre de la directive mère-filiale) pour la distribution des dividendes de source étrangère, le crédit d'impôt. Autrement dit, les dividendes que reçoit une société installée au RU, de la part de sa filiale (installée hors du RU) sont imposés aux taux de 30 % mais la société bénéficie en retour d'un crédit d'impôt égal au montant d'impôt sur les sociétés versé à l'étranger. Dès lors que le taux de l'IS du pays dans lequel est localisée la filiale est supérieur à celui qui prévaut au RU, une partie du crédit d'impôt est en quelque sorte gaspillé. En revanche, s'il est inférieur, la société mère est redevable d'un supplément d'impôt. La situation optimale est celle où les deux taux sont exactement égaux. Les filiales des grands groupes sont situées dans de nombreux pays aux taux divergents. La législation au Royaume-Uni ne permet pas à la société mère de bénéficier de compensation entre les différentes sources. L'utilisation d'une holding en centralisant l'ensemble des dividendes quel qu'en soit l'origine permet à la société mère d'optimiser.

Les techniques de transferts des bénéfices : la question des prix de transferts 65 ( * )

Le transfert des bénéfices peut s'effectuer selon plusieurs méthodes. Mais le principe est toujours le même. Il s'agit de modifier le bénéfice des filiales de façon à obtenir la répartition entre les entités du groupe la plus judicieuse.

Les prix de transferts sont des transactions marchandes dont le prix est volontairement faussé. Ils permettent de transférer une partie des bénéfices d'une filiale située dans un pays à forte imposition vers un pays à faible imposition en vendant à un prix délibérément minoré les produits d'une filiale A située dans un pays X à fort taux d'imposition, à une autre filiale B localisée dans un pays Y à taux d'imposition moins élevé. Le bénéfice que A aurait dû retirer de la vente de ses produits à un prix normal est ainsi transféré à B et supportera une taxation moins forte du fait de l'existence d'un différentiel de taux d'imposition sur les bénéfices entre X et Y. La modification de la répartition des bénéfices entre A et B aboutit pour le groupe à une économie d'impôt globale mais a des conséquences divergentes sur les recettes fiscales de X, qui sont affaiblies, et celles de Y, qui se trouvent au contraire augmentées.

La question des prix de transferts est délicate. Pour les Etats, ces prix de transactions internes sont une source d'évasion fiscale. Pour les entreprises, les dispositifs de lutte contre les prix de transferts mis en place par les différents Etats 66 ( * ) ne permettent pas de calculer à son juste coût la valeur de certaines transactions et induisent des coûts de gestion supplémentaires. Suivant les recommandations de l'OCDE, les administrations utilisent diverses techniques de correction, dont la méthode des prix comparables sur un marché de pleine concurrence (comparable uncontrolled price method). Mais de telles comparaisons n'existent pas toujours, ce qui est le cas de la valorisation des biens immatériels. Par ailleurs, les procédures permettant de calculer les prix de transferts fiscalement acceptables seraient lourdes et fortement différenciées entre les Etats et constitueraient de fait une source supplémentaire de double imposition.

Devant la divergence des intérêts soulevée par de telles pratiques, la Commission a émis la directive 90/436 (prix de transferts) visant à régler les litiges entre les Etats et les entreprises. Un pays peut, par exemple, revaloriser pour des questions fiscales une transaction effectuée entre deux sociétés d'un même groupe mais localisées dans deux pays différents. Si le pays de l'origine de la transaction ne corrige pas la valorisation de cette transaction à la baisse, la société est doublement imposée. D'où des réclamations et des litiges qui opposent entreprises et Etats membres. Aussi la Commission souhaite-t-elle organiser un cadre juridique.

La délocalisation des sièges sociaux

La localisation des sièges sociaux fait partie des pratiques d'optimisation fiscales. Les cas observés sont moins une délocalisation de siège que le choix géographique d'un siège social nouveau à la suite d'une fusion, exemple DEXIA (Belgique), EADS (PB), EURONEX (PB) 67 ( * ). .

La localisation des sièges sociaux dépend de nombreux paramètres mais deux d'entre eux sont apparus au cours des dernières années comme primordiaux. Les vagues successives de fusions-acquisitions, les opérations de concentration, qu'a connu l'Europe ont mis au premier plan le traitement fiscal des opérations de restructuration. Parmi elles se trouvent l'imposition des plus-values de cessions d'actifs et les systèmes de compensation de la double imposition pour les actionnaires personnes physiques (voir chapitre sur l'imposition du capital).

Les plus-values de cessions d'actifs

L'imposition des plus-values est un élément de premier plan pour le choix du siège social des entreprises qui fusionnent. La valeur des actions de la société issue d'une opération de fusion est supérieure à la valeur des actions des sociétés fusionnées. Cette plus-value est passible d'imposition. La Commission a émis une directive (90/434) dont l'objectif est le report de l'imposition des plus-values dégagées par les opérations de fusions/acquisitions jusqu'à la cession effective des titres.

L'exonération est le système appliqué ou en voie de l'être (Allemagne, Royaume-Uni, Italie) par la plupart de nos partenaires de l'Union européenne. La France est quasiment le seul pays à ne pas respecter dans son intégralité cette directive. Les opérations de fusions, d'apport partiel d'actifs ou encore les opérations de scissions ne bénéficient de l'exonération que sous des conditions restrictives 68 ( * ) . Dans tous les autres cas, l'imposition s'effectue soit au taux normal de l'impôt sur les sociétés, soit au taux de 19 %.

III. Les propositions de la Commission

La création d'un marché intérieur sans obstacles fiscaux se heurte à une contrainte de poids, le principe de subsidiarité en matière fiscale. La mission que s'est fixée la Commission est, à l'image de ce qui est fait dans les systèmes fiscaux des fédérations (Etats-Unis notamment), de faire subsister les quinze régimes fiscaux tout en minimisant les obstacles fiscaux qui à la fois créent des coûts pour les entreprises transnationales mais aussi et surtout distordent leurs comportements. La Commission, nous l'avons vu, a dans l'optique du marché unique déjà mis en place des directives, au début des années 1990, visant (certes imparfaitement) à supprimer les doubles impositions. Plus récemment, en 1997, face au comportement des Etats membres (la concurrence fiscale étant nuisible à la neutralité) elle a initié la lutte contre la concurrence fiscale déloyale, autrement dit, la lutte contre les non impositions. Aujourd'hui, de nouvelles propositions relatives aux principes d'imposition des bénéfices ont vu le jour en 2002. Elles sont présentées comme un moyen de simplifier pour les multinationales les procédures fiscales (ces derniers n'ayant plus à faire face à quinze régimes et aux multiples conventions) ; comme un moyen de supprimer les discriminations entre résidents et non résidents et entre filiales et succursales ; et enfin comme un moyen de limiter l'optimisation fiscale, notamment les problèmes de transferts de bénéfices.

La lutte contre la concurrence déloyale

Le 1 er décembre 1997, le conseil Ecofin a adopté une série de mesures destinée à lutter contre la concurrence fiscale dommageable, ainsi que le principe de l'élaboration d'un code de bonne conduite. La première phase consistait à identifier les régimes susceptibles de générer une concurrence déloyale, c'est-à-dire les régimes qui ont une incidence sur la localisation des activités au sein de l'Union européenne. Environ 230 régimes de compétition fiscale ont été répertoriés et répartis en 5 catégories :

Les régimes de groupe (quartiers généraux, holdings , centres de coordination, etc.) ;

Les régimes dits financiers (réassurance, sociétés de financement intra groupe) ;

Les régimes dits sectoriels (régimes fiscaux spécifiques à certains secteurs économiques, financement de l'audiovisuel, etc.) ;

Les régimes dits régionaux, avec les différents types d'incitations fiscales en faveur de l'aménagement du territoire ;

Enfin, les régimes divers.
L'accord entre les pays porte non pas sur la concurrence fiscale elle-même mais uniquement sur les formes déloyales de celles-ci. Plus précisément, est considéré comme contraire au code de bonne conduite, le fait que subsiste dans un Etat membre des traitements fiscaux préférentiels, c'est-à-dire favorisant une catégorie d'entreprise (par exemple résidentes) au détriment des autres (par exemple, les non résidentes). Par contre, le fait qu'un État membre pratique une imposition très basse, mais généralisée, n'est pas considéré comme relevant du domaine de la lutte contre la concurrence fiscale déloyale, mais comme le signe d'une gestion saine des finances publiques. L'Irlande par exemple, qui dispose d'un taux de 10 % pour certaines industries et régions (les Dublin's Docks ), s'est engagée à supprimer ces régimes et à diminuer son taux d'imposition normal à un niveau très bas (12 %) et ce pour l'ensemble des entreprises. Le code de bonne conduite, qui n'est pas contraignant juridiquement, doit aboutir, à l'horizon de cinq ans, à démanteler les régimes fiscaux préférentiels. Pour l'heure, aucune proposition ne vise à fixer un taux minimum au-dessous duquel aucun pays ne serait autorisé à baisser sa fiscalité sur les entreprises.

Les propositions relatives à la base d'imposition pour les sociétés transnationales

La Commission a, dans une communication récente 69 ( * ) , proposé toute une série d'alternatives concernant la base d'imposition des sociétés multinationales. La principale alternative consiste, soit à imposer les groupes sur une base communautaire ( Common Consolidated Tax Base : CCBT), soit à les imposer sur la base d'un régime consolidé de la société mère ( Home State Taxation : HST). Dans le premier cas (CCBT), il s'agit de répartir le bénéfice d'un groupe entre les divers Etats membres dans lesquels celui-ci est présent, selon des clefs de répartition qui restent à définir (valeur ajoutée, masse salariale, etc.), chaque Etat imposant alors la part du bénéfice qui lui revient. La deuxième solution préconise la généralisation du régime de la consolidation (quel que soit le statut juridique des entités rattachées au groupe) au niveau de la société mère, le bénéfice étant alors imposé au taux du pays d'accueil de la société mère.

Ces deux régimes s'inscrivent dans des logiques opposées entre lesquelles la Commission n'a pas tranché. L'HST réhabiliterait le principe de la résidence, ce qui avec le régime du bénéfice consolidé permettrait de supprimer les comportements de transferts de bénéfice des entreprises. Le revers de cette proposition est que sans harmonisation ou tout au moins sans un fort rapprochement des taux nominaux d'imposition, une telle proposition laisse la porte ouverte à la délocalisation massive des sièges sociaux dans les pays à bas taux d'imposition. Son adoption aboutirait à la suppression totale des recettes pour les pays d'accueil des filiales.

La CCBT préserve le principe de l'imposition à la source. Le principe de la répartition du bénéfice, selon des clefs qui diffèrent des résultats affichés, vise à limiter, voire à supprimer les pratiques de transferts des bénéfices des entreprises. Ce principe est celui qui est utilisé aux Etats-Unis et au Canada ; deux fédérations dans lesquelles les régimes d'impositions des Etats diffèrent. Il s'agit dans leur cas de la méthode du fractionnement qui permet de répartir le bénéfice imposable entre les Etats sur la base de la part des immobilisations, des ventes et des salaires versés par les filiales dans chaque Etat. L'application d'un tel principe est d'autant plus simple que les bases imposables sont harmonisées. Ce qui est le cas aux Etats-Unis mais qui ne n'est pas encore dans l'UE. En l'absence de rapprochement des taux, ce type de proposition ne supprime pas les possibilités de délocalisation. Mais sous l'hypothèse raisonnable que seule la délocalisation des sociétés mères présente réellement un risque, l'application de la CCBT serait certainement moins onéreuse en termes de pertes de recettes fiscales des Etats et de risque de concurrence fiscale que celui de HST.

Ces deux propositions présentent la particularité d'être facultatives. Les entreprises auraient la possibilité d'opter ou non pour ces régimes. Leur refus impliquerait pour elles l'application du système actuel.

Quelle imposition européenne des bénéfices ?

Les récentes propositions de la Commission quant à l'imposition du bénéfice des sociétés laissent tout le champ des possibles ouvert, le meilleur comme le pire. Le point commun des propositions actuelles est de ne permettre de lutter ni contre la concurrence fiscale par les taux, ni contre les problèmes de localisations des sièges sociaux. Elles divergent fortement cependant, quant aux effets qu'auraient la concurrence fiscale et les délocalisations sur les recettes des Etats membres.

La proposition de consolidation de la base imposable au niveau de la société mère remet en cause la situation actuelle. A savoir, en pratique, l'application du principe de la source avec des directives visant à limiter les doubles impositions. Certes cette situation est loin d'être satisfaisante. Les Etats se livrent à la concurrence fiscale et les grandes entreprises utilisent les différentiels fiscaux pour minimiser leur imposition. L'application du principe de résidence sans rapprochement des taux nominaux d'imposition ou sans fixation d'un taux minimum, aurait des conséquences néfastes. Certes, elle supprimerait les pratiques de transferts de bénéfices. Mais ce principe suppose que ce soit le pays de la société mère qui, du fait de la consolidation, reçoive l'intégralité des recettes du groupe (à moins qu'une réallocation des recettes entre les Etats membres ne soit organisée). D'autre part, l'absence de convergence des taux 70 ( * ) va exacerber la concurrence entre les Etats, les enjeux en termes de recettes (délocalisation des sièges sociaux) étant considérables. Cette concurrence par les taux est d'autant plus probable que la Commission n'a déclaré comme déloyale que la concurrence qui porte sur les régimes dérogatoires.

La proposition de répartition des bénéfices entre les pays est plus satisfaisante. Elle s'inscrit dans la construction de l'Europe fiscale déjà entreprise depuis dix ans. Elle permettrait, elle aussi, de limiter les pratiques de transferts de bénéfices. Même si elle ne supprime pas tous les gains à la délocalisation, elle permettrait par l'application du principe de la source de limiter les transferts de recettes fiscales entre les pays, même en présence d'un écart d'imposition. Elle gagnerait à être accompagnée de la fixation d'un taux d'imposition minimum sur les bénéfices au sein de l'UE.

Que deux propositions aux conséquences si divergentes soient simultanément émises peut paraître surprenant. Il ne faut pas oublier que les décisions du Conseil en matière fiscale ne sont que celles que prennent les Etats membres à l'unanimité et que les Etats membres n'ont pas tous les mêmes objectifs et la même volonté de construire une Europe homogène. De ce point de vue, la première proposition (régime consolidé de la société mère) est celle qui permet de résoudre de façon techniquement simple la question de l'optimisation fiscale des entreprises mais au prix d'un renforcement de la concurrence fiscale des Etats membres. Son adoption renforcerait la position des Etats membres qui souhaitent le démantèlement du modèle social européen actuel. La proposition relative à l'imposition d'une base européenne est certes beaucoup plus satisfaisante, s'il s'agit de respecter les choix de société de chaque Etat. Mais, dans la mesure où pour être menée à terme, elle nécessite l'unanimité sur de nombreux points, sa mise en oeuvre est plus complexe. Il faudrait en effet, régler les questions de l'harmonisation des bases, de l'extension des directives visant la suppression des doubles impositions (dividendes, intérêts), du système de l'avoir fiscal à mettre en place au niveau européen. Il serait aussi nécessaire que les pays se mettent d'accord sur l'application effective des directives déjà en place, s'interrogent sur le système des conventions fiscales bilatérales, etc. Autant de questions à régler qui du fait du principe de l'unanimité, laissent aux adversaires de l'Europe fiscale, la possibilité de saper son processus de construction.

Annexe 1: Les sources de double imposition

Le schéma 1 retrace les flux de revenus qui circulent entre une société mère et sa filiale ou succursale, les méthodes d'imposition de ces flux et les sources possibles de double imposition.

Toute entreprise résidente (une succursale ou une branche ne sont pas considérées comme des résidents, mais elles peuvent être, dans certains cas, traitées comme telles) est imposée à l'IS sur son lieu d'implantation. L'imposition des bénéfices non distribués ou conservés dans le pays d'accueil de la filiale est différée. En revanche, tout profit rapatrié (sous forme de dividendes, intérêts royalties, etc.) peut donner lieu dans le pays d'accueil à un prélèvement à la source. Une fois rapatriés dans le pays d'implantation de la société mère, ces flux, en fonction du système d'imputation choisi par le pays pour éviter la double imposition, sont soit exonérés soit soumis à l'IS avec un système de crédit d'impôt. Le second tour de redistribution, celle qui échoie aux actionnaires, donne encore lieu à de nouveaux prélèvements (le précompte en France par exemple).

Schéma 1

LES SOCIÉTÉS TRANSFRONTALIÈRES (SOCIÉTÉ MÈRE RÉSIDENTE EN FRANCE) : SOURCES D'IMPOSITION

Pays étranger France

Filiale Société Mère

Bénéfices

Intégration dans les bénéfices

1

Distribution à l'actionnaire

Distribution de dividendes

IS

I. IS


III. IR

4

3

2

1. Retenue à la source

• Directives mère-filiale (1990-1992) : application du système de l'exemption ou de l'imputation totale (idem pour les bénéfices provenant des filiales résidentes)

• Directives mère-filiale (1990-1992) pour les sociétés dont la participation dans le Capital de la filiale est au minimum de 25 % : pas de retenue à la source

• Sinon application des conventions bilatérales ou droit interne (notamment s'il s'agit d'une succursale)

• Sinon imposition à l'IS et mécanisme d'imputation
Analyser les différents systèmes d'intégration

de l'IS et de l'IR

Intérêts, Royalties

3

Imposition et possibilité de crédit d'impôt si retenue à la source.

2

2. Retenue à la source selon


3. Convention bilatérale

Chapitre 2. 2 : L'impôt sur le revenu

Henri Sterdyniak et Paola Veroni

L'impôt sur le revenu est le plus important sur le plan redistributif comme sur le plan psychologique. Il représente globalement 10 % du PIB et le quart des recettes fiscales des pays de l'UE. Dans la période récente, la volonté d'utiliser l'impôt sur le revenu pour réduire les inégalités de revenu s'est émoussée. Les réformes mises en oeuvre en Europe durant les dix dernières années ont visé à réduire les taux d'imposition marginaux, censés décourager le travail ou l'épargne. Cette baisse s'est souvent accompagnée de mesures d'élargissement de la base imposable, par la suppression de certains abattements ou crédits d'impôt. Souvent, les réformes ont visé à améliorer la situation des familles avec enfants, compte tenu des problèmes de natalité en Allemagne et dans les pays d'Europe du Sud et des problèmes de pauvreté au Royaume-Uni. Les Pays-Bas ont introduit une réforme originale de taxation cédulaire. Beaucoup de pays envisagent d'introduire des formules d'impôts négatifs. Aucune tendance à l'harmonisation ou à la convergence ne s'est manifestée en Europe Les réformes, même si elles répondaient à des préoccupations communes, ont été conduites sur des bases purement nationales. Il serait cependant nécessaire d'harmoniser les règles de taxation des dividendes et d'adopter des « règles de bonne conduite » quant à la taxation des non résidents.

L'impôt sur le revenu représente globalement 10 % du PIB et le quart des recettes fiscales des pays de l'UE. C'est l'impôt le plus important psychologiquement puisque c'est le plus transparent : le contribuable ressent directement le prélèvement sur ses revenus ; il voit combien lui coûtent les dépenses publiques. L'impôt sur le revenu est ainsi celui qui symbolise le plus nettement le lien citoyen. C'est aussi le seul qui tient compte de la situation d'ensemble du contribuable et de sa capacité contributive. C'est généralement le seul impôt progressif, donc celui qui joue le rôle le plus important en matière de redistribution.

Théoriquement, la structure de l'impôt progressif sur le revenu devrait être relativement uniforme entre les pays. Chaque contribuable devrait être imposé en fonction de son revenu selon un barème, où les tranches successives de revenu sont soumises à des taux marginaux croissants. Les systèmes nationaux ne différeraient alors que par le barème, qui reflèterait les choix de chaque pays en matière de redistribution fiscale. En fait, d'autres différences existent : l'unité d'imposition peut être l'individu ou la famille ; les conjoints sans ressources et les enfants peuvent être pris en compte par le quotient familial, un crédit d'impôt ou un abattement ; l'ensemble des revenus peut faire masse ou certains types de revenus (en particulier les revenus financiers) peuvent être traités de façon différenciée ; certains revenus peuvent être ou non taxés (revenus sociaux, loyers fictifs, plus-values réalisées ou latentes) ; les abattements et les crédits d'impôt peuvent être plus ou moins importants, chaque pays pouvant choisir d'essayer ou non d'infléchir tel ou tel comportement, et ce choix fait, d'agir par des subventions directes ou pas des incitations fiscales.

Dans la période récente, la volonté d'utiliser l'impôt, et en particulier l'impôt sur le revenu, pour réduire les inégalités de revenu, s'est émoussée dans la plupart des pays européens. Durant la décennie 1990, ceux-ci ont réduit les taux marginaux de l'impôt sur le revenu, en particulier le taux supérieur, ceux-ci étant accusés de nuire au travail et à l'épargne. La globalisation du marché des cadres a fait naître la crainte que les pays à fort taux d'imposition soient désertés par les actifs les plus dynamiques. Aussi, certains pays européens ont-ils accepté de réduire la redistribution assurée par le système fiscal. Par ailleurs, le fort taux de chômage des travailleurs peu qualifiés a conduit plusieurs pays (Grande Bretagne, France, Pays-Bas...) à réduire la taxation portant sur les actifs à bas revenus, sans toutefois aller jusqu'à introduire un système d'impôt négatif. Enfin, le souci d'élargir la base imposable, pour pouvoir réduire les taux d'imposition sans trop perdre en recettes fiscales, a conduit à réduire les diverses possibilités d'abattement ou de crédit d'impôt mis en place jadis pour favoriser tel ou tel comportement (épargne, achat de logement, investissements spécifiques). Ainsi, la fiscalité devrait-elle devenir plus neutre. Cependant, la plupart des pays ont procédé par des retouches progressives, et non par une grande réforme.

Aucune tendance à l'harmonisation ou à la convergence ne se manifeste en Europe, quant à l'impôt sur le revenu. Les réformes, même si elles répondaient à des préoccupations communes, ont été conduites sur des bases purement nationales.

1. Le principe de résidence

Selon le principe de résidence, chaque pays taxe l'ensemble de ses résidents sur la totalité de leur revenu mondial. Un individu peut choisir de s'expatrier pour des motifs fiscaux, mais il doit alors changer de résidence et il est soumis, dans son pays d'accueil, aux mêmes impôts que les résidents. Pour que ce principe puisse être mis en oeuvre, un pays ne doit pas avoir le droit d'offrir une fiscalité privilégiée à ces résidents de fraîche date. Cependant, certains pays ont des législations dérogatoires.

Le Royaume-Uni et l'Irlande ne taxent pas les revenus de source étrangère des personnes physiques étrangères non transférés dans le pays, pendant les quinze premières années suivant l'installation ( remittance basis system ). Ceci permet à un étranger de s'installer au Royaume-Uni en étant exonéré d'impôt sur ses revenus issus de son pays d'origine et transférés dans un pays tiers. Ce système peut permettre d'attirer des individus avec un fort patrimoine financier, mais il ne permet guère d'attirer des cadres étrangers (sauf cas particuliers).

Le Danemark et la Finlande offrent aux cadres et chercheurs étrangers résidents un régime fiscal dérogatoire, comportant un taux d'imposition nettement allégé par rapport à celui des résidents nationaux. La généralisation de telles pratiques de concurrence fiscale déloyale permettrait à cette catégorie de la population d'être exonérée de la charge des dépenses publiques, en changeant de pays de résidence, alors qu'elle jouit de revenus élevés et a bénéficié généralement de la gratuité des dépenses d'éducation dans son pays d'origine.

L'ouverture du marché du travail ne doit pas être utilisée pour permettre aux actifs les mieux rémunérés d'échapper à l'impôt. La seule mesure acceptable est la déduction fiscale des frais spécifiques induits par l'expatriation.

Selon le principe de subsidiarité, chaque pays doit conserver la maîtrise de son niveau de dépenses publiques et de son degré de redistribution. Ceci nécessite qu'il conserve la maîtrise d'une partie de ses recettes fiscales. Or l'impôt sur le revenu est un des impôts qui est le moins susceptible de concurrence fiscale, une fois admis le principe que chaque pays taxe la totalité des revenus de ses résidents, dans la mesure où la mobilité des personnes est plus faible que celle des capitaux, des entreprises et des biens. Toutefois, la concurrence fiscale peut jouer pour l'imposition des revenus du capital financier ; celle-ci pose donc des questions spécifiques d'harmonisation (voir chapitre II.3). Elle joue aussi, et de plus en plus, pour les revenus les plus élevés, ceux des cadres mobiles internationalement ou des individus à fort patrimoine, qui peuvent s'expatrier pour des motifs fiscaux. Certains pays, en particulier, la Grande-Bretagne, leur accordent des privilèges spécifiques, qui induisent une concurrence fiscale déloyale (encadré 1). Les pays membres devraient réaffirmer le droit de chaque pays à taxer ses résidents. Celui-ci suppose que les dispositifs dérogatoires à l'égalité devant l'impôt entre les résidents permanents, les résidents temporaires (ou de fraîche date) et les non résidents soient démantelésLa convergence des systèmes fiscaux européens n'est pas à l'ordre du jour. Il serait cependant souhaitable que soient mises en place des « règles de bonne conduite » en ce qui concerne les non résidents et une certaine harmonisation pour la fiscalité des revenus du capital. Reste qu'il est difficile d'harmoniser certaines parties de la fiscalité au niveau européen sans remettre en cause la cohérence de chaque système national. Il doit exister une certaine cohérence entre la taxation des revenus d'obligations et celle des dividendes (puisque les épargnants peuvent choisir entre actions et obligations) ; une certaine cohérence entre taxation des dividendes et taxation des revenus des entrepreneurs individuels (puisque certaines entreprises peuvent choisir leur régime fiscal) ; une certaine cohérence entre taxation des salariés et des entrepreneurs individuels.

La première partie présente le poids de l'impôt sur le revenu dans les pays de l'UE et son évolution au cours des dix dernières années. La deuxième présente, pays par pays, la structure de l'impôt et les réformes qui ont été mises en oeuvre durant cette période. Enfin, la troisième partie présente la situation en 2001, en examinant le poids de l'impôt selon les niveaux de revenu et les configurations familiales.

I. L'IR en Europe, son poids, son évolution

En 2000, le poids de l'IR (tableau 1) allait de 5 % du PIB en Grèce à 25,3 % au Danemark ; soit, de 13 % des recettes fiscales en Grèce à 52 % au Danemark. En moyenne, il représente 10 % du PIB et 24 % des recettes fiscales. Deux types de pays s'écartent fortement de la moyenne :

Les pays scandinaves (Danemark, Finlande, Suède) où l'impôt sur le revenu est très important, en particulier parce qu'il finance un système de protection social généreux, de type Beveridgien, qui donne à tous les résidents des prestations uniformes d'un montant relativement élevé.

Les pays du Sud (Espagne, Grèce, Portugal) marqués par des structures fiscales relativement archaïques où les impôts indirects sont très importants et que l'impôt sur le revenu ne joue qu'un rôle mineur.
Depuis 1970, la part de l'impôt sur le revenu dans le PIB a nettement augmenté. Ceci provient essentiellement du rattrapage effectué par les pays du Sud (Espagne, Italie, Grèce, Portugal). La forte hausse du poids de l'impôt sur le revenu en France s'explique par la substitution de la CSG-CRDS (compté comme impôt sur le revenu) à des cotisations sociales salariés. Deux pays font exception à cette évolution : le Luxembourg où l'importance des recettes de l'impôt sur les sociétés a permis une baisse de l'impôt sur le revenu et les Pays-Bas où au début des années 1990 certaines prestations sociales sont passées d'un financement par l'impôt à un financement par des cotisations sociales. Globalement, malgré la volonté proclamée de réduire les taux d'imposition, il n'y a pas eu de fortes baisses de l'impôt sur le revenu.

Tableau 1 : Impôt sur le revenu en Europe

 

En % du PIB

(1)

1970

1980

1990

2000

2000

Autriche

7,2

9,2

8,5

9,6

22,2

Allemagne

8,8

9,8

9,0

9,6

25,3

Belgique

8,7

15,4

13,9

14,3

31,1

Danemark

19,6

22,9

24,8

25,3

52,4

Espagne

1,9

4,7

7,2

7,2

19,5

Finlande

12,8

14,0

17,2

15,1

32,5

France

3,8

4,7

4,6

8,3

18,3

Grèce

2,0

3,6

4,1

5,0

13,1

Irlande

5,5

10,0

10,7

9,9

31,5

Italie

2,8

7,0

10,2

10,1

23,9

Luxembourg

6,7

10,9

9,5

7,6

18,1

Pays-Bas

9,9

11,4

10,6

6,3

15,1

Portugal

n.d.

n.d.

4,7

6,0

17,4

Royaume-Uni

11,7

10,4

10,0

10,8

28,6

Suède

19,8

19,5

20,6

18,8

35,2

UE15

7,1

8,7

9,2

9,9

24,1

Etats-Unis

10,1

10,5

10,1

11,8 (2)

40,7 (2)

Japon

4,2

6,2

8,2

5,7

20,9

(1) En % des recettes fiscales ; (2) En 1999.

Source : OCDE, Statistiques des Recettes publiques , 2001.

Cependant, la comparaison du poids de l'impôt sur le revenu soulève plusieurs difficultés :

Un même transfert peut être versé sous forme d'une réduction fiscale (ce qui réduit le poids de l'impôt) ou sous forme d'une prestation ou d'une subvention. C'est le cas par exemple des allocations familiales, des mesures incitatives à l'emploi des travailleurs non qualifiés, etc.

Il existe trois types de prestations sociales : les prestations de solidarité réservées aux plus pauvres, les prestations universelles que touchent tous les ménages, les prestations d'assurances (retraites, chômage) réservées aux personnes cotisantes et dépendantes des cotisations versées. Logiquement, les deux premières (qui n'ont plus de lien avec l'activité) devraient être financées par l'impôt, les troisièmes (qui sont des salaires différés) par les cotisations sociales. Ce n'est pas toujours le cas : en France, par exemple, les prestations famille et maladie sont financées par des cotisations, ce qui réduit le poids de l'impôt sur le revenu. L'impôt sur le revenu est particulièrement élevé dans les pays Beveridgiens, où il finance les prestations maladie, famille et des prestations retraites universelles. Il est plus bas dans les pays bismarckiens, où les retraites sont financées par des cotisations, surtout si, de plus, les cotisations financent aussi des prestations universelles ou de solidarité.

La frontière entre l'impôt sur le revenu et les cotisations sociales n'est pas toujours claire. Où faut-il classer la CSG ?

Dans certains pays, il existe des impôts locaux assis sur le revenu ; dans d'autres, ceux-ci sont forfaitaires ; dans d'autres, encore assis sur le logement (avec éventuellement une correction pour tenir compte du revenu). L'importance des impôts locaux varie énormément selon les pays. Dans les pays où il est important, ils sont assis sur le revenu et donc inclus dans le tableau 1.

Un impôt sur le revenu peut être fortement progressif et incitatif tout en rapportant relativement peu (s'il exonère beaucoup de ménages du bas de l'échelle et comporte beaucoup de mécanismes de dépenses fiscales). Il peut être proportionnel et rapporter beaucoup. Il n'y a pas de lien direct entre le poids de l'impôt et son impact en termes d'incitation et de redistribution.
II. Quel impôt sur le revenu ?

1. La base

En principe, l'impôt sur le revenu devrait porter uniformément sur le revenu global de l'individu, c'est-à-dire la somme de ses différentes catégories de revenus : salaires, prestations, revenus des entrepreneurs individuels, revenus du capital. Ce modèle théorique n'est jamais mis en oeuvre parfaitement.

Une tradition sociale-démocrate pourrait amener à sous-taxer les revenus du travail, fruit de l'effort, relativement à ceux du capital. En sens inverse, l'argument de la double taxation amènerait à détaxer les revenus du capital puisque le capital dont ils sont issus a déjà été taxé au moment de sa constitution. Si le taux d'imposition est de 40 %, une personne qui gagne 100 paye 40 d'impôt ; si elle épargne 60, l'année suivante elle aura 3 de revenus du capital (pour un taux d'intérêt de 5 %), donc 1,8 après impôt. Sans impôt, elle aurait eu 5. Le taux d'imposition effectif est alors de 64 %. Cependant, cet argument peut aussi s'appliquer au travail qualifié, qui suppose une période d'éducation financée par des revenus (ceux des parents) qui ont eux aussi été soumis à l'impôt sur le revenu. Le principe d'équité horizontale amène à considérer qu'il faut taxer chaque revenu l'année où il est gagné et donc à refuser l'argument de double taxation.

La volonté d'inciter à l'épargne, puis, dans les années 1980, les risques d'évasion fiscale par des placements à l'étranger ont conduit à de nombreuses mesures d'allègement de l'impôt sur les revenus du capital financier. Dans les années 1990, un certain retour de balancier est intervenu. Reste que, dans la plupart des pays, les revenus d'intérêt sont taxés à un taux spécifique plus bas. L'harmonisation fiscale, elle-même, pourrait conduire à la généralisation d'une taxation spécifique à un taux de 20 ou 25 %. Ceci est contraire au principe de l'équité horizontale et nuit à la progressivité de l'impôt, mais est difficilement évitable : une taxation plus forte pourrait inciter des contribuables les plus riches à placer leurs fonds hors de l'UE et à ne pas déclarer leurs revenus financiers.

En toute logique, l'imposition devrait porter sur le revenu réel et non sur le revenu nominal. Quand le taux d'intérêt nominal est de 5 % et le taux d'inflation de 2 %, un prélèvement libératoire au taux de 25 %, équivaut à un prélèvement de 41,7 % sur la rentabilité réelle. L'idéal serait un prélèvement sur les taux réels, mais celui-ci est généralement jugé trop compliqué à mettre en oeuvre. Reste que si l'inflation devient plus forte, le prélèvement peut devenir excessif : avec un taux d'inflation de 6 % et un taux d'intérêt nominal de 9 %, un prélèvement de 25 % correspond à un taux d'imposition de 75 %.

Au sens économique, le revenu inclut les plus-values réelles sur les actifs financiers. Ce devrait être les plus-values latentes qui sont taxées (et non seulement les plus-values réalisées) de façon à rendre homogène le traitement de tous les revenus du capital. Ce n'est généralement pas le cas. Les plus-values ne sont taxées qu'au moment de leur réalisation et à un taux relativement faible ; les moins-values ne sont généralement fiscalement déductibles que des plus-values. Compte tenu de la forte volatilité des plus-values, ceci évite de trop faire dépendre les rentrées fiscales de la situation boursière.

La valeur ajoutée des entreprises se repartit en salaires, revenus des entrepreneurs individuels, intérêts, dividendes et profits non distribués. L'équité horizontale voudrait que ces cinq types de revenus soient traités de la même façon. Ceci supposerait qu'ils soient tous soumis à l'impôt sur le revenu : les actionnaires devraient payer un impôt sur la totalité des profits, distribués ou non, tout en bénéficiant d'un avoir fiscal intégral. En fait, les intérêts bénéficient généralement d'un traitement privilégié. Les dividendes n'ont pas toujours droit à l'avoir fiscal. De plus en plus, se développe un système où l'impôt sur les sociétés n'est pas remboursé aux actionnaires tandis les dividendes sont intégrés à l'impôt sur le revenu pour un certain pourcentage réduit. Si t est le taux marginal de l'IR, s le taux de l'IS et x le pourcentage des dividendes imposés, l'imposition totale est de s + (1 - s)xt au lieu d'être de t. Ce système est d'autant plus désavantageux pour le contribuable que t est faible. Par exemple, si s = 33 %, x = 0,5, un ménage taxé à 50 % sera taxé à 49,75 % sur ses dividendes ; un ménage taxé à 30 % à 43 %. Les profits non distribués sont taxés à l'impôt sur les sociétés et subissent parfois une taxation des plus values au moment de la vente des actions. Pour un taux d'IS de 33 % et une taxation spécifique des plus-values de 25 %, la taxation totale des profits non distribués peut être de 49,75 %. Ce système favorise l'endettement au détriment des fonds propres. Mais aligner la fiscalité des dividendes sur celle des intérêts serait inéquitable par rapport au revenu du travail et créerait une forte distorsion au détriment des entrepreneurs individuels.

La France traite différemment les salaires et les pensions (qui bénéficient d'un allègement de 20 %) et les autres revenus afin de compenser les possibilités de fraude plus grande des revenus non salariaux. C'est le seul pays qui a cette pratique. Notons que les dividendes et les revenus d'intérêt, pourtant déclarés par un tiers, ne bénéficient pas de la déduction de 20 %.

Dans la plupart des pays, les loyers fictifs (le revenu dont bénéficie le contribuable qui occupe le logement dont il est propriétaire) ne sont pas taxés. Ceci n'est pas conforme au principe de l'équité horizontale, mais incite à l'accession à la propriété.

Dans la plupart des pays, les prestations vieillesse et chômage sont normalement taxées tandis que les cotisations ne figurent pas dans la base imposable. L'Allemagne fait exception, qui n'impose qu'une fraction des retraites (32 % si la personne a pris sa retraite à 60 ans). Ceci est contraire à l'équité. Par contre, les prestations famille sont généralement exonérées.

2. Allègements et crédit d'impôt

Le revenu imposable peut être diminué par cinq types d'abattements :

Un abattement général qui représente une sorte de minimum vital, auquel peuvent s'ajouter des abattements pour conjoint et enfants à charge (voir plus loin).

Des abattements pour les frais encourus pour l'acquisition du revenu (les frais professionnels).

Des abattements pour prendre en compte certaines charges (pensions alimentaires...).

Des abattements spécifiques pour certaines catégories de contribuables (abattements pour les salariés).

Des abattements pour certaines dépenses (intérêts des emprunts immobiliers...).
Parmi les abattements les plus importants, on peut citer les 20 % d'abattements en France pour les salariés et retraités, l'abattement grec pour les dépenses de la famille, les abattements pour certains types d'investissement (France, Irlande, Luxembourg, Royaume-Uni).

Autant les abattements sont justifiés quand ils visent à mieux cerner le revenu disponible du ménage, autant ils sont contestables quand ils sont des subventions déguisées : ils profitent surtout aux plus riches, aux mieux informés ; ils sont contraires aux principes de l'équité horizontale ; réduisant la base fiscale, ils obligent à augmenter les taux d'imposition ; leur coût n'apparaît pas directement.

Les crédits d'impôt sont généralement des formes de prestations ou de subventions. On peut citer :
Les crédits d'impôt pour conjoint et enfants à charge (voir plus loin).

Les crédits d'impôt pour inciter à certaines activités (emploi).

Les crédits d'impôt pour inciter à certains dépenses ou investissements (intérêts des emprunts immobiliers...).
Relativement aux abattements, les crédits d'impôt ont l'avantage d'être uniforme pour tous les contribuables. Par contre, ils ne bénéficient pas aux ménages non imposés. Aussi, existe-t-il des crédits d'impôt remboursables, qui ne se distinguent en rien de subventions ou de prestations. La France et le Royaume-Uni ont ainsi des crédits d'impôt pour les actifs à bas revenus.

Tableau 2 : Principaux abattements spécifiques et crédits d'impôt

 

Abattements

Crédits d'impôt

Allemagne

Frais professionnels forfaitaires (3,2 % du SMO)

Intérêts immobiliers

Contributions aux fonds de pensions

Dépenses de santé

Salaires des employés de maison (jusqu'à 30 % du SMO)

Dons aux oeuvres

 

Autriche

Frais professionnels forfaitaires (0,8 % du SMO)

Frais de transport (1,7 % du SMO)

Intérêts immobiliers plafonnés

Crédit pour les salariés (1,7 % du SMO)

Belgique

Frais professionnels dégressifs (6,4 % au niveau du SMO)

Dépenses médicales pour les enfants

50 % de la rémunération des employés de maison

Intérêts immobiliers plafonnés

Achat d'actions de son entreprise

Assurances-vie

Danemark

Frais professionnels (plafonnés à 1,6 % du SMO)

Intérêts versés

Contributions aux fonds de pensions

Dons aux oeuvres

 

Espagne

Frais professionnels dégressifs (15 % au niveau du SMO)

15 % de l'acquisition de la résidence principale

Intérêts immobiliers

Contributions aux fonds de pension

Dons aux oeuvres

Finlande

Frais professionnels (plafonnés à 1,6 % du SMO)

Frais de transport

Intérêts immobiliers

 

France

Frais professionnels (10 % du salaire)

Abattement de 20 % pour les salaires et retraites

Investissements dans les DOM-TOM, le cinéma

Dons aux oeuvres

Intérêts immobiliers

Prime pour l'Emploi

Grèce

Frais professionnels (8,4 % du SMO)

Dons aux oeuvres

Intérêts immobiliers

Dépenses de santé, d'éducation

Assurances-vie

Loyers de la résidence principale

30 % des dépenses familiales (plafonnées à 33 % du SMO)

 

Irlande

Frais professionnels (5,8 % du SMO)

Intérêts immobiliers

Dépenses médicales

Investissements en films

Dons au tiers-monde

 

Italie

Dépenses pour la résidence principale

Crédit dégressif pour les salariés et retraités (2,4 % du salaire au niveau du SMO)

Intérêts versés

Dépenses de santé, d'éducation

Assurances-vie

Dons aux oeuvres

Luxembourg

Frais professionnels (3,1 % du SMO)

Abattements pour salariés (3,6 % du SMO)

Intérêts versés

Dépenses exceptionnelles

Investissements dans le capital-risque, dans l'audio-visuel

Dons aux oeuvres

Assurances-vie

 

Pays-Bas

Frais professionnels (5,7 % du SMO)

Dépenses médicales

Intérêts versés

Dons aux oeuvres

 

Portugal

 

Dépenses de santé, d'éducation

Intérêts immobiliers

Assurances-vie

Investissement en OPCVM, en fonds de pension

Dons aux oeuvres

Royaume-Uni

Intérêts versés

Fonds de pensions,

Dépenses d'éducation

Investissement dans le capital-risque

Crédit pour les familles de travailleurs (WFTC)

Suède

Intérêts versés

Assurances-vie

 

Note : SMO : Salaire moyen ouvrier.

Source : European Tax Handbook, 2001.

3. L'individu ou la famille

Les pays peuvent imposer les individus ou les familles. Dans le premier cas, chaque adulte paie un impôt correspondant à ses revenus propres ; dans le second, les familles sont imposées globalement sur l'ensemble de leurs revenus. Des quinze pays de l'Union européenne, cinq pays pratiquent le quotient conjugal : le couple paie deux fois l'impôt que paie un célibataire qui aurait leur revenu moyen. Trois pratiquent l'imposition séparée pure. Sept pays pratiquent l'imposition séparée, mais le conjoint d'une personne sans revenu bénéficie d'un abattement ou d'un crédit d'impôt. L'importance de la réduction dépend du montant du crédit ou de l'abattement tandis que dans le quotient conjugal, elle dépend de la progressivité de l'impôt.

Tableau 3 : Traitement fiscal des couples mariés

 

Système

Aide au conjoint sans revenu*

Allemagne

Quotient conjugal

13,3

Autriche

Imposition séparée avec crédit d'impôt

2,3

Belgique

Imposition séparée après partage du revenu

13,1

Danemark

Imposition séparée avec crédit d'impôt

12,3

Espagne

Imposition séparée avec abattement

6,6

Finlande

Imposition séparée pure

0

France

Quotient conjugal

7,1

Grèce

Imposition séparée pure

0

Irlande

Quotient conjugal

12,2

Italie

Imposition séparée avec crédit d'impôt

8,3

Luxembourg

Quotient conjugal

10,9

Pays-Bas

Imposition séparée avec abattement

7,3

Portugal

Quotient conjugal

5,0

Royaume-Uni

Imposition séparée avec crédit d'impôt

1,5

Suède

Imposition séparée pure

0

Japon

Imposition séparée avec abattement

1,8

Etats-Unis

Imposition séparée avec abattement, ou imposition conjointe

4,4

* Réduction d'impôt d'un couple où l'un des conjoints gagne le salaire moyen et l'autre est sans revenu par rapport à l'impôt d'une personne qui gagne le salaire moyen, en pourcentage du revenu disponible de cette personne.

Source : European Tax Handbook , 2001 , calcul des auteurs.

Le quotient conjugal est le système le plus équitable si effectivement les deux membres du couple mettent leurs revenus en commun. On peut lui faire deux reproches : la collectivité subventionne en somme la non activité d'un des conjoints ; ceci est justifié si cette inactivité s'explique par le chômage, la maladie, un handicap ou l'éducation d'enfants, moins s'il s'agit d'une pure oisiveté ; mais il serait difficile de distinguer la non activité justifiée de l'oisiveté. La personne du couple dont le salaire potentiel est le plus faible (la femme le plus souvent) subit un taux marginal plus élevé que si elle vivait seule. Le système est souvent accusé de nuire au travail des femmes mariées. Toutefois, la hausse induite du taux marginal d'imposition est faible comparée à celle dont souffre une femme seule, qui perd les avantages des minima sociaux, en retrouvant un emploi.

Dans les deux systèmes, imposition conjointe ou séparée, les vrais célibataires, ceux qui vivent seuls, sont désavantagés par rapport aux couples puisque l'impôt ne tient pas compte des économies d'échelle permises par la vie en couple. Ceci est pratiquement inévitable pour ne pas favoriser le concubinage par rapport au mariage.

4. Le traitement des enfants

Le traitement fiscal des enfants est très divers selon les pays de l'UE. Seule la France pratique le quotient familial. Dans 6 pays, les enfants ne sont pas pris en compte fiscalement. L'Espagne est la seule à pratiquer un système d'abattement des revenus. Enfin, sept pays pratiquent un crédit d'impôt, dont l'importance va de 1 % du salaire moyen à plus de 3 % (au Luxembourg et en Allemagne).

Tableau 4 : Traitement fiscal des enfants

 

Système

Montant par enfant

en % du SMO

Aide fournie pour 2 enfants *

Allemagne

Crédit d'impôt

3,9

12,7

Autriche

Crédit d'impôt

2,6

18,7

Belgique

Crédit d'impôt

1,3

15,4

Danemark

Pas pris en compte

0

8,5

Espagne

Abattement

9,0

1,9

Finlande

Pas pris en compte

0

10,0

France

Quotient familial

-

8,6

Grèce

Crédit d'impôt

1,0

7,8

Irlande

Pas pris en compte

0

4,2

Italie

Crédit d'impôt

1,0

4,9

Luxembourg

Crédit d'impôt

3,1

18,9

Pays-Bas

Pas pris en compte

0

6,9

Portugal

Crédit d'impôt

1,3

6,8

Royaume-Uni

Pas pris en compte

0

6,6

Suède

Pas pris en compte

0

9,7

Japon

Abattement

8,8

2,0

Etats-Unis

Abattement et crédit d'impôt

9,1/1,6

6,8

* Supplément de revenu disponible avec impôt et allocations familiales d'une famille avec deux enfants (l'homme gagnant le SMO ; la femme 33 % du SMO) relativement à un couple de même revenu primaire.

Source : Calculs des auteurs d'après OCDE, Les impôts sur les salaires, 2000-2001 , 2002.

Globalement, en tenant compte de la fiscalité et des allocations familiales, l'aide fournie aux familles avec enfants est très variable selon le pays, de 18 % en Autriche et au Luxembourg à moins de 5 % en Espagne, en Irlande, en Italie.

Dans la période récente, de nombreux pays ont pris des mesures pour augmenter les avantages fiscaux des familles avec enfants. Au Royaume-Uni, ceci provient de la prise de conscience que beaucoup d'enfants vivaient dans des familles pauvres ; dans d'autres pays (Allemagne, Espagne, Italie), de la nécessité de lutter contre le déclin démographique.

5. Les taux d'imposition

La plupart des pays ont un barème d'imposition à plusieurs tranches. L'Allemagne fait exception avec un taux marginal croissant de façon continue. Le nombre de tranches va de 2 en Suède à 17 au Luxembourg.

Si la plupart des pays font payer l'impôt à la plupart des ménages, d'autres ont un seuil d'imposition élevé : Grèce, France et Suède. En France, toutefois, la CSG frappe la totalité des revenus.

Le taux maximum est généralement de l'ordre de 50 %. Toutefois, il n'est que de 40 % au Portugal et au Royaume-Uni ; il est proche de 60 % au Danemark, en Belgique et aux Pays-Bas. Toutefois, ce taux est parfois atteint très vite (Irlande, Danemark) ; parfois pour des revenus élevés (Italie, Portugal, Espagne, Grèce).

Tableau 5 : Caractéristiques de l'impôt sur le revenu en 2001.

 

Seuil de paiement*

Nombre de tranches

Taux maximum

Atteint pour*...

Allemagne

0,31

Infinité

48,5

1,93

Autriche

0,57

5

50

2,78

Belgique

0,47

7

60,6

2,84

Danemark

0,16

3

59

1,06

Espagne

0,50

6

48

5,04

Finlande

0,35

6

55,2

2,20

France

0,67

6

53,25

2,74

Grèce

0,67

5

45

5,43

Irlande

0,27

2

44

0,98

Italie

0,16

5

46,4

3,69

Luxembourg

0,43

17

47,2

2,68

Pays-Bas

0,21

4

60

1,93

Portugal

0,53

5

40

4,66

Royaume-Uni

0,32

3

40

1,78

Suède

1,11

2

55,4

1,79

Japon

0,27

4

37

5,27

Etats-Unis

0,23

5

39,6

9,56

* En salaire moyen ouvrier, cas du célibataire.

Sources : OCDE, Les impôts sur les salaires, 2000-2001, 2002; European Tax Handbook, 2001, calculs des auteurs.

III. Quelles réformes fiscales ?

De façon générale, les réformes mises en oeuvre en Europe durant les dix dernières années ont visé à réduire les taux d'imposition marginaux, censés décourager le travail ou l'épargne. Cette baisse s'est souvent accompagnée de mesures d'élargissement de la base imposable, par la suppression de certains abattements ou crédits d'impôt. Souvent, les réformes ont visé à améliorer la situation des familles avec enfants, compte tenu des problèmes de natalité en Allemagne et dans les pays d'Europe du Sud et des problèmes de pauvreté au Royaume-Uni.

1. Allemagne

La réforme fiscale engagée par le gouvernement Schröder vise élargir la base imposable afin de permettre une baisse des taux d'imposition. Le taux le plus bas a été ramené de 25,9 % en 1998 à 19,9 % en 2002 ; il devrait baisser à 15 % en 2005. Le taux maximum, déjà passé de 53 % à 48,5 %, doit baisser à 42 %. Des mesures ont été prises en faveur des familles, à la suite d'une décision de la Cour constitutionnelle de 1998. Toutefois, les présentations officielles de la réforme tendent à majorer les allègements d'impôts à venir : ceux-ci seront réduits par la traditionnelle non indexation des tranches du barème sur l'inflation.

C'est le salaire brut qui est imposé. Les salariés ont droit à une déduction fiscale de 1 000 euros pour leurs frais professionnels et de 1 957 euros pour leurs cotisations (qui sont en fait nettement plus fortes). En contrepartie, les retraites sont soumises à un traitement fiscal particulier : 40 % de la retraite (avec un plafond de 1 534 euros) ne sont pas soumises à l'IR. Ceci n'est guère justifiable du point de vue de l'équité.

L'Allemagne disposait d'un système d'avoir fiscal qu'elle a remplacé par un système de double taxation des dividendes, compensé par le fait que les dividendes ne sont pris en compte que pour la moitié de leur valeur. Ce système n'a guère de logique : il augmente la taxation des actionnaires à bas taux d'imposition marginal.

Tableau 6 : Taxation des dividendes en Allemagne

 

Ancien système

Nouveau système

Profit

100

100

IS

30

30

Profit distribué

70

70

 
 
 

IR (au taux marginal de 50 %/30 %)

50/30

18,5/10,5

Moins crédit d'impôt

30

 

Impôt total

50/30

48,5/40,5

Source : Calculs des auteurs.

Les couples peuvent choisir entre une imposition séparée et une imposition conjointe selon la méthode du quotient conjugal. En raison de la progressivité de l'impôt, l'imposition conjointe est toujours plus avantageuse.

Les allocations en faveur des familles ont été améliorées à la suite d'un arrêt de la Cour constitutionnelle du 10 novembre 1998, qui considérait que la fiscalité, en accordant aux parents célibataires un abattement pour les frais de prise en charge des enfants, défavorisait les couples mariés. Les ménages peuvent opter entre des allocations familiales (en 2001 de 138 euros par mois pour les premier et deuxième enfants, de 150 euros pour le troisième, de 179 euros pour les enfants suivants) et des abattements fiscaux (1 767 euros par an et par enfant, 3 534 euros pour un couple). En 2001, un abattement supplémentaire pour prise en charge a été introduit, d'un montant de 773 euros par an, 1 546 euros pour un couple). Suite à la décision de la Cour constitutionnelle, le montant des allocations familiales a été relevé, de 22,7 % entre le premier janvier 1998 et le premier janvier 2000. Une seconde étape entrera en vigueur en 2002. Elle prévoit un nouveau relèvement du montant des allocations familiales (de 138 à 154 euros pour les deux premiers enfants, soit une augmentation de 11,6 %), un relèvement de l'abattement de 3 534 euros à 3 648 euros pour un couple. L'abattement supplémentaire sera fondu dans un nouvel abattement pour éducation et formation, d'un montant de 2 160 euros pour un couple. En échange, certaines déductions seront supprimées.

La formule de calcul de l'impôt a été modifiée en moyenne tous les trois ans et demi entre 1958 et 2000. Depuis l'année fiscale 1990, le taux marginal de l'impôt sur le revenu est linéaire avant d'être stable au-delà d'un certain revenu, alors qu'il était calculé dans les années 1980 par une équation du quatrième degré avant la tranche d'imposition au taux marginal supérieur. Depuis l'année fiscale 1996, deux tranches linéaires sont distinguées pour le taux marginal avant la dernière tranche maximum de 53 %, avec progressivité entre les deux tranches.

Tableau 7 : Les principales mesures de la réforme de l'IRPP en Allemagne

 

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Cumul

Taux maximum

53

51

48.5

48,5

47

47

42

- 11 points

Taux minimum

23,9

22,9

19,9

19,9

17

17

15

- 8,9 points

Min. non imposable
(en euros)

6681

6902

7206

7235

7426

7426

7664

+ 11 %

Source : Ministère des finances.

En 2001, le montant de l'impôt T est calculé en fonction du revenu imposable X selon les formules :

T = 0 si X < 7235 euros

T = (768,85 Y+1990) Y avec Y = (X - 7200)/10 000 si 7235 < X < 9251

T = (278,65Z+2300)Z + 432 avec Z = (X - 9216)/10 000 si 9252 < X < 55007

T =0,485X + 872 si 55007< X

Le salaire net moyen est de 25 000 euros.

Le taux marginal d'imposition augmente de façon progressive de 19,9 à 23 % ; puis de 23 % à 48,5 %. Le seuil de paiement est relativement bas et le taux de 48,5 % est atteint rapidement. La réforme prévoit de faire passer ce taux à 42 %. Par contre, la hausse du minimum non imposable sera sans doute inférieure à la hausse du salaire moyen sur la période.

2. Autriche

L'unité d'imposition est l'individu ; un conjoint sans ressource donne droit à un crédit d'impôt (mais celui-ci est très faible, 1,6 % du SMO). Les enfants donnent droit à un crédit d'impôt (2,6 % du SMO), qui s'ajoute à des allocations familiales généreuses.

Les intérêts sont soumis à un prélèvement libératoire au taux de 25 %. Les dividendes ne bénéficient pas d'avoir fiscal ; ils sont intégrés dans le revenu pour la moitié de leur montant ; comme le taux de l'IS est de 34 %, la taxation globale des profits distribués (y compris IS) est de 50,5 % pour les ménages dont le taux marginal de taxation est de 50 % ; de 47,5 % pour ceux au taux de 41 % ; de 44,2 % pour ceux au taux de 31 %.

Une particularité du système est que les primes de fin d'année ou les primes de départ (qui ne dépassent pas deux mois de salaires) sont taxées à un taux privilégié : 0 % si elles ne dépassent pas 7,2 % du SMO ; 6 % si elles dépassent ce montant.

Tableau 8 : Taux d'imposition en Autriche

Tranches d'imposition, en euros*

Taux, en %

Jusqu'à 3 634

0

De 3634 à 7267

21

De 7267 à 21 202

31

De 21 202 à 50 872

41

Au-delà de 50872

50

* Le revenu imposable d'une personne touchant le SMO est de 17 685 euros.

Source : European Tax Handbook , 2001.

Les barèmes (crédit d'impôt, tranches des barèmes) ne sont pas indexés sur l'inflation, ce qui tend à augmenter tendanciellement le poids de l'impôt. Le taux maximum est 50 %. Les contribuables bénéficient d'un crédit d'impôt de 5,5 % du SMO, qui disparaît si le contribuable est taxé marginalement à 50 %. Les crédits d'impôt sont en partie remboursables.

La réforme de 1988 avait fait baisser le taux maximum de 62 % à 50 %. Au début des années 1990, un prélèvement libératoire sur les revenus d'intérêt a été introduit pour lutter contre les non déclarations. En 1994, l'abattement général a été nettement augmenté. En 1996, les possibilités de déductions (primes d'assurance-vie) ont été réduites pour les contribuables taxés au taux marginal de 50 %. La réforme de 1998 a surtout augmenté les crédits d'impôt pour enfants (en même temps que les prestations familiales). Celle de 1999 a augmenté le crédit d'impôt général et l'a rendu dégressif. Les taux n'ont pas été modifiés.

3. Belgique

L'imposition sur le revenu porte sur le salaire net. La déduction pour frais professionnel est dégressive (de 20 % à 3 % par tranches de salaires) et plafonnée.

La taxation est individuelle pour les revenus salariaux et les pensions, mais un conjoint actif peut attribuer 30 % de ses revenus à son conjoint sans revenu salarial (avec un plafond de 25 % du SMO). Les autres revenus du ménage sont attribués au conjoint de revenu le plus élevé.

Plusieurs catégories de revenus bénéficient de taux libératoires : 33 %, 15,5 % ou 15 % pour les plus-values selon la durée de détention ; 25 % pour les dividendes. Les intérêts sont soumis à un prélèvement non libératoire de 15 %.

Il existe une tranche exonérée (14 % du SMO) et des abattements pour enfants à charge (10 % du SMO pour 2 enfants). Ces tranches s'imputent par le bas (soit à un taux de 25 %).

Tableau 9 : Taux d'imposition en Belgique

Tranches d'imposition, en euros *

Taux, en%

De 0 à 6100

25

De 6100 à 8000

30

De 8000 à 11 450

40

De 11 450 à 26 300

45

De 26 300 à 39 500

50

De 39 500 à 65 600

52,5

Au-delà de 65 600

55

* Le revenu imposable d'une personne touchant le SMO est de 21 508 euros.

Source : European Tax Handbook , 2001.

Une contribution supplémentaire de crise de 3 % est en cours de démantèlement. Il existe une surcharge municipale, qui est en moyenne de 7 % de l'impôt. L'indexation du barème sur l'inflation a été rétablie en 1999. En 2001, le bas de la tranche à 55 % a été fortement relevé. Le gouvernement veut aboutir à une baisse importante de l'impôt sur le revenu à partir de 2002. Les mesures envisagées sont : une hausse forfaitaire des frais professionnels déductibles ; l'élargissement des tranches du barème ; la suppression des taux d'imposition à 52,5 et 55 % ; l'alignement du régime des concubins sur celui des couples mariés ; la hausse des crédits d'impôt pour enfants (qui deviendraient remboursables) ; la création d'un crédit d'impôt remboursable pour les salariés à bas salaires.

4. Danemark

L'unité d'imposition est l'individu. Le revenu imposable est la somme du revenu personnel (revenus d'activités nets et pensions) et du revenu du capital (intérêts, dividendes, plus values, loyers, nets des intérêts versés).

Chaque personne de plus de 18 ans bénéficie d'un crédit d'impôt remboursable (4,7 % du SMO). Un époux sans ressource peut le transférer à son conjoint. Les enfants ne donnent droit à aucun allègement.

La fiscalité comporte un impôt national progressif et surtout des impôts locaux proportionnels, au taux moyen de 32,8 %, de sorte que la progressivité globale du système est faible. Le taux marginal supérieur de 59 % est atteint rapidement.

Tableau 10 : Taux d'imposition au Danemark

Tranches d'imposition en euros*

Taux**

De 0 à 20 334

39,5 %

De 20334 à 33045

45,5 %

Au-delà de 33 045

59 %

* Le revenu imposable d'une personne touchant le SMO est de 30 880 euros. ; ** Impôt national+impôts locaux (au taux moyen).

Source : European Tax Handbook , 2001.

Les socio-démocrates au pouvoir depuis le début de la décennie ont lancé en 1994 un programme quinquennal de baisse d'impôt pour soutenir l'activité. L'objectif était de réduire les taux marginaux élevés portant sur les revenus du travail en élargissant la base d'imposition.

En juin 1998, la réforme fiscale, votée, pour la période 1998-2002, réduit les possibilités de déduction des revenus négatifs du capital et les taux de déduction des primes aux fonds de pensions, ce qui permet de financer une nouvelle baisse des taux d'imposition. Depuis 1994, le taux maximal de l'impôt national a baissé de 36,5 % à 27,25 %, le taux minimal de 14,5 % à 6,25 %. Toutefois, la part des individus soumis à la tranche supérieure d'imposition est passée de 20 à 27,5 %. Cette réforme a été financée par la hausse des taux de cotisations salariés de 5 à 8 % et par des écotaxes. Depuis 2000, les loyers fictifs ne sont plus imposés, mais la valeur du logement est soumise à une taxe locale.

Le système a plusieurs défauts. Le taux d'imposition marginal s'applique à une grande proportion des actifs, ce qui encourage le travail à temps réduit. Les enfants ne sont pas pris en compte. La fiscalité favorise fortement l'endettement (en particulier pour acheter un logement) et les fonds de pensions au détriment de l'épargne financière libre.

En novembre 2001, le nouveau gouvernement de centre droit a décidé le gel des taux, des barèmes et des bases de tous les impôts.

5. Espagne

L'unité de taxation est l'individu, mais, depuis 1990, un couple marié peut choisir l'imposition conjointe. La déclaration conjointe n'est rentable que pour les couples ne disposant que d'un revenu. Le revenu imposable comprend le salaire net, les revenus des entrepreneurs, les revenus du capital, les plus-values, les revenus imputés. Les salariés ont droit à un abattement qui vaut 22 % du SMO pour les bas salaires (en dessous de 50 % du SMO) et 15 % du SMO (pour les salaires supérieurs à 80 % du SMO). Cet abattement diminue nettement les impôts des salariés à bas salaires. Les revenus imputés sont constitués des loyers fictifs des seules résidences secondaires (évalués à 1,1 % de leur valeur cadastrale).

Les dividendes sont soumis à une double taxation ; mais, leur taux d'imposition est de 1,4t - 0,4, si t est le taux d'imposition marginal du bénéficiaire (soit 27 % pour un taux de 48 %) ; compte tenu d'un taux de l'IS de 35 %, l'imposition totale est de : 0,91 t + 9 % ; soit légèrement supérieure à t.

Chaque contribuable a droit à un abattement de 25 % du SMO (qu'un époux oisif transfère à son conjoint en cas de déclaration commune). Chaque enfant donne droit à un abattement de l'ordre de 10 % du SMO.

L'achat d'une résidence donne droit à un crédit d'impôt plafonné, qui diminue de 25 % (les 2 premières années) à 15 % les années suivantes, du service de l'endettement (intérêt et principal).

L'impôt comporte une part nationale et une part régionale qui ont la même assiette. La part régionale peut être modifiée par la région.

Tableau 11 : Taux d'imposition en Espagne

Tranches d'imposition, en euros*

Taux, en %**

De 0 à 3700

18

De 3700 à 13 000

24

De 13 000 à 25 200

25,3

De 15 200 à 40 600

37,2

De 40 600 à 68 000

45

Au-delà de 68 000

48

* Le salaire imposable d'une personne touchant le SMO est de 11 820 euros (avant abattement de 3 350 euros). ; ** Taux moyen.

Source : European Tax Handbook , 2001.

La réforme menée en 1992 par le gouvernement socialiste avait pour but un élargissement de l'assiette fiscale et une incitation à l'épargne de long terme. Pour financer la réforme, de nouvelles sources de revenus, comme les avantages en nature, ont été intégrées dans la base imposable. La fiscalité des plus-values et des OPCVM a été allégée.

En 1997, la droite a réduit de 16 à 10 le nombre de tranches de l'IRPP. La réforme de l'impôt sur le revenu des personnes physiques mise en oeuvre en 1999 avait plusieurs objectifs : réduire la charge fiscale et élargir les mesures encourageant le travail ; accroître la neutralité envers les divers types de revenus et placements ; remplacer un ensemble d'exonérations par un revenu minimal exonéré ; abaisser le coût de perception de l'impôt, libérer des ressources pour lutter contre la fraude fiscale.

Les taux marginaux ont été réduits de 56 à 48 % pour la tranche supérieure et de 20 à 18 % pour la tranche inférieure, tandis que le nombre de tranches a diminué de 10 à 6.

Les revenus du capital et du travail sont désormais traités plus équitablement. La majorité des exonérations sur les revenus de l'épargne financière furent supprimée. A l'exception des plus-values à long terme, les revenus du capital sont intégrés dans le revenu avec compensation entre pertes et gains.

Un revenu exonéré assurant un niveau de vie minimal ( minimo exento ), prenant en compte les caractéristiques de l'unité fiscale, a remplacé la plupart des allègements fiscaux, accusés d'être sources d'inégalités horizontales et d'offrir de larges possibilités d'évasion fiscale (dépenses de santé ou d'éducation, loyers, prise en charge des personnes handicapées, frais de garde d'enfants...).

Le seuil à partir duquel il faut remplir une déclaration a été relevé à 21 000 euros (au lieu de 7 200 euros en 1998). Ceci devrait réduire de 5 millions le nombre de déclarations (soit d'environ un tiers du total des déclarations). Le revenu imputé des logements occupés par leurs propriétaires n'est plus imposable, au nom de la simplification.

Selon les estimations officielles, ces réformes ont entraîné une baisse de la pression fiscale totale de 11 % (tableau 12). Les contribuables auraient ainsi bénéficié d'une réduction d'impôts de 4,85 milliards d'euros en 1999.

Tableau 12 : Effets de la réforme de 1999 de l'IRPP

Revenu
(en euros)

Contribuables concernés
(en %)

Réduction de la charge fiscale au titre de l'IRPP (en %)

< 12 020

60,3

29,7

12 020-18 030

19,8

15,0

18 030-30 051

14,3

8,3

> 30 051

5,6

6,2

Total

100,0

11,1

Source : Ministerio de economia y hacienda.

Le gouvernement a annoncé une baisse de l'IRPP en 2003 pour stimuler l'épargne, l'investissement et l'offre de travail. Elle bénéficierait principalement aux familles, avec un traitement particulier pour les femmes seules avec un enfant de moins de 3 ans à charge, des aides aux familles nombreuses (compensation additionnelle à partir du troisième enfant) et aux familles ayant à charge des personnes âgées ou des handicapés. Les taux d'imposition marginaux maximum et minimum pourraient diminuer pour atteindre respectivement 46 % et 15 %, au lieu de 48 % et 18 % actuellement. Selon les estimations du gouvernement, cette baisse d'impôt représenterait un montant de 21 milliards d'euros sur les quatre prochaines années. Par ailleurs, l'introduction d'une allocation pour rendre financièrement intéressant le travail pour les salariés à bas revenus est envisagée.

6. France

L'unité d'imposition est la famille. Ceci est assuré par le quotient conjugal et le quotient familial, que la France est le seul pays à en Europe, à pratiquer. L'autre particularité française est de combiner un IRPP fortement progressif, mais de faible rapport avec un impôt proportionnel, le CSG-CRDS, au taux de 8 %, qui frappe l'ensemble des revenus.

Tableau 13 : Taux d'imposition en France

Tranches d'imposition, en euros*

Taux, en %

De 0 à 4 050

0

De 4 050 à 8000

8,25

De 8 000 à 14 000

21,75

De 14 000 à 22 730

31,75

De 22 730 à 37 000

41,75

De 37 000 à 45 610

47,25

Au-delà de 45 610

43,25

* Le salaire imposable d'une personne touchant le SMO est de 9 200 euros.

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, 2002.

Le revenu imposable comporte les salaires, les pensions, les revenus des entrepreneurs individuels, les revenus du capital logement et financier. Les salariés ont droit à une déduction pour frais professionnel de 10 %. S'y ajoutent pour les salaires et les pensions, une déduction de 20 % (destinée à récompenser la moindre fraude fiscale). Aussi, le salaire imposable n'est que de 72 % du salaire net. Les loyers fictifs ne sont pas imposables. Les revenus d'intérêt sont, soit non imposables pour certains placements sociaux ou soumis à des contraintes de durée de détention, soit soumis à un prélèvement libératoire de 25 %. Les dividendes sont soumis à l'impôt sur le revenu, avec un avoir fiscal intégral.

L'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP), progressif, a été complété par la création de la Contribution sociale généralisée (CSG) en 1991 et de la Contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) en 1996, impôts proportionnels, affectés respectivement à la Sécurité sociale et au remboursement de la dette de celle-ci. La CSG avait pour objectif d'élargir la base de financement de la Sécurité sociale et s'est traduite par un alourdissement sensible de la taxation de l'épargne. La CSG et la CRDS étant considérées comme des impôts sur le revenu (IR), la part de l'IR dans le PIB a très fortement augmenté au cours des années 1990, passant de 4,8 % en 1990 à 8,5 % en 2001. L'IRPP stricto sensu n'a pas augmenté : il représentait 3,8 % du PIB en 1990 et 3,7 % en 2001.

Pour le reste, les grandes modifications de la taxation des revenus depuis le début des années 1990 sont :

La réforme en 1994 qui a légèrement simplifié un impôt très compliqué et réduit le nombre de tranches.

Des baisses de taux à la fin de la décennie.

Une forte diminution des avantages familiaux pour les foyers aisés en 1999.

Une très grande instabilité des nombreux mécanismes d'allègement d'IRPP (dont le nombre a augmenté pendant la première moitié de la décennie et s'est légèrement réduit depuis 1995).

Une réduction des avantages dont bénéficie l'assurance-vie ; des mesures en faveur de l'épargne longue ou risquée (PEP, PEA).

La création de la Prime pour l'emploi en 2001, impôt négatif conditionnel à l'exercice d'une activité professionnelle (et très fortement individualisé).
L'impôt sur le revenu français se caractérise par la complexité de ses règles de calcul et par leur instabilité. Presque la moitié des foyers fiscaux ne paie pas l'IRPP du fait de l'étroitesse de l'assiette de prélèvement. L'IRPP est très fortement concentré sur les hauts revenus.

Tableau 14 : Répartition de l'impôt sur le revenu (y compris Prime pour l'emploi) par déciles en 2002

Déciles

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

Total

En % de l'IRPP total

- 0,1

- 1,1

- 1,5

- 1,1

1,0

2,7

4,5

7,7

14,6

73,2

100

Source : Rapport économique, social et financier du gouvernement 2002.

La principale modification de l'IRPP a été la réforme de 1994 (applicable aux revenus de 1993) : le nombre de tranches a été réduit de 12 à 6 et le système des minorations applicables à l'impôt résultant du barème a été -- fort heureusement -- supprimé. Cette réforme a provoqué une baisse de 19 milliards de francs selon le gouvernement de l'époque, soit d'un peu plus de 6 % du rendement de l'IRPP. En 1997, le gouvernement Juppé a mis en oeuvre un plan de réduction de l'ensemble des taux de l'IRPP 71 ( * ) , qui devait aboutir au bout de 5 ans à une baisse d'un quart de l'IRPP. Seule la première phase de ce plan a été effectuée (sur les revenus de 1996) car la nouvelle majorité parlementaire a suspendu son application. Après une stabilisation des taux pendant trois ans, qui ont abouti en 1999 à des recettes d'IRPP record compte tenu du dynamisme des revenus en 1998, le gouvernement Jospin a engagé à partir de 2000 un plan de baisse de l'ensemble du barème sur quatre ans. Ce plan prévoit que le barème d'imposition des revenus de l'année 2002 sera {7 ; 20,5 ; 30,5 ; 40,5 ; 46,5 ; 52,5}, alors que les revenus des années 1996 à 1998 étaient imposés au barème {10,5 ; 24 ; 33 ; 43 ; 48 ; 54}.

Compte tenu de la progression des revenus réels, ces baisses n'ont pas porté atteinte au rendement de l'impôt. Ceci s'explique par l'indexation des tranches, en principe sur la seule inflation. Toutefois, de 1993 à 2001, le premier seuil du barème a été nettement plus augmenté que l'inflation (+ 2,5 % par an en moyenne pour une inflation moyenne de 1,4 %), en raison de la forte hausse de 1997 (+ 11,3 %). Les cinq autres seuils, au contraire, ont été légèrement sous indexés (+ 1,1 % en moyenne entre 1993 et 2001). Ceci a été favorable aux foyers imposés dans les tranches les plus basses et défavorable aux foyers imposés dans les tranches les plus hautes.

Le principe du quotient familial (QF), qui est une particularité française, n'a pas été remis en cause par les différentes majorités. Cependant, le plafond du QF, en général indexé, comme les tranches du barème, sur les prix, a été très fortement réduit en 1999 (d'un tiers : il est passé de 16 380 francs par demi-part pour les revenus de 1997 à 11 000 francs pour les revenus 1998 ; il est remonté à 12 500 francs pour les revenus 2001). Cela a eu pour conséquence une augmentation sensible de la taxation des familles aisées.

Les dispositifs donnant lieu à des allègements d'impôt sur le revenu sont nombreux et très instables. Selon le Conseil des impôts, il y avait, en 1991, 24 dispositifs de réduction de l'IRPP alors qu'il n'y en avait que 10 en 1982. En 1995, le nombre d'allègements a plafonné à 32 et s'est légèrement réduit depuis. Les divers abattements, réductions et crédits d'impôt sont théoriquement justifiés par des objectifs de justice sociale, de stimulation des secteurs créateurs d'emplois ou d'incitation : favoriser la prise de risque ou protéger l'environnement. Pourtant, ils provoquent un sentiment d'injustice.

7. Italie

L'imposition est individuelle. Un époux sans ressource donne droit à un crédit d'impôt de l'ordre de 2,4 % SMO ; un enfant donne droit à un crédit d'impôt de l'ordre de 1 % du SMO. La taxation porte sur le salaire net. Les intérêts sont soumis à un prélèvement libératoire de 27 % réduit à 12,5 % pour les bons du Trésor ou les obligations. Les dividendes sont soumis à l'impôt sur le revenu avec avoir fiscal intégral.

Les salariés bénéficient d'un crédit d'impôt : 5,5 % du SMO tant que le salaire ne dépasse pas 30 % du SMO ; 2,4 % du SMO pour un salaire de 50 % du SMO ; 2 % du SMO au SMO. Il s'annule pour 5 fois le SMO. Il existe des crédits d'impôts, non remboursables, au taux de 19 % pour les dépenses médicales, les intérêts payés pour l'acquisition de la résidence principale, les primes d'assurances.

Tableau 15 : Taux d'imposition en Italie

Tranches d'imposition, en euros*

Taux, en %**

De 0 à 10 000

18,5

De 10 000 à 15 000

25,5

De 15 000 à 30 000

33,5

De 30 000 à 67 500

39,5

Au-delà de 67 500

45,5

* Le revenu imposable d'une personne touchant le SMO est de 18 693 euros.

** Hors impôts locaux (la surtaxe locale est en moyenne de 1,4 %).

Source : European Tax Handbook , 2001.

L'IRPP est passé de 8,3 % du PIB en 1990 à 10,1 % en 2000. Cette hausse provient de mesures de révision des tranches et de suppression de crédits d'impôt entre 1990 et 1993. La suppression de l'indexation totale des tranches à l'inflation, introduite vers la fin des années 1980, y a aussi contribué.

La réforme de l'IRPP a été graduelle compte tenu des marges de manoeuvre permises par la politique de stabilisation budgétaire.

En 1998 la redéfinition du barème de l'IRPP a permis le maintien du taux moyen d'imposition malgré la suppression des cotisations maladie à la charge du travailleur, qui étaient précédemment déductibles de l'impôt sur le revenu. Le nombre de tranches a été réduit de 7 à 5. Si l'abolition de la première et de la dernière tranche a diminué la progressivité de l'impôt (le taux maximal a été réduit de 51 % à 46 %), l'augmentation du seuil d'exemption ainsi que du crédit d'impôt pour enfants à charge a été favorable aux personnes à faible revenu. Plusieurs types de revenus du capital (intérêts et plus-values) ont été soustraits à l'IRPP et soumis à une retenue à la source à un taux proportionnel.

La loi de finance pour 2000 comportait une réduction d'un point du taux appliqué à la deuxième tranche (qui profitait surtout aux plus hauts revenus). Ceci était contrebalancé par l'instauration d'un crédit d'impôt pour les salaires inférieurs au seuil de la deuxième tranche. Par ailleurs, les familles bénéficiaient de la hausse du crédit d'impôt pour enfant à charge et de l'introduction d'un crédit d'impôt pour tout enfant d'âge inférieur à trois ans.

Le supplément de recettes fiscales non prévues (appelé « bonus fiscal ») considéré comme structurel a été restitué par la loi de finances pour 2001 sous forme d'une baisse généralisée de la charge fiscale plus accentuée pour les plus faibles revenus, grâce à la hausse du seuil d'exonération et à celle du crédit d'impôt pour les salaires inférieurs au seuil de la deuxième tranche.

La hausse du crédit d'impôt décroissante en fonction du revenu individuel augmente le caractère redistributif de l'imposition mais pose le problème de la neutralité par rapport au nombre de membres contribuables dans la famille. Cette mesure favorise les couples mono-actifs appartenant aux tranches intermédiaires de revenu.

Tableau 16 : Barème de l'IRPP 1999-2003 prévu dans la loi de finances pour 2001

Tranches de revenu

Taux, en %

En euros

En % du salaire moyen

1999

2000

2001

2002

2003

0-10 329

0-50

18,5

18,5

18,0

18,0

18,0

10 329-15 494

50-74

26,5

25,5

24,0

23,0

22,0

15 494-30 987

74-149

33,5

33,5

32,0

32,0

32,0

30 987-69 722

149-335

39,5

39,5

39,0

38,5

38,0

> 69722

> 335

45,5

45,5

45,0

44,5

44,0

Source : Ministère du Trésor.

La loi de finances pour 2002 poursuit les mêmes objectifs redistributifs que les précédentes. Elle accentue la redistribution verticale, par une augmentation des crédits d'impôt pour enfant à charge différenciés selon le revenu, ce qui renforce le problème de neutralité face au nombre d'actifs dans le ménage. L'effet redistributif de cette hausse, concentrée sur les revenus moyens et bas, est renforcé par la suspension de la réduction du taux de l'IRPP.

Toutefois l'effet progressif trouve ses limites dans la modalité de baisse du prélèvement par hausse des crédits non remboursables. La baisse de l'IRPP de 2001 avait déjà fait ressortir le problème des ménages, qui n'ayant pas un revenu et donc un impôt dû suffisamment élevé pour bénéficier de la hausse des crédits, ne profitaient pas de la réforme. En 2002 environ un tiers de l'augmentation formelle du crédit d'impôt n'a pas été utilisée. Ce phénomène concerne un cinquième des ménages et 75 % des plus pauvres.

Le gouvernement actuel envisage un nouveau barème comportant une exemption pour les revenus inférieurs à 7 750 euros (11 390 euros avec enfants à charge); une première tranche jusqu'à 103 800 euros imposée à 23 % ; un taux de 33 % au-delà. La substitution d'abattement aux crédits d'impôt permettrait de mieux réaliser la progressivité, mais l'absence de transfert en cas de revenu imposable nul ne résout pas le problème présent dans la législation actuelle. D'autre part l'extension d'une exemption si élevée à tous les contribuables induirait la perte d'un tiers des recettes. Sa limitation aux revenus les plus faibles comporterait une perte pour les classes moyennes, avec un effet de seuil provoquant une forte hausse du taux marginal.

8. Pays-Bas

Le système d'imposition est individuel : les conjoints choisissent librement qui déclare les revenus (et les charges) communs. Le système a été fortement réformé en janvier 2001, date à partir de laquelle il est devenu cédulaire. Les revenus sont partagés en trois catégories (en trois boîtes) :

La première comporte les revenus du travail, les pensions et les loyers fictifs. Cependant, ceux-ci sont fortement sous-évalués (0,8 % de la valeur de l'appartement, plafonné à 7 813 euros en 2001). Les intérêts payés pour l'acquisition du logement sont déductibles.

Chaque contribuable a droit à un crédit d'impôt de 1 576 euros (une personne sans revenu peut en faire bénéficier son conjoint). Les actifs ont droit à un crédit d'impôt supplémentaire, qui atteint 129 euros pour 50 % du salaire minimum et 920 euros pour le salaire minimum à temps plein. Ce crédit d'impôt est censé encouragé à l'emploi à temps plein. Les enfants donnent droit à un crédit d'impôt (138 euros par enfant). Ces crédits d'impôt ne sont pas remboursables. L'impôt sur le revenu inclut les contributions à la Sécurité sociale pour la retraite et la maladie (29,4 % sur les deux premières tranches).

Tableau 17 : Taux d'imposition aux Pays-Bas

Tranches d'imposition, en euros*

Taux, en %

De 0 à 14 870

32,35

De 14 870 à 26 750

37,60

De 26 750 à 42 532

42

Au-delà de 42 532

52

* Le revenu imposable d'une personne touchant le SMO est de 23 152 euros

Source : European Tax Handbook , 2001.

La deuxième boîte comporte les revenus nets du capital provenant d'une participation substantielle au capital d'une entreprise (plus de 5 %). Ceux-ci sont taxés à 25 %.

La troisième boîte comporte les revenus du patrimoine (autres que ceux figurant dans la boîte 2 et le loyer fictif). Le patrimoine moyen de l'année (demi-somme du patrimoine initial et du patrimoine final) est censé rapporté 4 %, taxé à 30 %. Sa valeur est donc taxée à 1,2 %. Certains investissements éthiques bénéficient d'une déduction de 47 000 euros. Il existe de plus un abattement général de 17 600 euros par adulte, majoré de 2 350 euros par enfant. Ce système assure la neutralité entre les différents types de placement. L'équité horizontale n'est pas assurée puisque les revenus du capital sont soustaxés par rapport à ceux du travail et que les deux catégories de revenus ne font pas masse ; mais c'est une caractéristique générale des systèmes fiscaux.

La réforme de 2001 a permis de faire baisser de 60 à 52 % le taux maximum d'imposition.

9. Suède

L'imposition est individuelle. Les enfants ne donnent droit à aucune réduction d'impôt. Le revenu imposable est divisé entre revenu d'activité (les salaires nets des cotisations, revenus des entrepreneurs) et les revenus du capital (les intérêts nets du capital, les plus-values, les dividendes).

Les revenus d'activité subissent une taxation nationale progressive et une taxation locale proportionnelle (au taux moyen de 31 %). Ils bénéficient d'un abattement, qui décroît avec le revenu (3,8 % du SMO, à ce niveau). Il existe un crédit d'impôt remboursable pour les actifs (2 % du SMO, à ce niveau). Les revenus du capital sont taxés à un taux national uniforme de 30 %.

Tableau 18 : Taux d'imposition en Suède

Tranches d'imposition, en couronnes*

Taux, en %**

De 0 à 252 000

31

De 252 000 à 390 400

51

Au-delà de 390 400

56

* Le revenu imposable d'une personne touchant le SMO est de 209 420 couronnes . ; ** Impôt national+impôts locaux (au taux moyen).

Source : European Tax Handbook , 2001.

La réforme de 1991 visait à réduire le taux d'imposition marginal des revenus du travail. Le taux supérieur du barème national était de 41 % (soit 72 % en y ajoutant les 31 % de fiscalité locale) ; il est passé à 34 % en 1990 ; puis à 20 % en 1991 (soit 51 % y compris la fiscalité locale).

Jusqu'en 1991, les revenus du capital étaient imposés comme les revenus du travail. La déductibilité des intérêts versés était une forte incitation à l'endettement immobilier. Les revenus nets du capital étaient négatifs. Depuis 1991, le taux d'imposition des revenus du capital est réduit, ce qui rend moins intéressant l'endettement. Mais les dividendes restent soumis à une double imposition, ce qui décourage à l'investissement en actions des entreprises nationales.

La réforme de 1991 a été financée en grande partie par l'extension de la TVA. Mais les besoins de financement des administrations ont obligé en 1994 à engager une politique d'assainissement budgétaire financée à moitié par la hausse des cotisations maladie des salariés (de 0,95 % en 1993 à 6,95 % en 1999) et par la hausse du taux maximal de l'IRPP (de 20 % à 25 %). Les limites des tranches n'ont pas été indexées de 1995 à 1998.

Le programme pluriannuel annoncé en 2000 vise à augmenter le seuil de non imposition à l'impôt national et à faire passer de 20 à 15 % le premier taux de l'impôt national. Les autorités souhaitent baisser l'imposition pesant sur les plus bas salaires et le taux marginal supérieur, grâce à la hausse des écotaxes, mais elles doivent compenser la baisse des taxes sur l'alcool et le tabac imposée par l'UE.

10. Royaume-Uni

L'impôt sur le revenu est individualisé. Le revenu imposable comprend le salaire brut (y compris cotisations employés). Les revenus du capital sont taxés, sauf les comptes destinés à l'épargne retraite. Les dividendes ne bénéficient que d'un avoir fiscal de 1/9 et sont taxés aux taux de 32,5 % : au total, leur imposition est de 55,65 %.

de la simplification de la fiscalité des revenus d'épargne, l'individualisation de l'impôt, et la modification des abattements et des crédits d'impôt qui ont eu pour effet de défavoriser les couples sans enfant et de favoriser les retraités ayant cotisé et les ménages qui travaillent et/ou ont des enfants. Ces derniers sont pris en compte via un crédit d'impôt appliqué à un des deux parents (ou partagé entre eux). De façon générale, les crédits d'impôt jouent un rôle important dans le système britannique et ont été nettement développés depuis 1997. L'impôt est collecté par les entreprises qui versent au fisc les sommes que celui-ci a calculées en prenant en compte les caractéristiques du contribuable (nombre d'enfants...) et les autres revenus. Le barème ne contient que 3 tranches (contre 6 en France) et les contribuables bénéficient d'un abattement forfaitaire de 4 535 livres (soit 17,8 % du revenu moyen ; l'abattement est supérieur pour les personnes ayant plus de 65 ans).

Tableau 19 : Imposition des dividendes au Royaume-Uni

Profit

100

Impôt sur les sociétés

31

Dividendes

69

Crédit d'impôt

69/9=7,67

Impôt à payer

(69+7,67)*32,5 %-7,67=24,65

Impôt total

55,65

Source : Calculs des auteurs.

Tableau 20 : Taux d'imposition au Royaume-Uni

Tranches d'imposition, en livres*

Taux, en %

De 0 à 1 520

10

De 1 520 à 28 400

22

Au-delà de 28 400

40

* Le revenu imposable d'une personne touchant le SMO est de 14 500 livres Sterling.

Source : European Tax Handbook, 2001.

Les principales mesures prises dans les années 1990 sont la poursuite de la diminution des taux et Les taux d'imposition ont diminué continûment depuis la fin des années 1970. Sous les conservateurs (1979-1996), la baisse des taux a été très forte : le taux marginal supérieur est passé de 98 % dans certains cas à 60 % puis 40 %. Le passage de 60 à 40 % du taux marginal en 1988, s'est accompagné d'une très forte diminution du nombre de tranches. Les Tories ont supprimé le taux le plus bas ( lower rate ) un an après leur arrivée au pouvoir et ont diminué progressivement le taux intermédiaire ( basic rate ). Ils ont aussi réintroduit un taux réduit dans le budget pré-électoral de 1992. Après 1992, les abattements à l'IRPP ont été gelés. Les Travaillistes n'ont pas remis en cause la baisse des taux marginaux les plus élevés. Ils ont abaissé le taux réduit à 10 % à partir d'avril 1999 (au lieu de 20 %) et ont réduit le taux moyen de 1 point à 22 % en avril 2000. La baisse du taux réduit n'a concerné que les très petits contribuables, puisqu'elle s'est accompagnée d'une très forte diminution du seuil au-delà duquel le revenu est imposé au basic rate .

Sur 45 millions d'adultes, environ 27,6 sont aujourd'hui soumis à l'impôt sur le revenu (61 %). Les réformes de l'IRPP se sont traduites par une augmentation du nombre de contribuables payant les taux les plus élevés (10 % aujourd'hui, contre 3 % en 1979-1980) : l'indexation des tranches n'a pas toujours suivi l'inflation, les revenus ont en moyenne progressé plus vite que les prix et la dispersion des revenus s'est accrue sur la période. Aussi, malgré la forte baisse des taux, la part de l'IRPP dans le PIB n'a que très peu varié en presque un quart de siècle. Depuis 1979-1980, soit en 22 ans, le seuil au-delà duquel le taux supérieur est dû a diminué de 7,8 % en terme réel. Au contraire, l'abattement (seuil en deçà duquel le contribuable ne paye pas d'IRPP) a augmenté de 44,4 % à prix constant.

Dans les années 1990, la prise en compte de la situation familiale a été fortement modifiée. Avant 1990, les couples mariés étaient soumis à une imposition conjointe (les textes stipulaient que d'un point de vue fiscal, le revenu de l'épouse était considéré comme le revenu de son mari...). L'imposition conjointe a été supprimée en 1990, mais le statut marital restait pris en compte par le biais d'un abattement fiscal accordé aux couples mariés ( married couple's allowance , MCA). Cet abattement a été progressivement réduit à partir de 1993, et supprimé en avril 2000. Jusqu'en 2001, les enfants n'étaient pas pris en compte dans le calcul de l'imposition excepté par le biais d'un crédit d'impôt en faveur des familles à faible revenu avec enfant et dont un des parents au moins travaillait : le Family Income Supplement créé en 1971, remplacé en 1988 par le Family Credit , lui-même remplacé par le Working Families' Tax Credit (WFTC) en 1999. La diminution du MCA a dégagé des ressources qui ont permis, dans un premier temps, d'augmenter les allocations familiales.

A partir d'avril 2001, a été mis en place un Children's Tax Credit (CTC) en faveur de toutes les familles ayant au moins un enfant de moins de 16 ans. Il s'agit d'une réduction d'impôt non remboursable, indépendante du nombre d'enfants, versée aussi bien aux couples mariés qu'aux couples non mariés et aux célibataires. Lorsqu'aucun des membres du foyer n'est imposé au taux marginal supérieur, le CTC est forfaitaire et les couples décident de la répartition du crédit entre chacun des deux adultes. Lorsque l'un des deux est imposé à la tranche marginale supérieure, celui qui gagne le plus doit recevoir le crédit d'impôt qui est réduit de 1/15 e de livre pour chaque livre de revenu au-dessus du seuil de la tranche supérieure Pour les hauts revenus, le CTC est donc nul. En 2001-2002, le CTC plein vaut 520 livres. L'abattement pour le calcul du revenu imposable vaut 4 535 livres et le seuil de la tranche supérieure vaut 29 400. Si le plus haut des deux revenus d'un couple est supérieur à 33 935 livres (4 535+29 400), la réduction d'impôt est inférieure à 520 livres. Si le plus haut revenu est de 38 000 livres (soit grosso modo, 1,5 fois le revenu moyen), le CTC est de 249 livres (= 520 - (38 000 - 33 935)*(1/15) ). Le CTC devient nul pour un revenu supérieur à 41 735 livres, soit 1,6 fois le revenu moyen.

La prise en compte des enfants par le CTC a donc des effets très différents de ceux du quotient familial. En France, chaque enfant permet une réduction d'impôt d'autant plus forte que le revenu est élevé (jusqu'à un certain plafond). Au Royaume-Uni, la réduction d'impôt est forfaitaire puis dégressive (dans le cas du WFTC, l'aide pour chaque enfant est forfaitaire, mais elle est supprimée au-delà d'un certain revenu). En France, chaque enfant induit une diminution de l'IRPP, qui est plus forte à partir du troisième enfant, alors que le second enfant (et les suivants) ne rapporte rien dans le cas du CTC (et une somme identique dans le cas du WFTC). Deux célibataires à deux enfants qui se marient perdent un CTC.

Le gouvernement unifiera, à partir de 2003, la prise en compte des enfants dans l'impôt sur le revenu par la création d'un nouveau crédit d'impôt. Il s'agira d'une prestation globalement dégressive, avec deux paliers. Le WFTC sera remplacé par un crédit d'impôt destiné aux plus de 25 ans ayant un emploi, avec ou sans enfants ( Working Tax Credit ).

Depuis 20 ans, la fiscalité de l'épargne a été simplifiée, rationalisée et rendue plus neutre 72 ( * ) . Aujourd'hui, l'épargne des ménages britanniques se fait essentiellement à travers trois types de produits qui permettent de ne pas payer d'impôt sur les revenus d'épargne : l'épargne retraite, l'épargne logement, et les Individual Savings Accounts (ISA). L'ISA, créé en avril 1999 en remplacement de deux dispositifs proches, permet d'épargner jusqu'à 7 000 livres par an. Comme dans le cas de l'épargne logement, les revenus d'épargne et les retraits sont exonérés. A l'inverse, l'épargne retraite est exonérée à l'entrée, mais les rentes sont imposées. Une part du capital accumulé peut même être sortie en capital, en franchise d'impôt. Finalement, seuls les très gros épargnants sont concernés par la taxation des plus-values. Celles-ci sont imposées au barème de l'IRPP. Mais depuis le budget de mars 1998, un système de dégressivité temporelle a été mis en place : seul un certain pourcentage de la plus-value est imposé et ce pourcentage est d'autant plus faible que la détention est longue. Par contre, l'inflation n'est plus prise en compte dans le calcul de la plus-value.

11. Irlande

L'unité d'imposition est le couple, mais chaque conjoint peut choisir l'imposition séparée. Le revenu imposable est la somme du revenu personnel (revenus d'activité nets et pensions) et des dividendes. Les intérêts et les plus-values sont soumis à un prélèvement libératoire respectivement de 22 % et 20 %. Une exonération est prévue pour le revenu inférieur à 5 205 euros (le double si la déclaration est commune). La déduction des intérêts pour le financement de l'activité est prévue ainsi que les primes de l'assurance santé et les frais médicaux non remboursables. Il existe un crédit d'impôt au taux standard de l'IRPP (22 %) pour les intérêts pour l'achat ou la rénovation de la résidence principale et pour le loyer effectif. D'autres crédits d'impôt, anciennement des abattements, sont prévus au même taux : pour un célibataire ou un parent isolé (5 967 euros), pour un couple marié (le double), pour une personne âgée de plus de 65 ans (1 000). La progressivité du système est faible. Le barème comportait en 2001 deux tranches, la première jusqu'à 17 800 euros à un taux de 22 %, la deuxième à un taux de 44 %.

Le gouvernement de droite a mis en place une importante baisse d'impôt : de 1998 à 2002 le taux des deux tranches de l'IRPP a baissé de 4 points (de 24 % à 20 % pour la première et de 46 % à 42 % pour la deuxième) et le seuil d'imposition a été relevé. Tous les contribuables ont eu droit à des réductions significatives, les revenus bas et moyens ayant profité le plus de la réforme. La conversion des abattements individuels en crédit d'impôt a amélioré la situation des contribuables dans la première tranche de revenu. La forte réduction de la base imposable a permis d'exonérer 37 % des salariés de l'impôt. La charge fiscale sur le salaire moyen (IRPP et cotisations incluses) a baissé globalement de 11,4 %, de 8,2 % pour un travailleur gagnant trois fois le salaire moyen. L'individualisation de l'impôt a profité principalement aux couples bi-actifs de revenu moyen. Le gouvernement s'est engagé sur une baisse du taux maximal de l'IRPP de 42 % à 40 % au cours de la nouvelle législature.

Un bilan

Le tableau 21 permet de comparer les taux d'imposition moyens dans les différents pays européens d'une famille de deux salariés, ayant deux enfants. Le premier chiffre rapporte le seul impôt sur le revenu au revenu disponible : c'est un indicateur du poids ressenti de l'IRPP ; le second rapporte le total des prélèvements nets des prestations familiales au coût salarial total ; c'est un indicateur plus économique (en particulier, il ne dépend pas du partage du prélèvement entre cotisations sociales et impôt, entre prestations sociales et impôt).

Le premier indicateur apparaît plus dispersé que le second. Pour un couple au niveau du salaire moyen, le premier s'étage de 7,9 % en Espagne à 32,5 % en Suède, alors que le second va de 25,2 % au Royaume-Uni à 46,4 % en Belgique. On peut distinguer les pays à faible impôt sur le revenu (Espagne, France, Italie, Royaume-Uni) et les pays à impôt sur le revenu important (Danemark, Suède, Belgique).

En ce qui concerne le poids global des prélèvements, la France et le Royaume-Uni taxent relativement peu les bas salaires. Les hauts revenus sont peu taxés en Espagne et au Royaume-Uni. Au contraire, ils sont fortement taxés en Belgique, au Danemark et en Suède. Globalement, le Royaume-Uni se distingue par un faible poids des prélèvements, mais les retraites publiques y sont faibles. Au contraire, les prélèvements sont élevés en Belgique, Suède, Italie, Danemark, France. Les prélèvements sont particulièrement progressifs en France et en Belgique ; ils le sont relativement peu en Espagne et en Italie.

Tableau 21 : Taux moyen d'imposition en 2001, couple marié, deux enfants, deux revenus salariaux, la femme travaille et gagne 70 % du salaire du mari

Niveau du salaire/SMO

0,7

1

2

3

5

a

b

a

b

a

b

a

b

a

b

Allemagne*

0

33,2

9,5

40,2

27,1

48,0

34,6

48,7

40,3

48,6

Autriche*

1,6

25,1

13,8

35,7

27,7

43,8

35,6

45,4

41,4

46,9

Belgique*

20,8

39,9

28,2

46,4

39,1

56,4

49,9

62,2

48,9

66,0

Danemark**

28,5

33,1

32,5

37,2

43,9

48,0

49,1

52,9

53,0

56,8

Espagne*

3,3

30,6

7,9

33,9

16,9

40,3

21,0

40,2

29,2

40,7

France*

6,6

23,5

11,2

40,0

16,9

47,9

21,5

51,0

27,5

54,9

Italie*

13,4

38,0

16,9

42,8

25,8

49,8

30,3

53,0

34,5

56,0

Pays-Bas**

12,4

27,1

15,5

32,0

30,1

41,1

37,9

43,6

43,6

46,7

Royaume-Uni**

12,8

19,0

16,1

25,2

21,5

32,2

26,8

36,1

32,2

40,3

Suède**

26,2

42,8

29,0

46,1

37,0

53,1

41,4

57,4

48,4

63,4

a) IR/salaire net ; b) (IR+cotisations sociales-prestations familiales)/ salaire super brut. Dans le cas français, la CSG/CRDS figure dans l'impôt sur le revenu.

* Donne droit à une retraite proportionnelle ; ** Donne droit à une retraite forfaitaire.

Source : Calculs des auteurs d'après OCDE, Les impôts sur les salaires, 2000-2001 , 2002.

Le tableau 22 permet de comparer les taux moyens d'imposition à 12 ans d'intervalle. C'est la permanence qui frappe. Les taux n'ont globalement pas varié en Belgique et en Espagne. Le Danemark a baissé d'environ 7 points ces taux d'imposition ; la baisse est encore plus nette aux Pays-Bas (de 14 à 10 points). Le Royaume-Uni les a baissés de 10 à 0 points. L'Italie les a augmentés de 3 à 6 points. L'Allemagne et, plus encore, la France ont réduit nettement les prélèvements sur les bas salaires. Globalement, les prélèvements apparaissent légèrement plus redistributifs qu'il y a 12 ans.

Tableau 22 : Taux moyen d'imposition, couple marié, deux enfants, deux revenus salariaux, la femme travaille et gagne 70 % du salaire du mari

Niveau du salaire/SMO

0,7

1

2

3

5

1989

2001

1989

2001

1989

2001

1989

2001

1989

2001

Allemagne

39

33,2

41

40,2

46

48,0

47

48,7

50

48,6

Belgique

40

39,9

46

46,4

56

56,4

61

62,2

67

66,0

Danemark

41

33,1

44

37,2

55

48,0

59

52,9

62

56,8

Espagne

29

30,6

34

33,9

41

40,3

41

40,2

41

40,7

France

40

23,5

42

40,0

46

47,9

49

51,0

53

54,9

Italie

35

38,0

37

42,8

43

49,8

46

53,0

50

56,0

Pays-Bas

41

27,1

46

32,0

51

41,1

53

43,6

57

46,7

Royaume-Uni

29

19,0

33

25,2

36

32,2

38

36,1

40

40,3

Source : Calculs des auteurs d'après OCDE, Les impôts sur les salaires, 2000-2001 , 2002.

Pourtant, une tendance commune vers l'atténuation de la progressivité de l'impôt se dessine maintenant au sein des pays européens. En France le taux marginal supérieur est redescendu à 54 % en 1996 et a ensuite été réduit à 52,5 %, l'Espagne et l'Allemagne se sont engagés à une baisse progressive du taux supérieur de 11 points respectivement sur la période de 1997 à 2003 et de 2000 à 2005. L'Italie est la pointe du processus d'affaiblissement de la progressivité par une réforme, qui met en place un barème à deux tranches avec un taux supérieur à 33 %. Cette évolution suit l'abaissement massif des taux supérieurs de l'impôt sur le revenu mis en place depuis le début des années 1980 aux Etats-Unis. Ce taux, relevé par l'administration Clinton, a été ultérieurement baissé par l'administration Bush. L'évolution fut similaire au Royaume-Uni de 1979 à 1988 avec une baisse du taux marginal supérieur de 98 % à 40 %, non remise en cause par les Travaillistes.

S'il n'est pas encore clair que cette évolution en Europe corresponde à la volonté d'un abandon de la progressivité, un débat théorique et des propositions concrètes d'un impôt proportionnel couplé avec un transfert universel forfaitaire apparaissent dans plusieurs pays. Cette réforme radicale de l'imposition permettrait une forte baisse des taux marginaux pour le haut de la distribution des revenus. Elle prétend maintenir le principe de la progressivité grâce à au transfert forfaitaire. Le problème d'une réforme si radicale est qu'il est difficile d'assurer à la fois un transfert universel garantissant le minimum vital et un taux d'imposition non confiscatoire. Dans de nombreux projets, le financement du transfert universel se ferait par la suppression des actuels transferts (minimum vieillesse, allocation chômage, etc.) de sorte que les plus pauvres verraient leur situation se détériorer. La baisse du taux marginal pour les hauts revenus s'accompagnerait d'une hausse pour la grande masse des contribuables de revenu moyen.

Compte tenu des exigences de maintien du niveau des recettes, le souci dominant à l'heure actuelle d'éviter de trop imposer les plus riches risque d'amener en Europe à une évolution vers moins de progressivité qui renoncerait à freiner l'accumulation des grandes fortunes et à favoriser le renouvellement des élites économiques.

Chapitre 2. 3 : L'imposition des revenus du capital

Réjane Hugounenq

Actuellement, les revenus de l'épargne placés à l'étranger sont au mieux soumis à une retenue à la source, au pire totalement exonérés. La raison en est simple. Le principe de résidence qui constitue aujourd'hui la règle légale d'imposition et qui lorsqu'il est strictement appliqué supprime l'effet du différentiel d'imposition sur l'incitation à délocaliser, n'est en pratique pas appliqué. Il ne peut l'être que si les détenteurs de capital placé à l'étranger les déclarent. Dès lors que dans un pays, les intermédiaires financiers ne sont légalement pas tenus de coopérer avec les administrations fiscales étrangères, les possibilités de fraudes sont ouvertes pour les non résidents et ce indépendamment du niveau des taux d'imposition. La résolution de ce problème pour ce qui est de l'imposition des intérêts passe par la mise en place d'un système généralisé d'échange d'informations. Les Etats membres étaient parvenus en juin 2000 à un accord sur ce choix, accord cependant soumis à la mise en oeuvre de négociations avec les pays tels que les Etats-Unis, la Suisse, le Liechtenstein, Monaco, Andorre et Saint Marin afin que ces pays adoptent des mesures équivalentes. Cette proposition qui devait être transformée en directive fin 2002 a été abandonnée à cette même date suite à l'opposition de la Suisse. Pour les dividendes, la question de l'échange d'information se double de celle de l'intégration dans le pays de la source de l'imposition sur les bénéfices et de l'imposition personnelle. Seule la généralisation du système de l'avoir fiscal aux résidents et aux non résidents pour l'ensemble des pays de l'UE peut permettre une application totale du principe de résidence et supprimer les inefficacités générées par l'hétérogénéité des systèmes actuels.

Selon l'approche en termes de capacité contributive 73 ( * ) les revenus du capital des ménages devraient être traités fiscalement comme leurs autres catégories de revenu. Or tel n'est pas le cas. Comme les pays souhaitent favoriser l'épargne, comme ils craignent la fuite des capitaux, les revenus du capital font l'objet de nombreuses dérogations et sont en général moins imposés que les revenus du travail. De même, tous les produits d'épargne ne supportent pas les mêmes charges fiscales, l'Etat désirant orienter leur allocation (vers de l'épargne longue ou risquée). Le traitement préférentiel des revenus du capital est commun à tous les pays membres. Par contre, chaque pays se distingue par la gamme des produits financiers proposés et par leur modalité d'imposition. Dès lors que les produits d'épargne présentent des caractéristiques spécifiques de risque, de rendement et de liquidité, il est difficile de construire un indicateur synthétique du poids de la fiscalité dans chaque pays. Dans une perspective de comparaison européenne, il est par contre possible de donner une indication de la charge fiscale pesant sur l'épargnant le plus à même de délocaliser son épargne. C'est ce que nous ferons dans une première partie, en comparant la fiscalité des pays membres pesant sur les dividendes, les obligations et les plus-values, en ignorant les régimes dérogatoires, l'épargne immobilière et l'épargne retraite.

L'épargne mobilière étant très mobile, le différentiel d'imposition entre les divers pays membres peut être une cause de délocalisation 74 ( * ) du capital. Cette dernière nuit à l'organisation de la compétition entre les places financières en Europe. Si les résidents du pays A exportent leur capital vers le pays B en raison d'une imposition avantageuse dans le pays B, les conditions de la compétition entre les places financières des deux pays sont faussées. Dans ce cas de figure, les revenus du capital sont imposés selon le principe de la source. C'est, de fait, le cas aujourd'hui en Europe en dépit des règles légales qui stipulent que le principe de résidence doit s'appliquer. La résolution de ce problème est, au moins techniquement, plus simple que celui auquel se heurte la Commission pour les entreprises. Elle peut être circonscrite aux mesures réglementaires à prendre en Europe pour que soit respecté le principe de résidence. En effet, si les sièges des grandes sociétés se déplacent comme nous l'avons vu dans le chapitre sur l'IS, tel n'est pas le cas des ménages. Ces derniers migrent éventuellement pour échapper à la fiscalité du stock de capital mais non pour celle portant sur les revenus du capital. De fait, une application stricte du principe de résidence suffit à supprimer les effets néfastes des différentiels de taux. Mais pour qu'un individu paie des impôts sur les revenus de son capital placé à l'étranger, il faut que celui-ci les déclare. Dès lors que dans un pays, les intermédiaires financiers ne sont légalement pas tenus de coopérer avec les administrations fiscales étrangères, les possibilités de fraude sont ouvertes pour les non résidents ; indépendamment du niveau des taux d'imposition, ce capital est alors quasi défiscalisé. La deuxième partie traite donc de la question de l'imposition des non résidents ainsi que des récentes propositions de la Commission qui concernent les revenus des obligations. L'imposition des revenus des dividendes se heurte à une difficulté supplémentaire, liée cette fois-ci à la non prise en compte par certains pays de la double imposition de ces revenus. Il en résulte un traitement fiscal différencié entre les investissements nationaux et étrangers en actions. Cette question ainsi que la possibilité de la généralisation du système de l'avoir fiscal seront traitées dans la troisième partie.

I. L'imposition des revenus de l'épargne en Europe

Les pays européens ont mis en oeuvre de nombreuses réformes fiscales sur les revenus de l'épargne tout au long de la décennie 1990. Les taux d'imposition notamment sur les revenus d'intérêts ont diminué dans l'ensemble des pays tout au long de cette décennie. L'imposition des dividendes par contre n'a que très peu évolué. Le gouvernement Blair a augmenté l'imposition des dividendes mais a réduit le taux de l'IS de sorte qu'au total le poids de l'imposition n'a été que peu affecté. La France est le seul pays à avoir augmenté l'imposition des revenus de l'épargne : durant la décennie 1990, les réformes ont rééquilibré les contributions aux dépenses publiques des revenus du travail et du capital (ces dernières étant très faibles au début des années 1990). Ce rééquilibrage s'est effectué par le basculement des cotisations sociales vers la CSG et la mise en place de la CRDS et des prélèvements additionnels (dont le niveau est aujourd'hui respectivement de 7,5 %, 0,5 % et 2 %). Le taux d'imposition sur les revenus de l'épargne a ainsi augmenté de près de 10 points.

Les tableaux 1 à 3 donnent un panorama de l'imposition des grandes catégories de revenus des capitaux mobiliers (dividendes, intérêts) et des plus-values pour dix pays européens. Nous laissons de côté la fiscalité immobilière et celles des plans de retraite. Dans l'ensemble de l'UE, ces produits bénéficient tous pour des raisons sociales (accession à la propriété) 75 ( * ) ou économiques (inciter à la constitution de fonds de pensions) d'avantages fiscaux qui tendent à croître (l'Espagne et l'Allemagne ont récemment augmenté les avantages fiscaux pour l'épargne retraite). Mais ces formes de placements ne sont pas mobiles. Nous n'en parlerons donc pas ici.

Les comparaisons effectuées, même limitées aux revenus des capitaux mobiliers, ne donnent qu'une image partielle de ce qu'est la fiscalité de cette catégorie de revenu dans chaque pays. Les régimes dérogatoires sont ignorés. Pour ce qui est de la France par exemple, les dividendes peuvent être imposés au Régime général (barème de l'IR) ou bénéficier d'une fiscalité avantageuse s'ils sont acquis dans le cadre de plan d'épargne longue (PEA). Par ailleurs, les revenus considérés ici bénéficient d'abattements généralement non pris en compte dans les calculs. Or ceux-ci réduisent considérablement le taux d'imposition auquel est soumis l'épargnant 76 ( * ) .

D'une certaine façon, la fiscalité des revenus des capitaux mobiliers et des plus-values présentée ici est celle à laquelle fait face un individu qui a une préférence pour le court terme et le risque ou encore pour l'épargnant qui a épuisé les possibilités fiscales des régimes dérogatoires. Ce profil n'est pas celui de la majorité des épargnants et certainement pas celui de l'épargnant modeste. En témoignent les structures de l'épargne financière des pays membres (tableau 4). Par exemple, la France se caractérise par une proportion importante de l'épargne totale placée sous forme de dépôts plus ou moins liquides (du CODEVI au plan épargne-logement) et peu risqués. La détention d'actions y est relativement faible. Quoi qu'il en soit, la catégorie des épargnants à la recherche du rendement immédiat maximal est celle la plus susceptible de délocaliser son épargne.

Tableau 1 : Imposition des dividendes

Législation 2001

Résidents

Taux d'imposition effectif
pour un dividende de 100 A

Non résidents B

IS + IR corrigé par un système d'imputation (AF)

France

IR (52,75 %) plus avoir fiscal (AF) de 50 % restituable (double imposition quasi corrigée)

52,75 % + prélèvements sociaux de 10 %

Retenue à la source et remboursement de l'AF si convention (encadré : exemple la convention franco-italienne)

Italie

Sur participations non qualifiées : retenue à la source de 12,5 % ou IR avec AF (58,73)

Sur participations qualifiées : 27,5 %

44 % ou 45 % (pour les participations non qualifiées) ou 53 % sur participations qualifiées C .

Si pas de convention : retenue de 27 %. Restitution d'une partie de cette retenue sur justification de l'impôt dans le pays de résidence

Pas d'AF

Convention avec la France :

Remboursement de l'avoir fiscal s'il y a lieu

Retenue à la source : 15 %

IR dans le pays de résidence + Imputation (dans la limite du montant de l'impôt français correspondant) d'un crédit d'impôt égal au montant payé en Italie.

Espagne

Retenue à la source restituable (non libératoire) de 18 %

IR (taux max : 48 %) + taux d'AF de 40 %

Système d'abattement en fonction de la durée de détention des titres. (Double imposition partiellement corrigée)

53,7 % sans tenir compte des éventuels abattements

Si pas de convention : Retenue à la source libératoire : 25 % Pas d'AF

Convention avec la France : Retenue à la source : 15 %

Remboursement de l'AF

IR dans le pays de résidence plus imputation (dans la limite du montant de l'impôt français correspondant) d'un crédit d'impôt égal au montant payé en Espagne,

Royaume-Uni

IR (barème progressif ; taux de 10 % ou de 32,5 % ) et crédit d'impôt au taux de 1/9 du montant de dividendes distribué. (Double imposition partiellement corrigée)

47,5 % D

Si pas de convention : retenue à la source

Convention avec la France : Pas de retenue à la source effective et imposition dans le pays de résidence G

IS + IR à taux préférentiel ou retenue à la source libératoire. Pas d'avoir fiscal

Belgique

Retenue à la source de 25 % E libératoire ou imposition à l'IR si la globalisation des revenus dans le cadre de l'IR est plus favorable

54 %

Si pas de convention : Retenue à la source libératoire : 25 % E .

Si convention , taux de 15 %

IR dans le pays de résidence plus imputation (dans la limite du montant de l'impôt français correspondant) d'un crédit d'impôt égal au montant payé en Belgique.

Allemagne

Retenue à la source de 25 % ou 20 % E non libératoire et restituable.

IR (taux max de 48,5 %) sur 50 % des dividendes distribués plus système d'abattement.

43,2 % sans tenir compte des systèmes d'abattements

Si pas de convention : retenue à la source libératoire de 25 % et 20 % (pour les dividendes issus de profit réalisés à partir de 2001.

Si convention , taux de 15 %

IR dans le pays de résidence plus imputation (dans la limite du montant de l'impôt français correspondant) d'un crédit d'impôt égal au montant payé en Allemagne.

Luxembourg

Retenue à la source de 25 % non libératoire et restituable.

IR (taux max de 42 %) sur 50 % des dividendes distribués plus système d'abattement.

44,7 % sans tenir compte des systèmes d'abattements

Si pas de convention

Retenue à la source de 25 %

Exonération au Luxembourg des dividendes distribués par certains type de holdings (holding 1929) et les SICAV.

Si convention : retenue à la source de 15 %, IR dans le pays de résidence et imputation (dans la limite du montant de l'impôt français correspondant) d'un crédit d'impôt égal au montant payé au Luxembourg.

Double imposition

Irlande

IR (taux max : 42 %)

48 %

Exemption des dividendes issus d'actions de sociétés irlandaises.

Suisse

Retenue à la source non libératoire de 35 %

IR fédéral (taux max : 11,5 %) cantonal et communal.

Les taux d'imposition d'IR sont dépendants des communes et cantons.

Si pas de convention : retenue à la source de 35 %.

Si convention : retenue à la source de 35 %. IR dans le pays de résidence plus imputation (dans la limite du montant de l'impôt français correspondant) d'un crédit d'impôt égal au montant payé en Suisse 35 % - 15 % non récupérable.

Cas particulier

Pays-Bas

Base d'imposition : 4 % de la valeur de marché des actifs (actions ou obligations)

Taux d'imposition : 30 %

 

Si pas de convention : même régime que les résidents.

Si convention :

Base d'imposition : 4 % de la valeur de marché des actions, taux réduit de 15 %

IR dans le pays de résidence et crédit d'impôt et imputation (dans la limite du montant de l'impôt français correspondant) d'un crédit d'impôt égal au montant payé aux Pays-Bas.

A. Ces calculs sont effectués en supposant que l'actionnaire est imposé sur ses dividendes au tau maximal du barème et en incluant le montant de l'IS déjà payé par l'entreprise pour le compte des actionnaires. Les taux d'IS sont les taux nominaux (hors surcharges voir chapitre 2.1) : France (33,33 %), Italie (36 %), Espagne (35 %), RU (30 %), Belgique (39 %), Allemagne (25 %), Luxembourg (30 %), Irlande (10 %), Suisse (8,5 %), Pays-Bas (35 %).

B. Il s'agira pour l'ensemble des pays membres des non résidents français. La France a signé des conventions quasi identiques avec la totalité des pays membres. Nous donnerons un exemple de l'application de la convention franco-Italienne dans l'encadré.

C. Le taux effectif est égal pour le cas de la retenue à la source de 12,5 % à IS(0,36) + (1 - IS)0,125.

D. On suppose pour ce calcul que le taux marginal de l'actionnaire est de 32,5 %. En réalité, seule une partie des dividendes est imposée à ce taux puisque, les revenus de l'épargne ne sont pas additionnés avec les revenus du travail mais subissent seuls l'application du barème progressif. Le taux final de 47,5 est donc surévalué.

E. Il existe un taux réduit de 15 % dans certains cas de figures (actions émises avant le 1 er janvier 1994, etc.).

F. Ces taux sont actuellement augmentés d'une surcharge de 5,5 % (soit 26,38 % et 21,1 %).

G. Les non résidents reçoivent un crédit d'impôt égal à 1/9 du montant du dividende après IS et sont alors soumis à un prélèvement à la source de 10 %, ce qui en pratique annule toute imposition sur les dividendes après IS mais ne rembourse pas l'IS.

Sources : European Tax Handbook, 2001, La fiscalité des revenus de l'épargne Conseil des impôts 1999, Rapport Bollé, Taxation de l'épargne et risques de délocalisation.

Les dividendes sont imposés au niveau de l'entreprise (IS) et au niveau de l'actionnaire. L'évaluation de la charge fiscale qui porte in fine sur les actionnaires, ne saurait se limiter à la prise en compte de la seule imposition personnelle. En effet, l'entreprise s'apparente à un actif qui procure à ses détenteurs des revenus différés et non différés, les dividendes et les profits réinvestis. L'imposition des bénéfices de l'entreprise constitue dans cette optique une avance au Trésor acquittée par l'entreprise pour le compte de son actionnaire à la fois sur l'impôt final dû sur les dividendes et sur les montants des profits non distribués 77 ( * ) . L'évaluation de la charge fiscale finale sur les dividendes doit donc tenir compte de l'imposition prise en charge en son nom par l'entreprise.

Certains pays restituent à l'actionnaire, par un mécanisme d'imputation (avoir fiscal), tout ou partie de l'IS acquitté par l'entreprise. Si ces revenus sont soumis à l'IR, le taux effectif supporté sur les dividendes est alors celui de l'impôt sur le revenu. C'est le cas en France et en Italie (pour les participations non substantielles).

L'Espagne et le Royaume-Uni appliquent ce système mais sans que la correction de la double imposition soit totale. Le Royaume-Uni a au cours des années 1990 réduit le taux de l'avoir fiscal qui est aujourd'hui très faible. Dans ces deux pays, le taux effectif d'imposition des dividendes est supérieur au taux marginal du barème.

L'Allemagne et l'Irlande ont tout récemment supprimé le système de l'avoir fiscal pour s'inscrire dans la liste des pays qui utilisent le système dit « classique », c'est-à-dire qui ne corrigent pas la double imposition. Généralement, la non prise en compte de l'avance payée par l'entreprise donne lieu à une compensation au niveau de l'actionnaire. Elle peut prendre la forme soit d'un taux préférentiel (la moitié du taux du barème de l'IR pour l'Allemagne et le Luxembourg), soit d'une retenue à la source libératoire dont le taux est inférieur à celui du barème de l'IR (Belgique et Italie pour les participations substantielles). L'Irlande et la Suisse compensent la double imposition en réduisant le taux d'IS. Les Pays-Bas ont exonéré les dividendes en créant une taxe sur la richesse mobilière.

La tendance est donc à l'abolition du système de l'avoir fiscal et à l'application d'un système mixte, IS et imposition personnelle préférentielle. Le système de l'avoir fiscal a une logique claire qui consiste à imposer les bénéfices de l'entreprise uniquement au niveau de leurs détenteurs. Les systèmes hybrides n'ont qu'une logique de court terme qui consiste à compenser les effets de la baisse des taux de l'IS (pour des raisons de concurrence fiscale en Europe) par une hausse de l'imposition directe sur les actionnaires tout en ne diminuant que très légèrement les taux des barèmes d'IR.

Le tableau 1 montre qu'en dépit de la diversité des systèmes appliqués, la charge fiscale supportée par l'actionnaire dès lors que l'on considère l'IS comme un pré-paiement est relativement proche dans les divers pays. Elle varie entre 43 % et 53 %. Seule la France se distingue pour les contribuables dont le taux marginal est celui de la dernière tranche du barème par un taux d'imposition sur les dividendes de près de 63 %.

Tableau 2 : Imposition des intérêts sur les obligations d'Etat A

Législation 2001

Actionnaires résidents

Actionnaires non résidents B

 

Les intérêts sont inclus dans le revenu imposable et taxés au taux marginal du barème (sauf RU) . Une retenue à la source non libératoire peut être appliquée. Il existe des abattements dont les montants peuvent dépendre de la taille familiale

 

Allemagne

IR (taux max : 48,5 %)

(retenue à la source non libératoire de 25 % ou 20 %) B

Exonération

Luxembourg

IR (taux max : 42 %)

Pas de retenue à la source

Exonération

Espagne

IR (taux max : 48 %

(retenue à la source non libératoire 18 %)

Exonération

Royaume-Uni

IR (application du barème progressif : 20 % et 32,5 %)

Taux de retenue à la source non libératoire: 20 % C

Exonération

Suisse

IR (impôt fédéral de 11,5 %)

Taux de retenue à la source restituable et non libératoire 35 %

35 % si pas de convention

Convention avec la France 0 %

 

Le détenteur a le choix entre l'application de la retenue à la source libératoire ou l'application de l'IR

 

Belgique

Taux de retenue à la source : 25 ou 15 % B

(système d'abattements) ou IR

Exonération

France

Taux de retenue à la source : 15 % (plus prélèvements sociaux) ou IR

Exonération

 

Les intérêts font l'objet d'une retenue à la source libératoire

 

Italie

Taux de retenue à la source libératoire: 12,5 %

Exonération

Cas particulier

Pays-Bas

Base d'imposition : 4 % de la valeur de marché des actifs (actions ou obligations)

Taux d'imposition : 30 %

Exonération

A. La législation applicable aux intérêts dépend dans chaque pays de type de produit considéré. Par exemple, si les intérêts d'un compte courant au Luxembourg sont exonérés pour les résidents comme les non résidents, ceux issus d'obligations d'entreprises subissent une retenue à la source de 25 % réduite à 10 % dans le cadre des conventions avec la France.

B. Il s'agit des non résidents français. Les taux applicables sont ceux des conventions passées entre les pays membres et la France. En général (sauf pour la Suisse) pour ce qui est des revenus d'obligation, les non résidents qu'il y ait ou non des conventions sont exonérés.

C. Il existe un taux réduit de 15 % dans certains cas de figures (actions émises avant le 1 er janvier 1994, etc.).

D. Un certain nombre de placements produisant des intérêts sont cependant totalement exonérés ou sont imposés au-dessus d'un certain montant d'intérêts produits. C'est le cas des Certificats nationaux d'épargne en GB et de l'épargne réglementés en France.

Sources : European Tax Handbook , 2001, La fiscalité des revenus de l'épargne Conseil des impôts 1999, Rapport Bollé, Taxation de l'épargne et risques de délocalisation.

Trois régimes d'imposition des revenus d'obligations se rencontrent dans les pays européens : l'application du barème d'imposition d'IR, le choix entre un prélèvement libératoire et l'IR ou le seul prélèvement libératoire. Le tableau 2 présente les régimes d'imposition pour les obligations d'Etat. L'Espagne, le Royaume-Uni et la Suisse pratiquent l'imposition à l'IR, avec un taux faible pour la Suisse, et dans une moindre mesure pour le Royaume-Uni qui applique un barème progressif sur ces seuls revenus (sans cumul avec les revenus du travail). Seule l'Espagne applique un taux réellement élevé. L'Allemagne et le Luxembourg sont des cas particuliers. En effet, l'imposition à l'IR n'est réellement effective que si le pays qui l'applique possède les moyens de la faire respecter, à savoir une obligation de déclaration à l'administration fiscale par les établissements payeurs. Dans ces deux pays, l'absence de système d'information aboutit à l'application en pratique de la retenue à la source. Celle-ci est en l'occurrence nulle pour le Luxembourg. La France et la Belgique proposent un régime optionnel de prélèvement obligatoire et l'Italie à un taux libératoire. Au total, le Luxembourg présente donc, devant la Suisse, le régime le plus favorable. Pour les autres (à l'exclusion de l'Espagne) les taux varient selon les pays entre 15 % et 25 %.

Tableau 3 : Plus-values de cessions de titres

Législation 2001

Actionnaires résidents

Actionnaires non résidents

 

Imposition au barème de l'IR des opérations spéculatives, taux préférentiel pour les cessions de participations substantielles et exonérations

 

Allemagne

Imposition au barème de l'IR des cessions d'opérations spéculatives (détentions inférieures à 12 mois)

Imposition a taux privilégié au-delà d'un certain seuil des cessions de participations importantes (10 % du capital détenu au cours des cinq années qui précèdent la cessions).

Exonération de tout autre cas de plus-values sur titres réalisées par des résidents

Si pas de convention : même système que pour les résidents et imposition en France avec remboursement des impôts payés en Allemagne

Si convention :

Exonération en Allemagne et imposition en France

Belgique

Choix entre IR et taux de 33 % pour les cessions d'opérations spéculatives

Imposition à 16,5 % pour les plus-values réalisées au cours de la cession de participations dans des sociétés belges à des sociétés étrangères

Exonération de tout autre cas de plus-values sur titres réalisées par des résidents

Si pas de convention : même système que pour les résidents et imposition en France. avec remboursement des impôts payés en Allemagne

Si convention :

Exonération en Belgique et imposition en France.

Luxembourg

Imposition à l'IR en cas d'opérations spéculatives (détentions inférieures à 6 mois) ou

Imposition à taux privilégié (la moitié du taux moyen d'imposition du contribuable) après abattement pour les cessions de participations importantes (25 % du capital détenu au cours des cinq années qui précèdent la cessions).

Exonération de tout autre cas de plus-values sur titres réalisées par des résidents

Si pas de convention : même système que pour les résidents avec des cas particuliers pour des contribuables qui changent de statut (de résidents à non résidents) et imposition en France. avec remboursement des impôts payés au Luxembourg

Si convention :

Exonération au Luxembourg et imposition en France

Royaume-Uni

Imposition au barème progressif de l'IR avec abattements dont le montant est croissant avec la durée de détention.

Exonération pour certains titres d'Etat, certificats publics d'épargne, etc...

Si pas de convention : Exonération des plus-values et Imposition en France

Si convention :

Exonération en GB (sauf participation substantielle) et imposition en France avec imputation des impôts payés en GB (pour les participations substantielles)

Autres cas

Espagne

Détention inférieure à deux ans : barème progressif

Détention supérieure à deux ans : taux fixe de 20 %

Si pas de convention : Exonération des plus-values réalisées par les résidents de l'UE. taux de retenue à la source de 35 % si de participation substantielle au cours des 12 mois précédents

Imposition en France avec imputation des impôts payés en Espagne

Si convention :

Exonération en Espagne (sauf participation substantielle) et imposition en France avec imputation des impôts payés en Espagne

Pays-Bas

Imposition au taux de 25 % des plus-values réalisées au cours de cessions de participations importantes (5 % du capital détenu)

Exonération de tout autre cas de plus-values sur titres

Si pas de convention : même système que pour les résidents

Si convention :

Exonération aux Pays-Bas et imposition en France.

Cas particulier pour certains contribuables : de nationalité néerlandaise mais non résident (imposés aux Pays-bas et exonérés en France)

Suisse

Exonération

Exonération en Suisse et imposition en France

Italie

Taux de 12,5 % pour la cession de participation non qualifiée.

Taux de 27 % pour les plus-values réalisées lors de cessions de participation qualifiée

Si pas de convention :

Même régime que les résidents avec des cas d'exemptions (cessions de parts de sociétés résidentes non qualifiées négociées sur les marchés réglementaires)

Si convention :

Exonération en Italie (sauf participation substantielle) et imposition en France avec imputation des impôts payés en GB (pour les participations substantielles)

France

Existence d'un seuil de cession (certains produits sont imposés dès le 1 er euro, ex : OPCVM) et application d'un taux de 16 % (plus prélèvements sociaux). Absence du seuil si participations substantielles (25 %)

Exonération des non résidents (sauf participations substantielles)

Sources : European Tax Handbook , 2001, La fiscalité des revenus de l'épargne , Conseil des impôts 1999, Rapport Bollé, Taxation de l'épargne et risques de délocalisation , 1997.

Concernant les plus-values, deux types de distinctions sont opérés entre les plus-values à court terme et à long terme et entre les plus-values portant sur des cessions de participations importantes ou non. Les plus-values à court terme sont celles réalisées sur des titres dont la durée de détention est inférieure à une certaine durée (entre six et douze mois). Elles sont considérées comme des opérations spéculatives et à ce titre la plupart des pays les imposent. L'Allemagne, le Luxembourg les soumettent (sous réserve de leur déclaration) au barème d'IR. La Belgique laisse au contribuable le choix entre le barème de l'IR et un taux de 33 %. Ces trois pays exonèrent en revanche les plus-values de long terme.

L'Espagne et le Royaume-Uni imposent à la fois les plus-values de court et celles de long terme. Le Royaume-Uni applique le barème de l'IR et l'Espagne des taux fixes. Pour ces deux pays, l'imposition est décroissante avec la durée de détention, et toute une série de titres sont exonérés.

Les Pays-Bas et l'Italie ignorent la distinction entre le court terme et le long terme mais différencient les plus-values en fonction du montant de participation. Les taux appliqués sont respectivement de 25 % et 27 % pour les participations substantielles et de zéro à 12,5 % pour les autres. Il en est de même à des taux privilégiés pour l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg. Enfin, la Suisse exonère toutes les plus-values.

Alors que dans la plupart des autres pays, le système d'imposition des plus-values présente des zones d'exonération, la France impose systématiquement toutes les plus-values au taux de 16 % (soit 26 % avec les prélèvements sociaux) avec un seuil de cession. Au total, l'imposition des plus-values en Europe présente un paysage bigarré. La Suisse et les pays où la non déclaration permettent la fraude sont les pays les plus favorables en ce qui concerne ce type d'imposition. La situation de la France n'est réellement comparativement défavorable que pour les plus-values réalisées sur les participations non substantielles de long terme.

La neutralité de l'imposition des revenus de l'épargne

L'imposition des différentes catégories de revenus du capital n'est généralement pas neutre en termes d'allocation de ressources. Les revenus d'intérêt sont moins imposés que les dividendes (et les plus values) 78 ( * ) . Par contre, les pays nordiques et la Grèce ont évolué vers une imposition plus neutre des revenus du capital mobilier. Ces pays appliquent ce que l'on appelle le système dual : les dividendes, les intérêts et les plus-values sont imposés à un taux unique, les revenus du travail étant imposés selon un barème progressif. La Finlande par exemple accorde un avoir fiscal qui supprime totalement la double imposition et impose au même taux les profits des sociétés et les revenus du capital (29 %). Les Pays-Bas ont opté pour une imposition sur la richesse. La Grèce exonère totalement les dividendes au niveau de l'actionnaire et impose un taux unique sur des deux formes de profit (distribué ou non) de 35 % au niveau de la firme.

Dans certains pays, l'imposition effective des obligations et des dividendes diffère de celle qui serait issue de l'application de la législation. En Italie par exemple, où le taux d'imposition des deux types de revenus est en droit identique (12,5 %), le contribuable est en fait soumis au taux de 44 % (en comptant l'IS) sur les dividendes alors qu'il est imposé à 12,5 % sur ses revenus d'obligations. Ce différentiel peut aussi être le résultat de caractéristiques institutionnelles. Ainsi, la fraude est plus coûteuse pour l'actionnaire que pour le détenteur d'obligation lorsque la communication des revenus entre les institutions bancaires et l'administration fiscale (tableau 4) n'est pas obligatoire, l'actionnaire ne bénéficiant alors plus du mécanisme d'imputation. Par exemple, l'Allemagne applique le même système d'imposition pour les dividendes et les obligations. Mais si un épargnant ne déclare pas ses revenus, il paiera tout de même 40 % sur les dividendes (IS plus retenue à la source) au lieu de 43 % s'il les avait déclarés et 20 % (retenue à la source) sur les revenus d'obligations au lieu de 48 %.

Dans les autres pays européens, les dividendes (comme les revenus du travail) sont imposés au barème progressif alors que les intérêts font face à une imposition à taux proportionnel. Ces disparités d'imposition peuvent être expliquées par des choix d'allocation de l'épargne (financement de la dette ou de l'investissement privé) propres à chaque pays. Cet écart, particulièrement important en France, a des effets pervers sur la structure de détention de l'épargne et sur le mode de financement des entreprises. Les épargnants français (tableau 6) présentent la caractéristique de détenir plus de titres à revenus fixes (57,7 %) que d'actions, en détention directe ou indirecte (14,4 %) 79 ( * ) . Aussi, 40 % des actions françaises sont-elles détenues par des non résidents 80 ( * ) . Ces derniers ne sont pas imposés en France mais dans leur pays de résidence, ce d'autant que la France est un des rares pays à rembourser l'avoir fiscal (tableau 1). Il y a donc une asymétrie de traitement entre les épargnants résidents et non résidents. Pour ce qui est des entreprises cet écart d'imposition entre les deux produits favorise le financement par la dette par rapport à l'émission d'actions 81 ( * ) .

S'il existe un certain consensus sur la nécessité d'orienter davantage l'épargne vers des placements en actions, les solutions envisagées sont diverses. Sans être exhaustif, on peut à l'instar du rapport Bollé (ou le rapport du Conseil national du crédit) qui s'inspire de ce que font certains pays européens, préconiser l'instauration d'un prélèvement libératoire à taux unique (inférieur à celui de l'IR) sur ces produits. Cette solution permettrait de réduire l'écart d'imposition entre obligations et dividendes. Mais le système dans son ensemble resterait peu cohérent. Il subsisterait des régimes dérogatoires incitatifs (PEA, PEP) et un régime général d'imposition des dividendes et des obligations qui serait en lui-même déjà une exception en ce sens que revenus du travail et du capital ne seraient pas imposés au même taux.

Une autre solution serait, de revenir au barème progressif pour tous les revenus du capital (y compris les revenus d'obligations et en conservant l'avoir fiscal), en définissant avec rigueur les supports bénéficiant d'une fiscalité plus incitative (épargne populaire, assurance-décès et épargne-logement, épargne longue contractuelle et épargne en action). Cette solution a l'avantage de présenter clairement l'arbitrage qui est fait entre l'équité fiscale qui nécessite que l'ensemble des revenus des foyers fiscaux soient soumis au même traitement fiscal et la volonté d'orienter l'épargne pour des raisons d'efficacité économique.

Quelle que soit la solution adoptée, une réforme de la fiscalité française de l'imposition des revenus du capital est nécessaire 82 ( * ) . La question posée ici est de savoir si les aménagements à effectuer seront soumis à la contrainte européenne. Au contraire, l'Europe en matière d'imposition des revenus du capital ne peut-elle pas s'organiser afin de permettre à chaque pays de conserver la totale maîtrise de son système et donc de ses réformes internes ?

Tableau 4 : L'information sur les revenus financiers

 

Obligations pour les établissements payeurs

 

Déclaration des revenus d'intérêts, plus-values et dividendes

Renseignement sur demande nominative

Allemagne

NON A

OUI

Autriche

NON

NON

Belgique

NON

NON

Danemark

Intérêts : OUI ; Dividendes : NON

NON

Espagne

OUI

OUI

Finlande

NON

OUI

France B

OUI

OUI

Grèce

NON

OUI

Irlande

NON

NON

Italie

Intérêts : NON ; Dividendes : OUI

OUI

Luxembourg

NON

NON

Pays-Bas

OUI

OUI

Portugal

NON

NON

Royaume-Uni

NON

OUI

Suède

OUI

OUI

A. Sauf si les épargnants demandent à bénéficier des abattements.

B. B. En France, les épargnants eux-mêmes sont soumis à certaines obligations : déclaration de transferts de capitaux étrangers de moins de 7 700 euros et déclaration de toute ouverture de compte à l'étranger. Bien sûr, la non déclaration est difficilement vérifiable.

Source : Conseil National du Crédit, Rapport 1999.

Tableau 5 : Structure de détention des actions en 1999

En %

Allemagne

Royaume-Uni

France

Ménages

1,3

16,0

11,1

Entreprises

38

1,4

17,7

Fonds de pensions, OPCVM

26,1

54,0

26,6

Non résidents

11,8

27,8

35,7

Autres

6,1

0,8

8,9

Source : Rapport Bollé, 1997.

Tableau 6 : Affectation de l'épargne des ménages en 1999 A

En %

Financement de la dette publique

Financement de la dette privée

Actions cotées des sociétés non financières

Créances sur le reste du monde

Epargne intermédiée

 

(1)

(2)

(1)

(2)

(1)

(2)

(1)

(2)

 

Allemagne

3,2

17,6

0,6

38

5,3

14,6

10,8

29,8

80,2

Espagne

1,3

19,0

4,0

35,9

16,1

20,6

4,9

24,6

73,6

Finlande

1,9

9,9

0,5

29,6

32,0

38,9

0,7

21,7

62,5

France

3,6

20,2

3,4

37,3

4,4

14,4

5,2

28,1

83,5

Italie

15,2

32,8

3,2

23,8

8,1

11,54

10,6

32,0

62,9

Pays-Bas

0,9

12,3

2,7

30,8

6,9

18,9

6,1

38,1

83,5

Royaume-Uni

3,8

12,7

2,3

16,8

7,7

32,0

2,6

38,5

83,6

Suède

2,2

11,5

0,4

22,1

22,0

37,3

7,0

29,1

68,3

Etats-Unis

5,5

12,7

3,0

36,0

21,3

42,8

3,3

8,5

66,9

(1) Avant prise en compte de la part de l'épargne intermédiée ; (2) Après prise en compte de la part de l'épargne intermédiée.

Source : V. Oheix, B. Séjourné « Les portefeuilles des ménages européens : des choix initiaux à l'affectation finale », Revue d'économie financière , n° 64.

Tableau 7 : Composition des patrimoines financiers (fin 1999)

 

Monnaie et dépôts
à vue

Autres dépôts

Titres de taux

Actions détenues en direct

Sociétés de placements collectifs

Créances sur les sociétés d'assurance-vie

Droits à la retraite et épargne entreprise

Autres

Total

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Allemagne

36,3

10,7

13,1

11,3

23,3

5,3

_

100,0

Espagne

9,4

23,5

2,0

35,7

15,6

6,1

4,5

3,2

100,0

Finlande

 
 
 
 
 
 
 
 

100,0

France

11,0

29,3

2,2

10,2

13,0

32,8

1,5

100,0

Italie

13,1

7,5

16,9

31,9

19,5

11,1

_

100,0

Pays-Bas

5,1

13,0

2,4

22,1

55,3

2,1

100,0

Royaume-Uni

20,7

1,8

17,7

5,1

52,3

2,5

100,0

Source : CREP, d'après statistiques nationales.

II. L'intégration européenne : quelle imposition des non résidents ?

Les tableaux 1 à 3 montrent la diversité des taux supportés en Europe sur les divers produits d'épargne à l'épargnant susceptible de délocaliser son épargne. Dans la mesure où les contribuables ne changent pas de résidence pour la seule fiscalité de l'épargne, le problème n'est pas celui du rapprochement des taux mais celui de l'imposition des non résidents. En effet, si les épargnants ne se déplacent pas, ils peuvent délocaliser leur épargne. Les revenus de cette épargne seront imposés dans le pays de résidence sous la condition qu'ils soient déclarés. Etant donné les législations actuelles sur l'échange d'information entre les établissements payeurs et les administrations fiscales (tableau 4) et les pratiques d'imposition des non résidents (tableaux 1 à 3), les revenus de l'épargne placés à l'étranger sont au mieux soumis à une retenue à la source, au pire totalement exonérés. En effet la majorité des pays de l'UE pratique le secret bancaire (tableau 4). Seuls le Danemark, l'Espagne, la France, les Pays-Bas et la Suède ont un système obligatoire d'échange d'information.

Pour ce qui est de l'imposition des non résidents, il faut différentier les dividendes et les intérêts. Pour ces derniers, l'exonération est la règle. De fait, un épargnant français qui achète des obligations en Allemagne ou en Belgique et qui ne les déclare pas à l'administration fiscale française est totalement exonéré sur ces revenus. Dans la mesure où cet épargnant français n'est pas imposé comme un résident de l'Etat de la source, le différentiel de taux entre les deux pays n'a strictement aucune importance sur la question de la délocalisation. Pour les dividendes, la question de l'échange d'information se double de celle de l'intégration dans le pays de la source de l'imposition sur les bénéfices et de l'imposition personnelle. L'absence d'échange d'information, peut en dépit du pré-paiement de l'IS et de la retenue à la source, rendre dans certains cas la fraude intéressante. C'est le cas pour un épargnant français qui supporterait, en détenant des actions au Luxembourg, un taux d'IS de 30 % et une retenue à la source de 15 % en fraudant, et un taux d'IS de 30 % plus l'IR français à 52,75 % sans frauder.

Suppression ou généralisation de l'avoir fiscal

Supposons résolue la question de l'échange d'information. Reste le problème de la double imposition des dividendes. Les conventions entre pays ont pour objectif, autant que faire se peut, de résoudre cette question. Il s'agit de libérer l'actionnaire des impôts payés dans le pays d'accueil pour qu'il supporte in fine le seul impôt prévu dans son pays sur ce type de revenu. Mais dans la plupart des pays, le système de l'avoir fiscal pour les résidents ne s'appliquant plus, l'impôt effectivement remboursé est au mieux le taux de retenue à la source. Aucun pays ne peut obliger son partenaire à rembourser le pré-paiement de l'impôt effectué par les entreprises et ce d'autant moins que les résidents du partenaire n'en bénéficient pas.

Dès lors que l'avoir fiscal est remboursé et que le pays de résidence prend en charge l'éventuelle retenue à la source payée dans le pays d'accueil (encadré), l'actionnaire paie dans son pays le seul IR sur le montant de ses dividendes (c'est le cas pour un résident français qui détient des actions en Italie et en Espagne). Le principe de résidence est respecté. La France, l'Espagne et l'Italie sont les seuls pays à rembourser l'AF.

En revanche, ce principe n'est plus respecté et des asymétries de traitements émergent lorsque les pays ne disposent pas de système d'avoir fiscal ou ne corrigent la double imposition que de façon partielle pour les non résidents (tableau 7). Dans ce cas, un actionnaire français ne supporte pas le même taux selon qu'il investit en France ou à l'étranger. Il y a donc une incitation fiscale à l'investissement national (toujours en supposant bien sûr que la fraude est impossible).

Le tableau 8 montre que seule la généralisation du système de l'avoir fiscal 83 ( * ) aux résidents et aux non résidents pour l'ensemble des pays de l'UE peut permettre une application totale du principe de résidence et supprimer les inefficacités (traitements différentiés des investissements selon leur origine) générés par l'hétérogénéité des systèmes actuels. Par contre, cette généralisation de l'avoir fiscal ne supprime pas le traitement différentié des actionnaires résidents et des non résidents quant à la charge totale pesant sur les dividendes. Mais ce type d'asymétrie n'a que peu d'importance si le principe de résidence est partout appliqué. Il serait par ailleurs nécessaire de rétablir une certaine neutralité entre les différents revenus du capital (intérêts et dividendes). A l'inverse, la raison pour laquelle le gouvernement allemand a supprimé en 2001 l'avoir fiscal pour les résidents était de traiter sur un même pied d'égalité les résidents et les non résidents, qui n'en bénéficiaient pas. Si cette suppression s'inscrit dans le mouvement général actuellement à l'oeuvre en Europe, elle ne constitue pas la meilleure solution en ce sens qu'elle redonne de l'importance aux différentiels de fiscalité entre les pays et notamment aux différentiels de taux d'IS.

Tableau 8 : Les effets sur l'application du principe de résidence de l'application de l'avoir fiscal A

 
 

Pays A

 
 
 

Pas d'avoir fiscal

Avoir fiscal

Pays B

Pas d'avoir fiscal

Le principe de résidence n'est pas respecté.

Les résidents et les non résidents dans chacun des deux pays sont traités de la même façon B pour ce qui est de la charge de l'IS auquel il font face. Le rendement du placement de l'épargne dans l'un ou l'autre des pays dépendra de la combinaison IS-retenue à la source-IR).

Le principe de résidence n'est pas respecté.

Les résidents du pays A ne sont pas traités de la même façon selon qu'ils achètent des actions du pays A ou du pays B (Il en est de même pour les résidents du pays B). L'investissement national est favorisé dans le pays A par rapport à l'investissement transnational (inversement pour le pays B).

Avoir fiscal

Cas symétrique à celui ou A pratique l'AF et B ne le pratique pas.

Le principe de résidence est respecté.

A. On suppose que les contribuables ne fraudent pas.

B. Cet argument de traitement égalitaire des actionnaires résidents et non résidents a été utilisé en Allemagne lors de la suppression de l'avoir fiscal. Avant la réforme de 2001, l'avoir fiscal était accordé aux résidents et refusé aux non résidents.

Les échanges d'informations

Les propositions de la Commission relatives à l'harmonisation de la fiscalité de l'épargne ne concernent que les revenus d'intérêts. Certes, les actionnaires sont généralement moins incités à frauder que les détenteurs d'obligations mais dans certains cas, en dépit de paiement de l'IS et de la retenue à la source, la fraude peut rester intéressante. Quoiqu'il en soit, en 1998, la Commission avait proposé, afin d'éviter la quasi-exonération des revenus d'intérêts perçus par les non résidents, de mettre en place un « régime de coexistence », les Etats membres pouvant choisir entre l'application d'une retenue à la source sur les revenus de l'épargne des non résidents ou l'adhésion à un système d'échange d'information avec les administrations fiscales des pays de l'UE. La retenue à la source avait l'avantage d'imposer ces catégories de revenus tout en conservant la tradition du secret bancaire auquel sont attachés de nombreux pays. Mais cette solution avait l'inconvénient d'introduire un élément d'imposition à la source. Quoiqu'il en soit, la coexistence des deux régimes aux logiques opposées ne permettait pas de régler le problème de l'imposition des non résidents dans sa globalité. Les Etats membres sont parvenus au cours du sommet de Feira en juin 2000 à un accord sur le choix définitif à long terme de l'échange d'informations. Le modèle de la coexistence ne serait appliqué que pour une période transitoire de sept ans au maximum à compter de l'entrée en vigueur de la directive 84 ( * ) . A partir de cette date, les pays membres devront définitivement adopter la solution de l'échange d'informations. Le Conseil doit avant la fin de l'année 2002 décider à l'unanimité de l'adoption de cette directive. Avant l'adoption de cette mesure, l'UE doit engager des négociations avec les pays tels que les Etats-Unis, la Suisse, le Liechtenstein, Monaco, Andorre et Saint Marin afin que ces pays adoptent des mesures équivalentes. Les négociations avec ces pays sont la condition sine qua none de la transformation de la proposition en directive. Elles semblent à l'heure actuelle en voie d'avancement, même si des pays tels que la Suisse, qui impose actuellement une retenue à la source (sauf convention), considèrent qu'un système d'échange d'information ne peut être compatible ni avec l'ordre juridique, ni avec le système fédéral fiscal suisse.

La mise en oeuvre de cette proposition constituerait une avancée dans la construction européenne. Pour être totalement efficace, elle devrait être généralisée aux autres catégories de revenus de l'épargne. Elle permettrait aux Etats membres de conserver la maîtrise de leur système d'imposition personnelle. Mais certains (rapport Bollé) craignent que les dispositifs juridiques ne soient pas réellement appliqués. D'autres, les institutions bancaires, soulignent les coûts induits pour les intermédiaires payeurs par l'application d'un système d'échanges d'informations.

Encadré : Exemple de traitement de la distribution de dividendes en France en fonction de la nationalité de l'actionnaire

Le taux de l'impôt sur les sociétés en tenant compte des surtaxes (y compris la CSB) est actuellement de 35,43 %. Soit une société qui distribue un dividende après IS de 1 000 euros, l'avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes est de 500 euros.

Particulier résident français :

Dividendes imposables : 1 500 euros

Réduction d'impôts : 500 euros.

Particulier résident italien :

La convention stipule qu'un résident italien qui reçoit des dividendes d'une société française doit être imposé en Italie. Le taux de retenue à la source que peut pratiquer la France est au maximum de 15 %. Le résident italien s'il est effectivement imposé en Italie bénéficie d'un crédit d'impôt égal à celui qu'aurait reçu un résident français.

Dividende + remboursement de l'avoir fiscal : 1 500 euros.

Retenue à la source au taux de 15 % : 225 euros.

Revenu net global du résident italien : 1 275 euros.

Avoir fiscal à valoir en Italie: 225 euros.

Revenu imposable en Italie : 1 500 euros.

La convention permet de traiter de façon identique le résident français et le résident italien.

Particulier résident d'un pays n'ayant pas signé de convention avec la France :

Dividende : 1000 - Retenue à la source : 250 euros.

Dividende net perçu : 750 euros.

Revenu imposable dans son pays si toutefois la déclaration de revenu d'origine étrangère est obligatoire : 750. Dans ce cas de figure, le non résident reçoit la moitié de ce que reçoit le résident français.

Chapitre 2. 4 : Les mesures d'incitation au travail des personnes non qualifiées

Hélène Périvier

Dans la période récente, plusieurs pays ont attribué la persistance du chômage de masse à l'existence de trappe à inactivité. En raison de la générosité du système social envers les personnes sans emploi, reprendre un travail est devenu peu rentable pour les actifs peu qualifiés, en particulier pour les personnes seules avec enfants ou pour le premier travailleur d'un couple, sans et surtout avec enfants. La reprise d'un emploi à temps partiel n'apporte généralement aucun gain de ressources. De nombreux pays ont réduit la fiscalité portant sur les bas revenus ; la France a, de plus, réformé plusieurs prestations. Quatre pays : Royaume-Uni, Belgique, Pays-Bas et France, ont introduit des crédits d'impôt pour garantir que « le travail paie ». La plupart des évaluations aboutissent à des impacts décevants : la recherche d'un emploi est légèrement stimulé, mais, souvent, la formule adoptée incite à la réduction du temps de travail et décourage le travail des femmes mariées. Par ailleurs, il apparaît difficile de concilier l'objectif incitatif et des effets redistributifs satisfaisants. Enfin, la mesure n'est efficace que si le marché du travail des non qualifiés ne souffre pas d'une insuffisance de demande de travail de la part des entreprises, ce qui est contestable est Europe continentale.

Les taux de chômage élevés qui persistent dans plusieurs pays européens (annexe 1, tableau 1) ont fait l'objet de nombreuses analyses. Plusieurs explications ont été avancées : croissance insuffisante en raison de politiques économiques peu appropriées, effet des mutations technologiques, rigidités du marché du travail, manque d'incitation à la prise d'un emploi. Selon cette dernière explication, une partie du chômage provient d'une insuffisance des gains à reprendre un emploi ; elle a fait l'objet de nombreux débats en France depuis le milieu des années 1990. Une hausse des ressources d'activité d'un individu augmente les prélèvements qu'il supporte et réduit les prestations sociales dont il bénéficie. Le système fiscalo-social réduit d'autant plus les gains au travail qu'il est généreux. Il est donc susceptible de réduire l'offre de travail. Ceci concerne surtout les personnes qui, étant donné leurs faibles qualifications, ne peuvent obtenir qu'une faible rémunération sur le marché du travail. Cette population souffre d'un taux d'emploi plus bas que celui des individus plus qualifiés (annexe 1, tableau 3). Son taux de chômage est plus élevé que celui des personnes qualifiées quel que soit le pays. En France, par exemple, il était de plus de 15 % en 1999 contre 6 % pour les individus les plus qualifiés, pour un taux de chômage global d'environ 10 %. Les écarts de taux de chômage entre les moins qualifiés et les plus qualifiés sont nettement marqués en Allemagne, en Belgique, en France, en Finlande et en Irlande (annexe 1, tableau 2). Leur taux d'activité est nettement plus faible (66,6 % en 1999 en France) que celui des personnes plus qualifiées (87,2 %).

Le Conseil européen de Lisbonne de mars 2000 s'est focalisé sur la faiblesse de l'offre de travail pour expliquer le niveau de chômage et d'inactivité des moins qualifiés. Il a préconisé de mettre en place des réformes pour alléger la pression fiscale pesant sur le travail, avec une attention particulière pour les emplois non qualifiés et faiblement rémunérés. Il a insisté sur la nécessité d'améliorer les effets incitatifs à l'emploi et la formation afin d'éviter l'apparition de « trappes à inactivité, chômage et pauvreté ». Après avoir présenté un état des lieux de ces trappes en Europe, nous verrons comment les pays européens ont récemment utilisé la fiscalité pour inciter les individus faiblement qualifiés à travailler. Nous porterons une attention particulière au développement des crédits d'impôt (Royaume-Uni, France, Belgique et Pays-Bas) et nous dresserons un bilan des effets de ces instruments en termes d'incitation au travail et redistributifs en nous concentrant sur les cas anglais et français.

Les mesures d'incitation au travail ne peuvent réduite le chômage que sous trois conditions :

Il faut qu'il existe effectivement des personnes qui soient inactives (ou travaillent peu) parce qu'elles ne souhaitent pas travailler (ou travailler davantage) jugeant la rémunération associée trop faible au regard de leur revenu d'inactivité. Autrement dit, les concepts de « trappes à inactivité, à chômage et à pauvreté » sont-ils pertinents ? La première partie montre que l'on peut évaluer le gain financier associé à un surcroît d'offre de travail ; mais rien ne permet d'affirmer que les individus réagissent effectivement en fonction de cette incitation.

Il faut que ces personnes choisissent de travailler (ou travailler plus) si les pouvoirs publics, via la fiscalité, rehaussent les revenus d'activité. Ceci revient à s'interroger sur le pouvoir incitatif de la fiscalité. Or, les réactions effectives de l'offre de travail aux modifications de la fiscalité sont difficiles à mesurer.

Enfin, si ces individus souhaitent travailler (ou travailler plus) en réaction à l'incitation fiscale, il faut qu'ils soient en mesure de trouver du travail : des emplois sont-ils disponibles pour les individus non qualifiés ? Cette catégorie de travailleurs est davantage affectée par le chômage. Le taux de chômage des non qualifiés, même s'il a diminué depuis 6 ans, reste encore nettement supérieur à la moyenne (Audric-Lerenard et Tanay, 2000). En période de pénurie d'emplois les individus qualifiés acceptent des postes non qualifiés, comme ce fut le cas dans les années 1990 en France, réduisant de facto le nombre d'emplois disponibles pour les personnes faiblement qualifiées. Cette tendance semble se maintenir en 2000, alors que le taux de chômage baisse 85 ( * ) . Or, si le marché du travail est contraint par une demande trop faible, toute mesure augmentant l'offre de travail entraînera un taux de chômage plus élevé.
Les systèmes sociaux européens ont été construits à des fins redistributives (vers les familles et les plus pauvres) ou à des fin d'assurance contre les baisses de revenus (prestations chômage). Dans les années 1990, la crainte de désincitation à l'activité engendrée par les systèmes sociaux s'est fait jour ; l'incitation est devenue une préoccupation essentielle des pouvoirs publics. Or, les objectifs incitatifs sont généralement en contradiction avec les objectifs redistributifs. L'arbitrage incitation-protection est délicat, tout particulièrement pour les personnes peu qualifiées qui ont de faibles ressources. D'une part il est indispensable de venir en aide aux personnes dont les revenus ne permettent pas d'atteindre un niveau de vie « acceptable » ; d'autre part les questions d'incitation à l'activité, à l'effort, à l'insertion professionnelle ne peuvent être écartées. Il faut s'assurer que « le travail paie ».

L'effet favorable sur l'emploi de réformes fiscales ou sociales incitatives à l'offre de travail dépend fortement du fonctionnement et de l'état du marché du travail Ainsi, dans des pays souffrant d'un taux de chômage des travailleurs peu qualifiés élevé et en présence d'un salaire minimum (ce qui est le cas de la France), il y a peu de chance que l'instauration d'un crédit d'impôt ayant pour but d'accroître l'offre de travail permette de réduire le taux de chômage. Si les incitations doivent être améliorées, c'est plutôt le système social qu'il faut modifier en cherchant à faciliter la sortie des dispositifs d'aide (comme le RMI) vers l'activité. En revanche, la fiscalité peut être utilisée pour stimuler la demande de travail des entreprises et ainsi accroître les embauches des travailleurs non qualifiés.

I. Les trappes à inactivité, à chômage et à pauvreté à la fin des années 1990

1. Les concepts de pièges à pauvreté, inactivité et chômage

La décision de participer au marché du travail peut être décomposée en deux : « entrer sur le marché du travail » et « combien de temps travailler ». Ce découpage est contestable dans la mesure où la rigidité de certains marchés du travail n'ouvre guère le choix du temps de travail. Quoi qu'il en soit, le système fiscal en interaction avec le dispositif social affecte ces choix.

La faiblesse de l'écart entre le niveau de revenu obtenu par la participation au marché du travail et celui obtenu en dehors du marché du travail peut entraîner l'apparition d'une trappe à inactivité. Elle provient de la perte des prestations induite par l'augmentation des revenus d'activité et par l'assujettissement à l'impôt du salaire obtenu. Dans ce cas, les individus ne sont pas incités à entrer sur le marché du travail, restent non employés et donc sont piégés dans une trappe à inactivité. La trappe à chômage concerne la transition du chômage à l'emploi : c'est le différentiel entre les allocations chômage perçues par l'individu et la rémunération qu'il peut obtenir sur le marché du travail qui est en cause. Par ailleurs, la faiblesse de la croissance du revenu disponible avec le temps de travail peut être la cause de l'apparition d'une trappe à pauvreté : une fois sur le marché du travail, les individus ne sont pas incités à travailler davantage.

Ainsi, le système fiscalo-social peut-il décourager certaines transitions entre le non emploi et l'emploi et, au sein de l'emploi, entre un emploi à temps partiel et un emploi à temps plein. Dans cette étude, nous nous intéressons précisément au côté fiscal du dispositif. Néanmoins, il est essentiel de ne pas perdre de vue l'aspect global du système fiscalo-social, les incitations étant issues de l'interaction des prélèvements et des prestations.

Quelles sont les personnes concernées ?

Les réactions de l'offre de travail des individus face aux incitations fiscales sont difficilement prévisibles, mais certains groupes d'individus sont plus confrontés à ces problèmes que d'autres. Les personnes isolées et les « travailleurs principaux au sein d'un ménage » n'ont guère de choix en matière de participation au marché du travail de sorte que la fiscalité des revenus d'activité ne devrait avoir que peu d'effets sur leur décision 86 ( * ) . Par contre, le choix de trois catégories d'individus peut être influencée par la structure du système fiscalo-social : le travailleur le moins bien rémunéré dans un couple (ou « travailleur secondaire »), les parents isolés et les travailleurs peu qualifiés. Si le travail rapporte peu financièrement et étant donné les coûts fixes associés à la prise d'un emploi (frais de déplacement, de garde d'enfants...), les premiers peuvent trouver plus rentable de se consacrer à des tâches domestiques qu'à une activité marchande. L'offre de travail des deuxièmes devrait réagir assez fortement au système redistributif. En effet, les coûts fixes de l'emploi sont plus élevés pour cette catégorie d'individus (frais de garde d'enfant...) et donc l'emploi qu'ils peuvent occuper doit permettre de couvrir des coûts fixes plus importants que pour des personnes sans enfant. En outre, les parents isolés bénéficient, à juste titre, d'une générosité particulière des systèmes sociaux. Aussi, sont-ils davantage confrontés à ces problèmes de « trappes ». Encore une fois, cette question relève de l'arbitrage entre protection et incitation. Enfin, les travailleurs faiblement qualifiés ne peuvent obtenir qu'une faible rémunération sur le marché du travail. De ce fait le différentiel entre les revenus d'activité et d'inactivité est plus faible que pour des individus plus qualifiés. Ils se trouvent donc sur le segment du marché du travail le plus propice à l'apparition de trappe à pauvreté ou à inactivité.

Quelques remarques sur les concepts de trappes

Ces concepts doivent être utilisés avec précaution. En effet, la thèse selon laquelle le système redistributif entraîne l'apparition de tels pièges pourrait amener à considérer que les individus ne prennent leur décision d'offre de travail que sur des fondements financiers. Leur choix ne serait motivé que par la comparaison entre les gains associés à l'emploi et les revenus sociaux nets d'impôt. Or, l'emploi n'est pas seulement un moyen de subvenir à des besoins matériels. Il s'accompagne d'une reconnaissance sociale nécessaire à l'intégration dans la société. Par ailleurs, l'individu prend en considération les avantages de long terme associés à la prise d'un emploi (en termes de retraite future plus importante ou de formation et d'expérience professionnelle pouvant sensiblement améliorer sa situation professionnelle dans le futur). Ceci explique que certains acceptent de prendre un emploi même peu rémunérateur relativement à ce qu'ils peuvent obtenir en restant non employés. Dans une étude récente, deux sociologues, Dubet et Vérétout (2001), passent en revue les « bonnes raisons de prendre un emploi » pour un échantillon de Rmistes. Ils mettent en lumière les limites du modèle de rationalité « étroite » qui, selon eux, ne peut décrire le comportement d'offre de travail des agents.

Enfin, dans un marché du travail marqué par le chômage de masse, les individus qui souhaitent prendre un emploi ou travailler davantage ne le peuvent pas toujours. Or, il est difficile, voire impossible, de distinguer ceux qui ne veulent pas travailler de ceux qui ne le peuvent pas. Par exemple, le temps partiel est particulièrement développé chez les travailleurs peu qualifiés où il représente 30 % des emplois en France. Pour près d'une personne sur deux ce temps de travail est subi ; ainsi 14 % des personnes ayant un emploi non qualifié sont en situation de sous-emploi subi (Chardon, 2001). Pour celles-ci, on ne peut parler de trappe à pauvreté issue des effets désincitatifs du système fiscalo-social dans la mesure où elles souhaiteraient travailler davantage mais sont contraintes par le marché. C'est la demande de travail qu'il faudrait stimuler.

S'ils existent, l'ampleur de ces pièges reste difficile à évaluer. Laroque et Salanié (2000) proposent une décomposition du non emploi : ils estiment que pour 57 %, il s'agit de non emploi volontaire 87 ( * ) . Mais leur analyse exclut le temps partiel. Or la plupart des travailleurs à temps partiel (le plus souvent des femmes) n'auraient pas intérêt à travailler étant les faibles salaires qu'ils perçoivent relativement au RMI et autres allocations associées à l'inactivité. De plus, ils sont souvent en situation de sous-emploi involontaire (ils souhaiteraient travailler davantage). Ainsi les exclure de l'analyse sous-estime le chômage involontaire et surestiment le chômage volontaire. En outre, les auteurs ne peuvent pas prendre en compte l'ensemble des ressources des ménages du fait des données utilisées 88 ( * ) . Enfin, le pouvoir explicatif du modèle est peu important dans la mesure où la décision de rechercher un emploi telle qu'elle y est représentée dépend en grande partie de facteurs inexpliqués.

Cependant, même si l'ampleur des réactions d'offre de travail peut être discutée, il n'en reste pas moins qu'un système redistributif qui désavantage financièrement l'activité, devrait être corrigé afin de rémunérer plus équitablement les travailleurs du bas de la distribution des revenus.

2. Les trappes à chômage et à inactivité

Comment les mesurer ?

Les décisions d'offre de travail sont souvent le résultat de choix discrets : passage du non emploi à l'emploi à temps partiel ou du temps partiel à temps plein ou d'un emploi à un autre mieux rémunéré. Le système fiscalo-social, en imposant les revenus du travail et en retirant les aides sociales à mesure que le revenu augmente, altère le gain d'un changement de situation. De ce fait il affecte cette décision. Si en passant du non emploi à un emploi à temps partiel, l'individu ne perçoit qu'un gain faible ou nul, il peut alors être tenté de rester inactif. Mesurer le gain net associé à un changement de statut permet d'évaluer l'effet désincitatif du système. Le taux effectif d'imposition (noté AETR, Average Effective Tax Rate ) 89 ( * ) relatif à un changement du chômage ou de l'inactivité à l'emploi est un indicateur adéquat. Néanmoins, il doit être employé avec précaution. En effet, il ne s'agit pas à proprement parler d'un taux d'imposition dans la mesure où il n'est pas seulement question du prélèvement d'une somme d'argent au titre de l'impôt mais également du montant de prestations sociales qui ne seront plus versées du fait d'une hausse du revenu. L'utilisation du terme « imposition » est donc abusive : on ne peut pas affirmer qu'un individu qui ne travaillait pas et percevait un revenu (étant par exemple en congé maternité) et qui travaille à nouveau pour le même revenu est « imposé » à 100 %.

L'AETR mesure la part du revenu salarial supplémentaire non perçue par la famille à cause des prélèvements et du retrait des prestations sociales lorsque l'individu modifie sa situation sur le marché du travail, par exemple en passant du chômage à l'emploi. Il ne prend pas en compte des dépenses additionnelles associées à la prise d'un emploi : garde d'enfant, transport.

AETR = 1 - [(revenu du travail net - revenu hors travail net)/ changement du revenu brut]

Plus l'AETR portant sur une modification de la situation professionnelle de l'individu est élevé, moins ce changement lui rapporte financièrement et donc moins il est incité à le faire. La valeur de l'AETR dépend non seulement de la transition considérée sur le marché du travail mais également du statut familial de l'individu. En effet dans de nombreux pays l'impôt sur le revenu n'est pas calculé de façon individuelle mais prend en compte l'ensemble du foyer fiscal ; dans la plupart des cas, les aides sociales accordées sous condition de ressources sont fondées sur le revenu global de la famille. Le comportement d'offre de travail de l'un de ses membres affecte donc l'éligibilité de l'ensemble du ménage. Le nombre d'enfants (et parfois leur âge) intervient également dans la mesure où il existe des prestations familiales attribuées sous condition de ressources qui modifient les gains financiers issus d'un surcroît d'activité.

Comparaisons internationales

Le tableau 1 évalue l'imposition effective qui pesait en 1997 sur la transition emploi/non emploi au sein du couple. La première colonne du tableau donne le montant de salaire retiré quand, dans un couple, une personne est non employée et ne perçoit aucune aide particulière et que le travailleur principal passe du chômage (indemnisé) à l'emploi à temps plein (au salaire moyen). En moyenne pour l'Europe des 15 en 1997, 77 % du salaire individuel est retiré dans le cas de la prise d'un emploi à plein temps. Ceci est le résultat de l'interaction entre l'impôt et le retrait des allocations chômage. Les Pays-Bas (tout comme la Finlande et la Suède) retirent un taux plus élevé de 89 %, alors qu'en France, il est de 76 %. La situation décrite dans cette colonne concerne le passage du premier mois de chômage à l'activité. Les AETR associés à cette transition sont importants. Cependant des individus au chômage depuis un mois seulement sont encore probablement dans une période de recherche active d'emploi, donc les supposer prisonniers d'une trappe à chômage est quelque peu prématuré. De plus, lorsqu'un salarié perd son emploi, il perçoit des allocations au titre des cotisations passées qui ont été prélevées sur son salaire, elles sont donc de nature assurantielle : l'individu employé se couvre contre une période de chômage ; cette assurance lui garantit une partie de son salaire afin qu'il puisse retrouver un emploi qui il lui convienne.

La deuxième colonne concerne l'imposition de la reprise d'un emploi à temps partiel du travailleur principal qui était au chômage de long terme. La famille avait de ce fait droit à des revenus sociaux. Dans ce cas, il n'existe pratiquement aucune incitation financière à prendre un emploi à temps partiel dans aucun pays (à l'exception de l'Irlande avec un taux de 60 %). La moyenne européenne est de 128 %, cette transition est donc fortement pénalisée. L'Italie et le Royaume-Uni ont un taux élevé qui reste inférieur à 100 %, le couple obtient alors un gain (certes faible). Dans tous les autres pays et en particulier en France, le taux est très élevé indiquant une forte désincitation des individus dans des situations précaires à prendre un emploi à temps partiel.

Les colonnes 3 à 6 décrivent les incitations créées par le système fiscalo-social à la participation au marché du travail du travailleur secondaire quand le travailleur principal est chômeur indemnisé (colonnes 3 et 4) ou employé au salaire moyen ouvrier (colonnes 5 et 6). Dans tous les pays les AETR sont relativement faibles : le dispositif fiscalo-social n'engendre pas de désincitation majeure pour le travailleur secondaire. On note cependant des taux légèrement plus élevés dans le cas du chômage indemnisé pour le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Au Royaume-Uni, les allocations chômage sont attribuées sous conditions de ressources du ménage, ce qui explique le taux effectif d'imposition élevé. Des travaux empiriques ont pointé les inefficacités résultantes sur le marché du travail. Dilnot et Kell (1987) ont montré par exemple que le taux d'emploi des femmes mariées à un chômeur était deux fois plus faible que celui des femmes mariées à un travailleur employé. Par ailleurs celles qui travaillaient avaient un emploi à temps plein (elles plaçaient donc les revenus du ménage suffisamment loin de la condition de ressources).

En 1997, les systèmes redistributifs en Europe comportent encore des aspects désincitatifs à la prise ou reprise d'un emploi au sein d'un couple. De façon générale, le travail paie d'autant plus que l'autre membre du couple travaille déjà et paie moins, voire même pas du tout, lorsqu'il ne travaille pas. La position de la France par rapport à la moyenne européenne montre que c'est particulièrement la transition entre le chômage de longue durée et l'emploi à temps partiel qui est découragée. Ceci est principalement dû à la structure des aides sociales (RMI, allocation-logement...). Les réformes mises en place à partir de 1998 ont permis d'améliorer quelque peu cette situation.

Tableau 1 : Taux effectifs d'imposition de la reprise d'un emploi en 1997

(le travailleur principal a le niveau de salaire moyen 1 )

Travailleur principal :

Du chômage 2
à l'emploi à plein temps

Du chômage de longue durée 4 à l'emploi à temps partiel 5

Chômage

Emploi

Chômage

Emploi

Travailleur secondaire :

Non emploi 3

Non emploi

Du non emploi

au temps partiel

Du non emploi
à un temps plein

Allemagne

80

115

19

50

31

51

Autriche

76

135

43

21

32

30

Belgique

68

109

25

61

43

57

Danemark

84

118

61

48

55

36

Espagne

78

159

19

19

23

23

Finlande

88

152

23

23

48

36

France

76

133

30

38

29

28

Grèce

54

104

118

30

66

30

Irlande

68

60

38

25

20

32

Italie

63

84

19

25

37

33

Luxembourg

87

198

12

14

26

30

Pays-Bas

89

134

52

37

45

39

Portugal

79

174

11

13

14

21

Royaume-Uni

72

93

55

20

60

28

Suède

88

154

42

42

43

37

Eu15

77

128

39

31

38

35

Etats-Unis

68

102

0

11

20

19

90

. SMO : Salaire moyen ouvrier, calculé comme le salaire moyen brut d'un adulte travaillant à plein temps dans le secteur manufacturier.. En Espagne, par exemple, le salaire minimum correspond à 50 % du SMO alors qu'en France en 1998, le SMIC représente 60 % du SMO (Joumard, 2001).

2. 1 er mois de chômage du travailleur principal qui était employé au niveau du SMO. Il reçoit le montant d'allocation chômage de base plus éventuellement des aides sociales pour personne à charge et pour le loyer.

3. Le travailleur secondaire ne perçoit aucune allocation chômage.

4. On suppose que le chômeur de longue durée reçoit une aide sociale s'il est en fin de droit d'allocation chômage.

5. Le temps partiel est supposé correspondre à un salaire de 40 % du SMO.

Lecture du tableau : dans la 1 ère colonne, l'AETR donne le complément à un de la différence de revenu net de la famille entre la situation dans laquelle le travailleur principal travaille à temps plein et le conjoint ne travaille pas et celle dans laquelle le travailleur principal est au chômage et son conjoint ne travaille pas, divisée par la différence de revenu brut de la famille qui existe entre les deux situations. Ainsi, par exemple en France, 76 % du salaire du temps plein est perdu en impôt et réduction de transferts sociaux. Un AETR supérieur à 100 % indique que le ménage perd de l'argent lors du passage au temps partiel.

Source : OCDE, Benefit systems and Work Incentives, (1999) .

Le cas de la France

En France jusqu'en 1998, les taux d'imposition élevés étaient engendrés par l'interaction entre RMI et le système fiscal. Après le point où le transfert était complètement retiré (autour de 50 % du SMIC), les taux effectifs d'imposition diminuaient substantiellement pour augmenter à nouveau autour de 1,25/1,5 SMIC.

Du côté de la fiscalité, deux mécanismes principaux expliquaient l'ampleur des taux effectifs d'imposition. D'une part, un individu à bas revenu entrant sur le marché du travail était brutalement assujetti au prélèvement social (les Rmistes ne paient pas de cotisations sociales, ne sont pas assujettis à la CSG et ont droit aux prestations sociales). D'autre part, à partir d'un niveau de revenu assez bas (autour du SMIC pour un célibataire), l'individu subissait une hausse rapide du prélèvement fiscal. Il perdait en effet sa qualité de non imposable à l'impôt sur le revenu (IR), ainsi que son statut de Rmiste, ce qui implique un assujettissement total ou partiel à la taxe d'habitation. Le mécanisme de calcul de l'IR expliquait une grande part de ces taux marginaux effectifs élevés, ceci malgré le « lissage » que permet la décote effectuée à l'entrée dans le barème. La décote en 1999 bénéficiait aux individus dont le montant d'impôt sur le revenu selon le barème (Ib) ne dépassait pas 3 350 francs. Ils payaient alors un montant d'impôt (I) égal à I = 2*Ib - 3 350. Or, le taux marginal d'imposition associé à la première tranche de revenu imposable était de 10,5%. Ainsi, du fait de la décote, le taux marginal du bas du barème était de 2*10,5 soit 21 %.

Tableau 2 : Taux effectifs de prélèvement supportés par un bénéficiaire du RMI entrant
sur le marché du travail en % du coût salarial total 1 et en fonction de la situation familiale en 1995

En %

Bénéficiaire du RMI embauché 2

1

2

3

4

5

6

Avec un CES

91

87

37

85

83

107

A 75 % du SMIC avec intéressement 3

83

80

58

78

76

109

A 75 % du SMIC sans intéressement

87

97

nd

102

87

nd

A 100 % du SMIC

81

88

58

91

78

109

1. Le coût salarial total résulte de la somme du salaire brut et des cotisations sociales patronales obligatoires. On assimile le taux marginal effectif de prélèvement au rapport d[prélèvements - prestations] / d[coût salarial total]. Il dépend de la situation familiale de l'individu.

2. Les bénéficiaires sont : 1 = célibataire sans enfant versant un loyer de 1 266 F ; 2 = couple sans enfant versant un loyer de 1 266F ; 3 = couple avec 2 enfants (12 et 16 ans) versant un loyer de 2 046 F dont l'autre membre gagne le SMIC ; 4 = couple avec 2 enfants (12 et 16 ans) versant un loyer de 2 046 F ; 5 = couple avec 3 enfants (2, 6, 13 ans) versant un loyer de 2 309 F ; 6 = célibataire avec 2 enfants (12 et 16 ans) versant un loyer de 2 046 F, et satisfaisant aux conditions pour bénéficier du versement de l'API (allocation parent isolé).

3. Le mécanisme d'intéressement permet aux Rmistes qui prennent un emploi de cumuler en partie l'allocation et leur revenu d'activité pendant un certain temps.

Source : Direction de la Prévision.

Du côté des prestations sociales, la perte d'éligibilité à divers transferts, induite par l'augmentation des revenus, l'apparition de ces seuils 90 ( * ) . De plus, les personnes dont le revenu primaire augmente à la suite d'une modification de leur situation professionnelle perdent également l'accès gratuit à certains services locaux ou d'autres avantages réservés aux personnes justifiant de faibles ressources 91 ( * ) .

Ainsi, en 1996, un Rmiste acceptant un emploi à plein temps payé au SMIC, pouvait ne recevoir in fine qu'environ 1 500 francs supplémentaires par mois, montant faible au regard de l'effort que demande un travail à plein temps. En comparant la situation d'un individu touchant le RMI et celle d'un autre travaillant à mi-temps payé au SMIC, la rémunération nette de cet emploi à temps partiel pouvait même être négative (i.e. l'individu travaillant à temps partiel jouissait d'un revenu disponible inférieur à celui du Rmiste). Ceci était, en grande partie, le résultat du mode d'attribution de l'allocation logement dont la règle de calcul prenait en compte les revenus salariaux mais pas le RMI.

Afin de faciliter l'insertion professionnelle, l'allocataire du RMI pouvait cumuler son revenu d'activité et une partie de l'allocation RMI. Ces règles dites d'intéressement variaient selon la nature de l'emploi en question ou de la formation. Depuis le 1 er décembre 1998, le mécanisme d'intéressement a été élargi dans la mesure où le cumul de 50 % des ressources d'activité avec l'allocation se poursuit durant les trois trimestres suivant la 1 ère révision et ceci même si les 750 heures de travail limites ont été atteintes avant la fin de cette période de cumul (DREES, 2000). En cas de cessation puis de reprise d'activité, l'individu peut bénéficier d'un autre cycle complet (cumul total puis partiel) pour une nouvelle période de quatre trimestres de droits. La condition requise est que le trimestre de référence précédent la reprise d'activité ne comporte aucun revenu d'activité.

Bien que cette réforme ait permis de combler en partie la trappe à inactivité, induite par les taux d'imposition effectifs qui pesaient sur la reprise d'un emploi, il n'en restait pas moins que son effet stimulant sur l'offre de travail a été modeste (Fleurbaey, Hagneré, Martinez et Trannoy, 1998). Premièrement, ce mécanisme d'intéressement n'est que temporaire, ce qui implique qu'à échéance d'un an le cumul n'est plus possible et le seuil « réapparaît ». Deuxièmement, il n'est offert qu'aux individus dont le parcours sur le marché du travail a été défavorable au point qu'ils se trouvent dans la situation limite du RMI. Enfin, troisièmement, il est probable que les individus bénéficiaires qui ne percevaient déjà que difficilement les subtilités du dispositif initial ne soient conscients de la réforme et de ce fait n'ajustent pas leur comportement.

Les réformes instaurées en France à partir de 2000 (réformes de l'allocation-logement, de la taxe d'habitation, introduction de la Prime pour l'Emploi) ont largement modifié cette situation, diminuant sensiblement les prélèvements effectifs sur les bas salaires.

3. La trappe à pauvreté

L'association de l'impôt sur le revenu et des prestations sociales crée un ou plusieurs points de retournement sur la contrainte budgétaire des travailleurs à faible revenu. Celle-ci n'est donc pas linéaire. Au-delà de ces points, travailler davantage rapporte moins à la marge. Ainsi, ceux qui sont sur le marché du travail ne sont pas incités à travailler au-delà d'un certain nombre d'heures. De ce fait ils ne dépassent pas le niveau de revenu correspondant à cette offre de travail et sont alors piégés dans une « trappe à pauvreté ». Le taux marginal effectif d'imposition ( Marginal Effective Tax Rate , METR) constitue l'indicateur pertinent permettant de localiser ces seuils et donc l'apparition probable de trappe à pauvreté. Ainsi permet-il de mesurer les effets combinés du système fiscal et social et en particulier l'étendue de la trappe à pauvreté.

Le taux marginal effectif d'imposition mesure le prélèvement effectif associé à une modification marginale du revenu salarial. Autrement dit si l'individu travaille un peu plus et perçoit à ce titre par exemple cent euros supplémentaires de salaire, le METR donne le nombre d'euros qui seront prélevés sur cette somme du fait de la perte de prestations sociales et d'impôt supplémentaire. Il est défini par le taux auquel les impôts augmentent et les transferts diminuent à mesure que les revenus bruts croissent :

METR = 1 - [changement du revenu net/changement du revenu brut]

Ce concept mesure les incitations économiques immédiates sous forme de rendements financiers associés à l'augmentation marginale des heures travaillées ou de l'effort de travail. Il constitue un indicateur de politique économique puisqu'il résulte de la combinaison des politiques d'imposition progressive et de retrait des transferts quand le salaire augmente.

Cet indicateur s'appuie sur le salaire brut et non sur le coût total du travail. En effet, ce dernier inclut les cotisations sociales employeurs. Or dans la plupart des pays, les individus ignorent le coût de leur emploi ; ils ne jugent que leur salaire brut et ce qu'il va leur permettre de dégager comme revenu disponible pour leur consommation. Plus le METR est élevé moins cela rapporte à l'individu de travailler plus.

Le tableau 3 donne les taux marginaux d'imposition pesant sur des ménages ayant diverses configurations familiales dans les pays européens en 1997. En outre, il donne les efforts réalisés par les pays pour diminuer l'imposition effective pesant sur les revenus d'activité entre 1997 et 2000.

Dans l'ensemble, les Etats européens ont diminué les METR pesant sur les faibles et moyens salaires entre 1997 et 2000. Néanmoins, pour certains pays, ils restent élevés se situant entre 40 et 50 % (Belgique, Allemagne, Danemark, Finlande et Pays-Bas) quelle que soit la configuration familiale.

Dans les pays qui ont recours à des transferts sociaux avec exigence de travail, comme le Royaume-Uni et l'Irlande, l'apparition de trappes à pauvreté s'explique par le fait que le transfert n'est proposé qu'une fois sur le marché du travail. Son retrait, qui dépend de la configuration familiale, se réalise à partir d'un certain niveau de salaire. Par exemple, en Irlande, une personne isolée ayant 2 enfants et gagnant 67 % du salaire moyen ouvrier supportait en 1997 un METR de 90 % alors que pour une personne sans enfant il était de 30 %. De même au Royaume-Uni, en 2000 la phase de retrait du Working Family Tax Credit implique un METR pour les familles avec enfants à bas revenu de presque 70 % alors que celui de familles plus riches et de ce fait non concernées par le WFTC est seulement de 32 %. Ces seuils sont à l'origine de l'apparition de trappes à pauvreté. Afin d'éviter ces effets, les Pays-Bas ont mis en place un crédit d'impôt forfaitaire ( General Rebate ) qui s'accompagne d'un crédit supplémentaire pour les travailleurs ( Employment Rebate ).

Les réformes qui visent à diminuer les trappes à inactivité en augmentant le revenu disponible des travailleurs à plus bas salaires aboutissent souvent à accentuer les trappes à pauvreté, dans la mesure où le supplément de revenu disparaît quand le travailleur progresse dans l'échelle salariale.

Tableau 3 : Taux marginaux d'imposition dans les pays européens et aux Etats-Unis en 2000

(Impôt sur le revenu + cotisations sociales employés - transferts monétaires de politique familiale, en % du salaire brut) 1

 

Célibataire sans enfant 67 % du SMO

Parent isolé 2 enfants
67 % du SMO

Couple marié 2 enfants 1 travailleur SMO

Couple marié 2 enfants 2 travailleurs 100 % SMO + 33 % SMO

 

Taux
2000

Modification 1997-2000

Taux
2000

Modification
1997-2000

Taux
2000

Modification
1997-2000

Taux
2000

Modification
1997-2000

Allemagne

51,0

- 0,9

48,8

- 0,8

51,8

3,6

39,5

- 2,4

Autriche

37,1

- 14,4

52,1

30,5

42

- 0,5

32,3

- 2

Belgique

54,1

- 0,7

54,1

- 0,7

51,4

- 0,3

45,5

1,0

Danemark

50,7

- 1,4

50,7

- 1,4

45,2

- 1,3

36,3

- 0,5

Espagne

26,4

- 4,8

6,4

- 17,7

23,2

- 0,9

34,9

- 1,8

Finlande

42,7

- 2,3

42,7

- 2,3

48,4

- 2,3

38,9

- 1

France

48,6

- 0,8

21,0

- 0,4

21,0

- 0,4

39,0

- 0,5

Grèce

20,1

0

15,9

0

28,5

0

35,5

- 0,3

Italie

32,8

- 1,6

32,8

- 1,6

40,1

- 0,6

40,5

- 6,5

Irlande

22,0

- 8,5

22

- 68,5

28,5

- 4,2

20,3

- 4,6

Luxembourg

34,1

0

14,7

2,1

14,7

2,1

14,2

- 1,3

Pays-Bas

45,8

- 1,0

41,3

- 3,4

41,8

- 1,9

37,5

2,9

Portugal

25,0

- 1,0

11,0

0,0

25,0

- 1,0

27,5

- 0,5

Royaume-Uni 2

32,0

- 1,0

69,4

36,4

69,4

36,4

20,8

- 1,3

Suède

38,3

- 0,6

38,3

- 0,6

35,2

- 0,5

43,6

- 2,5

UE 12 3

48,5

- 2,8

33,7

- 2,1

46,3

- 0,8

44,5

- 2,2

Etats-Unis

29,6

- 0,3

35,6

- 15,4

29,6

- 21,4

24,8

- 2,4

1. On suppose que le revenu brut principal du ménage augmente. Le résultat peut être différent si le salaire du conjoint augmente, surtout si les conjoints sont imposés séparément.

2. Les chiffres 2000 et 1997 pour le Royaume-Uni ne sont pas comparables dans la mesure où en 1997 le Family Credit n'est pas inclus dans le calcul alors que le programme Working Family Tax Credit , qui l'a remplacé, l'est en 2000. C'est la raison pour laquelle la moyenne européenne est calculée sur l'Europe des 12.

3. Moyenne pondérée (PIB réel).

Lecture du tableau : Par exemple en France, en 2000, un célibataire travaillant à 67 % du SMO, pour 1 € supplémentaire de salaire percevra 51,4 centimes.

Source : OCDE, Taxing Wages 1999-2000 , The Tax/Benefit Position of Employees 1997 .

II. Les mesures récentes d'incitation au travail des travailleurs peu qualifiés

Nous présenterons ici les principales réformes fiscales réalisées depuis 2000 afin d'améliorer les incitations au travail des travailleurs peu qualifiés. Les mesures prises en France sont mises en perspectives avec celles du Royaume-Uni, de la Belgique et des Pays-Bas. Ces quatre pays ont réformé de leur système fiscal pour réduire les pièges à inactivité. Ils ont opté pour l'introduction de crédits d'impôt qui permettent d'offrir un surcroît de revenu aux individus qui décident de travailler.

1. Les réformes engagées

Les différentes solutions choisies

Depuis, 2000 les pays européens ont mis en place des réformes de leur système redistributif pour rétablir les incitations au travail des personnes peu qualifiées (annexe 3). La tendance générale est à la réduction de la charge fiscale sur les travailleurs et plus précisément les travailleurs à faible revenu.

Certains pays ont opté pour une augmentation sensible du niveau du seuil d'imposition (Autriche, Finlande, Allemagne, Pays-Bas). Ceci réduit la charge fiscale pour tous et conduit à exonérer de l'imposition les travailleurs, à faibles salaires comme les travailleurs à temps partiel. La plupart des pays ont réduit les taux marginaux d'imposition des tranches les plus basses, plus particulièrement l'Allemagne, l'Autriche, l'Irlande, la France et l'Espagne (en 1998) (annexe 4). Phelps (2000) souligne que si l'objectif de ces réductions d'impôt est de réduire la charge fiscale sur les travailleurs faiblement rémunérés, alors une subvention directe pour les travailleurs à faibles salaires peut être plus efficace pour augmenter l'emploi et la rémunération. En effet, ces réductions d'impôt, si elles profitent à ces travailleurs, profitent aussi à tous les autres y compris ceux qui ont un salaire élevé ou ceux qui travaillent de courtes périodes et qui n'entendent pas prendre un emploi régulier. En outre ces réductions de charges fiscales ont des effets différents selon les pays en raison des différences institutionnelles des marchés du travail et leur degré de rigidité. Si trappes à inactivité il y a, les effets sur l'emploi seront plus importants dans des pays où l'augmentation du revenu après impôt ne s'accompagne pas d'une augmentation des revenus de remplacement après impôts des personnes non employées.

L'Irlande a adopté une mesure spécifique d'incitation à la reprise d'un emploi pour les chômeurs de longue durée. Il s'agit d'un abattement spécial offert aux personnes qui, étant au chômage depuis au moins un an, reprennent un emploi. Pendant la première année d'emploi, l'abattement s'élève à 3 809 euros avec 1 270 euros supplémentaires accordés pour chaque enfant. Ce montant est réduit à deux tiers la deuxième année et à un tiers la troisième.

Concernant l'IR en France, le système de la décote (mentionné précédemment) a été modifié. A partir de 2003, il profite à tout ménage dont le montant d'impôt brut (c'est-à-dire le montant d'impôt Ib selon le barème et avant toute application de la décote) est inférieur à 747 euros. Ainsi, alors que sous l'ancienne formule, un célibataire bénéficiait de ce mécanisme jusqu'à 961 euros de salaire net mensuel il en profite désormais jusqu'à 1 138 euros. La nouvelle formule de la décote implique que les ménages paient un impôt de I = 1,5*Ib - 374. Le taux d'imposition de la première de revenu est abaissé à 7% ce qui engendre un taux marginal du bas du barème de 1,5*7 soit 10,5% du fait de la décote contre 21% en 1999. Plus de foyers fiscaux sont concernés par cet avantage et le montant d'IR des individus à bas salaire est moindre. Cependant, ce dernier étant déjà faible, le gain de la réforme est minime : le gain maximal est 118 euros par an (Dupont, Le Cacheux, Sterdyniak et Touzé, 2000). Le tableau 4 montre l'évolution des taux des tranches du barème de l'IR en France prévue jusqu'à 2003.

Tableau 4 : Évolution des taux des tranches du barème en France entre 2000 et 2003

Tranches de revenu annuel imposable 2000, en €

IR 2000
(revenu 1999)

IR 2001
(revenus 2000)

IR 2002
(Revenus 2001)

IR 2003
(revenus 2002)

2000-2003

< 4 055

0

0

0

0

0

de 4 055 à 7 976

9,5

8,25

7,5

7

- 2,5

de 7 976 à 14 039

23

21,75

21

20,5

- 2,5

de 14 039 à 22 732

33

31,75

31

30,5

- 2,5

de 22 732 à 36 987

43

41,75

41

40,5

- 2,5

de 36 987 à 45 613

48

47,25

46,75

46,5

- 1,5

> 45 613

54

53,25

52,75

52,5

- 1,5

Source : Déclaration des revenus 2000 , Brochure pratique 2001, DGI.

C'est l'ensemble du système fiscalo-social qui crée des effets de seuil à l'entrée du marché du travail. Certains pays ont de ce fait opté pour des réformes du côté social pour restaurer les incitations des travailleurs peu qualifiés à prendre un emploi. Le cas de la France est remarquable sur ce point. En effet, la France est la seule à avoir mis en place une réforme d'ensemble de son système social en 2000 qui, associée à celle de la fiscalité, a amélioré sensiblement les incitations sur le marché du travail. La réforme de la taxe d'habitation et des allocations logement 92 ( * ) ont permis de limiter l'imposition brutale des revenus lorsque la personne prend un emploi, ainsi qu'un retrait trop abrupt du RMI. La mise en place de la couverture maladie universelle offre les soins médicaux gratuits sous condition de ressources. Enfin, l'élargissement du mécanisme d'intéressement du RMI permet de cumuler l'allocation avec des revenus d'activité pendant une période d'un an. L'ensemble de ces réformes devrait supprimer l'effet négatif sur la décision de prise d'emploi. Pour un couple sans emploi avec 2 enfants, « abandonner le RMI » pour que l'un des deux membres prenne un emploi à plein temps au SMIC implique un surplus par mois de 229 euros au lieu de 91 euros avant la réforme. Lorsque l'emploi pris est à temps partiel, le gain s'élève à 45 euros alors qu'il était nul avant la réforme (Hagneré et Trannoy, 2001).

L'utilisation des crédits d'impôt

A l'instar des Etats-Unis ( Earned Income Tax Credit , EITC) 93 ( * ) et de la Finlande, quelques pays européens ont choisi d'introduire un mécanisme de crédits d'impôt afin de rendre l'emploi plus attractif financièrement relativement au non emploi (le Royaume-Uni en 1999, la France et la Belgique en 2000, les Pays-Bas en 2001). Le système instauré aux Pays-Bas diffère des trois autres : le crédit n'y est pas remboursable : au mieux le foyer fiscal considéré n'est pas imposable. Pour les autres systèmes, les crédits fonctionnent comme un impôt négatif. Ainsi, un individu non imposable (du fait d'un revenu trop faible) et qui travaille, va percevoir un certain montant correspondant à un « remboursement d'impôt ». Seuls les individus qui participent au marché du travail et donc déclarent à l'administration fiscale un revenu d'activité positif peuvent être éligible au crédit d'impôt. L'aide est retirée à un certain taux au fur et à mesure que le revenu de l'individu augmente. Les crédits d'impôt ciblés vers les travailleurs peu rémunérés permet de rendre le travail rémunérateur pour des individus faiblement qualifiés tout en évitant de réduire les minima sociaux. Cependant les effets incitatifs sur l'offre de travail dépendent largement de l'état du marché du travail et de l'ampleur de ces programmes. En outre, leur impact en termes redistributifs peut s'avérer discutable.

Au Royaume-Uni, en France et en Belgique, les crédits mis en place sont remboursables et dépendent la situation familiale du contribuable 94 ( * ) . Ainsi, les foyers fiscaux éligibles, du fait de revenus d'activité positifs mais de ressources globales inférieures à un certain montant, se voient attribuer un crédit d'impôt. Si le montant de ce crédit dépasse le montant d'impôt dû à l'administration fiscale, cette dernière rembourse la différence. En ce sens ils relèvent du principe d'imposition négative. En termes de coût budgétaire, le crédit d'impôt britannique ( Working Family Tax Credit (WFTC)) est presque 8 fois plus important que celui de la Prime pour l'Emploi (PPE) de 2001, mais la PPE doit être multipliée par 3 d'ici 2003. Le crédit belge reste loin derrière avec un coût total représentant la moitié de celui de la PPE. En termes de nombre de personnes touchées par la mesure, la France est devant la Belgique et le Royaume-Uni, avec plus de 8 millions de foyers fiscaux concernés par la prime contre 1,43 million pour le crédit belge et 1,27 million pour le WFTC (ce qui implique des effets redistributifs différents). Cependant, les extensions du crédit d'impôt aux ménages sans enfant prévues d'ici 2003 au Royaume-Uni devraient élargir considérablement la population concernée. En ce qui concerne le gain moyen, le WFTC est loin devant les deux autres. Cependant, il intègre une grande partie de la politique familiale du Royaume-Uni ce qui n'est pas le cas des autres : il est donc difficile de comparer les gains. On souligne encore une fois l'importance de prendre en compte l'ensemble du système redistributif pour comparer la situation de ménages identiques dans deux pays. Il serait nécessaire pour cela de disposer de modèles simulant les systèmes fiscaux et sociaux de chaque pays, ce qui permettrait d'apprécier les effets des différents crédits d'impôt sur la situation de ménages types (voir annexe 5 pour une comparaison partielle de quatre crédits d'impôt). Si le montant versé dans le cadre du WFTC est conséquent, celui concernant la PPE, et plus encore le crédit belge, restent faibles, probablement trop faibles pour stimuler significativement l'offre de travail des travailleurs faiblement qualifiés. Des réformes davantage ciblées et plus importantes pourraient diminuer le risque de trappe à inactivité.

En moyenne, les Etats membres ont réduit leur taux effectif d'imposition de 2 à 3 points pour les travailleurs à faibles et moyens revenus. L'objectif affiché consiste clairement à aider ceux qui sont hors du marché du travail à y entrer plutôt que ceux qui travaillent déjà à travailler davantage (ce qui revient à choisir de réduire de la trappe à inactivité plutôt que la trappe à pauvreté), que ce soit via des crédits d'impôt sur les salaires ou des réductions de cotisations sociales employés. Si ces crédits sont ciblés sur les faibles revenus avec un retrait pour des niveaux de revenus plus élevés, alors le risque est d'augmenter la trappe à pauvreté. Le crédit d'impôt néerlandais contourne cette difficulté par son caractère forfaitaire pour tout niveau de salaire. Cependant cette solution est plus coûteuse pour une réduction identique de la trappe à inactivité. Le Royaume-Uni a réduit très sensiblement le taux de retrait du crédit d'impôt sur les salaires ce qui diminue le risque de trappe à pauvreté. Quels peuvent être les résultats en termes d'emploi de ces crédits d'impôt ? Quels en sont les effets redistributifs ? Nous proposons ici une comparaison sous ces deux angles de la PPE et du WFTC.

2. Comparaison des effets sur l'offre de travail du WFTC et de la PPE

Les effets théoriques d'un crédit d'impôt sur l'offre de travail

D'un point de vue théorique, ces mesures fiscales rendent l'accès à l'emploi plus attractif financièrement pour les travailleurs faiblement qualifiés, et donc les incitent à prendre un emploi. Néanmoins, elles peuvent avoir des conséquences négatives sur l'offre de travail de certaines catégories de travailleurs. D'une part elles peuvent induire une incitation à la réduction de l'offre de travail des individus qui, travaillant déjà, ont un revenu situé dans la tranche où l'aide diminue. D'autre part, elles sont susceptibles de jouer négativement sur l'emploi du travailleur le moins bien rémunéré dit « travailleur secondaire » dans le couple. Il est difficile d'éviter un taux marginal relativement élevé sur le salaire de ces deux catégories d'individus. L'invidualisation du droit au transfert pourrait permettre de résoudre cette question pour le travailleur secondaire. Dans ce cas, l'aspect redistributif serait délaissé totalement au profit de l'aspect incitatif. En effet, le programme ne serait plus uniquement dirigé vers les travailleurs pauvres puisqu'un individu ayant un salaire faible mais appartenant à un ménage riche, percevrait quand même le crédit. Par ailleurs, le coût de la mesure pourrait substantiellement augmenter. En France, la PPE est « individuelle » parce que son calcul porte sur le montant de salaire individuel et que le droit est conditionné à une activité minimale individuelle, mais la condition de ressources porte sur les revenus globaux du ménage.

Ainsi les effets théoriques d'un crédit d'impôt sur l'offre de travail sont d'une part une stimulation de la participation au marché du travail et d'autre part une réduction des heures de travail des individus qui travaillaient déjà et un effet négatif sur l'emploi du travailleur secondaire au sein du couple. La résultante sur l'emploi total est donc indéterminée.

Des résultats sur l'offre de travail décevants

Il est trop tôt pour disposer d'évaluations complètes des effets sur l'offre de travail de ces réformes. Le WFTC a fait l'objet de quelques travaux. Cependant, il ne s'agit pas de mesures ex post mais de simulations réalisées avec les modèles de microsimulation construits par l'Institute for Fiscal Studies.

Les effets incitatifs du WFTC dépendent d'une part de la situation familiale du ménage (couple ou famille monoparentale) et d'autre part de la situation initiale vis-à-vis du marché du travail. Le caractère familial du dispositif est essentiel en ce qui concerne les effets de la mesure sur les incitations au travail. En effet, il peut impliquer un effet négatif sur l'offre de travail de couples bi-actif dont l'un est à temps partiel. Les résultats des simulations montrent que les effets incitatifs au travail du WFTC sont modestes sur certaines catégories de ménages (famille monoparentales) et ils peuvent être négatifs sur les couples bi-actifs (Blundell, Duncan, McCrae et Meghir, 2000). Le WFTC incite les parents isolés à prendre un emploi mais il implique en même temps des incitations à la réduction du temps de travail. Les mères isolées verraient leur taux d'activité augmenter de 2,2 % (soit 34 000 femmes incitées à prendre un emploi) ; 0,2 % des mères isolées seraient incitées à passer d'un emploi à temps plein à un emploi à temps partiel.

Prenant en compte l'ensemble des réformes mises en place au Royaume-Uni, les résultats obtenus par Piachaud et Sutherland (2000) sont les suivants : deux tiers des parents isolés gagneraient moins à travailler à temps partiel court (16 heures par semaine) rémunéré au salaire minimum qu'avant les réformes. Les incitations à travailler plus de 30 heures sont accentuées pour les familles monoparentales. Globalement les incitations au travail des parents isolés sont donc très faibles.

Les membres de couples inactifs seraient incités à prendre un emploi (environ 11 000 femmes et 13 000 hommes). Néanmoins, le travailleur secondaire du couple serait incité à se retirer du marché du travail soit 20 000 femmes et 10 000 hommes. Ainsi, les effets du WFTC sur l'offre de travail devraient être sensiblement les mêmes que ceux de l'EITC à savoir une faible incitation au travail pour les hommes et les mères isolées et une désincitation pour les femmes vivant en couple. Les évaluations globales de l'EITC aux Etats-Unis ont montré que s'il avait eu un effet négatif sur l'offre de travail du travailleur secondaire, il n'avait pas engendré de réduction majeure du nombre d'heures travaillées par ceux qui participaient déjà au marché du travail. En outre son effet positif sur la participation a été assez important. De ce fait l'impact global sur l'offre de travail a été plutôt positif.

Certains facteurs peuvent venir atténuer les effets incitatifs du WFTC. D'une part, le manque de structures d'accueil pour les jeunes enfants (aider au financement de la garde ne résout pas le problème de l'absence de possibilités de garde). D'autre part, les ménages inactifs sont concentrés dans les bassins d'emplois sinistrés ou la demande de travail est insuffisante pour permettre aux individus de prendre un emploi et ceci qu'elle que soit leur motivation.

Concernant les effets de la PPE sur l'offre de travail, les évaluations sont beaucoup plus rares. L'étude effectuée par Laroque et Salanié (2001) simule les conséquences de la PPE sous le barème de 2003 rétropolé pour l'année 1999 sur l'emploi des femmes (tableau 5).

Tableau 5 : Effet de la PPE sur l'emploi des femmes (en milliers)

Statut initial

Effectif de référence

Entrées (+) ou sorties (-) vers

Non emploi

Mi-temps

Plein temps

Non emploi

2 297

- 16

+ 6

+ 10

Emploi à mi-temps

494

+ 2

- 4

+ 2

Emploi à plein temps

2 238

+ 5

+ 2

- 7

Total

5 029

- 9

+ 4

+ 5

Source : Laroque et Salanié (2001), tableau 10.4.

Globalement, la PPE aurait un effet positif sur l'emploi dans la mesure où 9 000 femmes sortiraient du non emploi pour prendre un emploi à mi-temps pour 4 000 d'entre elles et à plein temps pour les 5 000 autres. Mais au regard de la taille de l'échantillon (5 290 000 personnes) cet effet est extrêmement faible. Elle ferait passer 10 000 femmes du non emploi à un emploi à plein temps mais parallèlement 5 000 femmes qui avaient un emploi à plein temps sortiraient du marché du travail et 2 000 réduiraient leur temps de travail pour prendre un emploi à mi-temps. Les résultats illustrent les effets théoriques attendus dans la mesure où celles qui augmentent leur offre de travail sont celles qui se situent à l'entrée du barème et, par ailleurs, les femmes mariées à un travailleur bénéficiant de la PPE réduisent leur offre de travail. Ceci montre que l'effet du caractère individuel de la PPE est compensé par l'effet du caractère familial de la condition de ressources. De ce fait de la même façon que le WFTC ou que l'EITC, le travailleur secondaire du couple est désincité à travailler.

Pourquoi ces effets médiocres ?

A ce stade on peut s'interroger sur les raisons qui font que le WFTC a permis d'améliorer même faiblement l'offre de travail alors que la PPE ne devrait pas avoir d'effet sensible. Deux grandes explications peuvent être invoquées.

La première concerne l'ampleur et les modalités d'application du crédit offert. En effet, le montant du WFTC peut être très important et atteindre une valeur de 92 livres par semaine pour une durée de travail comprise entre 16 et 25 heures hebdomadaires soit environ 7 800 euros par an. La PPE s'élève au maximum à 230 euros par an en 2001 (690 euros en 2003) pour un emploi au SMIC à plein temps 95 ( * ) . Elle représente au maximum 2,2 % du revenu déclaré avec le barème 2001 et 7,1 % avec le barème 2003 contre 40 % pour l'EITC et 160 % pour le WFTC (Cahuc, 2002). Certes, comme nous l'avons souligné plus haut, le WFTC comprend l'intégralité des aides familiales et sociales versées aux individus alors que la PPE ne constitue qu'un dispositif d'incitation à l'emploi 96 ( * ) . Il n'en reste pas moins que le système britannique est beaucoup plus généreux que le français. De plus le barème actuel de la PPE cherche à créer des incitations au travail là où il n'en manque pas. Son montant est maximum pour un Smic à plein temps. Or les individus concernés auraient pour la plupart travaillé en l'absence de la PPE : ils bénéficient pleinement d'un effet d'aubaine. En revanche, la PPE est très faible là où une trappe à inactivité est susceptible d'apparaître, au niveau du temps partiel.

En outre, alors que le WFTC est versé tous les mois sur la fiche de paie, la PPE est perçue tous les ans dans le cadre de l'impôt sur le revenu. Cette modalité de versement rend le dispositif moins visible par les individus qui de ce fait sont moins enclins à augmenter leur offre de travail. Le versement d'un acompte simplifié directement visible sur le salaire mensuel pourrait améliorer sensiblement le caractère incitatif de la PPE.

La seconde explication est relative aux institutions et à l'état du marché du travail (Cahuc (2002)). Le marché du travail français est très différent des marchés anglo-saxons. Il est illusoire d'espérer obtenir des résultats similaires à ceux obtenus sur le marché américain ou même britannique en appliquant ces mesures fiscales incitatives sur le marché français. Une étude menée par l'OCDE a montré l'importance de l'état du marché du travail sur les résultats en termes d'incitation au travail des crédits d'impôt. A l'aide d'un modèle d'équilibre général, les auteurs évaluent les effets d'un crédit d'impôt du type EITC au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Allemagne et en Suède en tenant compte des effets de bouclage macroéconomique 97 ( * ) pouvant influencer indirectement les performances des bénéficiaires du crédit (Bassanini et al. , 1999). Leur modèle distingue quatre catégories de travailleurs allant des « très bas salaires » (60 % du salaire moyen) aux « salaires moyens hauts » (90 % du salaire moyen). Ils concluent que la combinaison d'une structure de salaire compressée, de salaires de réserve 98 ( * ) élevés et de taux d'imposition élevés sur les revenus d'activité implique que le crédit d'impôt soit très coûteux. En effet dans ce cas, le crédit doit être suffisamment important pour que le revenu issu de la prise d'un emploi dépasse le salaire de réserve de l'individu. Selon les auteurs, en Suède et en Allemagne un crédit d'impôt élevé pourrait conduire in fine à une diminution des heures travaillées : les individus qui travaillaient déjà le jugeraient suffisamment attractif et réduiraient leur temps de travail pour satisfaire aux conditions de ressources et ainsi le percevoir. De ce fait l'efficacité des crédits d'impôt en matière de créations d'emplois devrait être beaucoup moins importante sur les marchés du travail européens continentaux, et donc en particulier en France, que sur les marchés du travail anglo-saxons caractérisés par une grande flexibilité des salaires.

En conclusion, les effets sur l'offre de travail du WFTC devraient être limités et ceux de la PPE très décevants. Mais l'objectif des pouvoirs publics devrait être aussi d'assurer un niveau de ressources suffisant aux personnes peu qualifiées et peu rémunérées : ce type d'aide bénéficie-t-il aux ménages situés au bas de la distribution des revenus ?

3. Qu'en est-il des effets redistributifs ?

La littérature concernant l'évaluation des effets redistributifs du WFTC est relativement abondante. Les modèles français (Myriade pour la CNAF et Inès pour l'INSEE) n'intègrent pas les réactions comportementales des agents et ne permettent donc pas d'évaluer ex ante les effets de la PPE sur l'offre de travail des individus. Cependant, ils offrent une représentation assez fidèle du dispositif et donnent donc un chiffrage des effets redistributifs assez précis. Alors que le WFTC ne touche que 1 foyer sur 20, la PPE concerne 1 foyer sur 4 (contre 1 sur 5 pour l'EITC). Ce simple constat montre que le WFTC s'adresse à une population plus spécifique que ne le fait la PPE (et l'EITC).

Globalement le WFTC et la PPE profitent aux ménages du bas de la distribution des revenus. Cependant, alors que le WFTC est plus généreux avec les ménages les plus pauvres, la PPE est davantage ciblée sur le troisième décile et s'étale très haut dans la distribution des revenus (Lhommeau et al. , 2001, Legendre et al. , 2001 99 ( * ) ). Le WFTC bénéficie principalement aux ménages appartenant aux deux premiers déciles qui devraient voir leur revenu progresser en moyenne de 5,2 %. Alors que la PPE 2003 devrait engendrer une augmentation de revenu de 2,5 % et de 1,6 % pour respectivement les premier et deuxième déciles. Les ménages du troisième décile verraient quant à eux leur revenu augmenter de 3 % par le WFTC alors que l'effet de la PPE sur le revenu de cette population serait de 1,2 % (Atkinson et al. , 2001). Les individus appartenant aux 10 % les plus pauvres ne peuvent bénéficier de la PPE. Cahuc (2002) explique cela par les caractéristiques du marché du travail français : le salaire minimum élevé implique que les individus ayant une productivité trop faible ne peuvent trouver un emploi et donc ne peuvent pas bénéficier de la mesure. Enfin, le revenu des 10 % ménages les plus riches diminuerait de 0,6 % en moyenne dans le cas anglais alors que la PPE n'a pas d'effet sur le revenu de ce décile.

L'ensemble des réformes engagées par le gouvernement travailliste au Royaume-Uni devrait entraîner un fort recul de la pauvreté chez les enfants avec une diminution de 22,5 % du poverty gap (écart moyen au seuil de pauvreté du revenu du ménage auquel l'enfant appartient), dont 4,7 % imputables au WFTC (Piachaud et Sutherland, 2000). Les ménages avec enfants seraient majoritairement gagnants (et principalement les couples inactifs initialement). Les familles profitant le moins des réformes seraient celles où les deux conjoints travaillent.

Au contraire, la mise en place de la PPE et la refonte de l'aide au logement n'ont pas eu d'effets sensibles sur la pauvreté monétaire (Legendre et al. , 2001). Les trois réformes et plus particulièrement la PPE ont accru l'écart entre actifs et inactifs. : avec une réduction de la pauvreté dans le premier groupe plus importante (Lhommeau et al. , 2001). Le montant de la prime est croissant avec le nombre d'heures travaillées pour des rémunérations horaires inférieures au SMIC, puis au-delà elle décroît à mesure que le temps de travail augmente. Ce principe implique une certaine ambiguïté quant à la cible visée. D'une part elle est défavorable aux travailleurs à temps partiel subi. Or, ceux-ci constituent l'essentiel des travailleurs pauvres. Mais d'autre part elle favorise les travailleurs ayant une rémunération horaire faible et donc devrait malgré tout cibler une partie de cette catégorie d'individus 100 ( * ) .

Quoiqu'il en soit, l'introduction de la PPE a permis de réduire le taux moyen des prélèvements nets sur les individus les plus modestes appartenant à un ménage mono-actif qui ne pouvaient profiter des baisses d'impôts car ils étaient non imposables 101 ( * ) . Selon Lhommeau et al. (2001), le taux de prélèvement net de prestations sociales du premier décile a été réduit de 2,4 points. Cette baisse est due pour 1,1 point à la PPE et pour le reste à la réforme de l'allocation logement. Legendre et al. (2001) concluent qu'un durcissement de la condition d'éligibilité du ménage à la PPE permettrait de réorienter la prime vers les premiers déciles et d'accentuer son effet redistributif en faveur des ménages les plus pauvres. Mais ils soulignent que cette mesure pourrait avoir un effet discriminatoire selon le type de ménage (couple marié, concubin) et qu'elle favoriserait le temps partiel pour le travailleur secondaire au sein d'un couple marié. En outre les simulations ne tiennent pas compte des réactions comportementales, or les désincitations à l'offre de travail sont d'autant plus fortes que l'effet de seuil l'est. L'arbitrage protection-incitation reste au coeur du débat.

Conclusion

Les Etats membres de la Communauté européenne ont amorcé un processus d'allègement de la charge fiscale pesant sur le travail, accusée de pénaliser l'activité des travailleurs non qualifiés. Les réformes ont principalement porté sur le côté fiscal et assez peu du côté du système social (Carone et Salomaki, 2001). Les mesures n'ont le plus souvent pas tenu compte de l'interaction entre les deux sphères. Elles auraient sans doute nécessité une approche plus globale du système redistributif. La France fait exception, elle s'est en effet engagée dans une voie qui consiste à considérer les influences du système fiscalo-social dans sa globalité et les réformes ont permis de rétablir les incitations financière à prendre un emploi.

Les nouvelles propositions du gouvernement britannique prévoit un élargissement de l'utilisation du système fiscal dans un but de protection sociale. La réforme annoncée pour 2003 élargit sensiblement la population visée par les crédits d'impôt : ils devraient être perçus non seulement par les familles avec enfants (avec ou sans revenu d'activité), mais également par les actifs sans enfant.

Les effets sur l'offre de travail des travailleurs peu qualifiés restent incertains. Les quelques évaluations réalisées dans le cas du Royaume-Uni ne sont pas très encourageantes. Par ailleurs l'exemple des Etats-Unis montre que, s'il y a un effet global positif sur l'offre de travail, il ne faut pas s'attendre à une modification majeure des comportements. Par contre, la PPE semble ne pas avoir d'effets significatifs positifs sur l'offre de travail et les élargissements prévus pour 2003 ne devraient pas modifier sensiblement ce résultat. En effet, le marché du travail français s'avère inadapté pour ce type de mesures qui ne permet pas de stimuler l'emploi en présence d'un salaire minimum élevé relativement à celui qui prévaut sur le marché du travail anglo-saxon. Il n'est donc pas souhaitable de calquer les mesures prises dans des pays anglo-saxons pour les appliquer à des pays où les situations institutionnelles et conjoncturelles diffèrent.

En conclusion, en ce qui concerne les incitations au travail des personnes peu qualifiées, ce n'est pas tant la fiscalité qui est en cause que les mécanismes d'attribution des transferts sociaux. Il serait donc plus adapté de modifier le dispositif social de façon à aménager les sorties du RMI vers l'activité. Diverses propositions ont été faites dans cette optique. Par exemple, l'Allocation compensatrice de revenu (ACR) proposée par Godino (1999) permettrait de lisser les effets de seuil défavorables à l'emploi. En outre, le mécanisme de l'ACR serait nettement plus redistributif que la PPE en faveur des ménages à faible niveau de vie (CERC, 2001). Par ailleurs, s'agissant de stimuler l'emploi des personnes peu qualifiées, il semble que ce segment du marché du travail souffre davantage d'un problème de demande de travail que d'un problème d'offre. Or, pour éradiquer le chômage involontaire, les mesures fiscales du type « allègements de charges sociales » pour les emplois peu qualifiés ont fait leurs preuves (Charpail et al. , 1999). Ces mesures sont non seulement efficaces du point de vue de l'emploi mais également peu coûteuses pour les finances publiques (Cahuc, 2002). C'est dans ce sens que le système fiscal français devrait être utilisé pour améliorer l'emploi des personnes peu qualifiées.

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Annexe 1 : Taux de chômage, d'emploi et d'activité selon le niveau de qualification en Europe

Tableau 1 : Évolution des taux de chômage en Europe (en % de la population active civile)

 

1977

1980

1985

1990

1995

2000

Allemagne

3,9

3,2

7,3

4,8

8,2

8,1

Autriche

1,6

1,9

3,6

3,2

3,7

3,6

Belgique

6,8

8,1

12,6

8,9

13,0

10,0

Danemark

7,4

6,9

7,3

8,4

7,1

4,6

Espagne

5,2

11,5

21,7

16,3

22,9

14,1

Finlande

5,9

4,7

5,0

3,2

15,4

9,8

France

5,2

6,5

10,5

9,1

11,8

9,9

Grèce

1,7

2,8

7,8

7,0

10,0

11,1

Irlande

8,8

7,4

16,7

13,0

12,2

4,3

Italie

7,2

7,7

10,4

11,5

11,7

10,7

Luxembourg

0,5

0,7

1,6

1,1

2,3

1,9

Pays-Bas

5,5

6,2

11,1

7,6

7,1

3,0

Portugal

7,5

7,8

8,7

4,6

7,2

4,0

Royaume-Uni

5,2

5,7

11,3

6,9

8,7

5,5

Suède

2,0

2,2

3,1

1,8

9,2

5,9*

EU 15

5,2

6,1

10,5

8,2

10,8

8,4

Etats-Unis

7,1

7,1

7,2

5,6

5,6

4,0

Source : OCDE, (2001), Statistiques de la population active 1980-2000. :* 1999

Tableau 2 : Taux de chômage selon le niveau de qualification pour les personnes âgées de 25 à 64 ans,
en 1999 en %

 

Niveau inférieur au 2 e cycle
de l'enseignement secondaire

2 e cycle
de l'enseignement secondaire

Enseignement supérieur

Allemagne

15,8

8,8

4,9

Autriche 1

6,9

3,6

2,0

Belgique

12,0

6,6

3,1

Danemark

7,0

4,1

3,0

Espagne

14,7

12,7

11,1

Finlande

13,1

9,5

4,7

France

15,3

9,2

6,2

Grèce

8,5

10,9

7,5

Irlande

11,6

4,5

3,0

Italie

10,6

8,0

6,9

Luxembourg

3,7

1,1

1,0

Pays-Bas

4,9

2,4

1,7

Portugal

4,2

5,1

2,5

Royaume-Uni

10,0

4,7

2,7

Suède (1999)

9,0

6,5

3,9

EU 15

11,5

7,2

5,1

Etats-Unis

7,7

3,7

2,1

1. Les données se réfèrent à l'année 1998.

Lecture du tableau : en France, en 1999, 15,3 % des personnes en âge de travailler ayant de faibles qualifications sont au chômage, contre 6,2 % pour les personnes les plus qualifiées.

Source : OCDE, Regards sur l'éducation-Les indicateurs de l'OCDE, 2001.

Tableau 3 : Taux d'activité selon le niveau de qualification pour les personnes âgées de 25 à 64 ans,
en 1999 en %

 

Niveau inférieur au 2 e cycle de l'enseignement secondaire

2 e cycle de l'enseignement secondaire

Enseignement supérieur

Allemagne

58,0

76,6

87,4

Autriche *

56,6

78,1

88,1

Belgique

55,8

79,8

88,1

Danemark

66,3

84,2

90,6

Espagne

59,8

79,9

87,2

Finlande

67,4

82,2

88,9

France

66,6

82,8

87,2

Grèce

60,0

72,8

87,3

Irlande

60,4

75,1

87,9

Italie

53,3

76,1

86,7

Luxembourg

56,6

73,9

85,9

Pays-Bas

59,7

80,2

88,7

Portugal

79,3

86,4

93,0

Royaume-Uni

58,4

82,9

90,1

Suède (1999)

73,1

85,1

89,0

EU 15

69,5

83,2

91,0

Etats-Unis

62,7

79,2

86,4

1. Les données se réfèrent à l'année 1998.

Lecture du tableau : en France, en 1999, 66,6 % des personnes ayant de faibles qualifications sont actives (soit elles ont un emploi, soit elles sont au chômage, soit elles sont en formation), contre 87,2 % pour les personnes les plus qualifiées.

Source : OCDE, Regards sur l'éducation-Les indicateurs de l'OCDE, 2001.

Tableau 4 : Taux d'emploi selon le niveau de qualification pour les personnes âgées de 25 à 64 ans, en 1999 en %

 

Niveau inférieur au 2 e cycle
de l'enseignement secondaire

2 e cycle
de l'enseignement secondaire

Enseignement supérieur

Allemagne

48,9

69,9

83,1

Autriche *

52,6

75,3

86,4

Belgique

49,1

74,5

85,4

Danemark

61,7

80,7

87,9

Espagne

51,0

69,6

77,6

Finlande

58,6

74,3

84,7

France

56,4

75,1

81,8

Grèce

54,8

64,9

80,7

Irlande

53,4

71,7

85,2

Italie

47,7

70,0

80,7

Luxembourg

54,5

73,0

85,0

Pays-Bas

56,8

78,3

87,2

Portugal

75,9

82,0

90,7

Royaume-Uni

52,6

78,9

87,7

Suède (1999)

66,5

79,6

85,6

EU 15

54,0

73,9

83,6

Etats-Unis

57,8

76,2

84,6

1. Les données se réfèrent à l'année 1998.

Lecture du tableau : en France, en 1999, 56,4 % des personnes ayant de faibles qualifications ont un emploi contre 81,8 % pour les personnes les plus qualifiées.

Source : OCDE, Regards sur l'éducation-Les indicateurs de l'OCDE, 2001.

Annexe 2 : Les réformes récentes des systèmes redistributifs en Europe

Tableau 1 : Les mesures fiscales d'incitation au travail des personnes non qualifiés

Allemagne

Réduction générale des impôts sur le revenu : taux marginal minimum ramené de 22,5 % (2000) à 15 % (2005).

Majoration du revenu minimum exonéré d'impôt.

Autriche

Réduction des taux d'imposition des bas et des moyens revenus.

Relèvement des allocations familiales.

Belgique

Introduction d'un crédit d'impôt remboursable pour les travailleurs faiblement rémunérés.

Hausse de 20 % à 25 % de la déduction forfaitaire des frais pour les personnes soumises au taux d'imposition minimum.

Réduction des cotisations de sécurité sociale spécialement pour les travailleurs faiblement rémunérés (réduction forfaitaire des CSS payées par les employeurs et les employés).

Danemark

Réduction graduelle des taux marginaux d'imposition pour les bas et moyens revenus (1999-2002).
Pour les bas revenus la réduction peut aller jusqu'à 8 points de %.

Espagne

Réduction du taux marginal d'imposition minimal de 2 points.

Mise en place d'un abattement personnel.

Finlande

Réduction cumulative pour 2000-2001 pour toutes les tranches mais les revenus les plus faibles ont été spécialement visés par la suppression de la tranche d'imposition la plus faible.

Augmentation du crédit d'impôt sur les salaires dans l'imposition nationale (2001) et municipale (2002).

France

Réforme de l'impôt sur le revenu de 2001 à 2003 avec des réductions d'imposition ciblées sur les revenus (au total la réduction générale de l'IRPP s'élève à 0,5 % du PIB soit 22 milliards de F en 2001).

Introduction d'un crédit d'impôt remboursable (PPE) pour les salaires jusqu'à 1.4 SMIC.

Modification des revenus pris en compte dans le calcul de la taxe d'habitation pour limiter l'effet de seuil entre RMI et emploi.

Grèce

Augmentation des abattements, majoration des crédits d'impôts pour enfants, suppression des critères forfaitaires.

Irlande

Baisse du taux de base de 24 % en 1999/00 à 22 % en 2000/01.

Rehaussement du seuil d'exonération.

Remplacement du principe de déductibilité des revenus par un régime de crédits d'impôt pour toute une série d'éléments.

Italie

Réduction des taux de base de l'IR de 19 % en 1999 à 18 % en 2002.

Modification de la tranche des revenus soumis à l'imposition de base passant de 9,1 / 15 millions de Lit à 12/20 millions de Lit.

Luxembourg

Majoration du revenu minimum imposable qui a été augmenté de 130,8 % entre 1990 et 2002.

Réduction des taux marginaux d'imposition de 2 % en 2001 et de 4 % en 2002.

Pays-Bas

Introduction d'un système de 3 « boîtes » de revenus regroupant des types de revenus qui sont soumis au même type d'imposition. La boîte 1 regroupe les revenus du travail et la valeur locative d'un logement en propriété et se voit appliquer un barème progressif.

Réduction des taux d'imposition de toutes les tranches, le plus faible passant de 4,5 % à 2,8 %.

Augmentation du niveau de revenu imposable.

Introduction d'un crédit d'impôt à l'emploi pour les employés (maximum 920 € pour des niveaux de revenu supérieurs au salaire minimum).

Un remboursement des prélèvements est introduit dans le but d'encourager les deux partenaires à rechercher un emploi rémunéré.

Portugal

Conversion des abattements en crédits d'impôts (depuis 1999).

En 2001, réduction générale des taux de toutes les tranches : taux réduit pour les faibles revenus du travail et consolidation du revenu minimum.

Les époux peuvent faire des déclarations séparées..

Royaume-Uni

Remplacement du programme Family Credit par le programme plus généreux Working Families tax Credit (2000).

Le crédit d'impôt à l'emploi ( Working Tax Credit ) étend le principe du WFTC aux travailleurs sans enfant.

Introduction d'un crédit d'impôt sous condition de ressources pour les enfants (2001).

Crédit au titre de l'impôt sur les salaires et traitements à partir de 2003.

Réduction des taux marginaux d'imposition, le taux de la 1 ère tranche passant de 20 à 10 %.

Suède

Réduction des taux applicables aux bas et moyens revenus.

Relèvement du revenu minimum exonéré (le % de contribuables qui acquittent l'impôt national devrait tomber de18 % à 15 %).

De nouvelles réductions sont prévues pour 2001-2002.

Source : Carone et Salomäki (2001).

Tableau 2 : Les mesures sociales d'incitation au travail des personnes non qualifiées

 

Prestations de chômage : niveau des prestations, durée, droit aux prestations et exigences de disponibilité à l'embauche

Régimes sous condition de ressources : allocations de logement, assistance sociale, allocations familiales

Prestations subordonnées à un emploi

Allemagne

Les chômeurs peuvent bénéficier de mesures actives (emplois subventionnés) après 6 mois (et non plus 12 mois) depuis 1999.

Application plus sévère des conditions de ressources au travail partiel dans le système de sécurité sociale (1998)

--

Autriche

Déduction d'une partie seulement du revenu du travail temporaire des prestations chômage (1998)

--

--

Belgique

Adaptation des règles relatives aux prestations de chômage afin de tenir compte des nouvelles dispositions concernant le chômage temporaire et le travail volontaire.

--

Introduction d'un seuil d'aide au revenu pour les personnes ayant un emploi dans le cadre d'un régime de réinsertion professionnelle (1998).

Possibilité de percevoir des allocations payées par l'assurance chômage pour les personnes ayant un emploi dans le cadre d'un régime de réinsertion professionnelle (1998).

Paiements forfaitaires en faveur des parents isolés chômeurs de longue durée et remboursement des frais de déménagement pour prendre un emploi.

Danemark

Réduction de 5 à 4 ans de la durée de prestations chômage (1999).

Renforcement des exigences de disponibilité à l'embauche (1999)

Resserrement des règles relatives au droit au « minimum garanti » (assistance sociale) pour les jeunes de moins de 25 ans.

Extension du droit et de l'obligation d'activité à toutes les personnes bénéficiaires de l'aide sociale (1999).

 

Espagne

--

--

--

Finlande

Majoration des prestations de chômage partiel pour favoriser l'emploi à temps partiel (1997).

Resserrement des conditions fixées pour pouvoir bénéficier des prestations du régime d'assurance chômage (10 mois au lieu de 6, 1997)

Modification du régime d'assistance sociale visant à abaisser le plancher de salaire (1998)

--

France (2000)

--

Extension du mécanisme d'intéressement qui permet de cumuler des revenus d'activité avec l'allocation RMI pendant les 12 1 er mois de l'emploi (1998).

Réforme de l'allocation logement pour limiter le seuil à l'entrée du marché du travail.

--

Grèce

Aide aux jeunes chômeurs de plus de 20 ans pour les encourager à suivre une formation et à rechercher un emploi dans le cadre d'un programme d'une durée limitée (1998-2000).

--

--

Irlande

--

Conservation du supplément pour loyer et prêt hypothécaire pour les bénéficiaires du Community Employment Scheme et du Revenu job Assist (1999)

Amélioration du régime de réinsertion professionnelle (indemnités de transport, primes au commencement d'une formation, 1999)

Italie

--

--

--

Luxembourg

--

--

--

Pays-Bas

--

Mise en place d'un programme permettant l'amélioration de la prise en charge des enfants (1999).

--

Portugal

Création d'une allocation chômage partiel pour promouvoir le travail à temps partiel (1999).

Système d'offre d'emplois aux bénéficiaires du revenu minimum garanti ; suppression de l'aide en cas de refus

--

Suède

Renforcement des exigences de mobilité d'emploi et de mobilité géographique dans le cadre de l'assurance chômage (2000)

--

--

Royaume-Uni

Introduction d'un entretien obligatoire avec un conseiller en emploi pour pouvoir bénéficier des prestations (ONE, 1999)

Introduction d'un salaire minimum national pour soutenir la stratégie visant à rendre le travail financièrement plus attrayant (1999).

Introduction d'un prélèvement de 10 p au titre de l'impôt sur le revenu sur la 1 ère tranche de 1500 pos de revenu imposable (1999).

Liaison plus étroite entre le bénéfice des prestations et la participation à des initiatives du New Deal pour les jeunes chômeurs (18 à 24 ans), les handicapés, les parents isolés et les conjoints de chômeurs.

Source : Rapport conjoint sur l'emploi 2000, MISSOC INFO Evolution de la protection sociale dans les Etats membres de l'Union européenne, Plans d'action nationaux pour l'emploi 1998, 1999 et 2000.

Annexe 3 : Systèmes d'impôt sur le revenu en Europe

Tableau 1 : Description du bas du barème d'imposition sur le revenu dans les pays européens
(pour un célibataire sans enfant)

 

Seuil d'exonération en €
(% du SMO)

Taux marginal
le plus faible du barème

Commentaires

 

1999

2001/2002

1999

2001/2002

 

Allemagne

6 681 € (21,47 %)

7 236 €

Formule 1 ère tranche imposable :179,13*Revenu
+ 1 222)*Revenu

Formule 1 ère tranche imposable :768,85*Revenu
+ 1990)*Revenu

Système d'abattements et de crédits d'impôt en fonction de la situation familiale (pas d'abattement personnel de base)

Déclaration séparée.

Autriche

3 634 € (16,07 %)

8 721 €

10 %

0 % *

Système d'abattements et de crédits d'impôt remboursables (pas d'abattement personnel de base)

Certaines allocations ne sont pas imposables (alloc. fam., maternité...)
Imposition conjointe avec option de déclaration séparée.

Belgique

6 321 € (22,39 %)

5 280 €

25 %

25 %

Système de quotient familial, l'exonération dépend de la situation familiale.
Les cotisations sociales sont déductibles du revenu brut.

Crédit d'impôt remboursable. Imposition conjointe

Danemark

4 345 € (11,78 %)

4 493 €

7,5 %

6,25 %

Diverses déductions fiscales (cotisations retraite, frais professionnels...).
Imposition séparée. Imposition gouvernementale et locale.

Espagne

3 606 € (24,82 %)

3 678 €

15 % **

15 %

Système d'abattements et de crédits d'impôt lié à la situation familiale (abattement personnel de bas e de 3 306 €). L'imposition est séparée mais avec une possibilité de déclaration conjointe pour les couples mariés. Environ 3 % sont prélevé en plus des 15 % pour la 1 ère tranche par les collectivités locales.

Finlande

7 905 € (32,1 %)

8 006 €

5,5 %

5 %

Divers abattements et crédits d'impôt en fonction du type de revenu. Imposition séparée. Imposition nationale et municipale.

France

3 998 € (19,25 %)

4 121 €

10,5 %

7,5 %

Système du quotient familial et divers abattements, PPE.
Quotient conjugal

Grèce

5 576 € (55,8 %)

nd

5 %

nd

Système d'abattements et de crédits d'impôt en fonction de la situation familiale. Les cotisations sociales sont déduites du revenu imposable. Imposition séparée.

Irlande

0 à 17 776 € (86,4 %)

0 à 25 395 €

24 %

20 %

Système complet de crédits d'impôts divers et d'abattements (abattement de base de 5 333 €). Déclaration conjointe avec possibilité de déclaration séparée si le montant d'imposition est le même que sous l'imposition jointe.

Italie

0 à 7 750 € (38,55 %)

0 à 10 329 €

18,5 %

18 %

Système de crédits d'impôt et d'abattement en fonction de la situation familiale. Imposition séparée.

Luxembourg

8522 € (23,79 %)

nd

6 %

nd

Système d'abattements et de crédits d'impôt. Barème à 18 tranches. Imposition conjointe.

Pays-Bas (2002)

6 806 € (29,13 %)

14 363 €

6,2 %

3 %

Réforme fiscal de fond en 2001 : adoption d'un système de « 3 boîtes » de revenus et d'un système complet de crédits d'impôt non remboursable (crédit de base de 1 576 €). Imposition séparée.

Portugal

0 à 3 492 € (47,96 %)

nd

14 %

nd

Système d'abattements et de crédits d'impôt. (abattement forfaitaire de 2 604 €). Les cotisations sociales sont déductibles au-delà d'un montant de 2 642 €). L'unité d'imposition est le revenu de la famille.

Royaume-Uni

0 à 2 431 € (11,85 %)

0 à 3 050 €

10 %

10 %

Système d'abattements et de crédits d'impôt remboursables.
Imposition séparée.

Suède (1999)

24 125 (99,3 %)

24 158 €

0

22 € 3

Système d'abattements et de crédits d'impôt divers indépendant de la situation familiale. Déduction de base qui va de 958 € à 1 994 €. Imposition séparée.

1. Le taux de la tranche suivante est passé de 22 % à 21 %.

2. Le montant d'impôt pour le niveau de revenu imposable de la 1 ère tranche est de 90 000 pesetas (541 €) puis au-delà de cette limite et dans cette tranche le revenu est imposé à 15 %. On note qu'en 1998, le taux était de 17 %.

3. Dans cette tranche de revenu, l'impôt est forfaitaire, puis pour tout revenu au-delà de ce seuil, le contribuable paie en plus (20 % pour 1999) 25 % de son revenu imposable. Par ailleurs il ne s'agit ici que de l'impôt national, il existe un impôt municipal sur le revenu qui varie de 26 % à 35 %.

Sources 1999 : OCDE, Taxing wages, 1999-2000.

Sources 2002 : http://europa.eu.int/comm/ta xation_customs/taxation/taxat ionlinks.htm (Sites web des différents ministères des finances).

Annexe 4 : Caractéristiques générales des crédits d'impôt

Tableau 1 : Caractéristiques générales des crédits d'impôt mis en place dans les dernières réformes fiscales de quelques pays européens

Oui

Familiale

Octobre 1999

Parents isolés et couples avec enfant

Crédit de base par famille:85,06 € par semaine ;

Crédit supp. pour les enfants de 34,02 à 42,19 € par semaine selon leur âge.

Crédit supp. pour ceux qui travaillent plus de 30 heures : 18.01 € par semaine.

55 % à partir de 146,43 € par semaine

5 milliards de £ soit 8,11 milliards d'€

1 269 000 (au 31 mai 2001)

82,21 £ par semaine soit 134,81€ soit environ 6 470 € par an.

Oui : 16 heures avec une prime pour plus de 30 heures

 

Belgique :
Crédit d'impôt

Oui

Individuelle

2000

Toute personne dont les revenus d'activité sont positifs mais limités

619,73 par an

3718,4 à 12 394,68

pour tout niveau de revenu situé au-delà de 14 873,61 € le crédit est nul

27 milliards de BEF soit 669,31 millions d'€ pour l'année 2001

1 430 000 individus dont : 867 000 pour l'intégralité du crédit et 233 000 ayant droit à un rembourse-ment d'impôt

471 € par an

oui

Pays Bas :

Non

Individuelle

2001

Un crédit d'impôt est offert pour contribuable employé ( Employment Rebate )

Le montant max : 920 € pour le niveau du salaire minimum.

Il n'est pas dégressif pour des niveaux de salaire supérieurs au seuil du sal min.

816 millions de florins soit environ 370 millions d'€ (coût estimé)

 
 
 

Source France : Ministère des Finances.

Source Belgique : Reynders (2000).

Source Royaume-Uni : Chambaz et Lequet-Slama (2000), Brewer, Clark et Myck (2001).

Source Pays-Bas : Ministry of Finance (2001).

Annexe 5 : Description des crédits d'impôt au Royaume-Uni, en France, en Belgique et aux Pays-Bas

A. Royaume-Uni : du WFTC au Working Tax Credit

1. Fonctionnement général

L'objectif du WFTC est de rétablir les incitations à prendre un emploi et ainsi réduire les trappes à inactivité et à pauvreté, en particulier en allégeant le coût de la garde des jeunes enfants. Il s'agit d'offrir un crédit d'impôt aux familles avec enfants (avec une condition sur l'âge) ayant de faibles ressources et comprenant au moins un actif travaillant au minimum 16 heures par semaine. Au final, cette mesure devrait permettre de redistribuer 5 milliards de livres à environ 1,5 million de familles.

Tableau 1 : Montants du WFTC en 1999-2000

 

WFTC par semaine

Crédit de base par famille

59 £ soit 95,58 €

Crédit pour les enfants :

Entre 0 et 15 ans

Entre 16 et 18 ans

26 £ soit 42,12 €

26,75 £ soit 43,33 €

Crédit supplémentaire 1

11,45 £ soit 18,55 €

Taux de retrait au-delà du seuil

55 % au-delà de 91,45 £ soit 146,43 €

Crédit supplémentaire Adulte invalide

16 £ soit 25,94 €

Crédit supplémentaire pour enfant handicapé

30 £ soit 48,63 €

Crédit supplémentaire pour enfant
avec invalidité renforcée

41,05 £ soit 66,55€

Allocation pour garde d'enfant 2

70 % des frais de garde d'enfants sont pris en charge dans la limite de 135 £ ( 218,69 € ) pour un enfant et 200 £ ( 323,99 € ) pour deux enfants et plus

1. Lorsque le travailleur principal travaille plus de 30 heures par semaine.

2. Seuls les parents isolés travaillant au moins 16 heures par semaine sont éligibles à ce supplément ou les couples dans lequel les deux travaillent au moins 16 heures par semaine (à moins que l'inactif ne soit bénéficiaire d'une pension d'invalidité).

Source : http://www.inlandrevenue.gov.uk/wftc/howmuch.htm

Le WFTC est versé pour une période de 6 mois et ouvre droit à d'autres prestations en nature dans les domaines de l'éducation et de la santé.

2. Mode de versement

Le WFTC est versé sur une base familiale contrairement à l'impôt sur le revenu, calculé sur une base individuelle. Ce principe se justifie en termes d'équité entre les ménages, et de coût budgétaire ainsi que la volonté d'exclure du dispositif les jeunes adultes vivant encore chez leurs parents. Le travailleur perçoit le crédit sur sa paie 105 ( * ) (si le couple est bi-actif, il choisit lequel des deux travailleurs va percevoir le crédit).

L'administration fiscale examine les conditions d'éligibilité du ménage et calcule les droits associés, puis l'employeur verse directement au salarié le crédit d'impôt auquel il a droit soit sous forme d'un complément de rémunération, soit sous forme d'un allègement des prélèvements fiscaux qu'il doit effectuer.

Graphique 1 : Montant du WFTC en euros



Source : Institue for fiscal Studies, Inland Revenue.

Cette double gestion comporte plusieurs risques. D'une part, les employeurs peuvent exercer une pression à la baisse des salaires, mais ceci est atténué par la mise en place d'un salaire minimum en 1999. D'autre part, il existe une possibilité de collusion entre l'employeur et l'employé concernant la fixation des horaires en fonction du nombre minimal requis pour être éligible (16 ou 30 heures). Enfin le problème de la confidentialité de la situation familiale de l'employé est soulevé par ce mode de gestion.

Le WFTC offre un avantage en termes de ciblage relativement aux transferts sociaux traditionnels, notamment le Family Credit qu'il a entièrement remplacé. En effet, certaines prestations souffrent d'un taux de recours 106 ( * ) faible ce qui implique qu'une partie importante de la population visée par le transfert ne le perçoive pas. Le dispositif devient de facto moins efficace en termes de redistribution. Les raisons du « non-recours » sont multiples : effets stigmatisants associés à la perception du transfert, mauvaise compréhension par les individus éligibles, manque d'information... Le Family Credit engendrait d'un taux de recours très faible contrairement au WFTC, certainement jugé moins stigmatisant par les bénéficiaires potentiels.

3. Population concernée

En février 2000, 1 026 000 personnes étaient bénéficiaires du WFTC ou du FC (allocataires résiduels). 2 millions d'enfants appartenaient à des ménages bénéficiant de la nouvelle mesure et 43 % d'entre eux étaient dans des familles monoparentales. 51 % des allocataires du WFTC sont des parents isolés et presque exclusivement des femmes (seulement 2 % sont des hommes). Les 49 % autres sont des couples et dans 79 % des cas l'homme est le travailleur principal. Plus d'une famille sur 10 allocataires du WFTC perçoit une aide à la garde d'enfant ; dans 90 % des cas ce sont des familles monoparentales. Le WFTC a permis d'augmenter les transferts liés à la garde des enfants.

4. Vers une extension du WFTC aux ménages sans enfant

Les nouvelles propositions du gouvernement britannique reposent sur un élargissement de l'utilisation du système fiscal dans un but de protection sociale. Une nouvelle réforme du système fiscalo-social anglais est prévue pour 2003, elle remplacera le WFTC par deux types de crédits :

Un crédit d'impôt intégré pour les enfants et un crédit d'impôt pour l'emploi.

Un crédit d'impôt pour les retraités (voir chapitre 3.3).
Le crédit d'impôt pour les enfants sera offert à toutes les familles avec enfants, sans exigence d'activité. Ainsi non seulement les familles participant au marché du travail et faiblement rémunérées en bénéficieront mais également celles qui sont hors du marché du travail. Il est offert au principal carer des enfants (le plus souvent la mère). Il se substitue au FC et au WFTC. Par ailleurs le Working Tax Credit permettra d'aider les travailleurs faiblement rémunérés, avec ou sans enfant.

B. La Prime pour l'emploi en France

1. Fonctionnement général

Afin d'inciter le retour à l'emploi et le maintien de l'activité, le gouvernement français a mis en place une Prime pour l'emploi applicable à l'automne 2001. Elle est destinée à compenser une partie des prélèvements sociaux et des charges fiscales qui pèsent sur les revenus d'activité permettant ainsi d'améliorer la rémunération du travail. Elle concerne les personnes ayant une activité salariée ou non salariée et ayant des revenus modestes. Elle est individuelle dans le sens où chaque travailleur du foyer peut y prétendre mais elle repose sur une condition de ressources qui englobe l'ensemble des revenus du foyer fiscal.

Trois conditions sont requises pour en bénéficier :

l'un des membres du foyer fiscal doit exercer une activité professionnelle ;

Le revenu fiscal du foyer doit être inférieur à un certain seuil soit 76 000 francs (11 772 euros soit environ 1 SMIC) par an pour les personnes isolées, et 152 000 francs (23 544 euros soit plus de 2 SMIC) pour les couples déclarés. Ces seuils sont majorés de 21 000 francs pour chaque demi-part supplémentaire ;

le montant des revenus d'activité de chaque bénéficiaire potentiel doit être supérieur à 20 575 francs (3 187 euros soit environ 0,3 SMIC) par an et inférieur à 96 016 francs (14 872 euros soit un peu moins d'1,5 SMIC) pour les personnes isolées et les couples bi-actifs et 146 257 francs (22 654 euros soit environ 2 SMIC) pour les couples mono-actifs et les célibataires avec enfants à charge.
En cas de travail à temps partiel ou de travail à temps plein sur une partie de l'année seulement, le revenu d'activité est recalculé en « équivalent temps plein » (pour éviter que des personnes ayant un taux de salaire horaire élevé mais ne travaillant pas beaucoup sur l'année ne bénéficient de la PPE).

2. Mode de versement

Pour les personnes imposables, la PPE vient automatiquement en déduction de l'impôt sur le revenu du foyer fiscal. Si le montant de l'impôt sur le revenu du foyer est inférieur à celui de la prime, la différence est restituée par chèque du trésor public. Pour les personnes non imposables, l'intégralité de la PPE est versée par chèque du TP.

Le montant de la PPE est maximal pour un actif au SMIC, elle est de 1 500 francs (544 euros) . Elle est majorée de 500 francs pour les couples mono-actif et de 200 francs (31 euros) par personne à charge. Son montant minimal est de 160 francs (19 euros) par foyer bénéficiaire. Son montant moyen est de 946 francs soit 144 euros par foyer bénéficiaire. En 2001, 8 milliards de francs, soit 1,22 milliard d'€ de pouvoir d'achat auront été distribués au titre de la PPE. Son montant est doublé en 2002.

Si l'ensemble des conditions d'éligibilité est réuni, le calcul de la PPE revenant au foyer fiscal comporte deux étapes : d'une part le calcul de la prime pour chaque membre du foyer et d'autre part le calcul de la prime pour l'ensemble du foyer.

Tableau 2. Calcul de la prime pour chaque membre du foyer

Le tableau tient compte des modifications (doublement de la PPE) instaurée par la législation de 2002 :

Situation familiale

Niveau du revenu d'activité

Formule de calcul de la PPE
sans majoration

Célibataires, veufs, divorcés (à temps partiel)

3 187 € < R< 10 623 €

R * 4,4 %

Mariés bi-actifs ou personnes à charge du foyer exerçant une activité professionnelle au moins rémunérée 20 575 F

10 623 € < R < 14 872 €

(14 872 - R) * 11 %

Mariés mono-actifs

3 187 € < R< 10 623 €

(R * 4,4 %) + 76,22 €

10 623 € < R < 14 872 €

[(14 872 - R) * 11 %]+76,22 €

14 872 € < R < 20 911 €

76,22 €

20 911 € < R < 22 654 €

(22 654 - R) * 11 %

Célibataires, veufs, divorcés à temps plein

3 187 € < R< 10 623 €

(R * 4,4 %)

10 623 € < R < 14 872 €

(14 872 - R) * 11 %

14 872 € < R < 22 654 €

0 *

1. Même si la PPE est nulle dans ce cas, le foyer peut néanmoins bénéficier de la majoration forfaitaire de 62 €.

Source : http://www.impots.gouv.fr/documentation/reglementaire/ldf2002/ir/ir2.htm#4 .

Tableau 3. Calcul de la prime pour l'ensemble du foyer

Célibataire, veuf, divorcé, marié bi-actif

Avec 1 personne à charge

Avec 2 personnes à charge

Avec 3 personnes à charge

3 187 € < R< 14 872 €

Majoration :31 €

Majoration :62 €

Majoration :93 €

Marié mono-actif

Avec 1 personne à charge

Avec 2 personnes à charge

Avec 3 personnes à charge

3 187 € < R< 14 872 €

Majoration :31 €

Majoration : 62 €

Majoration :93 €

14 872 € < R < 22 654 €

Majoration forfaitaire de 31 €

Majoration forfaitaire de 31 €

Majoration forfaitaire de 31 €

Célibataire, veuf, divorcé (temps plein)

Avec 1 personne à charge

Avec 2 personnes à charge

Avec 3 personnes à charge

3 187 € < R< 14 872 €

Majoration :62 €

Majoration : 62 + 31 =186 €

Majoration : 62 + 31 +31 =124 €

14 872 € < R < 22 654 €

Majoration forfaitaire de 62 €

Majoration forfaitaire de 62 €

Majoration forfaitaire de 62 €

Source : http://www.impots.gouv.fr/documentation/reglementaire/ldf2002/ir/ir2.htm#4 .

Graphique 2 : Structure de la PPE en euros



Source : http://www.impots.gouv.fr/documentation/reglementaire/ldf2002/ir/ir2.htm#4 .

3. Population concernée

Selon la Direction générale des impôts, 25,4 % des foyers fiscaux bénéficient de la PPE en 2001 (législation 2001) soit plus de 8 millions de foyers fiscaux. La proportion de foyers fiscaux imposables bénéficiaires est d'un tiers environ.

C. Le crédit d'impôt en Belgique

1. Fonctionnement général

Le gouvernement belge a adopté en 2001 un crédit d'impôt remboursable destiné revaloriser le salaire des travailleurs à bas revenus. Le crédit d'impôt est ciblé sur les travailleurs dont le revenu est proche du salaire minimum afin de rendre leur travail plus rémunérateur.

Toutes personnes dont les revenus d'activité se situent entre 150 000 francs belges (2 000 euros) et 500 000 francs belges (13 000 euros) bénéficient d'une réduction d'impôt forfaitaire de 25 000 francs belges (500 euros).

2. Mode de versement

Il s'agit d'un crédit remboursable donc pour toute personne dont le montant d'impôt est déjà nul ou est inférieur à 25 000 francs belges (2 000 euros), le solde de crédit se transforme en complément de revenu.

Le montant du crédit (CR) dépend du niveau des revenus d'activité R selon le barème :

Pour R < 3 260 € alors CR = 78 € * [(R - 3 260)/4 350 -3 260)]

Pour 3 260 € < R < 4 350 € alors CR= 78 €

Pour 4 350 € < R < 10 880 € alors CR = 78 € * [(14 140 - R)/14 440 - 10 880)]

Pour R > 14 140 € alors CR = 0 €

En pratique le taux moyen d'imposition est négatif pour les bas revenus (par exemple un travailleur qui gagne 150 000 francs belges de revenu net imposable (3 000 euros) bénéficie d'une pression fiscale négative de - 16,7 %.

Un isolé actif travaillant à mi-temps au SMIC voit son revenu augmenter de 18 % dont la plus grande partie est due au crédit d'impôt. S'il travaille à ¾ temps son revenu augmente de 14 %, il ne paie pratiquement plus d'impôt. S'il travaille à plein temps, son revenu augmente de 12 % il paie moins d'impôt (Reynders, 2000).

Pour un couple marié, le crédit d'impôt offre les mêmes avantages que les personnes isolées. Pour un couple bi-actif, les effets seront les mêmes que ceux donnés précédemment. Pour un couple mono-actif, l'alignement de la tranche exonérée des isolés et des conjoints entraîne une forte réduction d'impôt qui s'ajoute au crédit d'impôt. Tout travailleur rémunéré au SMIC dont le conjoint ne perçoit pas de revenu professionnel et qui a au moins un enfant à charge ne paie pas d'impôt et reçoit un complément de revenu de 25 000 francs belges (500 euros) qu'il travaille à temps partiel ou à temps plein. Puis au fur et à mesure que le revenu augmente le crédit diminue pour devenir nul pour un montant de revenu de 14 140 euros.

3. Population concernée

Le crédit bénéficie largement aux jeunes et aux femmes. 50 % des jeunes âgés de 20 à 25 ans, (période correspondant à leur entrée sur le marché du travail), bénéficient du crédit d'impôt. Cette proportion tombe à 16 % pour les personnes âgées de 40 à 65 ans. Les femmes étant beaucoup plus nombreuses à exercer un temps partiel et ayant des salaires moyens plus faibles que les hommes sont également largement concernés : 60 % des bénéficiaires sont des femmes.

Graphique 3 : Structure du crédit d'impôt belge (en euros)



Source : Reynders (2000)

D. Le crédit d'impôt aux Pays-Bas

Fonctionnement général

La réforme de 2001 crée un système cédulaire de revenus pour lesquels s'appliquent des règles fiscales particulières. En ce qui concerne le revenu du travail, les différents abattements fiscaux et déductions ont été limités voire supprimés et remplacés par un crédit d'impôt unique pour les trois types de revenus : le General Levy Rebate qui concerne tous les contribuables et s'élève à 1 507 euros par an pour ceux de moins de 65 ans et à 679 euros par an pour ceux qui sont âgés de plus de 65 ans. A ce crédit de base s'ajoutent des crédits spécifiques selon la situation personnelle du contribuable.

A la différence des trois systèmes évoqués plus haut, il n'est pas remboursable : de façon générale le crédit d'impôt est de 1 576 euros par personne et par an quelle que soit sa situation (qu'elle travaille ou non).

Un crédit supplémentaire est offert pour les personnes actives. Il est plafonné à 920 euros pour le SMIC et n'est pas dégressif pour les hauts revenus. Un crédit supplémentaire pour les parents isolés qui travaillent (1,94 % du revenu plafonné à 1 206 euros) ayant des enfants à charge de moins de 12 ans ; d'autres types de crédits sont également offerts en fonction de la situation familiale ainsi que pour les personnes âgées.

Tableau 4 : Crédit d'impôt aux Pays-Bas

Crédit général

1 576 €

Crédit pour l'emploi

Max : 920 €

Crédit par enfant

1 261 €

Crédit pour parent isolé

1 261 €

Source : Ministry of Finance of Netherlands.

Graphique 4 : Structure du crédit d'impôt au Pays Bas (en euros)



Source : Ministry of Finance of Netherlands.

Chapitre 2. 5 : Les cotisations sociales

Xavier Timbeau

Supérieures à 12 points de PIB, les taux de cotisations sociales en Europe sont pratiquement le double de celles aux Etats-Unis, bien qu'au cours des dix dernières années, ils ont baissé en Europe, les gouvernements étant soucieux de limiter la hausse du coût du travail. Les cotisations sociales financent des prestations (retraite, chômage, maladie) : à un haut niveau de cotisations correspond un haut niveau de prestations. Dans certains pays, principalement du Nord, les régimes sociaux sont significativement financés par les ressources générales de l'Etat. Dans les grands pays européens, les efforts de baisse se sont heurtés aux contraintes de l'équilibre des régimes sociaux. Des politiques de baisse ciblées ont été engagées dans certains pays (France, Belgique, Pays Bas) afin d'obtenir un effet important sur l'emploi important sans remettre en cause le financement des régimes sociaux.

I. Un niveau pratiquement double des cotisations sociales en Europe par rapport aux Etats-Unis...

La part des cotisations sociales dans le PIB en Europe est proche du double de celle atteinte aux Etats-Unis (tableau 1). Les cotisations sociales sont liées à la couverture d'un risque ou au financement de prestations. Les principaux risques couverts sont la maladie et la maternité, la vieillesse, l'invalidité, le chômage, les accidents du travail et parfois la famille, les garanties de ressources ou la dépendance. Généralement, la couverture sociale offerte par les cotisations est liée au statut de salarié. Les systèmes de protection sociale se sont développés en Europe après la deuxième guerre mondiale, sous l'impulsion des pouvoirs publics, parfois avec la participation explicite des partenaires sociaux.

Les systèmes européens continentaux sont pour la plupart issus du principe d'ouverture de droit par les cotisations en mutualisant des risques communs aux salariés. Ainsi, les systèmes de protection sociale en Europe reposent en grande partie sur des cotisations sociales prélevées sur les salaires (tableau 2). C'est le cas de façon très nette pour l'assurance chômage, qui est financée uniquement par les cotisations sociales, sauf dans son éventuelle composante « garantie de ressource ». Les accidents du travail sont un autre exemple de régime socialisé de salaire différé. Le cas de la vieillesse diffère un peu : il s'ajoute au principe des droits ouverts par les cotisations des régimes de minimum vieillesse, de prestation universelle ou de préretraite financés par l'impôt. Le système de santé, dont la couverture tend être universelle 107 ( * ) , repose généralement sur un double financement.

Tableau 1 : Recettes de cotisation sociales employeurs, salariés en % du PIB

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

90-2000

Autriche

13,3

13,4

14,0

14,5

14,9

15,1

15,1

15,2

15,1

15,1

14,9

+ 1,6

Belgique

14,2

14,8

15,0

15,3

15,1

14,7

14,6

14,5

14,4

14,4

14,1

- 0,1

Allemagne

13,3

14,1

14,3

14,5

14,8

14,9

15,0

15,2

15,0

14,9

14,8

+ 1,5

Danemark

1,4

1,4

1,5

1,6

1,6

1,5

1,6

1,6

1,5

2,1

2,2

+ 0,8

Espagne

11,8

11,9

12,6

12,7

12,5

11,9

11,7

11,8

11,9

12,2

12,3

+ 0,5

Finlande

9,7

11,2

10,7

11,8

12,3

12,4

12,2

11,6

11,6

11,9

11,2

+ 1,5

France

18,9

18,9

19,1

19,1

18,8

18,7

18,8

18,4

16,3

16,6

16,4

- 2,5

RU

6,1

6,1

6,2

5,9

6,1

6,1

6,1

6,0

6,4

6,1

6,3

+ 0,2

Grèce

8,9

8,6

8,5

9,6

9,6

9,8

9,7

10,9

11,2

11,4

11,4

+ 2,5

Irlande

5,0

5,2

5,3

5,3

5,1

4,7

4,4

4,2

4,0

4,1

4,2

- 0,8

Italie

12,8

13,0

13,2

13,6

12,9

13,0

14,6

14,8

12,5

12,3

12,0

- 0,8

Luxembourg

11,1

11,2

11,7

11,7

11,2

11,3

11,1

10,6

10,3

10,7

10,6

- 0,5

Pays-Bas

16,0

16,9

17,5

17,4

17,6

17,6

16,5

17,2

16,2

16,7

16,2

+ 0,2

Portugal

8,0

8,3

8,3

8,3

8,4

8,8

8,3

8,5

8,6

8,7

8,9

+ 0,9

Suède

14,6

15,1

14,5

13,2

13,2

13,9

14,9

15,0

14,8

13,2

15,2

+ 0,6

UE

12,8

13,1

13,4

13,5

13,5

13,5

13,7

13,5

12,7

12,6

12,4

- 0,4

USA

6,8

6,9

6,8

6,7

6,8

6,8

6,7

6,7

6,7

6,8

 

0

Source : Statistiques des recettes publiques 2001, Economic outlook n° 70. Les chiffres dans ce tableau rapportent les recettes de cotisations sociales payées par les employeurs et les salariés à la richesse nationale. Ils indiquent donc l'ampleur des transferts réalisés par le système de protection sociale. Le tableau 4 donne une image plus précise de l'impact du système de cotisations sociales sur le coût du travail.

Les sources de financement peuvent être des impôts affectés (comme une partie des ressources de TVA en Belgique ou la CSG en France) ou des subventions de l'Etat, inclus dans le budget général.

Le haut niveau des cotisations sociales est donc à mettre en rapport avec le bénéfice qu'en tirent les cotisants. La comparaison directe avec les Etats-Unis est trompeuse : la socialisation de la protection sociale y est moindre, et des systèmes d'assurance privés se substituent au système public. Par exemple, les dépenses de santé sont socialisées à 45 % aux Etats-Unis contre un peu plus de 70 % en France ( source Health data, OECD, 2000 ). On ne peut déduire des comparaisons de taux de cotisations sociales une hiérarchie des coûts du travail, puisque le salaire net de cotisations sociales doit permettre de couvrir plus de dépenses dans le cas d'un salarié américain que dans le cas d'un salarié européen 108 ( * ) .

De plus, les cotisations sociales peuvent ne pas couvrir des prestations financées par l'impôt général. Le taux de cotisations sociales est plus bas au Royaume-Uni qu'en France. La différence est de l'ordre de 10 points de PIB. Mais, les dépenses de santé (6 % du PIB) sont presque entièrement financées par l'impôt au Royaume-Uni (le budget du National Health System), alors qu'elle le sont, pour une part importante, par les cotisations sociales en France (54 % des recettes de la CNAM sont des cotisations sociales, 34 % sont de la CSG). La différence de taux de cotisation s'explique en partie par cette différence de sources de financement, l'autre partie s'expliquant par des dépenses de santé plus faibles au Royaume-Uni qu'en France (de 4 points de PIB). Comparer les taux de cotisations ne suffit pas à comparer les prestations reçues. Comme le Royaume Uni, le Danemark et l'Irlande se caractérisent par un financement principalement par l'impôt.

Tableau 2 : Financement des principaux risques dans les pays de l'union européenne

 

Maladie et maternité

Vieillesse

Chômage

Famille

Accident travail

Belgique

CS + Etat + IA

CS + Etat + IA

CS + Etat + IA

CS + Etat + IA

CS +Etat+IA+ass.

Danemark

IA

IA + CS (comp.)

CS

IA

CS

Allemagne

CS

CS + Etat

CS+IA

IA

CS

Grèce *

CS + Etat

CS + Etat après 1993

CS

CS

CS

Espagne

CS + IA

CS

CS

IA

CS

France

CS + IA

CS + IA

CS + Etat

CS + IA

CS

Irlande

CS + Etat

CS + Etat

CS + Etat

IA

CS + Etat

Italie

CS

CS

CS

CS

CS

Luxembourg

CS + Etat

CS + Etat

IA

CS + IA

Etat+ass.

Pays Bas

CS

CS

CS

Etat

--

Norvège

CS + IA

CS + IA

CS + IAs

IA

CS

Autriche

CS + Etat

CS + Etat

CS + Etat

principalement IA

CS + Etat

Portugal

CS + IA

CS

CS

CS

CS + ass.

Finlande

CS + IA

CS + IA

CS + IA

IA

CS

Suède

CS + IA

CS + Etat

CS + Etat

IA

CS

RU

CS + IA

CS

CS + Etat

IA

IA

* Pour les assurés après 1993, le système de cotisations sociales est remplacé par un système tripartite salarié, employeur, état.

Notes : CS signifie financement par les cotisations sociales, IA financement par impôt affecté, Etat financement par inclusion dans le budget général ou subvention de l'Etat récurrente ou exceptionnelle. Les parts des différentes sources de financement ne sont pas indiquées et peuvent varier d'un type de risque à l'autre ou d'un pays à l'autre.

Source : MISSOC, Communauté européenne.

II. Une évolution au cours des années 1990 marquée par la construction européenne et le poids du chômage

Si les niveaux de cotisations sont très différents entre l'Europe et les Etats-Unis ou entre pays européens, les évolutions sont assez marquées et sont en partie seulement liées aux évolutions des prestations.

Aux Etats-Unis, les cotisations sociales sont stables autour de 6,8 points de PIB. Rapportées à la masse salariale, elles diminuent légèrement depuis 1997 (tableau 3), tandis que la part de la masse salariale dans la valeur ajoutée compense ce mouvement.

Tableau 3 : Recettes de cotisation sociales employeurs et salariés
en % de la masse salariale du secteur privé

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Autriche

32,2

32,0

33,4

34,6

36,0

36,4

37,4

37,1

36,8

36,9

36,7

Belgique

35,1

35,6

36,1

37,2

37,2

36,7

36,6

36,7

36,5

35,9

35,1

Allemagne

30,0

29,8

30,1

30,7

31,9

32,1

32,7

33,7

33,4

32,8

32,4

Danemark

3,8

3,8

4,0

4,2

4,4

4,3

4,4

4,3

4,3

5,8

6,2

Espagne

30,1

29,8

31,5

31,5

31,8

30,7

30,4

30,2

30,4

30,7

31,0

Finlande

24,0

27,5

27,8

32,8

35,4

36,1

35,2

34,2

33,9

33,9

32,6

France

47,4

47,3

47,8

48,5

48,9

48,9

49,3

48,3

43,1

43,2

42,5

RU

13,7

13,5

13,9

13,2

13,6

13,6

13,5

13,2

13,7

12,8

13,0

Grèce

39,0

40,6

41,1

46,5

46,4

46,1

45,6

51,0

51,3

53,3

54,1

Irlande

13,6

14,0

14,2

14,3

14,0

13,3

12,6

12,4

12,0

12,6

13,1

Italie

38,1

38,5

39,0

40,7

39,9

41,4

46,9

47,6

41,7

41,0

39,9

Luxembourg

25,6

25,4

26,0

26,5

25,7

25,8

25,7

25,7

25,3

25,9

25,5

Pays-Bas

38,7

40,3

41,2

41,2

43,3

43,5

40,6

42,9

39,7

40,6

39,4

Portugal

26,0

26,0

26,2

26,6

28,2

30,6

29,6

31,0

30,6

30,7

30,8

Suède

35,3

37,1

36,5

34,3

34,9

37,1

38,3

38,8

37,7

33,9

36,2

UE

32,2

32,2

32,9

33,4

33,9

34,2

35,1

34,8

32,7

32,2

31,6

USA

14,3

14,6

14,5

14,3

14,5

14,5

14,5

14,4

14,1

14,1

 

Note : En calculant les recettes de cotisations sociales par rapport à la masse salariale privée, on a, a priori, une meilleure image de la base fiscale des cotisations sociales. Cependant, dans certains pays, les revenus de transfert sont soumis partiellement à cotisations sociales. Par ailleurs, les salaires publics sont soumis à cotisations sociales. En conséquence, cette mesure reste imprécise.

Source : OCDE Statistiques des recettes publiques, 2001, Economic outlook n° 70.

En Europe, par contre, la part des cotisations sociales dans le PIB a nettement augmenté jusqu'en 1995. En moyenne pour les pays de l'Union européenne, le taux apparent des cotisations sociales rapportées à la masse salariale s'alourdit de 2,9 points entre 1990 et 1996. Ensuite, ce taux a tendance à baisser et passe en deçà du niveau de début de période. Ce mouvement s'explique par la nécessité de rétablir les finances publiques afin de satisfaire les critères de Maastricht. L'effort fiscal a porté sur les salaires, qui sont d'autant plus facilement taxables que peu mobiles. S'y ajoute le remplacement de cotisations sociales par des ressources plus larges (CSG en France, IRAP en Italie, taxation écologique en Allemagne).

Tableau 4 :Taux de cotisations sociales employeur et employé en % du coût salarial

 

1991

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

France

 
 

45,8

42,9

43,5

41,2

37,4

37,8

38,7

38,7

Allemagne

30,8

30,9

32,6

32,8

33,7

34,8

34,8

34,3

33,9

33,9

Espagne

36,4

34,2

33,6

32,6

31,3

30,8

31,6

34,1

34,7

31,5

Italie

37,6

38,4

38,5

38,3

38,4

38,7

32,8

32,3

32,3

32,2

Pays Bas

22,5

20,9

25,8

26,8

26,7

25,3

24,5

24,2

22,2

20,5

Royaume Uni

22,1

24,3

25,0

24,6

25,5

26,2

26,2

25,0

25,5

25,9

Note : Les taux de cotisations sociales sont ceux pour un célibataire sans enfant ayant un salaire égal au salaire moyen ouvrier.

Source : Taxing Wages 2001, OECD.

L'évolution des cotisations sociales est en grande partie autonome et déterminée par l'équilibre des régimes sociaux. Il est donc difficile de les utiliser comme instrument de régulation budgétaire (ou comme instrument de gestion du coût du travail).

Pourtant, le rétablissement de la part des profits dans la valeur ajoutée au début des années 1990 dans les grands pays européens (lié à la désinflation) et la montée du chômage ainsi que la difficulté à réduire les dépenses sociales corrélativement au ralentissement de la croissance ont placé les régimes sociaux dans une situation financière difficile. Rééquilibrer les finances publiques passait par un rééquilibrage des finances sociales.

Dans certains pays, dès le début des années 1990, des réformes ont eu comme objectif la substitution de l'impôt général aux cotisations sociales (aux Pays-Bas par la baisse des cotisations sociales au début des années 1990, en France par le biais de la CSG dès 1991). L'impact est une base fiscale plus large que les seuls salaires, mais dont les salaires restent tout de même l'élément principal ; la fiscalité relative des autres revenus et des revenus du travail peut s'en trouver augmentée, mais le taux global de taxation des revenus du travail (en agrégeant impôt sur le revenu et cotisations sociales) est faiblement modifié. Dans d'autres pays, la substitution s'est faite en usant de la montée en charge de la fiscalité écologique (au Danemark, en Suède, en Finlande, aux Pays Bas).

Après 1997, la fin du processus de convergence et le retour de la croissance en Europe ont permis d'alléger la pression fiscale en abaissant la fiscalité des ménages et en particulier les cotisations sociales. Le Danemark et la Grèce font toutefois exception à cette tendance européenne. Les cotisations sociales sont très faibles au Danemark et la protection sociale est financée par l'impôt. Les réformes ont été concentrées sur l'impôt sur le revenu, les cotisations retraites et chômage étant augmentées. En Grèce, c'est le système de protection sociale qui a été renforcé, induisant une hausse des cotisations sociales.

Après la création de l'euro, le processus d'équilibrage de la pression fiscale entre le travail et le capital s'est poursuivi, par exemple, en France avec le transfert des cotisations sociales salariés sur la CSG en 1998. L'introduction de l'IRAP en Italie, un impôt sur la valeur ajoutée, correspond au même objectif et a compensé une baisse de 12,6 points des cotisations sociales santé. L'élargissement est toutefois de nature différente à celui opéré en France, puisque la taxation porte sur la valeur ajoutée des entreprises, alors que la CSG taxe les revenus de transfert et du capital des ménages. Les impacts macroéconomiques de ces changements de base fiscale sont faibles. Ils dépendent de l'élasticité de substitution entre le travail et le capital et n'ont pas fait l'objet d'évaluations poussées. Les bénéfices en termes d'emploi sont rarement avancés pour justifier ces mesures.

Mais, la possibilité de baisser les prélèvements obligatoires, après la qualification pour l'euro, les déficits publics étant réduits et la croissance de retour, a été utilisée en partie pour traiter le problème du chômage, à un pic en 1997. Deux approches concurrentes ont été mises en oeuvre. La première cherche à résoudre la question du coût du travail. La seconde cherche à accroître l'incitation au travail.

1. Baisser le coût du travail

Cette approche se concrétise par des baisses de cotisations sociales employeurs, qui sont supposées avoir l'impact le plus direct sur le coût du travail perçu par les entreprises. La baisse peut être générale, comme elle a été en Allemagne, en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas ou en France (en étant éventuellement financée par d'autres prélèvements). L'objectif poursuivi est d'améliorer la compétitivité de l'économie en baissant le coût du travail. Lorsque cette baisse du coût du travail est financée, que ce soit par un impôt ayant une base plus large ou par un impôt sur un autre facteur de production, c'est la fiscalité relative du travail et des autres facteurs qui est modifiée, (CSG en France, IRAP en Italie, fiscalité écologique en Allemagne, en Suède, aux Pays-Bas). Financée ou non, la baisse de charges sociales abaisse le coût relatif du travail. Suivant la fonction de production, cette modification induit une substitution entre le travail et les autres facteurs. Cet effet peut n'apparaître qu'à long terme, l'élasticité de substitution entre différents facteurs pouvant être plus faible à court terme qu'à plus long terme.

La baisse de cotisations sociales employeurs peut être ciblée sur des catégories particulières. Ces catégories particulières sont choisies parce qu'elles subissent plus durement le chômage (soit en niveau, soit parce que le chômage y est plus long). L'inspiration de ces mesures provient des travaux de Drèze et Malinvaud en 1993, proposant une baisse ciblée des cotisations sociales employeurs sur les bas salaires. L'objectif en est d'abaisser le coût du travail et d'enclencher des effets de hausse des emplois proposés par les entreprises  : emploi plus important par un effet coût du travail, comparable à celui qu'on aurait si on avait fait une baisse générale, mais qui bénéficie principalement à une catégorie choisie (si la mesure n'est pas financée, auquel cas il faut comptabiliser l'effet négatif d'un prélèvement supplémentaire). Puis, cet effet est amplifié par la substitution entre salariés peu qualifiés (ou à bas salaire) et salariés qualifiés parce que le coût relatif des deux catégories est à l'avantage des moins qualifiés. Bien que relié, un dernier argument concerne l'éventuelle interaction avec le salaire minimum. Les allègements de charges sociales permettent en effet de réduire le coût du travail au niveau du salaire minimum et en compensent l'impact négatif éventuel.

Ces mesures ont été introduites à des échelles diverses et pour des catégories variées dans les pays européens (voir tableau 5 et notes associées). La France et la Belgique ont consacré à cette politique des budgets importants (de l'ordre de 1 point de PIB) 109 ( * ) . Les Pays-Bas ont un dispositif comparable d'ampleur moindre (0,3 point de PIB). Le Royaume-Uni a un dispositif assez différent, puisqu'il inclut à la fois l'argument d'incitation et de coût du travail (voir plus bas). En France et en Belgique, ces dispositifs ont été associés de façon assez complexe à des conditions de réduction de la durée du travail. Dans le cas de la France, la réduction de charges sociales employeurs accordée en échange d'un accord 35 heures ne vise pas directement à réduire le coût du travail mais à compenser la hausse induite par la réduction de la productivité par tête.

Tableau 5 : Allègements spécifiques de cotisations sociales en Europe

 

Allègement bas salaires

Autres allègements spécifiques

Montant

en %PIB

Autriche

Non

non

--

--

Belgique a

Oui

salariés âgés, jeunes, réduction du temps de travail

2,9 M€

1,1

Danemark

Non

non

--

--

France b

Oui

Réduction du temps de travail

7,6 M€

1,0

Finlande c

Non

petites entreprises, entreprises intensives en main d'oeuvre

non disp.

non disp.

Allemagne d

non (en projet)

non (en projet)

--

--

Grèce e

Oui

nouveaux embauchés

non disp.

non disp.

Italie f

Oui

catégories à fort taux de chômage, PME, régions défavorisées (Italie du Sud), jeunes

autour de 350 m€, par an

> 0,1

Irlande

 
 
 
 

Pays-Bas g

Oui

chômeurs de longue durée

1,1 M€, par an

0,3

Portugal h

Non

jeunes, chômeurs, handicapés, retraités en activité partielle, footballeurs professionnels

non disp.

non disp.

Espagne

Non

+ 65 ans, transformations de CDD en CDI particulièrement pour les femmes

non disp.

non disp.

Suède

Non

non

--

--

Royaume-Uni i

Oui

non

1,0 M€*

0,25

* L'évaluation de l'ampleur de l'allègement pour le Royaume-Uni est faite par rapport à la situation de 1997. En 1997, le système anglais était anti-progressif du fait de l'existence de seuil. La comparaison avec les autres pays est donc délicate.

Sources : Plans nationaux pour l'emploi (version 2002 sauf France et Italie, version 2001), OCDE, MISSOC, Peer Review et différentes sources nationales.

a Belgique : Réduction forfaitaire des cotisations sociales employeurs, augmentée pour les publics moins de 25 ans et plus de 50 ans. Cette réduction fait suite aux réductions de charges entreprises dans les années 1980, puis sur les bas salaires en 1993, intégrée en 1999 dans la réduction structurelle, c'est-à-dire forfaitaire. Réduction supplémentaire à partir de 2001 pour les chômeurs de plus de 45 ans (plan activa). Réduction de charges sociales salariés (8 % de revenu en plus pour les salaires bas) à partir de 2000. Aide forfaitaire unique en cas de réduction de la durée du travail (800 euros par heure réduite par salarié, non permanente), puis permanente (de 250 à 600 euros par salarié par an selon l'ampleur de la réduction). Primes en cas d'utilisation du crédit temps par les salariés (au total 31 millions d'euros, soit un dispositif restant confidentiel).

Réduction de charges sociales salariés (8 % de revenu en plus pour les salaires bas) à partir de 2000. En projet : Réductions de cotisations sociales proportionnelles à l'âge à partir de 58 ans. Impact évalué : Pas d'impact chiffré en termes d'emploi. Fin de la dégradation (ou amélioration) de la part des moins qualifiés dans l'emploi.

b France : Depuis 1993, réductions de charges pour les bas salaires (ristourne Juppé, jusqu'à 1,3 SMIC). En 1997, réduction de charge en cas de réduction de la durée du travail (Robien), depuis 1999 et surtout 2000, dispositif Aubry accordant réduction de charge (jusqu'à 1,8 SMIC), plus réduction forfaitaire (610 euros par an par salarié) en cas 35 heures. De 1993 à 2000, réduction de charge pour le temps partiel, de 1995 à 1998 réduction de charge pour les embauches de chômeurs de longue durée (CIE). Impact évalué : Estimations a priori des baisses de charges bas salaires entre 200 et 500 000 emplois, estimations des 35 heures de l'ordre de 300 000 emplois. Estimations a posteriori de l'impact d'une partie du dispositif bas salaire discutables quant à la méthodologie (le chiffre de 460 000 emplois est avancé pour un tiers du dispositif, ce qui implique un effet considérable pour l'ensemble. Avec de telles estimations l'effet sur le déficit public de mesures d'allègement est positif !).

c Finlande : Réduction de charges de 0,1 pour les petites entreprises, 0,35 pour les grandes. Réduction de 0,65 pour les entreprises intensives en main-d'oeuvre, 0,45 pour les autres.

d Allemagne : en projet et en expérimentation, réduction de charges pour les chômeurs embauchés.

e Grèce : Réduction de charges employeurs pour les bas salaires (2 points de réduction pour les salaires inférieurs à 580 euros par mois), suppression dans le cas des salaires les plus bas (11 %), réduction de charges employeurs dans le cas d'une nouvelle embauche.

f Italie : Jusqu'en 2000, aide forfaitaire (de 4 100 euros à 5 100 euros) pour l'embauche nouvelle en CDD avec un plafond annuel. L'aide est touchée une seule fois. Les PME seules sont éligibles au dispositif et le contrat peut être un CDD dans certaines régions ; 350 millions d'euros. En 1999, un dispositif supplémentaire a été introduit pour les zones à fort taux de chômage (1 500 euros). En 2000, le dispositif est étendu à toutes les PME, devient une aide mensuelle (413 euros) pour une durée de 3 ans (soit 14 868 euros pour trois années).

g Pays-Bas : Depuis 1996, le SPAK, allègement forfaitaire de cotisations sociales employeurs sur les bas salaires (jusqu'à 1,15 salaire minimum) qui réduit (en 2000) de 10 % le coût salarial. L'allègement et le seuil sont proportionnels à la durée du travail. Le t-SPAK est un allègement entre 115 et 130 % du salaire minimum pour ceux qui ont bénéficié avec le même employeur du SPAK. Pour les chômeurs de longue durée nouvellement embauchés, un allègement supplémentaire pendant 4 ans est possible, doublant le SPAK. Impact évalué : autour de 50 000 emplois créés pour une évaluation ; 0 ou peu selon d'autres.

h Portugal : Exonération de cotisations sociales patronales pendant une année pour les groupes ciblés lors de la transformation d'un CDD en CDI. Pour les travailleurs handicapés, le taux de cotisations patronales est de 12,5 au lieu de 23,7 %, pour les footballeurs il est de 17,5.

i Royaume-Uni : En dessous d'un seuil (environ 609 euros par mois), il n'y a pas de cotisations sociales salariés ou employeurs. Le taux est ensuite constant et s'applique au salaire moins le seuil. Passé un second seuil (+ de 4 000 euros par mois), le taux des cotisations employeurs redevient nul. Avant 1997, en dessous d'un seuil (environ 400 € par mois) il n'y avait ni cotisations sociales ni ouverture de droits. Au-delà du seuil, la montant des cotisations sociales était de 5 % du salaire plus 10 % du salaire moins le seuil.

Les systèmes d'allègements sur les bas salaires créent potentiellement des trappes à bas salaires : le taux de charges sociales est plus faibles pour les salaires les plus bas et peut inciter les entreprises à conserver des salaires bas ou des structures de qualifications peu propices aux salaires plus élevés. Le premier inconvénient est partiellement traité lorsque la réduction de charge est forfaitaire, c'est-à-dire un montant de réduction indépendant du salaire (c'est le cas du nouveau système belge, ou d'une partie du système français pour les 35 heures). Une autre solution consiste à définir des seuils en deçà desquels le taux de cotisations est plus bas (ou nul), à la condition que les marches soient nulles, c'est-à-dire que le taux au-delà du seuil s'applique au salaire diminué du seuil, comme dans le système anglais après les réformes initiées en 1997. Dans les cas des réductions forfaitaires ou à seuil, le taux marginal des cotisations sociales reste modéré, au niveau du taux moyen de cotisations, au lieu d'être très élévé (comme dans le système français ou néerlandais où il est supérieur à 100 % dans certains cas).

Les bas salaires sont la cible privilégiée des baisses de charges spécifiques. Outre la réduction du temps de travail, d'autres catégories ont été visées, parfois symboliquement : les femmes en Espagne, les handicapés au Portugal, les travailleurs âgés en Espagne, au Portugal, en Belgique, les chômeurs de longue durée aux Pays Bas, au Portugal, les plus jeunes en Italie, au Portugal, en Espagne. L'Italie a utilisé cet outil pour le développement régional (mais on pourrait aussi inclure les zones franches pratiquées dans différents pays).

Les évaluations empiriques, en particulier dans les pays où ces mesures ont eu une ampleur importante, sont assez peu concluantes. Les évaluations a priori , sur la base de modèles microéconomiques ou macroéconomiques bouclés concluent à la dépendance forte des résultats à quelques paramètres difficilement évalués. Les fourchettes d'estimations sont importantes (de 100 000 à 500 000 par exemple pour la France) et les effets sont supposés intervenir à des horizons temporels longs. En France, une évaluation a posteriori sur données microéconomiques (Crépon Deplatz, 2002) conclut à un effet important et rapide des baisses de charges sur les bas salaires effectuées jusqu'en 1994 ; la méthode est fragile et la transposition au niveau macroéconomique entâchée d'imprécisions telles qu'on ne peut en retenir les ordres de grandeur. Les allègements de charges seraient tellement favorables à l'emploi qu'ils seraient plus que financés par les retours positifs.

2. Inciter au travail

L'autre approche de baisse des cotisations sociales s'inscrit dans le mouvement d'incitation au travail. L'objectif est de réduire les effets pervers supposés de taux fiscalo-sociaux marginaux, comme ceux que l'on observe dans le cas d'une reprise d'activité. L'instrument le plus utilisé est alors l'impôt sur le revenu avec l'introduction de crédit d'impôt ou d'impôt négatif (cf. le chapitre correspondant). Au Royaume-Uni, la réforme initiée en 1997 ( Making work pay) s'inscrit dans ce schéma et s'est traduit par une baisse des taux de cotisations sociales salariés sur les bas salaires et de la déconnexion du lien entre prestations sociales et cotisations sociales (on peut recevoir des prestations sans avoir payé des cotisations si on travaille). La Belgique propose aussi un allègement de cotisations sociales salariés pour les bas salaires.

Lorsqu'elles incitent au travail, ces mesures sont censées augmenter les taux d'activité ou avoir un impact sur le chômage volontaire. Les évaluations empiriques concluent à des impacts assez faibles.

Conclusion

Les taux de cotisations varient donc avec plusieurs objectifs parfois contradictoires. D'une part, ils sont un instrument pour équilibrer les régimes sociaux ou les finances publiques. Le travail est une ressource peu mobile et donc plus facile à taxer que le capital ou l'épargne. D'autre part, ils pèsent sur le coût du travail, et sont considérés comme un facteur expliquant le chômage élevé des économies européennes. A ce titre, ils sont souvent dénoncés par les institutions internationales (l'OCDE notamment). L'argument est qu'il existe un écart important entre le salaire reçu après impôt par le travailleur et le coût de ce salarié pour l'employeur. Selon l'OCDE, l'écart est supérieur de 15 à 25 points dans les pays européens à sa valeur aux Etats-Unis, à l'exception du Royaume-Uni, de l'Irlande, de la Grèce, du Portugal et de l'Espagne. Cependant, la méthode de l'OCDE n'intègre pas les prestations reçues par les ménages à l'exception des allocations familiales et ne prend donc pas en compte les dépenses privées en assurance sociale ou retraite que les salariés des pays à système de protection social peu développé doivent engager. Lorsque les risques couverts correspondent à une solidarité entre salariés actifs, l'effet global sur le coût du travail devrait être nul, hors les effets sur les taux marginaux d'imposition suivant le degré de redistribution du système. Le cas de l'assurance chômage et de l'assurance vieillesse est différent puisqu'il s'agit d'une solidarité entre actifs employés et inactifs ou actifs inemployés. La comparaison des écarts en niveau est ainsi trompeuse et discutable, bien qu'il s'agisse d'un argument courant. Les variations des écarts peuvent éclairer sur les variations des coûts du travail qui sont imposées aux entreprises et aux salariés par la législation à la condition que les prestations sociales (reçues directement par les salariés) soient inchangées.

Chapitre 2. 6 : Les fiscalités locales européennes et leurs réformes

Quelle autonomie financière pour les collectivités locales ?

Jacques Le Cacheux

Les pays membres de l'Union européenne présentent une grande diversité en matière de nombre et d'organisation des collectivités territoriales, de répartition des compétences entre échelons d'administration et de modes de financement. Les réformes des fiscalités locales européennes, mises en oeuvre au cours de la dernière décennie, ne montrent pas d'orientation convergente. Toutefois, dans plusieurs pays, la fiscalité locale pesant sur les entreprises a été allégée, pour remédier aux problèmes de concurrence fiscale et réduire le coût du travail. Les réformes hésitent entre le souci d'accroître l'autonomie fiscale des collectivités locales, les craintes d'inefficience (distorsion des choix de localisation des entreprises, archaïsme des impôts locaux) et d'inéquité (faible redistributivité des impôts locaux, inégalité entre citoyens des diverses collectivités locales).

Si tous les pays membres de l'Union européenne (UE) ont une structure institutionnelle décentralisée, certains (l'Allemagne, l'Autriche et la Belgique) étant même des fédérations, ils présentent cependant une grande diversité en matière de nombre et d'organisation des collectivités territoriales, de répartition des compétences entre elles et de financement. Tous recourent à une fiscalité locale pour assurer une part, le plus souvent minoritaire, du financement de dépenses publiques locales, qui représentent, dans la plupart des cas, entre 8 % et 12 % du PIB, selon les pays, soit en moyenne près du tiers des dépenses publiques des administrations centrales (Etat central et organismes de Sécurité sociale), sauf dans les trois pays d'Europe du Nord (Danemark, Finlande et Suède) où elles constituent une majorité des dépenses publiques hors protection sociale ; partout, les collectivités locales assurent aussi l'essentiel de l'investissement public. Dans plusieurs pays européens, la décentralisation a été promue et approfondie au cours de la décennie 90, mais les modalités choisies diffèrent sensiblement selon les pays, la plupart (Espagne, Italie, Royaume-Uni notamment) ayant recours à des formules hybrides entre les modèles canoniques de l'Etat unitaire et de l'Etat fédéral.

Les évolutions de la fiscalité locale des Etats membres de l'UE au cours de la dernière décennie ne dessinent aucune perspective ou orientation commune, le principe de subsidiarité interdisant à la Commission de faire la moindre proposition, ou même étude comparative, en matière de finances publiques locales. En outre, si, comme on le verra dans la suite de ce chapitre, les forces de la concurrence fiscale sont pour beaucoup dans les réformes mises en oeuvre dans certains pays européens en matière de fiscalité locale, leur pertinence se fait moins sentir à l'échelle internationale, entre pays de l'UE, qu'au sein des pays, entre collectivités territoriales.

Outre deux des trois Etats fédéraux déjà mentionnés (Allemagne et Belgique) dans lesquels les recettes fiscales des Etats fédérés constituent une part substantielle des recettes totales (entre 1/3 et 1/4), seuls les pays d'Europe du Nord (Danemark, Finlande et Suède) se distinguent par une fiscalité locale importante (15 % du PIB au Danemark et en Suède, 11 % en Finlande). Partout ailleurs, le poids de la fiscalité locale est faible, voire quasi nul (Irlande), de sorte qu'une part importante du financement des dépenses publiques locales est assurée par des transferts en provenance de l'Etat central. Toutefois, les réformes fiscales mises en oeuvre dans plusieurs pays de l'UE au cours de la décennie passée ont, dans certains cas, sensiblement modifié les sources de financement des dépenses publiques locales et l'équilibre antérieur entre les différentes sources de financement, notamment entre ce qui provient de la fiscalité locale et ce qui est versé par l'Etat aux collectivités territoriales. De ce point de vue, chaque pays choisit un équilibre singulier, qui évolue dans le temps selon l'arbitrage entre autonomie fiscale des collectivités locales et les impératifs de l'efficience -- à la fois parce que la concurrence fiscale induit des distorsions dans les choix de localisation des agents privés, et parce que certains types de prélèvements locaux engendrent des choix économiques indésirables -- et de l'équité -- soit verticale, parce que la fiscalité locale est régressive, soit horizontale, parce que la diversité des fiscalités locales produit des inégalités de traitements de contribuables connaissant des situations économiques identiques.

Plutôt qu'une description exhaustive des structures locales et des modalités de financement de leurs dépenses, difficilement synthétique en raison de l'extrême diversité des choix nationaux et disponible ailleurs par pays (voir les fiches pays du présent rapport et, par exemple, Dexia-Crédit local de France, 1997), ce chapitre propose, après un bref rappel des principaux impôts locaux existants dans les pays de l'UE, une analyse articulée autour de trois thèmes centraux dans le débat sur la décentralisation et le financement des collectivités locales : l'imposition locale des entreprises, et donc, la question de la concurrence fiscale entre collectivités territoriales ; la spécialisation fiscale, c'est-à-dire le caractère plus ou moins exclusif ou, au contraire, partagé des assiettes fiscales ; et l'autonomie financière des collectivités locales 110 ( * ) .

I. Des fiscalités locales disparates

Les sources de financement des collectivités locales européennes et leur importance relative présentent une grande diversité selon les pays, de sorte qu'une typologie générale apparaît particulièrement malaisée et, somme toute, peu éclairante. En effet, en dehors du clivage, pertinent, entre fiscalité locale propre et ressources transférées de l'échelon national (cf. infra ), les spécificités nationales des fiscalités locales semblent relever davantage de l'héritage historique que de logiques généralisables. L'un des déterminants a trait aux compétences dévolues aux collectivités locales, qui varient grandement selon les pays : ainsi, la part des dépenses publiques totales assumée par les collectivités locales est-elle élevée dans les pays d'Europe du Nord (tableau 1) -- essentiellement parce qu'elles ont, dans ces pays, la charge de l'éducation, y compris la rémunération des enseignants, et, dans certains cas, de la santé. Il convient de noter que la part des dépenses publiques locales dans le PIB a eu tendance à se réduire au cours des années récentes dans la plupart des pays européens, à l'exception de l'Espagne, de l'Irlande et, de manière moins importante, de la France.

En outre, les réalités institutionnelles nationales diffèrent considérablement quant au nombre de niveaux de gouvernement infra nationaux -- le plus souvent deux, le niveau le plus bas n'ayant, dans les Etats fédéraux, que très peu d'autonomie -- et quant au nombre de collectivités à chaque niveau. Dans ces deux dimensions, la France se distingue nettement de ses partenaires, avec un empilement complexe de niveaux d'administration territoriale, dont les frontières de compétence sont relativement mal définies, et un nombre important d'entités à chaque niveau 111 ( * ) .

Tableau 1 : Poids des collectivités locales et de la fiscalité locale

 

Dépenses publiques locales/PIB

Recettes fiscales locales/recettes locales totales

 

1994

2000

1994

1999

Allemagne a

14,0 et 7,5

13,8 et 7,4

30

33

Autriche a

11,2 et 9,0

10,3 et 9,4

42

14

Belgique a

12,3 et 7,4

13,2 et 6,6

32

45

Danemark

33,0

30,6

48

50

Espagne b

12,0

14,3

16 et 53

20 et 45

Finlande

23,0

17,3

45

42

France

9,2

9,8

52

57

Grèce c

2,1

2,2

Nd

30 et 7

Irlande

5,4

11,7

16

26

Italie

13,7

13,5

21

24

Luxembourg

11,7

5,7

31

32

Pays-Bas d

19,1

15,2

7

7 et 21

Portugal

3,7

5,7

31

32

Royaume-Uni

10,0

9,5

13

13

Suède

28,7

23,9

59

57

a. Etats fédérés et secteur local pour les dépenses, secteur local seul pour la fiscalité.

b. Communautés autonomes et secteur local, pour les recettes.

c. Communes et départements, pour les recettes.

d. En 1994, communes seulement. Recettes 1998 pour les communes, 1999 pour les provinces.

Sources : Dexia, 1997 et 2002.

La France se distingue également par une fiscalité locale qui, sans être parmi les plus lourdes (en pourcentage du PIB), assure une part importante -- environ la moitié -- du financement des dépenses publiques locales. De ce point de vue, seuls les pays nordiques, avec des fiscalités locales dont le poids dans le PIB dépasse les 10 %, sont proches de la France. En règle générale, en effet, les recettes de fiscalité locale propre représentent moins de la moitié du total des recettes des collectivités territoriales dans la majorité des Etats européens, à l'exception des fédérations, dans lesquelles le niveau des Etats fédérés pèse lourd (tableau 9 du chapitre 1 et tableau 1), mais partage souvent des impôts avec le niveau central, sans véritable autonomie fiscale (cf. infra ).

En matière d'assiettes également, les fiscalités locales européennes font apparaître une très grande diversité. De manière peu surprenante, la plupart des fiscalités locales comportent des impôts assis sur les bases les moins mobiles : en général -- sauf au Danemark, en Irlande et en Suède --, un impôt foncier sur les biens immeubles des ménages -- parfois aussi sur le foncier non bâti --, dont le redevable est parfois le propriétaire (la taxe sur le foncier bâti en France, impôt foncier aux Pays-Bas, par exemple), parfois l'occupant (la council tax britannique ou la taxe d'habitation française) ; et, dans presque tous les pays -- sauf le Royaume-Uni et la Suède --, un impôt foncier sur les entreprises ou, plus généralement, sur les activités économiques. En outre, une évaluation des immobilisations des entreprises entre toujours dans le calcul de l'assiette des autres impôts locaux versés par les entreprises lorsque ceux-ci sont assis sur une base difficilement localisable -- bénéfice ou valeur ajoutée nette, par exemple. Tous les impôts fonciers locaux présentent une difficulté spécifique, celle d'évaluation des bases : chaque pays a fait, de ce point de vue, des choix différents, mais, en dehors du Royaume-Uni qui recourt à la valeur vénale, la plupart s'appuient sur une valeur locative, dont les révisions sont, presque toujours, coûteuses, donc peu fréquentes 112 ( * ) .

Outre l'impôt foncier, une minorité de pays européens recourt à des impôts locaux directs sur les personnes, et seuls sept d'entre eux -- Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, Portugal et Suède -- ont un impôt local sur le revenu des personnes, généralement sous forme de centimes additionnels à l'impôt national, mais parfois simplement sous forme de partage des recettes de l'impôt national, sans véritable autonomie locale dans la fixation des taux (Allemagne, Portugal). Rappelons qu'en France, une loi votée en 1990 par l'Assemblée nationale se proposait de remplacer la part départementale de la taxe d'habitation par une taxe départementale sur le revenu des personnes sur le mode des centimes additionnels à l'IRPP. Bien que relativement peu répandue en Europe 113 ( * ) , l'imposition locale des revenus des personnes présente des avantages importants en termes d'efficacité et d'équité, tant horizontale que verticale, puisqu'elle est assise sur la capacité contributive du contribuable.

En matière de fiscalité locale des personnes, les années 90 n'ont pas été marquées par de grandes réformes. Il est vrai que le seul bouleversement d'envergure -- l'introduction, au Royaume-Uni, de la Poll tax , ou Community charge , impôt forfaitaire local sur toutes les personnes physiques majeures, par le gouvernement Thatcher en 1990 114 ( * ) --, s'était révélé suffisamment désastreux sur le plan politique pour calmer les ardeurs des plus fervents réformateurs et de ceux qui critiquent le caractère inefficace ou inique de la fiscalité locale des personnes. Pourtant, quelques aménagements ou commencements de réformes ont eu lieu au cours des années récentes. En Espagne, la poursuite de la décentralisation s'est traduite, en 1997 puis en 2001, par la cession d'une part plus importante (33 %) des recettes de l'impôt sur le revenu des personnes physiques -- ainsi que l'octroi de la faculté de faire varier de 3 points le taux d'imposition -- aux Communautés autonomes qui, désormais, assurent le financement des dépenses de santé 115 ( * ) . En France, les impôts locaux sur les ménages n'ont pas été réformés, mais sensiblement allégés au cours des années récentes (1999-2001), avec notamment la réduction de la taxe d'habitation.

Les personnes physiques sont aussi soumises, dans la plupart des pays, à une variété plus ou moins grande de taxes locales spécifiques (sur les véhicules, les mutations économiques, l'enlèvement des ordures ménagères, etc.), certaines ayant plus la nature d'une redevance pour service rendu que d'un impôt. En France, plusieurs de ces taxes ont été supprimées ou allégées au cours des années récentes (vignette automobile, droits de mutation).

II. L'imposition locale des activités économiques : coûts de production et concurrence fiscale

La question de l'imposition locale des entreprises est, dans tous les pays, une source de difficultés importantes et donc d'hésitations, ayant entraîné, dans les années récentes, plusieurs réformes importantes. Elle pose, en effet, tout d'abord un problème de principe : faut-il ou non assujettir les activités économiques à un prélèvement local ; ne faudrait-il pas, au contraire, prélever uniquement sur les personnes physiques pour financer des dépenses qui bénéficient davantage à ces dernières, l'impôt local constituant, dans un raisonnement économique idéal, en quelque sorte le « prix fiscal » des biens et services publics locaux, donc un élément déterminant des choix électoraux des citoyens locaux ? 116 ( * ) Si cette logique, que l'on pourrait qualifier de « logique de club », prévaut comme fondement du financement des collectivités locales, les entreprises ne devraient y contribuer qu'au prorata des avantages qu'elles tirent de leur localisation, en termes de biens et services publics locaux, ce qui renvoie à la notion d'attractivité des territoires, si souvent évoquée dans le contexte de la concurrence fiscale. Mais l'évaluation empirique de ces avantages apparaît singulièrement malaisée.

Lorsqu'elle est pratiquée, l'imposition locale se heurte à deux difficultés distinctes : d'une part, au problème de la mobilité de l'assiette, de sa localisation et des risques de délocalisation qui résultent de la concurrence fiscale (voir, notamment, Madiès, 1997 a et b ; Paty, 2000) ; d'autre part, à d'éventuelles contradictions avec les orientations nationales, notamment en matière de baisse de charges sur certains facteurs de production. Enfin certaines assiettes de la fiscalité locale des entreprises, et singulièrement le bénéfice, connaissent d'importantes variations conjoncturelles, ce qui pose problème dans la gestion des finances locales.

Face à ces difficultés, les pays européens ont apporté des réponses différentes, qui ont aussi sensiblement varié dans le temps, et qui couvrent presque tout l'éventail imaginable, depuis l'abandon total de l'imposition locale des entreprises (Royaume-Uni) jusqu'à une imposition locale autonome des activités productives. Le niveau d'imposition locale des entreprises, donc aussi le nombre de collectivités locales en concurrence, sont une dimension essentielle de cette diversité des choix.

Tous les pays européens, à l'exception notable du Royaume-Uni et de la Suède, pratiquent au moins une imposition foncière des activités économiques. Dans certains d'entre eux, comme l'Irlande, cet impôt foncier constitue même la principale source de recettes fiscales des collectivités territoriales. L'avantage de ce mode d'imposition est, comme pour les ménages, l'immobilité de l'assiette ; mais, dans des marchés fonciers et immobiliers ouverts et concurrentiels, la fiscalité locale tend à être capitalisée dans les prix et dans les loyers des immeubles, notamment ceux à vocation professionnelle, de sorte que la concurrence fiscale peut s'exercer malgré tout 117 ( * ) . C'est la raison pour laquelle le Royaume-Uni avait choisi, dès les années 80, d'interdire toute autonomie locale en matière de Business rates , en centralisant l'impôt foncier sur les entreprises. A l'inverse, toutefois, on pourrait soutenir que, le mécanisme de capitalisation jouant aussi bien du côté des prélèvements -- en amputant la valeur vénale des biens immobiliers de la valeur actualisée des prélèvements futurs qu'ils supporteront -- que du côté des aménités et services publics locaux offerts en contrepartie de ces prélèvements -- en accroissant, au contraire, cette même valeur vénale d'une évaluation des ces avantages futurs de localisation --, l'assiette foncière est celle qui se rapproche le plus de la conception de la collectivité locale comme un club, et de l'impôt local comme un prix fiscal des biens et services publics offerts.

Par ailleurs, sept des pays membres de l'UE -- l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la France, l'Italie, le Luxembourg et le Portugal -- ont également recours à une imposition locale spécifique des activités productives, qui s'appuie sur des assiettes assez diverses (immobilisations, masse salariale ou nombre de salariés, bénéfice, valeur ajoutée, etc.). Dans plusieurs de ces pays, des réformes de l'imposition locale des entreprises ont été mises en oeuvre au cours de la décennie passée, soit pour réduire les conséquences de la concurrence fiscale sur ces impôts, soit pour assurer une meilleure adéquation avec les objectifs généraux de la politique fiscale nationale. Ainsi, en Allemagne, la « taxe professionnelle », précédemment assise sur les immobilisations et la masse salariale, à l'instar de la taxe professionnelle française, a-t-elle modifiée : ce sont désormais les bénéfices qui en constituent l'assiette 118 ( * ) . En France, une réforme de la taxe professionnelle a été entreprise depuis 1999, qui vise à l'élimination progressive de la masse salariale de l'assiette, de manière à alléger le coût du travail, conformément aux orientations générales de la politique fiscale nationale.

Bien qu'aucune tendance commune claire ne se dessine en la matière, il semble que plusieurs pays européens se tournent vers une imposition locale des entreprises sur la base d'une assiette plus favorable que par le passé à l'emploi et qui reflète autant que possible la capacité contributive actuelle de l'entreprise, qu'il s'agisse du bénéfice ou de la valeur ajoutée : c'est, comme on l'a vu, le cas de l'Allemagne (bénéfice), mais aussi, plus récemment, de la réforme menée en Italie ( IRAP ) (valeur ajoutée) et, pour une part, de la France, puisque le plafonnement de la taxe professionnelle en pourcentage de la valeur ajoutée aboutit, en pratique, à ce que bon nombre d'entreprises acquittent un impôt local proportionnel à la valeur ajoutée. Si ces assiettes apparaissent économiquement mieux fondées, elles présentent cependant deux inconvénients : d'une part, elles sont plus difficilement localisables, c'est-à-dire attribuables à telle ou telle entité territoriale, dans le cas des entreprises ayant des établissements dans plusieurs collectivités locales ; d'autre part, les recettes de ces impôts sont plus sensibles à la conjoncture que lorsque l'assiette est constituée d'une évaluation des immobilisations ou de la masse salariale, plus inertes 119 ( * ) , ce qui peut poser aux collectivités locales perceptrices des problèmes de gestion financière.

En définitive, toutes les modalités d'imposition locale des activités productives présentent de sérieux inconvénients, qui justifient l'abandon de ce type d'impôts par certains pays et les nombreuses réformes mises en oeuvre par les autres : d'une part, en effet, ces impôts sont inéluctablement l'instrument de concurrence fiscale, même si l'ampleur de celle-ci ne fait pas l'unanimité ; d'autre part, l'imposition locale des entreprises soulève le problème des inégalités de potentiel fiscal et de leur caractère cumulatif, dès lors que les prélèvements effectués localement sur les entreprises ne profitent pas exclusivement à ces dernières.

III. La spécialisation fiscale

Faut-il réserver certains types d'impôt à chaque niveau d'administration territoriale, ou bien est-il préférable que plusieurs niveaux se partagent certaines assiettes ? Ce débat, classiquement mené en France sous l'appellation générique de la spécialisation fiscale, est, à des degrés divers, présent dans tous les pays européens, qui lui ont apporté des réponses différentes, et variables dans le temps. Bien qu'il soit difficile de déceler dans les évolutions récentes des fiscalités locales européennes une tendance commune clairement marquée, il semble que bon nombre de réformes menées entre 1992 et 2002 aillent plutôt dans le sens d'un partage des ressources fiscales entre niveaux de gouvernement, et singulièrement entre l'échelon national et l'échelon régional.

Les logiques qui président à la spécialisation fiscale ou, au contraire, au partage des impôts entre niveaux de collectivités territoriales sont de plusieurs ordres : d'un côté, la volonté de doter les collectivités de ressources dynamiques et de modalités de financement conformes aux orientations nationales incite à partager certains grands impôts, comme l'impôt sur le revenu des personnes, la TVA, ou la TIPP ; à l'inverse, la spécialisation fiscale est souvent présentée comme une source de clarification des responsabilités et comme un moyen de limiter la concurrence fiscale.

En France, comme dans une majorité de pays européens, les divers niveaux de collectivités territoriales prélèvent des impôts et taxes dont l'assiette est commune ; mais il n'y a pas d'impôt commun aux niveaux national et locaux. Cette situation apparaît davantage l'exception que la règle. Dans de nombreux pays européens, en effet, les collectivités locales partagent avec le gouvernement central certains grands impôts, qu'il s'agisse de l'impôt sur le revenu des personnes (pays nordiques, Espagne), de l'impôt sur les bénéfices des sociétés (Italie, avant l'introduction de l' IRAP ), ou des principaux impôts indirects, TVA (Allemagne, Espagne) et TIPP (Espagne) notamment. Mais ce partage ne s'accompagne pas toujours de la libre détermination des taux de prélèvement locaux : dans la plupart des pays cités, en effet, les taux sont fixés nationalement et les collectivités n'ont, au mieux, qu'une marge de manoeuvre très faible (Espagne depuis la réforme, pays nordiques) ou nulle (Allemagne) ; le plus souvent, le partage s'effectue selon une clé de répartition entre niveaux.

L'imposition locale des entreprises pose, de ce point de vue, un problème spécifique, en raison de la concurrence fiscale qu'elle peut susciter, notamment lorsque le niveau de collectivités qui la pratique est bas, correspondant donc à des territoires de faible superficie (inférieure au bassin d'emploi). La réforme entamée par la France, dans le cadre du regroupement communal, avec l'introduction de la taxe professionnelle unique, qui amorce une certaine spécialisation, affiche l'objectif explicite de limiter la concurrence fiscale au sein des agglomérations, dont on peut penser qu'elle est particulièrement forte (Jayet, Benard et Rajaornison, 1999).

IV. L'autonomie financière des collectivités locales

Au coeur du débat sur la fiscalité locale en France, notamment depuis les réformes récentes qui ont amputé un peu plus les ressources propres des collectivités territoriales -- suppression de la vignette automobile, de la part salariale de la taxe professionnelle, de certains droits de mutation, allègement de la taxe d'habitation --, et mise en exergue dans le rapport Mauroy sur la décentralisation, la question de l'autonomie financière des collectivités locales reçoit, dans les différents pays européens, des réponses très diverses, qui reflètent des arbitrages différents entre les objectifs nationaux d'efficience et d'équité et le souci de décentralisation et de responsabilisation des élus locaux. Ce débat rejoint en partie celui sur la spécialisation fiscale -- dans la mesure où la responsabilisation des élus implique une clarification du dispositif de financement --, mais s'en distingue néanmoins en mettant l'accent sur la possibilité, pour ces élus, de déterminer, en toute liberté ou, du moins, avec des marges de manoeuvre appréciables, les modalités de prélèvements -- c'est-à-dire les taux d'imposition, car les assiettes elles-mêmes sont, dans tous les cas, définies par le gouvernement central.

Généralement jaugée à l'aune de la part des recettes locales assurée par la fiscalité contrôlée en propre par les autorités locales (tableau 1), cette notion d'autonomie financière est, en réalité, beaucoup plus ambiguë qu'il n'y paraît, dans des systèmes où un nombre important d'impôts sont empilés et partagés, sans que les marges de manoeuvre fiscale des collectivités locales soient toujours effectives (Dexia, 2002). Selon ce critère, cependant, il apparaît que la majorité des pays européens a légèrement accru, au cours des années 90, l'autonomie financière de ses collectivités locales ; mais celle-ci demeure, presque partout, très limitée -- avec un indicateur le plus souvent inférieur à 50 %, la situation française constituant, de ce point de vue, plutôt une exception que la règle. Il convient notamment de souligner que les pays à structure fédérale -- ainsi que bon nombre de ceux qui confient désormais des compétences importantes et étendues, en matière notamment d'éducation et de santé, à leur secteur public local -- ont généralement fait le choix des impôts partagés ou empilés : dans la plupart de ces pays, le niveau des Etats fédérés et, parfois, celui des collectivités locales sont financés par la répartition, selon une clé de partage prédéterminée, du produit de certains grands impôts à fort rendement, sans que les niveaux infra-nationaux aient véritablement de marges de manoeuvre sur la fixation du taux local de prélèvement.

Ce type de solution, dont les exemples les plus extrêmes sont les Pays-Bas et le Royaume-Uni, présente de nombreux avantages en évitant ou, du moins, en limitant les problèmes de concurrence fiscale et d'iniquité horizontale de traitement des contribuables résidant dans des collectivités différentes, ainsi que ceux qui résultent d'éventuels conflits d'objectifs entre niveaux de gouvernement (cf. supra ). Les partages de recettes selon des clés de répartition qui reflètent, en général, les besoins locaux -- population, potentiel fiscal, etc. -- permettent d'effectuer une importante péréquation de recettes entre collectivités qui sont, dès lors, en position de prendre des décisions fiscales autonomes.

Conclusion

Puisque la France est à la veille de lancer une nouvelle vague de décentralisation, la question du financement des collectivités locales va se poser avec acuité et l'exemple des expériences européennes des années récentes devrait permettre, par la diversité des choix qui les caractérisent, d'alimenter une réflexion mieux étayée sur les conséquences des choix faits en ce domaine crucial.

Pas plus que la répartition des compétences entre les différents niveaux d'administration locale dans les pays membres de l'UE, les nombreuses réformes des fiscalités locales européennes qui ont été mises en oeuvre au cours de la dernière décennie n'esquissent de convergences évidentes : la diversité demeure considérable, tant dans le choix des assiettes que les modalités de détermination des taux et dans le degré d'autonomie financière des collectivités locales. Toutefois, dans plusieurs pays européens, la fiscalité locale pesant sur les entreprises a été réformée et allégée ou centralisée, pour remédier aux problèmes de concurrence fiscale et réduire le poids des assiettes qui renchérissent le coût des facteurs de production, et notamment le travail. Cette préoccupation a abouti à l'abandon, en Allemagne, en Italie et, plus récemment, en France, des assiettes de type « masse salariale », soit en réservant l'imposition des entreprises au niveau central de gouvernement, soit pour privilégier des assiettes plus neutres -- comme la valeur ajoutée -- ou plus favorable à l'emploi -- comme le bénéfice.

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Chapitre 2. 7 : La fiscalité écologique : nouvelle tendance ou velléités ?

Jacques Le Cacheux

La montée en puissance de l'écotaxe est nécessaire en Europe si celle-ci veut réduire ses émissions de gaz à serre comme elle s'y est engagée à Kyoto et répondre à la montée des exigences écologique. S'il est difficile qu'elle ne nuise pas aux secteurs pollueurs, elle fournirait, si elle finance une réduction des cotisations sociales employeurs, un double dividende : réduction de la pollution et hausse de l'emploi. L'écotaxe serait d'autant plus efficace qu'elle serait harmonisée à l'échelle européenne.

La montée, dans tous les pays européens, d'une conscience écologique dans des cercles de plus en plus larges de l'opinion, ainsi que le souci de trouver de nouvelles assiettes de prélèvements obligatoires pour en soulager d'autres, a conduit, depuis le début des années 90, à une généralisation, en Europe, de différents types de taxes indirectes à objectif désincitatif destinées à renchérir l'usage de certaines ressources naturelles limitées ou l'émission de rejets polluants. Elles ont été regroupées sous le vocable générique d'écotaxes. Activement promues par la Commission européenne au début de la décennie passée, ces écotaxes n'ont cependant pas connu, dans la majorité des pays, le succès que l'on pouvait attendre : si tous les pays européens ont, depuis longtemps, une fiscalité spécifique sur les consommations d'énergie, et en particulier sur les carburants fossiles, périodiquement alourdie au motif d'en renchérir l'usage selon la logique pigouvienne 120 ( * ) , et si la plupart des pays européens ont introduit des taxes spécifiques sur des activités polluantes, peu d'entre eux --en dehors des Pays-Bas récemment -- ont adopté des écotaxes générales et plus que symboliques.

La France, qui avait introduit dans la loi de finances pour 2001, une Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP) à l'intitulé ambitieux, ne fait pas exception à cette règle : en multipliant les exonérations et exemptions, le gouvernement précédent a, en pratique, grandement compromis les effets bénéfiques attendus en termes de réduction des consommations intermédiaires polluantes des industries et de l'agriculture. Comme chez la plupart de nos partenaires, les producteurs sur qui est prélevée l'écotaxe s'y opposent au prétexte qu'elle renchérit leurs coûts de production et met en péril leur compétitivité. En réalité, si cet argument est incontestable lorsqu'il fait référence aux coûts marginaux de production -- qui sont, précisément, la cible de cette imposition --, il l'est beaucoup moins en termes de coûts moyens. Et il est tout à fait concevable, comme on le verra dans la troisième partie de ce chapitre, d'accompagner l'introduction de l'écotaxe, puis ses alourdissements successifs, de réductions d'autres prélèvements acquittés par les producteurs -- sans préjuger de l'incidence ultime des prélèvements concernés.

I. Généralisation de la logique pigouvienne ?

D'une manière générale, dès lors que la puissance publique souhaite, pour diverses raisons, influer sur les usages privés de certains produits, elle a le choix entre plusieurs méthodes, dont l'efficacité varie selon les cas et que l'on peut ranger en deux grandes catégories : les restrictions administratives quantitatives, qui peuvent aller de la prohibition pure et simple -- comme dans le cas des drogues illicites, dans la plupart des pays européens -- à des quotas d'usage - pour l'eau utilisée dans l'irrigation des cultures --, d'émissions ou de rejets -- comme c'est le cas, dans la plupart des pays européens, pour les émissions polluantes des véhicules, les rejets d'eaux usées des activités productives, etc. 121 ( * ) ; et les désincitations pécuniaires qui compte sur la rationalité économique de l'utilisateur du produit visé. Chacune des deux méthodes engendre des coûts pour les utilisateurs des produits réputés à l'origine des émissions polluantes : dans le premier cas, il s'agit d'un coût de mise aux normes des installations -- pots d'échappement catalytiques, station d'épuration, etc. -- ; dans le second, d'une augmentation du prix acquitté pour consommer le produit taxé, ce qui peut sembler plus visible. A la différence de la plupart des autres cas fiscaux, où l'on cherche à minimiser les distorsions induites par la fiscalité, tout en visant un effet maximum sur le ou les objectifs que l'on se donne, la taxation « pigouvienne » a donc pour but explicite l'exploitation des distorsions qu'elle engendre dans le système de prix relatifs, donc dans les incitations auxquelles les agents économiques sont soumis dans leurs choix de comportement, en tant que consommateurs ou producteurs. Tous les pays européens ont ainsi, depuis longtemps, recours à des modes de taxation délibérément dissuasive de certaines consommations individuelles -- alcool, tabac, carburants -- qui s'appuie sur l'effet désincitatif de l'impôt : en accroissant le prix acquitté par le consommateur, cette taxation augmente le coût marginal de l'usage du bien taxé. C'est également dans cette logique que s'inscrivent les écotaxes, qui frappent les consommations finales de carburants ou de sources d'énergie et les consommations intermédiaires de carburants ou autres intrants polluants, tels que les engrais chimiques et pesticides dans l'agriculture. Le premier objectif de ces taxes est donc d'engendrer une réduction des émissions polluantes en rendant plus coûteux l'usage des produits qui en sont la cause 122 ( * )

Les divers engagements nationaux en matière de protection de l'environnement et de lutte contre les pollutions avaient, depuis plusieurs années, incité les gouvernements européens à alourdir la taxation de la consommation d'un certain nombre de produits -- notamment les carburants hydrocarbures fossiles -- dont la combustion est à l'origine de rejets polluants dans l'atmosphère. Parallèlement, les normes quantitatives d'émissions ont été régulièrement durcies pour la plupart des principaux rejets polluants connus. Mais la tendance générale a longtemps été de cibler les alourdissements de fiscalité indirecte sur certains produits et de le faire supporter principalement par les consommateurs, en soumettant les usages productifs à des taxations plus légères, voire en les exonérant.

Au cours des dix dernières années, cette sélectivité a cédé le pas, du moins dans certains pays, à l'introduction de taxes générales sur les activités polluantes, mieux à même de produire des réductions d'émissions polluantes, dans une situation marquée par l'engagement de l'UE, pris à la conférence de Kyoto, de réduire sensiblement ses émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2010. La généralisation des écotaxes apparaissait ainsi comme l'instrument idoine pour atteindre de tels objectifs.

Toutefois, si presque tous les pays de l'UE ont formellement adopté des écotaxes, bien peu en ont fait un instrument général et leur ont donné un poids important. Plusieurs d'entre eux -- Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni notamment -- se sont d'abord contentés de baptiser écotaxe des augmentations de droits d'accises sur les carburants. Et ce n'est que très récemment -- à partir de 1996 aux Pays-Bas, de 2001 en Allemagne et en France, etc. -- que plusieurs pays ont introduit des véritables écotaxes, généralement de manière très progressives, à des taux bas et avec de très nombreux plafonnements, exonérations ou exemptions destinés à sauvegarder la compétitivité des producteurs gros consommateurs de produits polluants visés par la taxe. En outre, la hausse du prix du pétrole en 2000-2001 a incité certains gouvernements -- dont le gouvernement italien -- à suspendre l'application de l'écotaxe, tandis que d'autres -- dont le gouvernement français -- choisissaient de la conserver formellement, mais d'offrir à diverses catégories de producteurs des allégements de taxes ou des compensations qui en ont sensiblement amoindri la portée et le rendement 123 ( * ) .

II. Un « double dividende » ?

Dans plusieurs des pays européens où elles ont été introduites précocement, les écotaxes ont été justifiées, outre par les objectifs purement écologiques, par le souci de réduire, en compensation, d'autres prélèvements obligatoires, dont les assiettes apparaissaient moins favorables, notamment ceux assis sur les salaires ou le coût du travail (cotisations sociales en particulier). Certains pays, comme l'Allemagne et les Pays-Bas, ont même répercuté point pour point la montée en puissance de l'écotaxe dans des baisses de cotisations patronales -- retraite en Allemagne, maladie aux Pays-Bas. Dans la plupart des cas, ces dispositifs ont été justifiés par la logique dite du « double dividende » : les écotaxes auraient la double vertu d'inciter à réduire les usages de produits réputés polluants et de permettre, grâce aux recettes ainsi perçues, d'alléger le poids d'autres prélèvements, notamment ceux qui pèsent sur le coût du travail. On disposerait ainsi d'un instrument miracle à double usage : lutte contre la pollution et lutte contre le chômage ! Pourquoi, si tel était le cas, n'y recourrait-on pas plus massivement ?

En théorie, bien sûr, les situations du type free lunch -- l'équivalent de l'expression française « le beurre et l'argent du beurre » -- sont plutôt rares selon l'analyse économique standard. Mais, dans certaines configurations de marché -- selon les caractéristiques, notamment, de la demande des biens affectés par les prélèvements --, il se peut que l'écotaxe, associée à un allègement de cotisations, engendre à la fois une baisse du coût de production, favorable à l'emploi, et une certaine réduction des émissions polluantes visées. Pourtant, comme dans le domaine des droits d'accise frappant les consommations dangereuses pour la santé (tabac et alcool) ou, d'ailleurs, dans celui des droits sur les carburants, les recettes ne sont vraiment importantes que si la demande du produit taxé est peu élastique au prix 124 ( * ) , ce qui réduit quelque peu la probabilité du « double dividende ».

Il n'en demeure pas moins que la taxation des usages de produits réputés polluants, ou de ressources réputées rares, peut constituer une assiette de substitution intéressante si l'on souhaite réduire les prélèvements pesant sur d'autres facteurs de production, notamment le travail 125 ( * ) . Le « double dividende » sera d'autant plus élevé que le chômage sera lui-même élevé, puisque, dans un tel contexte, la taxation écologique et l'allègement des charges sur les salaires conduit à une « double réduction d'externalités », la pollution et le chômage. L'écotaxe sera d'autant mieux acceptée par ceux qui l'acquittent que son introduction sera plus progressive et compensée par des réductions de cotisations, même si cette substitution entraîne toujours une redistribution de la charge fiscale, car les producteurs qui ont une masse salariale importante ne sont que rarement ceux qui sont aussi gros consommateurs des produits polluants qui supportent l'écotaxe.

En outre, la logique de la compensation de l'augmentation du coût moyen de production engendrée par l'écotaxe est théoriquement fondée, puisqu'elle ne remet pas en cause l'effet désincitatif de la taxe, qui ne dépend que de son incidence à la marge. En effet, pour que le prélèvement soit efficace -- c'est-à-dire pour qu'il incite véritablement les utilisateurs à économiser sur l'usage du produit visé --, il suffit que son coût marginal soit accru : compenser exactement l'augmentation du coût moyen et du coût total de production subi par les producteurs est donc théoriquement possible, dès lors que cette compensation est forfaitaire -- par exemple sur la base des quantités historiquement consommées par chaque producteur ou chaque catégorie -- ou du moins assise sur autre chose que la consommation courante du produit visé. Ainsi, trois stratégies sont-elles possibles : la hausse de l'écotaxe peut être compensée par une subvention à la production au niveau de chaque type de produits ; elle peut être compensée par une subvention pour chaque producteur en fonction de sa consommation passée de produits polluants ; enfin elle peut être compensée au niveau de l'ensemble des entreprises par une réduction de charges sociales. Les deux premières réformes ont l'avantage de ne pas léser directement les entreprises polluantes ; mais elles sont délicates à mettre en oeuvre : elles supposent une connaissance fine des processus de production ; comment traiter les nouvelles entreprises ? intégrer en permanence les progrès techniques ? Les ménages ne sont pas découragés de consommer les produits dont la production est source de pollution. La troisième frappe directement les entreprises polluantes dont le coût moyen de production augmente ; la hausse des prix relatifs détourne les ménages des produits à production polluante ; cette stratégie a l'avantage de ne pas demander d'analyse microéconomique pour être mise en oeuvre et de permettre de subventionner l'emploi.

III. Vers une taxe européenne générale sur les activités polluantes ?

Les principaux obstacles à la généralisation des écotaxes en Europe sont de deux ordres : d'une part, les secteurs d'activité qui subissent le nouveau prélèvement protestent contre un alourdissement de leurs charges d'exploitation ; d'autre part, comme dans de nombreux autres domaines de l'imposition des entreprises, de tels prélèvements, précisément parce qu'ils accroissent les coûts de production, pèsent sur la compétitivité des activités qui les supportent et risquent donc d'engendrer des délocalisations ou, de manière équivalente, de susciter une concurrence fiscale.

Sur le premier point, il est possible, comme on l'a vu plus haut, d'accompagner l'introduction des écotaxes et leur montée en puissance progressive d'une compensation qui peut être forfaitaire -- ce qui limite les effets redistributifs -- ou fondée sur la réduction des charges pesant sur une autre assiette -- la masse salariale, par exemple.

Quant au second, il plaide pour une coordination ou une harmonisation européenne des écotaxes, voire pour l'adoption d'une écotaxe européenne. Cela ne ferait pas disparaître tous les problèmes de compétitivité et de concurrence fiscale, dans la mesure où les pays tiers n'adhéreraient pas nécessairement à cette démarche. Mais, dans ce domaine comme dans d'autres, il faut parfois assumer des choix qui apparaissent coûteux, si l'objectif de préservation de l'environnement -- et les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris par les pays de l'UE à Kyoto -- est pris au sérieux. Une telle orientation induira sans aucun doute la disparition, sur le sol européen, de certaines activités grosses consommatrices des produits taxés, qui se délocaliseront dans d'autres régions du monde ou incorporeront les progrès techniques leur permettant de continuer à produire avec une moindre quantité de ces produits. C'est déjà ce que l'on observe lorsque les normes quantitatives de rejets de certains polluants ont été durcies.

Bien sûr, une telle perspective peut paraître indésirable dans un contexte de chômage élevé en Europe, ce qui justifie les compensations offertes aux producteurs. Mais le chômage n'est pas uniformément élevé en Europe. A terme, c'est dans cette direction que l'UE devra cependant progresser, ne serait-ce que pour respecter ses engagements internationaux, et singulièrement le protocole de Kyoto sur la réduction des gaz à effets de serre 126 ( * ) .

Références bibliographiques

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BUREAU D., O. GODARD, J.-C. HOURCADE, C. HENRY, A. LIPIETZ et alii , 1998 : « Fiscalité de l'environnement », Rapports du Conseil d'analyse économique , n° 8, La Documentation française.

DRÈZE J., E. MALINVAUD et alii , 1994 : « Croissance et emploi : l'ambition d'une initiative européenne », Revue de l'OFCE , n°49, avril.

GUESNERIE R., et alii , 2003 : « Kyoto et les effets de serre », Rapport du CAE , La Documentation française.

LAMOTTE H., 1998 : La lutte contre l'effet de serre, les permis négociables et les mécanismes de pénalités et de sanctions : enjeux, questions et pistes de réflexion , note, Direction de la prévision, Paris, février.

LE CACHEUX J., 1997 : « Les réformes fiscales dans les pays de l'OCDE : Une décennie d'expériences », Revue française de finances publiques , octobre.

OCDE, 1997 : Ecotaxes et réforme fiscale verte , OCDE, Paris

STERDYNIAK H., M.-H. BLONDE, G. CORNILLEAU, J. LE CACHEUX et J. LE DEM, 1991 : Vers une fiscalité européenne , Paris : Economica.

Chapitre 3. 1 : Les réformes fiscales en Allemagne

L'Allemagne se caractérise par un taux de prélèvement obligatoire inférieur à la moyenne des pays européens (37,8 %, contre 40,8 % en 2000). Le taux de prélèvement obligatoire a fortement augmenté durant la décennie 1990. Les réformes en cours visent à réduire la charge fiscale et le coût du travail, à financer les retraites et à inciter à la protection de l'environnement. Elles tendent à élargir les assiettes pour réduire les taux. Le taux de l'IS a été abaissé à 26,25 %. Les abattements pour enfants ont été améliorés. Dans un pays à système social bismarckien, les cotisations représentent une part importante des prélèvements. La réforme des retraites a introduit un élément de capitalisation. La taxe écologique permet d'abaisser les cotisations employeurs. Des mécanismes de péréquation assurent aux collectivités locales une part importante des recettes fiscales.

I. Une mise en perspective dans les années 1990

L'Allemagne se caractérise par un taux de prélèvement obligatoire inférieur à la moyenne des pays européens (37,8 % selon les statistiques des recettes publiques de l'OCDE, contre 40,8 % dans l'Union européenne en 2000). Comme dans tous les pays à système social bismarckien, les cotisations représentent une part importante des prélèvements. Des mécanismes de péréquation assurent aux collectivités locales une part importante des recettes fiscales. Les impôts indirects représentent un peu plus de la moitié des recettes fiscales (52,8 % en 2001), exactement la moitié en intégrant la taxe professionnelle dans les impôts directs 127 ( * ) . Le système fiscal est concentré sur un nombre limité d'impôts. Les trois premiers (cotisations sociales, impôt sur le revenu et TVA) totalisent 85 % des recettes fiscales en 2001.

Tableau 1 : Prélèvements obligatoires

 

En % du PIB

En % du prélèvement des APU

 

1991

1992

1995

1998

2001

1991

1992

1995

1998

2001

Total prélèvements

40,27

37,94

41,1

41,9

41,2

100

100

100

100

100

Total impôts

24,03

21,34

23,41

23,76

23,67

59,7

56,2

56,9

56,9

57,4

dont :

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Impôts directs

11,4

11,7

11,1

11,5

11,2

28,2

30,8

27,0

27,0

27,1

dont :

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
IS

1,2

1,1

0,7

1,0

0,1

3,0

3,0

1,6

1,6

0,2

IR

9,6

10,0

9,9

10,1

10,7

23,9

26,3

24,1

24,1

26,0

Impôts sur le patrimoine

0,2

0,2

0,22

0,03

0,01

0,57

0,56

0,54

0,54

0,04

Autres impôts directs

0,3

0,4

0,3

0,3

0,3

0,8

0,9

0,8

0,8

0,8

 

Impôts indirects

12,7

9,7

12,3

12,2

12,5

31,5

25,4

29,9

29,9

30,3

dont part de l'UE

1,6

1,6

0,9

0,6

0,6

4,0

4,3

2,2

2,2

1,4

dont :

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

TVA :

6,4

6,3

6,7

6,7

6,7

15,8

16,7

16,2

16,2

16,4

Cotisations sociales

16,2

16,6

17,7

18,2

17,6

40,3

43,8

43,1

43,1

42,6

Collectivités locales

10,9

9,7

9,8

10,1

10,1

26,9

25,5

23,8

23,8

24,6

Impôts directs

6,4

6,6

6,1

6,4

6,2

15,9

17,5

14,8

14,8

15,0

Impôts indirects

4,4

3,0

3,7

3,7

4,0

11,0

8,0

9,0

9,0

9,6

 

Source : Statistisches Bundesamt.



Graphique 1 : taux de prélèvements obligatoires en Allemagne

En % du PIB

Source : Statistisches Bundesamt.

Les contraintes imposées par le financement de la réunification puis par le respect des critères de Maastricht se sont traduites par une progression quasiment continue du taux de prélèvement obligatoire durant la décennie 1990 (40,3 % en 1991, 42,8 % en 2000). Trois périodes peuvent être distinguées. Passés les premiers moments d'euphorie et l'espoir d'un miracle économique dans les nouveaux Länder, le gouvernement a été contraint dans un premier temps (1991-1995) de réagir à la forte dégradation du solde public en relevant dans l'urgence quasiment tous les prélèvements (majoration de la TIPP en 1991 et 1994, de la taxe sur le tabac en 1992, de la taxe sur les assurances en 1991 et 1993, majoration d'un point du taux normal de TVA en 1993, introduction pour un an de la surtaxe de solidarité en 1991, réintroduction de la surtaxe en 1995, relèvement du taux de cotisation chômage en 1991...). La réduction du déficit public favorisée notamment par la reprise de 1994 a permis dans un deuxième temps (1995-1997) d'engager des réformes plus structurelles (relèvement des abattements pour enfants en 1996, abaissement du taux de l'impôt sur les sociétés en 1994, suppression de l'impôt sur le patrimoine et de la part de la taxe professionnelle assise sur le capital en 1997). L'impact de ces réformes sur le taux de prélèvement fiscal est resté modéré, dans la mesure où elles ont été en partie financées par la suppression de plusieurs avantages fiscaux. Dans le même temps, les difficultés de financement des dépenses de retraites et d'assurance maladie ont nécessité de nouvelles hausses des taux de cotisation sociale, si bien que la part des prélèvements sociaux dans le PIB a atteint avec 18,5 % un niveau record en 1997. Dans un troisième temps (à partir de 1998), priorité a été donnée à la baisse des taux de prélèvements sociaux et de la fiscalité directe ainsi qu'à une réduction conjointe du déficit public, par une forte maîtrise des dépenses et par l'augmentation de la fiscalité indirecte. Le relèvement d'un point du taux de TVA en 1998 a permis de stabiliser le taux de cotisation retraite, avant que l'introduction, puis la majoration de l'écotaxe financent une baisse de 1,3 point de ce taux entre 1999 et 2001. Dans le même temps, le taux de la surtaxe de solidarité a été abaissé en 1998, et la nouvelle coalition au pouvoir à partir de 1998 a lancé un vaste programme de réformes de l'imposition des revenus des ménages et des entreprises, étalé sur les années 1999-2005.

Au-delà des nécessités immédiates imposées par le coût de la réunification, l'esprit général des réformes menées dans les années 1990 par la coalition de centre droit et partagé par l'ensemble des forces politiques a été de mener de front l'abaissement des taux d'imposition, la simplification du système fiscal et l'élargissement des bases imposables. A de multiples égards, ce mot d'ordre se retrouve dans les réformes fiscales engagées par le gouvernement en place depuis 1998.

II. Les réformes mises en oeuvre par le gouvernement Schröder

Les réformes engagées par le gouvernement Schröder visaient essentiellement cinq objectifs :

Poursuivre l'allégement de la charge fiscale des entreprises et des particuliers afin d'améliorer la compétitivité du « site de production allemand » ;

Alléger la charge fiscale des petites entreprises, le « Mittelstand » allemand ;

Préparer l'avenir du système d'assurance vieillesse ;

Abaisser le coût du travail ;

Engager une politique favorable à l'environnement. Le montant total des allégements nets des réformes se monte (cumul 1999/2005) à 56,8 milliards d'euros, soit 2,5 % du PIB. Il est d'un ordre de grandeur équivalent à celui de la réforme fiscale 1986/1988/1990.

Encadré 1 : Aperçu général des lois votées sous le gouvernement Schröder

Imposition des revenus :

Steueränderungsgesetz 1998 du 19 décembre 1998.

Steuerentlastungsgestz 1999 du 19 décembre 1998.

Steurentlastungsgestz 1999/2000/2002 du 24 mars.1999 : 3 premières étapes (1999-2000-2002 de la réforme de l'imposition des revenus, mesures d'élargissement de la base imposable).

Steuerbereinigungsgesetz 1999 du 22 décembre 1999.

Steuerreform 2000.

Steuersenkungsgesetz 23 octobre 2000 (avancement à 2001 de l'étape 2002 et nouvelles étapes 2003 et 2005 de la réforme de l'imposition des revenus, réforme imposition des sociétés 2001).

Steuersenkungsergänzungsgesetz 19 décembre 2000 (réforme imposition des sociétés 2001).

Gesetz zur Fortentwicklung des Unternehmensteuerrechts nov 2001 (réforme de l'imposition des sociétés 2002).

Politique familiale :

Gesetz zur Familienförderung du 22 décembre1999.

Assurance vieillesse :

Altersvermögensgesetz 26 juin 2001 (réforme de 2002).

Réforme écologique :

Gesetz zum Einstieg in die ökologische Steuerreform du 24 mars 1999 (étapes 1999).

Gesetz zur Fortführung der ökologischen Steuerreform du 16 décembre 1999 (étapes 2000 à 2003).

1. Les réformes de l'imposition des entreprises

Le contexte politique

Le chantier de la réforme de l'imposition des sociétés a été lancé en décembre 1998 par la mise en place de la commission Brühler, dont les propositions ont été rendues publiques le 30 avril 1999. Initialement lancé par Oskar Lafontaine, le projet de réforme devait déboucher sur une imposition unique des bénéfices, quelle que soit la forme juridique des entreprises, à un taux unique de 35 %. La taxe professionnelle assise sur les bénéfices devait disparaître. Les sociétés en nom personnel pouvaient opter soit pour le régime de l'IS, soit pour une imposition selon un barème spécifique. Selon le ministre des finances, cette réforme présentait l'avantage d'introduire des modalités uniques de détermination du bénéfice imposable, d'unifier le traitement des sociétés de personnes, prépondérantes, et des sociétés en capital.

Ce projet initial a cependant été mis en cause par une décision juridique. Dans une décision du 29 avril 1999, la Cour suprême fédérale des finances (Bundesfinanzhof) 128 ( * ) a estimé qu'une « imposition maximale différenciée en fonction de l'origine du revenu était anticonstitutionnelle ». Ceci s'appliquait à la différence existant entre le taux maximal de l'IR (53 %) et celui de l'impôt sur les sociétés en nom personnel (45 %), a fortiori au projet de nouvel impôt unique sur les sociétés.

La réforme de la fiscalité des entreprises -- la volonté d'assujettir à l'IS certaines provisions -- est l'une des raisons de la démission d'Oskar Lafontaine en mars 1999 et explique l'adoption relativement tardive du volet entreprise de la réforme fiscale. Le débat a essentiellement porté sur l'égalité de traitement entre les bénéfices des sociétés, celles des PME et les revenus des ménages assujettis à l'IR.

La logique de la réforme de l'imposition des entreprises

La neutralité de l'imposition des bénéfices, qui était garantie par le système d'imputation complète des bénéfices mis en place en 1977, a été abandonnée. Selon ce système, les bénéfices distribués sont imposés au niveau de l'actionnaire, mais ce dernier bénéficie d'un crédit d'impôt qui correspond au montant de l'impôt sur les bénéfices perçus sur les dividendes. L'argument avancé par le gouvernement pour justifier la réforme est que ce système peut freiner les investisseurs étrangers et les investissements à l'étranger, car l'imputation complète ne s'applique qu'en cas de distribution entre résidents. Il serait compliqué et difficile à appliquer à l'échelle de l'Europe. Le risque serait de voir les recettes fiscales se déplacer entre d'un côté les pays qui reçoivent l'impôt sur les bénéfices et, de l'autre, ceux qui compensent les crédits d'impôts. Un tel système supposerait donc une délicate harmonisation fiscale. En Allemagne même, ce système serait à l'origine de tensions entre les Länder.

Dans le nouveau système, les bénéfices des entreprises sont imposés au niveau de l'entreprise et les dividendes sont imposés au niveau de l'actionnaire ; le crédit d'impôt disparaît. En contrepartie, le taux d'imposition des bénéfices est uniforme à 25 % (voir tableau 2), soit un taux d'imposition total de 39,3 % en incluant la surtaxe de solidarité et la taxe professionnelle assise sur les bénéfices, contre 52,3 % (bénéfices réinvestis) et 43,6 % (bénéfices distribués) en 2000 129 ( * ) . De plus, seule la moitié des dividendes reçus par les actionnaires (personnes physiques) est inclue dans leur base imposable et les dividendes interentreprises ne sont plus soumis à l'impôt. En outre, l'exonération des dividendes versés par des filiales étrangères détenues à hauteur de plus de 10 % par des sociétés résidentes est désormais étendue à l'ensemble des dividendes en provenance de sociétés non résidentes.

C'est également pour compenser la suppression du système d'imputation complète que le gouvernement a modifié le régime d'imposition des plus-values de cessions de participation. Les plus-values peuvent en effet être considérées comme des profits accumulés, ayant déjà été soumises à l'impôt sur les sociétés, si bien que leur taxation au moment de la cession de participation induirait une double taxation. Le gouvernement avance également que ces plus-values résultent d'une sous-estimation de certains postes d'actif, qui seront soumis à l'impôt sur les sociétés au moment de leur liquidation. Si le premier argument paraît recevable, le second l'est moins : les entreprises qui liquident leur actif le font en règle générale en situation de faillite, si bien que l'imposition peut ne jamais se produire. Il est plus judicieux de considérer que les plus-values résultant d'une appréciation différenciée de la valeur de l'actif des sociétés par les marchés boursiers sont volatiles. Dans ce cadre, exonérer les plus-values latentes va de pair avec l'absence de remboursement en cas de moins-value latente. L'exonération des plus-values s'appliquait déjà dans le cas des cessions de participations étrangères depuis 1994 pour les participations supérieures à 10 % du capital. Pour le gouvernement, cette mesure permet donc aussi de traiter désormais de manière équivalente les investissements en Allemagne et à l'étranger et d'éviter la multiplication de sociétés holding dans d'autres pays européens. Elle vise également à accroître l'offre d'actions sur les marchés financiers et à engager un mouvement de recomposition des structures participatives.

Tableau 2 : Imposition des bénéfices

Impôt sur les bénéfices

Autres

Incitations fiscales/exonérations

Avant 2001

 
 

1988-1994 1 :

(distr. : 36 %, non distr.: 50 %)

1994-1999 1 :

(d : 30 %, nd : 45 %)

1999- 2000

Distrib. : 30 % (31,65 % 2 )

Non distr. 40 % (42,23 % 2 )

Les entreprises peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt (différence entre 30/40 %) en cas de distribution différée de bénéfices.

Imputation complète (depuis 1977).

Taxe professionnelle :

Même base que l'impôt sur les bénéfices depuis 1997.

Taux de base fédéral (5 %) et coefficient fixé par les municipalités (426 % en moy 2000, 428 % 2001-2005 selon SVR).

Impôt déductible de sa base,

Exempt de la surtaxe de solidarité.

Impôt sur le patrimoine :

Suppression en janvier 1997.

Impôt foncier :

1,5 % en moyenne de la valeur fiscale du bien.

Amortissements : linéaire ou dégressif. Accéléré : certains types d'investissement seulement, supplémentaire : en dessous d'un certain plafond d'actif.

-- Exonération des provisions pour pensions de vieillesse.

-- Durcissement du régime d'amortissement en 1999.

Pertes :

Entreprises résidentes :


-- ordinaires : report en arrière (<2 mill. DM, 1 à partir 2001) ; report en avant indéfini (>2 mill DM, 1 à partir 2001))

-- en capital : limité.

Entreprises non résidentes : restriction de la déductibilité des pertes à partir de janvier 1999.

Formule de calcul du taux légal d'imposition des bénéfices :

,

où mh est le taux de la taxe professionnelle assise sur les bénéfices, est le taux de l'impôt sur les bénéfices, surt est le taux de la surtaxe de solidarité (5,5 %)

En 2000 : = 52,3 (BND) ; 43,6 (BD)

Janvier 2001

 
 

Taux uniforme de 25 % (26,375 2 )

Suppression de l'imputation et remplacement par système du demi revenu.

Pas de modification

Pertes :

Entreprises résidentes :

-- ordinaires : report en arrière (<1 mill. DM à partir 2001)

-- report en avant indéfini (1 à partir 2001))

= 39,3 (BD et BND)

1. Introduction de la surtaxe de solidarité de 5,5 % introduite en 1993 .

2. y compris surtaxe de solidarité.

Tableau 3 : Imposition des dividendes, intérêts et plus-values en capital

Dividendes

Intérêts

Plus-values de cession de participation

Ancien régime

 
 

Retenue à la source de 25 % (26,38 %) non libératoire.

-- Inter-entreprises :

inclus dans la base imposable de l'entreprise qui reçoit.

Versés par une entreprise étrangère : participations > 10 % : exo.

-- Particuliers :

abattement 3000 DM/6000 couple) (total int. et dividendes). (6000/12 000 avant 2000)

Depuis 1992 :

Retenue à la source de 30 % (31,65 %) non libératoire

-- Particuliers :

Voir abattement dividendes.

-- Inter-entreprises :

Entreprises résidentes Imposées.

Reçues de l'étranger : Exonération pour les participations > 10 % et en cas de traité (sauf pour 5 % ).

Versés à l'étranger : ex

-- Particuliers :

Imposition uniquement pour les gains >1000 DM et délais de détention <1 an.

Au-delà d'un an : imposés en cas de participation substantielle (>10 %), les gains sont inclus dans la base imposable de l'IRPP.

Janvier 2001/2002

 
 

-- Inter entreprises :

exonération totale dans tous les cas (2001)

-- Particuliers :

Retenue de 20 % (21,1 %) (2001)

Relèvement de l'abattement (2002) : 1550/3100 euros Imposition de la moitié des dividendes

Inchangé

-- Interentreprises (2002) :

Exonération totale (sans condition de participation minimum ni de durée de détention des parts).

-- Particuliers (2002) :

abaissement du seuil de participation substantielle (>1 %) ; et système du demi-revenu. Dès 2001 pour les participations étrangères.

Encadré 2 : Mesures d'élargissement de l'assiette

Encadrement plus strict des règles de détermination du bénéfice fiscal :

-- Modification des règles d'évaluation des provisions constituées par les sociétés d'assurance ;

-- Durcissement du régime d'imputation des pertes ordinaires et en capital des sociétés résidentes ;

-- Suppression de l'imputation des pertes (01.01.1999) réalisées dans une filiale étrangère (en cas d'existence de traité bilatéral) ;

-- Limitations des possibilités de pratiquer des amortissements dérogatoires et réduction du taux d'amortissement dégressif pour les actifs circulants ou manufacturés de 30 % à 20 % (janvier 2001) (concerne surtout les entreprises intensives en capital), réduction du taux d'amortissement pour les actifs immobiliers de 4 à 3 %, adaptation des amortissements anticipés pour nouveaux investissements (possibilité donnée aux petites entreprises de constituer des provisions exonérées d'impôt en anticipation de la réalisation d'un investissement) adapté aux nouvelles conditions d'amortissement.

Le traitement des petites entreprises

Près de 84 % des entreprises sont en Allemagne des entreprises individuelles ; dans 86 % des cas, il s'agit d'entrepreneurs individuels ( Einzelunternehmen ), dans 14 % des cas de sociétés en nom personnel ( Personenunternehmen ). Les sociétés en nom personnel et les entrepreneurs individuels représentent un peu plus d'un tiers de la valeur ajoutée de l'ensemble des entreprises (selon les comptes de résultat publiés par la Bundesbank (Bundesbank Monatsbericht décembre 2001)).

Ces entreprises sont soumises au régime de l'impôt sur le revenu que les particuliers et bénéficient donc des allégements d'impôts inclus dans les différentes réformes ( voir impôt sur le revenu ). La détermination du bénéfice imposable est en général celle de la comparaison de la valeur nette (la base imposable se déduit comme la différence entre la valeur nette des actifs à la fin de l'exercice et celle de la fin de l'exercice précédent). Si les profits ne dépassent pas 48 000 DM par an et le chiffre d'affaires est inférieur à 500 000 DM, la méthode du revenu net peut être choisie (revenu brut moins les dépenses afférentes à l'activité).

En outre, la réforme de l'imposition des entreprises permet aux entrepreneurs individuels de bénéficier d'un crédit d'impôt sur le revenu forfaitaire au titre de la taxe professionnelle. La plupart des entreprises personnelles devraient désormais être exonérées de la taxe professionnelle. Comme de nombreuses entreprises personnelles ont un bénéfice inférieur au montant d'exonération forfaitaire de la taxe professionnelle, le relèvement du minimum d'exonération de l'impôt sur le revenu et l'abaissement des taux leur permettront de bénéficier également du crédit d'impôt. En contrepartie de l'exonération de la taxe professionnelle, les entreprises en nom personnel ne peuvent plus bénéficier de taux maximum réduits 130 ( * ) , avantage qui leur était conféré pour compenser leur assujettissement à la taxe professionnelle.

Contrairement à celles des entreprises soumises au régime de l'impôt sur les sociétés, les cessions d'entreprises en nom personnel ne sont pas exonérées de l'impôt, car les bénéfices n'ont pas été grevés de l'impôt sur les bénéfices. Mais les propriétaires de ces entreprises peuvent bénéficier dans certaines conditions d'un taux réduit de moitié (à partir de 2001), qui vise à limiter le montant de l'impôt dû lors de la transmission des droits de propriété.

La répartition des allégements d'impôts entre les différents types d'entreprises

La réforme fiscale est nettement plus favorable aux petites et moyennes entreprises (entendues ici comme les entreprises de moins de 500 salariés et dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions d'euros) (tableau 1). Cela tient d'une part à l'abaissement plus important du taux moyen d'imposition des entrepreneurs individuels et des entreprises en nom personnel, d'autre part au fait que les deux tiers des mesures d'élargissement de la base imposable sont supportées par les grandes entreprises, plus intensives en capital.

Tableau 4 : Impact total des réformes fiscales dans le cas des entreprises -- Cumul des mesures (1999/2005)

En milliards d'euros

PME

Grandes Entreprises

Allégements nets

- 15,8

+ 0,8

Source : Ministère des finances.

L'un des enjeux importants de la réforme fiscale est la mesure dans laquelle mesure la réforme conjointe de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu conduit ou non à désavantager in fine les entreprises en nom personnel par rapport aux sociétés en capital.

Selon les simulations réalisées par le Ministère des finances, le taux moyen d'imposition pour une entreprise en nom personnel appartenant à un couple marié dont le revenu imposable se monte à 51 129 euros par an (78 % des entreprises en nom personnel ont un revenu imposable inférieur à cette somme) passera de 25,3 % en 1998 à 19 % en 2005. En 2005, seules 5 % des entreprises -- celles dont le bénéfice imposable est supérieur à 128 000 euros -- seront soumises à un taux d'imposition équivalent à celui des sociétés en capital.

Tenant compte de l'imposition du propriétaire du capital, les simulations réalisées par le Conseil des Sages 131 ( * ) (Sachverständigenrat zur Begutachtung der gesamtwirtschaftlichen Entwicklung, 2001) montrent en outre qu'aussi bien avant qu'après la réforme, le régime fiscal avantage les petites entreprises, et que cet avantage s'est accru avec la réforme, en particulier grâce au système d'imputation de la taxe professionnelle assise sur les bénéfices.

L'impact de la réforme sur le coût du capital et le taux d'imposition marginal et moyen

L'application d'un taux uniforme d'imposition des bénéfices est, selon le gouvernement, plus favorable au réinvestissement des bénéfices, puisque les bénéfices non distribués étaient auparavant imposés à un taux supérieur à celui des bénéfices distribués. La réforme vise donc à accroître le taux d'autofinancement des entreprises, jugé trop faible en comparaison internationale.

Pour préciser les ordres de grandeur, des simulations ont été réalisées par le Conseil des Sages en novembre 2001 (Sachverständigenrat zur Begutachtung der gesamtwirtschaftlichen Entwicklung, 2001). Ces simulations distinguent 3 modes de financement (autofinancement, émission d'actions, endettement) et 5 types d'investissement (intangibles, bâtiments, machines, placements financiers, stocks) et permettent notamment de mesurer l'impact de la réforme sur le taux d'imposition moyen, entendu comme le taux d'imposition que supporte un investissement type qui rapporterait avant impôt une rentabilité de 20 % (voir chapitre sur la réforme de l'imposition des bénéfices).

La baisse du taux d'imposition légal se traduit par une baisse du taux moyen effectif d'imposition (tous types d'investissement et tous types de financement confondus) de 3,2 points (tableau 2). Elle est plus faible que la réduction du taux d'imposition légal (13 points pour les bénéfices non distribués, 4,3 points pour les bénéfices distribués) en raison du durcissement du régime d'amortissement. Assez logiquement, les investissements en machines bénéficient de la plus faible baisse du taux d'imposition moyen, en raison du durcissement des amortissements des actifs circulants ou manufacturés (voir encadré 2). Alors qu'avant réforme le taux d'imposition était supérieur en cas d'autofinancement, l'harmonisation des taux conduit à aligner le taux d'imposition moyen d'un investissement type financé par autofinancement sur celui d'un investissement type financé par émission d'action (38,8 %). Le taux d'imposition moyen reste en 2001 le plus élevé des grands pays européens .

Tableau 5 : Taux d'imposition moyen (tous types de financement confondus)

 

Intangibles

Bâtiments

Machines

Financiers

Stocks

Moyenne

2000

35,6

38,5

36,6

45,7

39,6

39,2

2001

33,0

36,5

35,3

39,4

35,5

36,0

Source : Sachverständigenrat zur Begutachtung der gesamtwirtschaftlichen Entwicklung, 2001.

2. Les réformes de l'impôt sur le revenu des personnes physiques

Comme pour celle de l'imposition des entreprises, la réforme comporte des éléments d'élargissement de la base imposable ainsi qu'une baisse des taux d'imposition. En outre, un certain nombre de mesures ont été prises en faveur des familles, à la suite d'une décision de la cour Constitutionnelle de 1998.

Les ménages sont les principaux bénéficiaires de la réforme fiscale (tableau 3). Mais les simulations de l'impact de la réforme tendent à majorer les allègements d'impôts, en raison de la non indexation des tranches du barème (progressif linéaire depuis 1990) sur l'inflation. Le graphique 1 permet de comparer pour différents cas types l'impact de la réforme sur le taux d'imposition moyen dans deux situations, l'une où le salaire nominal est fixe, l'autre où il progresse de 2,5 % par an (moyenne des dernières années). La baisse du taux d'imposition est deux fois moins importante quand on tient compte de l'inflation.

Tableau 6 : Impact total des réformes fiscales dans le cas des ménages -- Cumul des mesures (1999/2005)

En milliards d'euros

 

Allégements nets

- 41,7 (2 % du PIB, 2,7 % du RDB des ménages)

Source : Ministère des finances.

Graphique 2 : Taux d'imposition moyen de trois cas types de salariés

En %



Source : Ministère des finances.

Tableau 7 : Les principales mesures de la réforme de l'IRPP

Étape

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Cumul

Taux maximum

53

51

48,5

48,5

47

47

42

- 11 points

Taux minimum

23,9

22,9

19,9

19,9

17

17

15

- 8,9 points

Min. non imposable euros/personne/an

6 681

6 902

7 206

7 235

7 426

7 426

7 664

+ 11 %

Source : Ministère des finances.

Encadré 3 : La formule de calcul de l'impôt sur le revenu

La formule de calcul de l'impôt a été modifiée en moyenne tous les trois ans et demi entre 1958 et 2000.

Depuis l'année fiscale 1990, le taux marginal de l'impôt sur le revenu est linéaire avant d'être stable au-delà d'un certain revenu, alors qu'il dérivait dans les années 1980 d'une équation du quatrième degré avant la tranche d'imposition au taux marginal supérieur (barème non linéaire, progressif et continu avant la dernière tranche). Depuis l'année fiscale 1996, deux tranches linéaires sont distinguées pour le taux marginal avant la dernière tranche maximum de 53 %, avec progressivité entre les deux tranches.

Avec la réforme fiscale, le barème glisse progressivement sur un système à deux tranches linéaires (avant la dernière tranche à taux marginal stable), avec dégressivité entre les deux tranches.

Pour les formules des tranches du barème depuis 1958, voir :

http://www.bundesfinanzministerium.de/fach/tarife/start.htm

L'imposition des couples et les mesures en faveur des familles

Les éléments des couples sont imposés séparément, sauf s'ils optent pour une imposition conjointe. Tous les résidents doivent remplir une déclaration fiscale. L'impôt est dû le 31 mai de l'année suivant la fin de l'année fiscale. Dans un couple salarié, dont l'impôt est prélevé à la source, les conjoints déclarent leur situation familiale mais sans préciser le niveau de revenu de leur conjoint. Ils peuvent opter soit entre une classe d'impôt moyenne, soit pour deux classes d'impôts différentes selon leur niveau respectif de salaires.

Les mesures en faveur des familles ont été pour l'essentiel imposées à la suite d'un arrêt de la Cour constitutionnelle du 10 novembre 1998, qui considérait que le droit fiscal, en accordant aux parents célibataires un abattement pour les frais de prise en charge des enfants, tendait à défavoriser les couples mariés. Les ménages peuvent opter soit entre percevoir des allocations familiales (à l'heure actuelle de 138 euros pour les premier et deuxième enfants, de 150 euros pour le troisième, de 179 euros pour les enfants suivants), soit pour des abattements. Pour les couples qui optent pour l'imposition conjointe, les abattements sont imputés sur le revenu du couple. Pour les couples qui optent pour l'imposition séparée, les abattements sont déduits du revenu de celui qui en fait la demande. Lors de la déclaration à l'entreprise, les couples qui optent pour la déclaration conjointe déclarent avoir ou non des enfants à leur charge en même temps que leur situation de famille.

Suite à la décision de la Cour constitutionnelle, le montant des allocations familiales a été relevé. Au total, entre le premier janvier 1998 et le premier janvier 2000, les allocations familiales ont été relevées de 22,7 % (112,48 euros initialement). Le montant de l'abattement est en 2000 de 1 767 euros/an (3 534 pour un couple). Un abattement supplémentaire pour prise en charge a été introduit, d'un montant de 773 euros/an (1 546 pour un couple). Le montant total des exonérations induites par cette réforme se montant à 3,4 milliards d'euros.

Une seconde étape entrera en vigueur en 2002. Elle se soldera par des allégements de 2,4 milliards d'euros. Elle prévoit un nouveau relèvement du montant des allocations familiales (de 138 à 154 euros pour les deux premiers enfants, soit une augmentation de 11,6 %), un relèvement de l'abattement de 3 534 euros à 3 648 euros pour un couple. L'abattement supplémentaire sera fondu dans un nouvel abattement pour éducation et formation, d'un montant de 2 160 euros pour un couple. En échange, un certain nombre de déductions sont supprimées.

3. Les cotisations retraites, les réformes des retraites

Le régime d'assurance sociale, objet de la réforme 2001, fournit plus de 80 % des pensions des régimes contributifs obligatoires 132 ( * ) . Relèvent de ce régime tous les salariés du secteur privé, ainsi qu'une part importante des artisans. Le régime est un système à points, mais est dans les faits intermédiaire entre un régime à annuités et un régime à points. Le nombre de points obtenus chaque année est calculé comme le ratio entre la rémunération du salarié (jusqu'à concurrence du plafond) et la rémunération moyenne des assurés sociaux. Le montant de la pension est ainsi largement tributaire du nombre d'années de cotisation validées, si bien que plusieurs mécanismes compensent cet aspect fortement contributif. Le système est financé de façon contributive et paritaire. En 2001, le taux de cotisation retraite était de 19,1 %, dont 9,55 % à la charge des salariés et 9,55 % à la charge des employeurs. Néanmoins, près d'un quart des recettes de l'assurance pension légale sont financées sur ressources budgétaires fédérales, ce qui se justifie par l'existence de prestations relevant du principe de solidarité.

Comme la plupart des pays confrontés à terme au vieillissement démographique, l'Allemagne a engagé au cours des dernières années plusieurs réformes, parfois majeures. La grande réforme de 1992 ( Rentenreformgesetz 1992 ) a introduit des règles automatiques de revalorisation de la valeur du point et de la contribution publique. Chaque année, la valeur du point (et donc des pensions) est indexée sur l'évolution du salaire moyen brut de l'année précédente corrigée de l'évolution du taux d'imposition relatif du salaire moyen et de la pension « standard » (45 années de cotisations au salaire moyen). Ce mode d'indexation vise à garantir le maintien d'une parité nette intégrale entre les pensions et les salaires des actifs. Entre 1993 et 2000, le taux de remplacement net mesuré comme le ratio entre la pension standard et le salaire moyen de l'économie est ainsi resté proche de 70 %. Enfin, il existe des règles automatiques de revalorisation de la contribution publique : toute hausse du taux de cotisation (décidée automatiquement chaque année avant la fin septembre de sorte que les réserves à la fin de l'année suivante soient égales à un moins un mois de dépenses) se traduit automatiquement par une majoration de la contribution publique.

La grande réforme de 1992 ( Rentenreformgesetz 1992 ) a largement contribué à contrôler la dérive à moyen terme du régime contributif du secteur privé via l'introduction de mécanismes d'ajustement automatiques des paramètres du système. Cette réforme restait sur certains points incomplète et s'accommodait d'une hausse jugée encore excessive du poids des retraites dans l'économie. C'est dans cette situation qu'est intervenue la réforme de l'ancienne coalition qui prévoyait notamment l'introduction d'un facteur démographique et devait entrer en vigueur en 1999. Partiellement remise en cause par la nouvelle coalition sociale-démocrate en 1998, ce projet a laissé place après de nombreux débats à la réforme actuelle, qui comprend trois volets. Une première loi ( Altersvermögensergänzungsgesetz ), adoptée début 2001, détermine les modalités de réforme de l'assurance légale. La seconde, adoptée en novembre 2000 ( Gesetz zur reform der Renten wegen verminderter Erwerbsfähigkeit ) réforme les pensions d'invalidité. La troisième, plus controversée ( Altersvermögensgesetz) , a été adoptée en mai 2001 et fixe les conditions de création d'une assurance privée facultative par capitalisation. La réforme inscrit explicitement dans la loi la volonté de contrôler la hausse des taux de cotisation à moyen terme 133 ( * ) . En contrepartie, elle donne un signal clair : le maintien ou la hausse des taux de remplacement passe par la prévoyance individuelle par capitalisation, éventuellement dans le cadre des régimes d'entreprise.

L'objectif affiché pour l'évolution du régime légal est une baisse limitée (2,8 points) du taux de remplacement net, ainsi qu'une hausse limitée (2,7 points) du taux de cotisation légal. Le principal outil de contrôle du taux de cotisation est l'introduction d'une nouvelle formule de revalorisation des pensions. A partir de 2001, la valeur du point est revalorisée selon une nouvelle formule qui rompt avec la parité nette. En contrepartie de l'abandon de la logique de parité nette, la réforme permet aux assurés sociaux de compenser la baisse du taux de remplacement du régime légal par l'introduction en 2002 d'une prévoyance individuelle facultative par capitalisation, financée uniquement par les salariés sur la base de cotisations facultatives. La loi ne fixe pas de montant maximal aux cotisations. Par contre, elle fixe un montant minimum de cotisation à taux plein permettant de bénéficier des aides fiscales de l'Etat et plafonne le montant des cotisations pouvant bénéficier de l'aide. Sur la base d'une cotisation de 4 % (soit le taux permettant de bénéficier de l'aide maximale de l'Etat), de rendements nominaux de 4 %, et d'une espérance de vie à 65 ans de 18 ans, la retraite par capitalisation permettrait en 2030 de relever le taux de remplacement net de la pension standard de 8 points (76 %). La part des pensions relevant de la capitalisation reste ainsi limitée, de l'ordre de 10 %.

Le montant total des cotisations se décompose entre d'une part la cotisation propre de l'assuré, d'autre part la prime supplémentaire versée directement par l'Etat. Le montant de la prime supplémentaire dépend du statut familial et du nombre d'enfants. Il ne dépend pas du revenu. La prestation peut être remplacée par un avoir fiscal, la règle étant l'application du mécanisme le plus favorable à l'assuré. L'aide n'est maximale que lorsque l'assuré cotise à l'assurance pension facultative au taux plein. Pour éviter que le montant de l'aide ne dépasse le montant de la cotisation, une cotisation minimum est prévue, mais le montant de l'aide est plafonné à 4 % du salaire plafond actuel. Les couples mariés faisant une déclaration conjointe de revenu bénéficient séparément des droits lorsqu'ils travaillent tous les deux, mais ils en bénéficient également chacun lorsque seul l'un des conjoints travaille et cotise le montant minimum.

L'introduction d'une partie facultative par capitalisation dans le système des retraites, même si elle reste modérée, équivaut à introduire une dose de responsabilité individuelle à côté du système obligatoire et rompt avec le principe de financement paritaire de l'assurance vieillesse. Elle comporte cependant plusieurs risques. La garantie légale est faible, même si le risque ne porte que sur une part limitée des pensions ; l'absence de disposition relative au traitement de l'espérance de vie risque d'introduire une discrimination entre sexes.

Ces inconvénients ont incité le législateur à favoriser la constitution de l'épargne par capitalisation dans le cadre des régimes d'entreprises, essentiellement par deux moyens. Il est prévu de créer des fonds de pension permettant de transférer les anciens régimes d'entreprises dans un système bénéficiant de l'aide publique. De plus, contrairement aux régimes d'entreprise actuels, les salariés auront désormais un droit individuel aux retraites d'entreprises s'ils renoncent à une partie de leurs salaires et seront en droit d'exiger de leur employeur la signature d'un contrat d'assurance. La transférabilité des droits sera immédiate lorsque les cotisations sont versées par les salariés. Lorsque les versements seront financés par un abondement patronal, le délai de transférabilité est réduit de 10 à 5 ans et l'âge minimum ouvrant droit à la transférabilité est abaissé de 35 à 30 ans.

La baisse du taux de remplacement prévu par la réforme est d'une ampleur limitée. La réforme induit une baisse de 5,2 % du taux de remplacement net des retraites par répartition. Le taux de cotisation légal (y compris l'écotaxe) devrait passer de 20,3 % en 2000 actuellement à 23,5 % en 2030 (22 % pour le taux légal, 1,5 % d'écotaxe). L'équilibre du système repose fortement sur des projections optimistes de taux d'activité. De fait, la réforme table sur une augmentation du taux d'activité, aussi bien pour les tranches d'âge élevées via la réforme des pensions d'invalidité, qui permettra de rendre effectif la réforme des dispositifs de départ anticipé, que par l'encouragement des carrières continues des femmes. De 2000 à 2030, la population allemande baissera de 4 %, la population de 20 à 60 ans baissera de 19 %. Le gouvernement table sur une croissance de l'emploi de 2 %. Il faudrait une hausse de 15 points du taux d'emploi et un taux de chômage de l'ordre de 4 %. Le taux d'emploi passerait de 79 % en 1998 à 94,5 % en 2030, alors qu'il est aujourd'hui de 91 % au Danemark ou aux Etats-Unis. Même dans ce cas, très optimiste, le ratio retraités/actifs passerait de 48,9 % à 71 %. Avec une hausse de 15 % du taux de cotisations, il faudrait une baisse du taux de remplacement de 16 % alors que le gouvernement ne prévoit qu'une baisse de 8 % (en comptant les salaires avant cotisations facultatives et impôt). L'équilibre du système suppose donc soit une plus forte hausse des cotisations, soit une nouvelle baisse du taux de remplacement. Dès la fin 2001, il est de fait apparu que les baisses initiales de taux prévues à l'horizon 2005 seraient irréalisables et le gouvernement s'est vu contraint de modifier les règles de détermination des réserves des régimes de retraites afin d'éviter un relèvement de 0,5 point du taux en 2002. Enfin, la constitution d'une retraite par capitalisation complémentaire est facultative, même si la fiscalité en favorise la constitution et l'intégration dans le cadre des régimes d'entreprises. Il peut en résulter à terme un manque de maniabilité du système (que fera le gouvernement si peu de salariés souscrivent ?). Elle aboutit à court terme une hausse du taux de cotisation global et, en principe, à long terme à une hausse du niveau de vie relatif des retraités qui y auront souscrit. Paradoxalement, la réforme augmente donc la part du revenu national qui devra aller aux retraités.

4. La fiscalité locale

Les principes généraux du système de péréquation fiscale

La péréquation financière est un mécanisme de correction de la répartition des recettes fiscales destiné à permettre aux Länder de faire face à leurs attributions dans le respect du principe constitutionnel d'homogénéité des conditions de vie sur l'ensemble du territoire. A ce système s'ajoute le pacte de solidarité, qui regroupe les moyens destinés à la mise à niveau des Länder de l'Est, essentiellement en matière d'infrastructure. L'ensemble du dispositif porte chaque année sur environ 30 milliards d'euros, soit 1,5 % du PIB.

Le système, introduit en 1969, relève du fédéralisme coopératif : les Länder ont une autonomie limitée en matière fiscale (leur compétence fiscale exclusive ne porte que sur les taxes locales à la consommation pour autant qu'elles ne sont pas fixées au niveau fédéral), 70 % des recettes fiscales sont partagées et un grand nombre de projets sont financés conjointement.

Le système de péréquation actuel date de 1995 et comporte essentiellement quatre niveaux :

-- Une première répartition des recettes fiscales résulte de la collecte des impôts propres à chaque collectivité et de la répartition des impôts communs hors TVA (tableau 3). La loi fondamentale elle-même stipule que le produit de l'IRPP et de l'IS est réparti également entre le Bund et les Länder, à charge pour le premier de déterminer par voix législative la part de l'IRPP qui est préalablement reversée aux communes. L'IRPP et l'IS sont au sein des collectivités locales réparties au prorata de leur perception par les administrations fiscales locales. Sont également partagés la retenue à la source sur les dividendes et sur les intérêts.

-- C'est la répartition de la TVA entre le Bund et les Länder, qui relève simplement de la loi, qui assure le premier mécanisme de péréquation horizontale. La part de la TVA affectée aux Länder est ventilée à hauteur de 75 % au prorata du nombre de leurs habitants et à hauteur de 25 % pour garantir aux Länder, dont les recettes fiscales par habitant sont faibles, une capacité financière égale à 92 % de la capacité financière moyenne (par habitant) hors TVA ( Finanzkraft ).

-- La péréquation financière au sens strict compare la capacité financière des Länder avec leurs besoins. La capacité fiscale des Länder comprend les recettes fiscales des Länder (part des impôts communs après compensation de la TVA, impôts propres et part des impôts communaux reversés aux Länder. Les besoins sont considérés comme les recettes fiscales moyennes de tous les Länder rapportées à leur nombre d'habitants, multipliée par le nombre d'habitants du Land. Lorsque les besoins sont supérieurs à la capacité financière, la péréquation doit permettre de porter à 95 % de la moyenne des capacités financière la capacité financière des Länder les moins bien dotés. Les Länder donateurs sont soumis à un tarif progressif : entre 100 et 101 % de la moyenne, le reversement est de 15 % du montant de l'écart, 66 % entre 101 et 110 % de la moyenne, 80 % pour les Länder dont les ressources dépassent de 10 % la moyenne.

Le dernier dispositif est constitué des subventions complémentaires du Bund, qui correspondent à la péréquation verticale. Ces subventions couvrent des besoins exceptionnels et complètent le dispositif horizontal pour porter à 99,5 % de la moyenne la capacité financière des Länder défavorisés.

Tableau 8 : Mode de répartition des impôts

 

BUND

LÄNDER

COMMUNES

IRPP

42,5

42,5

15

IS

50

50

 

Retenue à la source dividendes

50

50

 

Retenue à la source sur les intérêts

44

44

12

TVA

1993-1994

1995

1996-1997

1998

1999

2000-2001

63

56

50,5

51,2

52,2

52

37

44

49,5

46,7

45,7

45,9

2,1

2,1

2,1

Impôts propres

Taxe sur le tabac, alcool, assurances

Vignette auto

Impôt sur la fortune (avant 1997)

Imp. sur les successions

Taxe sur la bière

Taxe foncière et professionnelle 1 assise sur les bénéfices

1. En pratique une part de la taxe professionnelle est reversée aux Länder et à l'Etat fédéral.

Pour plus de précisions sur la péréquation fiscale : Gabel (2001), Vesper (2000).

Source : Agence financière 2001.

Les dernières réformes en cours

La péréquation financière a été l'objet de nombreux débats avec la réunification, les nouveaux Länder étant les grands bénéficiaires du système de péréquation. Les nouveaux Länder n'ont été intégrés que tardivement (1993) et en même temps que la mise en place d'un pacte de solidarité destiné à assurer le financement de la réunification, couvrant la période 1995/2004. A la suite d'un arrêt de la Cour constitutionnelle rendu le 11 novembre 1999, le système devait être redéfini. Cet arrêt a été rendu à la suite d'une saisine de la Cour par trois Länder donateurs (Bade-Württemberg, Bavière et Hesse), qui incriminaient le caractère désincitatif du système de péréquation fiscale, la garantie d'une capacité financière proche de la moyenne des Länder n'incitant pas à soigner ses propres ressources fiscales (Gabel, 2001). L'arrêt de la Cour se concentre sur les principes généraux du système financier fédéral, et exige qu'une loi soit votée clarifiant les principes généraux selon lesquels la péréquation verticale et horizontale doit se dérouler. Un accord politique est intervenu en juin 2001. Il aménage la péréquation financière à partir de 2005 et prolonge le pacte de solidarité jusqu'en 2019.

Le système de péréquation fait l'objet d'aménagements modestes. Les cinq Länder contributeurs supporteront un reversement portant sur 75 % au lieu de 80 % au-delà de 110 % de la moyenne. De plus tous les Länder pourront désormais conserver 12 % de leurs recettes supplémentaires, qui ne seront plus inclues dans la péréquation. Les Länder bénéficiaires tirent également bénéfice de la réforme grâce aux contributions du Bund (37 à 168 millions de DM). Le système ne garantit plus que la capacité financière des Länder bénéficiaire soit portée à 99,5 %. Le Bund s'est engagé à supporter 2,5 milliards de DM supplémentaires par an à partir de 2005 (moins de 0,1 % du PIB).

Le nouveau pacte de solidarité porte sur un montant de 7,4 % du PIB (pour les quinze années 2005-2019). Aucune dégressivité n'est prévue avant 2009, les versements seront nuls en 2020. La surtaxe de solidarité de 5,5 % est maintenue.

4. La fiscalité écologique

L'écotaxe a été introduite en avril 1999. Elle prévoit une majoration de la TIPP (essence, diesel, gaz) ainsi que l'introduction d'une taxe sur la consommation d'électricité. La réforme comporte cinq étapes, chacune intervenant au premier janvier de chaque année jusqu'en 2003 inclus. L'objectif de l'écotaxe est double. D'une part, elle vise à réduire la consommation d'énergie. D'autre part, son produit est affecté à la réduction du taux de cotisation retraites. L'économie de taux de cotisation permise par l'écotaxe se monte à 1,7 point (1,3 en 2001, 0,4 point supplémentaire pour les deux dernières étapes) au total. Les cotisations légales étant partagées pour moitié entre les salariés et les employeurs, l'allégement de cotisation pour les employeurs se monte à 0,85 point.

L'écotaxe est fixée forfaitairement. Pour l'essence, la majoration se monte par exemple à 3,07 centimes d'euros, ce qui correspondait en avril 1999 à un relèvement de 3,5 % du prix de l'essence. Des subventions ont été accordées, essentiellement aux entreprises de l'industrie, de l'agriculture, aux entreprises productrices d'énergies renouvelables, aux entreprises de transports publics de proximité.

En moyenne en 1999, la part de la fiscalité dans le prix des carburants était de 74 % pour le super, de 62 % pour le diesel. Elle était de 36 % pour le fuel domestique. L'Allemagne se situe dans la moyenne des pays européens. Pour le prix du super, elle n'était dépassée que par la France et le Royaume-Uni ( Schintke et al. 2000).

5. Les prélèvements affectés

Sont principalement concernés en Allemagne dans les années 1990, l'affectation du relèvement d'un point du taux de TVA (15 à 16 %) et du produit de l'écotaxe au financement de l'assurance vieillesse légale. L'économie totale de taux de cotisation se monte à 2,7 points.

Références bibliographiques

Agence financière de Berlin, 2001 : « Les relations financières entre l'état fédéral et les Länder », Bulletin d'informations économiques et financières sur la République Fédérale d'Allemagne.

Gabel M., 2001 : « la réforme du fédéralisme financier allemand, beaucoup de bruit pour rien ? », Regards sur l'économie allemande, Bulletin économique du CIRAC, octobre.

Sachverständigenrat zur Begutachtung der gesamtwirtschaftlichen Entwicklung, 2001 : « Für Stetigkeit - gegen Aktionismus », novembre.

Schintke J., Stäglin R., Weiß J.P., 2000 : « Verteuerung von Erdöl, Erdgas und Mineralölprodukten: Potentielle Preiseffekte in den Produktionsbereichen der deutschen Wirtschaft » , DIW Wochenbericht 45/2000.

Vesper D., 2000 : « Quo vadis Länderfinanzausgleich », DIW Wochenbericht 26/2000.

Chapitre 3. 2 : Les réformes fiscales en France

Gaël Dupont

La plupart des prélèvements obligatoires ont sensiblement augmenté au cours des années 1990, et particulièrement entre 1993 et 1996, dans une situation de fort ralentissement économique. Malgré les baisses de fin de décennie, les impôts directs restent sensiblement supérieurs au niveau du début des années 1990, alors que les prélèvements indirects ont retrouvé un niveau à peu près équivalent. Les principales évolutions du système fiscal ont été la diminution des charges sur le travail en particulier pour les bas salaires et l'élargissement de l'assiette du financement de la Sécurité sociale avec la création de la CSG et pour corollaire une augmentation de la fiscalité de l'épargne. A la fin de la décennie, la réforme fiscale a eu pour objectif l'augmentation de l'écart entre revenus du travail et revenus d'assistance, notamment avec la réforme de la taxe d'habitation et la création de la prime pour l'emploi. Par contre, contrairement aux ambitions affichées, la fiscalité écologique n'a guère pris d'importance.

I. Un historique

1. Caractéristiques du système fiscal français

Le Taux de prélèvement obligatoire (TPO) est nettement supérieur à la moyenne européenne : 45,2 % du PIB en France contre 40,8 % en moyenne dans l'Union européenne en 2000, soit un écart supérieur à ce qu'il était 10 ans plus tôt. L'écart s'explique exclusivement par des cotisations sociales plus importantes ; les impôts sur le revenu sont un peu plus faibles et les impôts indirects sont dans la moyenne européenne (en points de PIB). Depuis la fin des années 1970, l'évolution générale des prélèvements peut se décomposer en 4 étapes : de 1978 à 1984, le TPO augmente fortement, passant de 37,4 % en 1978 à 44,3 % en 1984. Entre 1984 et 1993, les prélèvements ont plutôt tendance à se réduire modérément, et atteignent 43,4 % en 1993. Les six années suivantes sont marquées par une hausse sensible de la pression fiscale destinée à rétablir l'équilibre des comptes publics. Enfin après le niveau record atteint en 1999, les prélèvements ont été réduits à partir de 2000. A partir de 2005-2010, il est probable que les prélèvements sociaux augmenteront pour financer les retraites...

Tableau 1 : Evolution des principaux prélèvements obligatoires (en % du PIB)

 

1978

1985

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

TVA

8,0

8,5

7,3

7,2

7,4

7,5

7,8

7,8

7,7

7,8

7,5

7,3

Autres impôts sur les produits

4,0

4,5

4,4

4,5

4,7

4,7

4,7

4,7

4,7

4,7

4,6

4,5

Impôts sur la production

2,3

3,5

3,6

3,8

3,9

4,1

4,2

4,2

4,2

4,1

4,0

3,8

IR ménages

4,3

5,1

5,3

5,4

5,4

5,3

5,6

6,0

8,2

8,4

8,5

8,5

Impôt sur les bénéfices

1,8

1,9

1,5

1,6

1,6

1,7

2,0

2,2

2,2

2,6

2,8

2,9

Autres impôts courants

0,7

1,2

1,4

1,2

1,4

1,3

1,3

1,3

1,2

1,2

0,9

1,0

CS employeurs

11,4

12,4

11,8

11,8

11,6

11,5

11,4

11,4

11,3

11,5

11,3

11,3

CS salariés et non salariés

4,6

6,6

7,2

7,3

7,2

7,2

7,4

6,9

5,0

5,1

5,1

5,1

Impôts en capital

0,2

0,3

0,5

0,4

0,4

0,6

0,5

0,6

0,5

0,5

0,6

0,6

Total

37,4

44

42,7

42,9

43,4

43,7

44,8

44,9

44,8

45,6

45,2

45,0

Source : Comptes nationaux trimestriels INSEE.

Tableau 2 : Evolution des principaux prélèvements obligatoires (en % du total)

 

1978

1985

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

TVA

21,5

19,4

17,0

16,8

16,9

17,0

17,5

17,4

17,1

16,9

16,6

16,3

Autres impôts sur les produits

10,8

10,3

10,1

10,3

10,8

10,7

10,4

10,4

10,5

10,2

10,2

10,1

Impôts sur la production

6,2

8,0

8,4

8,9

9,0

9,2

9,4

9,3

9,3

9,0

8,8

8,5

IR ménages

11,4

11,6

12,4

12,5

12,5

12,2

12,5

13,3

18,1

18,3

18,8

18,9

Impôt sur les bénéfices

4,8

4,4

3,6

3,6

3,7

3,9

4,3

4,9

5,0

5,7

6,1

6,3

Autres impôts courants

1,9

2,6

3,2

2,9

3,2

3,1

2,9

2,8

2,7

2,6

2,0

2,2

CS employeurs

30,5

28,1

27,4

27,3

26,6

26,2

25,5

25,4

25,1

25,0

25,0

25,0

CS salariés et non salariés

12,4

15,1

16,8

16,9

16,5

16,5

16,5

15,4

11,1

11,1

11,3

11,4

Impôts en capital

0,6

0,6

1,1

1,0

0,9

1,3

1,1

1,2

1,1

1,2

1,3

1,4

Total

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

Source : Comptes nationaux trimestriels INSEE.

Tableau 3 : Répartition des prélèvements obligatoires par sous secteurs des administrations publiques

En % du PIB

1978

1990

1995

1997

1998

1999

2000

2001

Etat

17,7

17,5

16,6

17,3

17,2

17,9

17,1

16,7

Autres administrations centrales

0,3

0,4

0,4

0,8

0,8

0,8

0,8

0,9

Administrations publiques locales

3,1

4,8

5,5

5,7

5,7

5,5

5,2

5,1

Administrations de sécurité sociale

16,2

19,2

20,3

20,5

20,5

20,9

21,4

21,7

Dont cotisations sociales

15,6

18,5

18,3

17,8

15,7

16

15,9

15,8

Union européenne

0,7

0,9

0,8

0,7

0,6

0,6

0,6

0,6

Total

37,9

42,8

43,7

44,9

44,8

45,6

45,2

45,0

Note : les transferts fiscaux de l'Etat aux collectivités locales (respectivement à la Sécurité sociale) sont comptabilisés avec les administrations locales (respectivement avec les administrations de sécurité sociale).

Source : Rapport économique et financier 2002, INSEE Première n° 849.

Graphique 1 : Taux de prélèvement obligatoire

En % du PIB



Sources : INSEE, comptes nationaux.

2. Phases d'évolution du taux de PO dans les années 1990

Les années 1990 sont une décennie de hausse sensible des prélèvements (+ 2,8 points de PIB entre 1989 et 1999). Stable jusqu'en 1993, le taux de PO a fortement augmenté entre 1993 et 1996 (+ 2 points en trois ans) dans un contexte de fort ralentissement économique. Après une stabilisation pendant deux ans, la part des prélèvements dans le PIB a connu une croissance très forte en 1999 induite par la forte reprise économique. En 2002, le taux de prélèvements est repassé en dessous du niveau de 1996 (44,8 % du PIB).

3. Orientations générales

A partir de 1993, les mesures fiscales prises ont, pour l'essentiel, été guidées par des impératifs budgétaires. A peu près tous les impôts ont été accrus dans une période de fort ralentissement économique et de nécessité d'assainissement des finances publiques dans le cadre européen. On peut cependant distinguer une orientation centrale sur l'ensemble de la décennie : la diminution des charges pesant sur le travail en particulier le travail non qualifié : la dégressivité des cotisations patronales a été mise en place dès 1993. Les baisses de cotisations patronales ont été poursuivies par le gouvernement Jospin, dans le cadre de la réduction du temps de travail, et complétées par la réforme de la taxe professionnelle. L'assiette du financement de la Sécurité sociale a été élargie par la substitution d'une partie des cotisations salariés par la CSG. En fin de période, la volonté d'augmenter l'écart entre revenus du travail et revenus d'assistance a également nettement marqué la politique fiscale : baisse du taux inférieur de l'IR et réforme de la décote, réforme de la taxe d'habitation, création de la Prime pour l'emploi (PPE). Ces orientations ont eu pour conséquence une réduction de la part des cotisations sociales dans le financement de la Sécurité sociale et une diminution de l'autonomie fiscale des administrations locales. La taxation des revenus du travail a été réduite, mais la taxation des revenus du capital augmentée, essentiellement du fait de la CSG et de la CRDS.

4. Les points marquants de la décennie 1990

Les premières mesures de ristournes dégressives de cotisations patronales (exonérations de cotisations familiales) ont été mises en place en 1993. A l'inverse, la CSG a été augmentée en juillet 1993, le taux passant de 1,1 % à 2,4 %. En 1993, le nombre de tranches du barème de l'impôt sur le revenu des personnes physiques a été réduit de moitié. En 1995-1996, la quasi-totalité des prélèvements a été augmentée. Le taux normal de TVA est passé de 18,6 % à 20,6 % en juin 1995 ; les taux des impôts sur les produits (tabac, alcool, taxe sur les produits pétroliers TIPP) et les impôts sur la production ont également été en hausse. En 1995, une surtaxe de 10 % de l'impôt sur les bénéfices a été mise en place, faisant passer le taux normal de 33 1/3 à 36 2/3.

En 1997 et 1998, le taux de prélèvements a été globalement stable malgré quelques hausses d'impôts : à la sortie de la récession du milieu des années 1990, les bases étaient encore peu dynamiques. L'objectif d'un déficit de 3 % en 1997 a été atteint grâce à la mise en place d'une surtaxe temporaire de 15 % de l'impôt sur les bénéfices des sociétés. Le taux normal a alors atteint 41 2/3 %. En 1997 et 1998, la principale mesure a été le basculement en deux temps de 6,05 points de cotisations maladies salariés vers 5,1 points de CSG. Cette mesure a été bénéfique aux salariés et a élargi le financement de la Sécurité sociale. En 1996, a été engagée une diminution quinquennale des taux de l'IRPP, mais celle-ci a été interrompue par le changement de majorité.

En 1999, les rentrées fiscales ont été beaucoup plus dynamiques que prévu (cf. débat sur la cagnotte). La reprise économique a fortement augmenté les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu des ménages et des entreprises. L'élasticité des recettes fiscales au PIB a été de l'ordre de 2. En conséquence, malgré quelques baisses d'impôts indirects (TVA, droits de mutation à titre onéreux, taxe professionnelle), le taux de prélèvements obligatoires a augmenté de 0,8 point.

En 2000 et 2001, les marges budgétaires ont été utilisées pour faire redescendre le TPO. Les mesures ont concerné un ensemble très large d'impôts : impôts indirects (baisse d'un point du taux normal de TVA, suppression progressive des salaires de l'assiette de la taxe professionnelle, suppression de la vignette pour les particuliers...) et directs (diminution de l'impôt sur le revenu et de la taxe d'habitation, suppression progressive des surtaxes à l'impôt sur les bénéfices des sociétés). Les bases d'imposition sont restées très dynamiques. En 2002, les baisses de prélèvements se sont poursuivies à un niveau soutenu : 2002 constituait la seconde étape d'un plan de réductions d'impôts sur trois ans annoncées par le ministre des finances (dit « plan Fabius »), complété à l'automne 2002 par la baisse de l'impôt sur le revenu effectuée par la nouvelle majorité. Compte tenu de la forte dégradation de la conjoncture économique et de l'augmentation importante du déficit public, les baisses de prélèvements prévues en début d'année 2003 pour l'année en cours étaient très faibles, la hausse des cotisations Unedic compensant presque les baisses prévues par la loi de finances pour 2003.

Bilan

Le TPO a augmenté de 1,5 point entre 1992 et 2002. La hausse a concerné les impôts directs (+ 4,2 points de PIB), alors que les impôts indirects restaient globalement stables en proportion du PIB, et que les cotisations sociales diminuaient(- 2,6 points de PIB).

Les principales hausses concernent les impôts directs. L'impôt sur les bénéfices des sociétés a augmenté de 1,1 point de PIB pour atteindre 2,7 % du PIB en 2002, malgré la quasi-stabilité du taux d'imposition. En fait, la conjoncture et donc les comptes des entreprises, étaient très détériorés en 1991. L'impôt sur le revenu des ménages a augmenté de 3,1 points de PIB pour atteindre 8,4 % du PIB en 2002. L'impôt sur le revenu lui-même n'augmente que de 0,2 point de PIB, la principale augmentation étant imputable à la hausse de la CSG et de la CRDS. Créée en février 1991 à 1,1 %, la CSG a subi des hausses successives, compensées en partie par une diminution des cotisations salariés et non salariés. La part de ces dernières a été réduite de 2,0 points de PIB. La politique de réduction des cotisations patronales depuis 1993 a eu pour effet une diminution de 0,6 point de leur part dans le PIB. Aux réductions de cotisations sur les bas salaires de 1993 et 1995, se sont ajoutées récemment les baisses de charges accordées dans le cadre de la réduction du temps de travail.

Graphique 2 : Décomposition des recettes fiscales

En % du PIB



Source : Comptes nationaux INSEE.

Le poids des impôts indirects a été peu modifié. Le taux normal de TVA est aujourd'hui supérieur d'un point à sa valeur entre juillet 1982 et juillet 1995. Le champ d'application du taux réduit (5,5 %) a été étendu, notamment aux travaux d'entretien dans les logements et les abonnements EDF. Rappelons que la TVA avait été fortement modifiée pendant les quinze années précédentes puisqu'elle était passée de 8,0 % du PIB en 1978 à 8,8 % en 1982 et avait été réduite à 7,3 % en 1992. Augmentée en 1996, elle a de nouveau été réduite en 2000. Les autres impôts sur les produits (TIPP, taxes sur les alcools et les tabacs essentiellement) ont été assez sensiblement augmentés au cours de la dernière décennie. Quelques avantages fiscaux ont été accordés en faveur des énergies propres et de l'écologie mais dans l'ensemble, le développement d'une fiscalité incitant au respect de l'environnement n'a pas été une priorité des gouvernements qui se sont succédés dans les années 1990.

II. Analyse des réformes des principaux impôts

1. Impôts sur les entreprises

Le poids de la fiscalité sur les entreprises a été assez peu modifié au cours de la décennie, mais sa structure a sensiblement changé. La taxation des entreprises (sociétés non financières, SNF) représente une part de leur valeur ajoutée (VA) équivalente à celle qu'elle avait 15 ans plus tôt, soit 23,2 % (tableau 4). Le poids des impôts et cotisations sociales s'est réduit entre 1985 et 1992 (notamment en 1986 et en 1991-1992), mais s'est accru par la suite, notamment en 1996 et 1999 où il a atteint un record. En 2000, la part des prélèvements dans la valeur ajoutée des entreprises non financières s'est de nouveau nettement réduite.

Tableau 4 : Répartition des impôts et charges sociales pesant sur les entreprises

En % de la VA des SNF

1980

1985

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Cotisations sociales employeurs

15,9

16,6

15,5

15,3

15,5

15,6

15,6

15,1

15,4

15,3

15,0

15,2

14,8

Impôts à la production

3,3

3,9

3,8

3,9

4,2

4,5

4,7

4,7

5,1

5,1

5,0

4,9

4,6

Impôts sur le bénéfice

3,1

2,8

3,4

3,0

2,2

2,2

2,4

2,9

2,9

3,2

3,3

3,9

4,1

Total

22,3

23,3

22,6

22,2

21,8

22,3

22,6

22,8

23,3

23,6

23,3

24,0

23,5

Source : Comptes nationaux

La part des cotisations sociales dans la valeur ajoutée, relativement stable au début des années 1990, s'est nettement réduite à partir de 1993 : en 8 ans, de 1992 à 2000, elle est passée de 71 % à 63 % des prélèvements. C'est le résultat de l'ensemble des politiques de baisse des charges menées depuis 1993 (voir plus loin). Les impôts, à l'inverse, ont augmenté, à la fois en termes relatifs, et en proportion de la valeur ajoutée. Les impôts sur la production ont beaucoup augmenté pendant la première moitié de la décennie, et sont passés de 16,7 % de l'ensemble des impôts sur les SNF en 1990 à 21,7 % en 1996. A la fin de la décennie, ces impôts ont été réduits de fait de la diminution de la taxe professionnelle à partir de 1999. Les impôts sur la production représentent 4,4 % de la VA en 2001 (18,8 % des impôts et charges sur les SNF).

Le gouvernement Jospin a décidé la suppression progressive, de 1999 à 2003, des salaires de l'assiette de la taxe professionnelle, pour un coût total de 4 milliards d'euros, soit 1/3 du rendement 134 ( * ) . La nouvelle majorité élue mi-2002 n'a pas remis en cause la dernière étape de la réforme : à partir de 2003, la base de la taxe professionnelle est exclusivement constituée des immobilisations corporelles (valeur locative des immeubles, matériels, outillages).

Graphique 3 : Décomposition de prélèvements pesant sur les entreprises

En % de la valeur ajoutée des sociétés non financières



Sources : Comptes nationaux, prévision OFCE

L'impôt sur les bénéfices des sociétés (IS) a subi l'évolution inverse. Il s'est effondré au début des années 1990, notamment en 1992 où il ne représentait plus que 2,2 % de la VA des SNF et 9,9 % des prélèvements sur les entreprises. Mais l'impôt sur les bénéfices augmente fortement depuis 1995 et a atteint un record en 2001 (4,1 % de la VA, soit plus de 18 % de l'ensemble des impôts et charges). Cet impôt est beaucoup plus volatile que les autres prélèvements car les bénéfices imposables varient fortement au gré de la conjoncture.

Le taux d'imposition a été fortement augmenté au milieu des années 1990 pour combler les déficits publics et respecter un déficit de 3 %, comme l'exigeait le traité de Maastricht. Le taux d'imposition a atteint 41,67 % en 1997 et 1998 (tableaux 5 et 6). La reprise économique de la fin de la décennie a induit une très forte croissance du rendement de l'IS. Les taux ont été progressivement réduits pour atteindre 34,33 % en 2002. Le gouvernement Jospin avait prévu de supprimer totalement la surtaxe « Juppé » en 2003, ce qui aurait porté le taux normal d'imposition à 33 1/3, soit le niveau des années 1993 et 1994, mais le gouvernement Raffarin a finalement renoncé à diminuer l'impôt sur les sociétés en 2003 en raison des contraintes budgétaires. Depuis 2000, les entreprises sont également soumises à la Contribution sociale sur les bénéfices (CSB) qui finance des exonérations de cotisations patronales accordées dans le cadre de la réduction du temps de travail. La CSB s'élève à 3,3 % de l'impôt sur les bénéfices, soit 1,1 % des bénéfices imposés au taux normal, diminué d'un abattement de 762 245 euros. Cet abattement rend la cotisation progressive. Les PME (entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 7,63 millions d'euros et détenues directement ou indirectement par des personnes physiques 135 ( * ) ) sont exonérées de CSB. La CSB est l'équivalent des cotisations salariés pour le facteur capital. Mais à la différence de ces dernières, la CSB n'est pas exonérée d'impôt car elle n'est pas déduite de l'assiette de l'impôt sur les bénéfices. La non déductibilité de l'assiette de l'IS a pour but d'éviter que d'éventuelles hausses de CSB ne pèsent sur le rendement de l'IS. Par ailleurs, elle ne frappe pas la totalité du capital, puisqu'elle ne touche pas les intérêts versés, rémunération du capital emprunté. La montée en charge de la CSB, initialement prévue pour financer les exonérations de charges liées à la réduction du temps de travail, n'a pas eu lieu.

L'imposition des bénéfices en France se caractérise par un taux élevé relativement aux autres pays de l'Union européenne, mais une assiette étroite. Certaines mesures prises ces dernières années ont eu tendance à élargir l'assiette de l'IS. Le régime de l'amortissement dégressif a été rendu un peu moins favorable. L'avoir fiscal attaché aux dividendes reçus par les sociétés non mères a été réduit en plusieurs étapes de 50 % en 1998 à 15 % en 2002. En 2003, le taux est passé à 10 %. Ces mesures accroissent fortement la double imposition des bénéfices. Il s'agit de pénaliser les placements purement financiers des entreprises, dans l'espoir de les inciter à réaliser des investissements productifs. Il existe un régime fiscal permettant de percevoir des dividendes en franchise d'impôt lorsque les participations sont significatives (régime « mère-filiales »), dont la définition a été récemment modifiée : le seuil de participation nécessaire pour bénéficier de l'exonération est dorénavant de 5 % au lieu de 150 millions de francs ou 10 % jusqu'à 2000. Ce régime d'exonération a été maintenu. Mais compte tenu de la structure actionnariale des grandes entreprises, la réduction de l'avoir fiscal est très pénalisante : dans la majorité des cas, les actionnaires n'atteignent pas le seuil de 5 %.

Ces dernières années, les petites entreprises ont bénéficié d'un certain nombre d'avantages fiscaux, à commencer par l'exonération de CSB. La loi de finances pour 2001 a introduit un taux réduit de taxation des bénéfices des PME. A partir de 2002, ce taux est de 15 % sur la fraction des bénéfices inférieurs à 38 120 euros. Ce taux bénéficie aux entreprises dont le chiffre d'affaire est inférieur à 7,63 millions d'euros. D'autres mesures de plus faible ampleur ont également été prises en faveur des PME : élargissement du régime de micro-entreprise, allègement des droits d'enregistrement que doivent acquitter les fonds de commerce, diminution de la taxe sur les salaires.

Tableau 5 : Taux normal d'imposition des bénéfices des sociétés

1965-1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

50,00

45,00

45,00

42,00

40,50

39,50

38,00

34,00

33,33

33,33

1995

1996

1997

1998

1999

2000 1

2001 1

2002 1

2003 1

 

36,67

36,67

41,67

41,67

40,00

36,67 + 1,1

35,33 + 1,1

34,33 + 1,1

34,33 + 1,1

 

Note 1 : Le « 1,1 » est la contribution sociale sur les bénéfices qui s'ajoute à l'impôt sur les bénéfices pour les grandes entreprises.

Tableau 6 : Taux d'imposition des bénéfices des sociétés, détail

Exercice

1965-1985

1994

1995 & 1996

1997 & 1998

1999

2000

2001

2002 & 2003

Surtaxes , en pourcentage du taux normal (TN)

Juppé

 
 

10

10

10

10

6

3

Jospin 1

 
 
 

15

10

 
 
 

Taux normal

TN

50

33,33

33,33

33,33

33,33

33,33

33,33

33,33

Surtaxes

 
 

3,33

8,33

6,67

3,33

2,00

1,00

Impôt (IS)

 

33,33

36,67

41,67

40,00

36,67

35,33

34,33

CSB 2

 
 
 
 
 

1,1

1,1

1,1

IS + CSB

50

33,33

36,67

41,67

40,00

37,77

36,43

35,43

Taux réduit 3

TN

15

19,00

19,00

19,00

19,00

19,00

19,00

19,00

Surtaxes

 
 

1,90

4,75

3,80

1,90

1,14

0,57

Impôt (IS)

 

19,00

20,90

23,75

22,80

20,90

20,14

19,57

CSB

 
 
 
 
 

0,627

0,627

0,627

IS + CSB

15

19,00

20,90

23,75

22,80

21,53

20,77

20,20

Taux PME 4 (dans la limite de 38 120 euros de bénéfice imposable)

TN

 
 
 
 
 
 

25,00

15,00

Surtaxe Juppé

 
 
 
 
 
 

1,50

0,45

Impôt (IS)

 

33,33

36,67

41,67

40,00

37,77

26,50

15,45

1. Les entreprises dont le chiffre d'affaire (CA) est inférieur à 7,63 millions d'euros sont exonérées de surtaxe Jospin.

2. Contribution sociale sur les bénéfices ; les entreprises dont le CA est inférieur à 7,63 millions d'euros sont exonérées ; les autres bénéficient d'un abattement de 762 245 euros.

3. Payable notamment sur les plus-values à long terme mises en réserve.

4. Applicable aux entreprises dont le CA est inférieur à 7,63 millions d'euros et détenues à 75 % par des personnes physiques.

Source : Rapport de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2001.

2. Le financement de la protection sociale

Les recettes des Administrations de Sécurité sociale (ASS) ont augmenté de 2 points de PIB entre 1990 et 2000. Malgré des augmentations des taux de cotisations sociales, la part de celles-ci dans le financement des ASS s'est réduite au profit des impôts (tableau 7) : création et montée en puissance de la Contribution sociale généralisée (CSG), mais aussi de la Contribution sociale sur les bénéfices (CSB) et de la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). L'objectif de ces réformes fiscales est à la fois de réduire les charges sur le travail et d'élargir le financement de la protection sociale aux revenus de remplacement et d'épargne. Les prélèvements sociaux sur les revenus non salariaux ont nettement augmenté au cours de la décennie 1990.

Tableau 7 : Le financement des Administrations de Sécurité Sociale

 

1980

1985

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Dépenses et recettes des Administrations de Sécurité sociale (en % du PIB)

 
 
 
 

Dépenses

20,1

22,6

21,9

22,4

23,2

24,2

24,2

24,2

24,4

24,4

24,0

23,9

23,5

Recettes

21,2

23,1

22,1

22,2

22,7

23,3

23,6

23,6

23,9

23,9

23,9

24,1

24,1

Structure du financement (en % des recettes totales)

 
 
 
 
 
 
 

Cotisations sociales

82,3

81,4

84,4

83,5

82,7

80,8

78,6

78,3

77,7

75,4

66,7

67,2

66,6

Impôts

0,5

1,2

1,6

2,9

3,5

4,8

7,1

7,1

7,2

9,8

18,9

19,1

21,6

Autres

17,2

17,5

14,0

13,5

13,8

14,5

14,3

14,6

15,1

14,7

14,3

13,8

11,7

Source : Comptes nationaux.

Tableau 8 : Taux de cotisations apparents

 

1980

1985

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Cotisations patronales

30,4

33,1

32,7

32,2

32,9

33,1

33,3

32,5

32,7

32,7

32,5

32,7

31,5

Cotisations salariés

12,4

14,8

17,1

17,0

17,4

17,8

18,1

18,1

18,4

17,4

13,5

13,6

13,6

Note : il s'agit des cotisations versées respectivement par les SNF et par les salariés en pourcentage de la masse salariale brute.

Source : Comptes nationaux.

Tableau 9 : les taux de CSG - CRDS

Assiette

Revenus de remplacement 1

Autres revenus

Bénéficiaire

CNAF 2

FSV 3

Maladie

Total CSG

CRDS

CNAF 2

FSV 3

Maladie

Total CSG

CRDS

Février 1991

1,1

0,0

0,0

1,1

0,0

1,1

0

0

1,1

0,0

Juillet 1993

2,4

0,0

0,0

2,4

0,0

2,4

0

0

2,4

0,0

1994

1,1

1,3

0,0

2,4

0,0

1,1

1,3

0

2,4

0,0

Février 1996

1,1

1,3

0,0

2,4

0,5

1,1

1,3

0

2,4

0,5

1997

1,1

1,3

1,0

3,4

0,5

1,1

1,3

1

3,4

0,5

1998

1,1

1,3

3,8

6,2

0,5

1,1

1,3

5,1

7,5

0,5

2001

1,1

1,15

3,95

6,2

0,5

1,1

1,15

5,25

7,5

0,5

1. Les revenus de remplacement sont les pensions de retraite et d'invalidité, ainsi que les allocations chômage et préretraite. Les titulaires de minima sociaux ou du minimum vieillesse sont exonérés. Les personnes non imposables titulaires de pensions de retraite ou d'invalidité ou d'allocations chômage ou de préretraites, sont exonérées si leur revenu fiscal de référence est inférieur à un certain seuil (6819 euros pour la première part du quotient) et taxés au taux réduit de 3,8 % si leur revenu fiscal est compris supérieur à ce seuil ;

2. Branche famille de Régime général de Sécurité sociale ;

3. Fonds de solidarité vieillesse.

Source : Rapports de la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale.

Concernant les cotisations sociales versées à la Sécurité sociale, les deux faits les plus marquants des années 1990 ont été la quasi-suppression de la cotisation maladie payée par les salariés au profit de la CSG et la mise en oeuvre des exonérations dégressives de cotisations patronales pour les bas salaires à partir de 1993. A partir de 1997, les baisses de cotisations patronales ont été renforcées dans les entreprises ayant signé des accords de réduction du temps de travail.

Le début de la décennie a été marqué par une diminution des cotisations salariés pour la retraite (passé de 7,6 à 6,55 % en janvier 1991) et par une hausse du taux de cotisations salariale pour la maladie de 5,9 à 6,8 % en juillet 1991. La CSG a été créée en janvier de cette même année au taux de 1,1 % pour financer la CNAF (tableaux 9 et 10). La nouveauté de la CSG était d'être une contribution sociale (non déductible à l'IRPP) payée par la quasi-totalité des revenus, alors que traditionnellement, la Sécurité sociale était payée essentiellement par les revenus du travail. La CSG a été augmentée de 1,3 point en 1993, pour financer le Fonds de solidarité vieillesse et d'un point en 1997 pour financer l'assurance maladie. Entre temps, en février 1996, avait été créée la Contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) au taux de 0,5 %.

Réduite à 5,5 % au 01/01/1997, la cotisation salariale maladie a été presque supprimée un an plus tard (reste 0,75 point finançant les indemnités journalières), tandis que la CSG était fortement augmentée en 1998 : + 4,1 points sur les salaires et + 2,8 points sur les revenus de remplacement. Cette substitution a eu pour effet de réduire de 1,205 point les prélèvements sociaux sur le salaire 136 ( * ) .

Tableau 10 : Taux de cotisations sociales sur les salaires du secteur privé : CSG, CRDS et Sécurité sociale

 
 

01/01/1982

01/01/1992

01/01/2002

 

Assiette

Employeur

Salarié

Employeur

Salarié

Employeur

Salarié

CSG et CRDS

 
 
 
 
 
 
 

Non déductibles

95 % du salaire brut

 

--

--

1,1

--

2,9

Déductibles

95 % du salaire brut

 

--

--

--

--

5,1

Sécurité sociale

 
 
 
 
 
 
 

Maladie...

Salaire brut

8,0

5,5

12,6

6,8

12,8

0,75

 

Salaire sous plafond

5,45

--

--

--

--

--

Vieillesse, veuvage

Salaire brut

--

0,1

1,6

0,1

1,6

0,1

 

Salaire sous plafond

8,2

4,7

8,2

6,55

8,2

6,55

Famille

Salaire brut

--

 

5,4

 

5,4

 
 

Salaire sous plafond

9,0

 

--

 

--

 

Note : Salaire sous plafond = min (salaire brut ; plafond de Sécurité sociale).

Ici, on ne comptabilise pas les cotisations d'accident du travail dont le taux dépend du secteur d'activité.

Source : Liaisons sociales.

Dès le 1 er juillet 1993, le gouvernement Balladur a mis en place des exonérations dégressives de cotisations patronales pour les salaires mensuels inférieurs à 1,2 SMIC avec pour objectif de réduire le coût du travail, jugé responsable du chômage des travailleurs les moins qualifiés (encadré). Les baisses de cotisations ont été étendues jusqu'à 1,3 SMIC et fortement renforcées en 1995 par le gouvernement Juppé. Le taux de cotisations patronales au niveau du SMIC est donc passé, en plusieurs étapes, de 40 % au début des années 1990 à 22 % en 1996. La gauche, longtemps hostile à ce type de mesures favorables au patronat, n'a pas remis en cause ces décisions. Elle a au contraire accru les réductions de cotisations patronales pour les entreprises ayant signé un accord de réduction du temps de travail (RTT). Les entreprises dans lesquelles un accord a été signé bénéficient dorénavant d'une baisse de cotisation annuelle de 4 000 francs (610 euros) pour chaque salarié (quel que soit son niveau de salaire) et de réductions dégressives qui sont plus élevées que les réductions prévues par le dispositif Juppé et concernent les salariés gagnant jusqu'à 1,8 SMIC. En régime de croisière, le coût de l'aide forfaitaire était estimé à 6,1 milliards d'euros et l'extension de la ristourne dégressive devait coûter 3,8 milliards d'euros. Aujourd'hui, le taux normal de charges sociales et fiscales sur les salaires payées par les entreprises est d'environ 45 % (en dessous du plafond de Sécurité sociale), mais il est seulement de 18 % ou 26 % pour les Smicards, selon que leur entreprise a signé un accord de réduction du temps de travail ou non. Précisons que les aides liées à la RTT (« aides Aubry ») sont exprimées en euros et non en pourcentage du salaire brut, ce qui a pour conséquence une diminution de l'avantage en % du SMIC dans le temps, d'autant que le SMIC pris en compte pour le calcul des seuils n'est pas le SMIC de l'année en cours, mais le SMIC de 1999, la revalorisation étant décrétée par le gouvernement. Mais l'opacité sur ce plan est de règle, d'autant que plusieurs SMIC mensuels coexistent du fait de la réduction du temps de travail.

La nouvelle majorité a annoncé une modification du dispositif d'allègements de charges patronales en trois étapes, de 2003 à 2005. Les aides conditionnelles à la mise en place d'un accord de réduction du temps de travail sont supprimées et la ristourne « Juppé » est étendue progressivement. A terme, l'allègement concernera les salaires inférieurs à 1,7 SMIC, ce qui constitue une extension du champ des bénéficiaires aux salaires compris entre 1,3 et 1,7 SMIC. Le niveau d'allègement sera supérieur à son niveau actuel : le taux de cotisations patronales sera réduit de 26 points au niveau du SMIC contre 18,2 jusqu'en 2002, et à 1,3 SMIC, la ristourne sera de 11,5 points de cotisations contre 0 avec le dispositif « Juppé ». Un des corollaires importants de cette réforme est la perte, pour les entreprises ayant passé des accords de RTT, de l'aide forfaitaire dont elles bénéficiaient pour chaque salarié, quel que soit le niveau de rémunération. Pour les bas salaires, la ristourne aura tendance à augmenter, même dans les entreprises qui bénéficiaient des aides « Aubry ».

Les dispositifs d'allègements de charges patronales sur les bas salaires :

1 er juillet 1993 : exonérations de cotisations d'allocations familiales pour les salaires inférieurs à 1,1 SMIC (5,4 points) ; réduction de moitié entre 1,1 et 1,2 SMIC. Réduction pour un SMICard : 5,4 points.

1 er janvier 1995 : les seuils sont relevés à 1,2 et 1,3 SMIC respectivement pour l'exonération totale et l'exonération partielle.

1 er septembre 1995 : s'ajoute à la mesure précédente une réduction dégressive de cotisations maladie, totale au niveau du SIMC (12,8 points) et nulle au niveau de 1,2 SMIC. Réduction pour un SIMCard : 18,2 points.

1 er octobre 1996 : les deux mesures fusionnent en une ristourne unique dégressive (« ristourne Juppé ») pour les salaires mensuels inférieurs à 1,33 SMIC.

1 er janvier 1998 : le seuil est abaissé de 1,33 à 1,3 SMIC.

Les exonérations dégressives de cotisations sociales ont pour objectif de réduire le coût du travail. Mais elles ont pour effet de rendre très coûteuses les hausses de salaire (effet de « trappe à bas salaire »). Quand une entreprise augmente le salaire d'un salarié au SMIC, cela a pour conséquence une hausse très forte des cotisations patronales. Au niveau du SMIC, le taux de cotisations patronales est de 26,2 % contre 45 % sans la ristourne dégressive (« Juppé »). Si l'employeur augmente le salaire brut de 10 %, le coût du travail augmente de 15,2 %. En l'absence de ristourne, cela coûterait 165 euros à l'entreprise d'augmenter le salaire mensuel brut (SB) de 113 euros. Du fait de la ristourne « Juppé », l'entreprise doit débourser 216 euros de plus pour augmenter de 113 euros le SB. Le taux marginal de cotisation patronale est de 92 %. Pour les entreprises bénéficiant de la ristourne « Aubry », la trappe à bas salaire est plus faible : le taux marginal de cotisations patronales est de 80 %. Pour ces entreprises, l'effet de trappe à bas salaire joue jusqu'à 1,8 SMIC contre seulement 1,3 SMIC pour les entreprises ne bénéficiant que de la ristourne « Juppé ». D'une certaine façon, les exonérations dégressives de cotisations patronales consistent à subventionner les entreprises versant de faibles salaires. Si l'objectif est le salaire net disponible, cet effet est renforcé par l'existence de la PPE (cf. infra) et, le cas échéant, de l'impôt sur le revenu. On arrive à des situations où pour augmenter le revenu net disponible de 100, l'entreprise doit payer (salaire brut + cotisations patronales) de plus de 300.

Jusqu'à la mise en oeuvre de la RTT, l'Etat dédommageait la Sécurité sociale du manque à gagner induit par les exonérations de charges sociales en versant des subventions à travers le budget de l'emploi. Le gouvernement Jospin a « débudgété » ces financements en créant un fonds de financement des réductions de cotisations patronales (Forec) dont les ressources sont des impôts affectés (tableau 11). Le précédent gouvernement avait initialement prévu de financer l'aide forfaitaire par des prélèvements sur la Sécurité sociale, les régimes complémentaires et le régime d'indemnisation du chômage. Ces contributions étaient justifiées par les gains faits par ces organismes du fait de la réduction du chômage consécutive à la RTT. Mais ces organismes ont refusé de financer des baisses de charges pour les entreprises. Verser des aides forfaitaires à travers des ristournes de cotisations, elles-mêmes proportionnelles au salaire, n'est pas des plus simple. Une baisse de 3 points aurait été beaucoup plus facile à mettre en oeuvre puisqu'il suffisait de baisser les taux existants sans introduire de circuits supplémentaires 137 ( * ) . La nouvelle Contribution sociale sur les bénéfices (CSB) et la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) devaient rapporter chacune 1,9 milliard d'euros à terme pour financer la hausse de la ristourne dégressive. Mais le gouvernement Jospin ne les a pas augmentées comme prévu initialement, et a notamment renoncé à l'extension de la TGAP aux consommations intermédiaires d'énergie. En 2002, ces deux nouveaux prélèvements financent moins de 10 % de l'ensemble des réductions de charges liées à la RTT, le reste étant financé par une modification de l'affectation d'impôts existants : 43 % de recettes détournées du Régime général et du fonds de solidarité vieillesse (alcool, tabac...) et 48 % de recettes fiscales de l'Etat (Dupont, 2001). Cependant l'estimation des charges (15,56 milliards d'euros en 2002) est une estimation ex ante , qui ne prend pas en compte l'effet positif des emplois créés par les 35 heures sur les comptes sociaux.

Tableau 11 : L'équilibre du fonds de financement des réductions de cotisations patronales

En milliards d'euros

2000

2001

2002

Charges

11,46

14,42

15,56

Ristournes dégressives jusqu'à 1,3 SMIC

5,56

5,05

4,62

Allègements 35 heures

5,90

8,80

10,46

Autres (essentiellement exonérations « Robien »)

 

0,57

0,48

Recettes

9,00

14,68

15,67

Tabac

5,85

8,50

7,81

Alcools

1,66

2,85

2,65

TGAP

0,40

0,52

0,66

CSB

0,43

1,06

0,87

Contribution de l'Etat

0,66

 
 

Conventions d'assurance

 

1,05

1,45

Assurances auto

 
 

0,95

Taxe véhicules de sociétés

 

0,70

0,75

Contribution prévoyance

 
 

0,57

Résultat net

- 2,46

+ 0,26

+ 0,11

Source : Assemblée nationale, rapport Bardet sur la LFSS 2003.

Sur l'ensemble de la décennie, les prélèvements sociaux sur les prestations vieillesse ont été accrus sensiblement (tableau 12). Cette évolution a contribué à la baisse en terme réel des prestations vieillesse nettes dans la décennie 1990.

Tableau 12 : Taux de cotisations sociales sur les pensions de retraite

Evolution en points

Régime général

ARRCO AGIRC

Fonction publique

Régime de base CANCAVA ORGANIC

Régime complémentaire CANCAVA ORGANIC

Dont CSG CRDS

1990

1,4

2,4

2,65

3,4

0

0

Depuis 1998

6,7

7,7

6,7

6,7

6,7

6,7

Variation depuis 1990

5,3

5,3

4,05

3,3

6,7

6,7

Source : Mesnard (2001).

L'ensemble des mesures prises dans les années 1990 a profondément modifié la structure du financement de la Sécurité sociale (tableau 13). En dix ans, la part des cotisations dans le financement du Régime général est passée de 91 à 62 %, tandis que les impôts et les taxes représentent aujourd'hui un tiers des ressources si on compte les versements du FOREC et de la section 1 du FSV, tous deux entièrement financés par des taxes. Les gouvernements ont introduit une progressivité des cotisations sociales patronales qui constitue une inversion radicale par rapport aux cotisations proportionnelles mais plafonnées de jadis. Le remplacement de cotisations assises sur le salaire par des contributions portant sur l'ensemble des revenus se justifie sur le plan de la logique économique et sociale pour financer les prestations universelles ou de solidarité (famille, maladie), qui bénéficient à tous les résidents (Sterdyniak et Villa, 1998). La réforme a été poussée jusqu'au bout pour les cotisations des salariés, mais pas pour celles des entreprises, qui continuent à payer des cotisations famille et maladie assises sur la masse salariale. Au lieu d'une grande réforme, les gouvernements ont préféré agir par petites touches : réduction des cotisations sur les bas salaires, création de la CSB et de la TGAP. La logique du système devient alors confuse. La croissance des cotisations retraites à la fin de la décennie 2000 rendra certainement nécessaire une réforme plus profonde.

Tableau 13 : Structure des ressources du Régime général de Sécurité sociale

En % du total des ressources

1990

1995

2000

2001

Cotisations effectives dont :

91

82

63

62

cotisations employeurs

62

55

50

49

cotisations assurés

29

27

13

13

Impôts et taxes 1

2

5

28

29

Transferts 2

3

10

5

4

Contributions publiques 3

3

2

4

4

1. Y compris cotisations prises en charge par le FOREC.

2. Y compris cotisations prises en charge par les régimes sociaux (dont le Fonds de Solidarité Vieillesse).

3. Y compris cotisations prises en charge par l'Etat.

Sources : Comptes de la protection sociale 1990-1996 ; Commission des comptes de la Sécurité sociale.

La crise du milieu des années 1990 a induit de forts déficits pour les régimes complémentaires de retraite, qui sont gérés par les seuls partenaires sociaux. En conséquence, les cotisations ont été augmentées, ce qui s'est traduit par de forts excédents à partir de 1998. Le taux de cotisations contractuel minimum est progressivement passé de 4 % en 1994 à 6 % en 1998 à l'ARRCO (ensemble des salariés du secteur privé) et de 10 % en 1994 à 16 % en 1999 à l'AGIRC (cadres). En 1993, le taux d'appel de l'AGIRC a été porté à 125 % (contre 117 %), soit le même niveau qu'à l'ARRCO. L'accord du 10 février 2000 entre le Medef et deux syndicats (CFDT et CFTC) n'a pas modifié le taux de cotisations. Il a consisté à ne prendre aucune décision en attendant une réforme du Régime général.

Depuis la réduction de l'âge de la retraite en 1982, l'Association de la structure financière (ASF) finance la retraite à 60 ans pour les régimes complémentaires. Le taux de cotisation de cette structure, qui vient en complément des taux de cotisation ARRCO et AGIRC, a augmenté dans les années 1990 passant de 1,8 % jusqu'en 1993 à 1,96 % à partir de 1994, pour la part du salaire inférieure au plafond de Sécurité sociale. En l'absence d'accord entre les partenaires sociaux sur sa prolongation l'ASF a été supprimée fin 2000. Elle a été remplacée, à partir du 01/04/2001, par l'Association pour la gestion du fonds de financement AGIRC - ARRCO (AGFF). Les cotisations n'ont pas été prélevées au premier trimestre 2001. Depuis le second trimestre 2001, le taux de cotisation à l'AGFF est de 2 %.

Tableau 14 : Cas type : cotisations sociales versées pour un salaire égal au plafond de Sécurité sociale (salarié non cadre)

En % du salaire brut

01/01/1992

01/01/2002

01/01/2003

 

Employeur

Salarié

Employeur

Salarié

Employeur

Salarié

CSG et CRDS 1

--

1,045

--

7,6

--

7,6

Sécurité sociale

27,8

13,45

28,0

7,4

28,0

7,4

Maladie

12,6

6,8

12,8

0,75

12,8

0,75

Vieillesse, veuvage

9,8

6,65

9,8

6,65

9,8

6,65

Famille

5,4

--

5,4

--

5,4

--

Retraite complémentaire 2

3,0

2,0

4,5

3,0

4,5

3,0

ASF - AGFF 3

1,08

0,72

1,2

0,8

1,2

0,8

Unedic 4

3,38

1,67

3,8

2,0

4,35

2,4

Total

35,26

18,885

37,5

20,8

38,05

21,2

1. L'assiette étant égale à 95 % du salaire, on multiplie le taux par 0,95.

2. Dans le cas de l'ARRCO, on suppose que le taux minimum est choisi ; il faut ajouter les cotisations d'accident du travail, payées par l'employeur, qui dépendent du secteur d'activité.

3. Structure de financement de la retraite à 60 ans pour les retraites complémentaires : Association de la Structure Financière (ASF) jusqu'à 31/12/2000 et Association pour la Gestion du Fonds de Financement AGIRC - ARRCO (AGFF) à partir du 01/04/2001.

4. Hors ASF, mais y compris cotisations au fonds national de garantie des salaires.

Sources : Liaisons sociales, Unedic.

Le tableau montre l'évolution des charges sociales entre 1992 et 2003. Pour un salarié non cadre recevant un salaire égal au plafond de Sécurité sociale (et ne bénéficiant donc pas des exonérations dégressives de cotisations patronales), le taux de cotisations a augmenté de 4,2 points entre 1992 et 2002 et de 5,1 points entre 1992 et 2003 : 2,8 points pour les employeurs et 2,3 points pour les salariés.

Les cotisations versées à l'assurance chômage (Unedic) ont globalement augmenté au cours des années 1990 138 ( * ) . L'évolution des taux de cotisations Unedic est très procyclique : les taux ont beaucoup augmenté entre 1990 et 1993, passant de 4,9 % du salaire brut à 6,6 %. Puis ils ont été progressivement réduits à partir de 1997 et jusqu'au premier semestre 2002 où ils ont atteint 5,6 %. Face à l'augmentation très rapide du déficit de l'assurance chômage en 2002, les taux ont été fortement augmentés en deux étapes, mi 2002 et surtout au 1 er janvier 2003, passant à 6,4 % à cette date. La répartition de ces cotisations entre employeurs et salariés a été globalement stable, les employeurs payant environ 62,5 à 65 % de l'ensemble.

La réforme du financement de la Sécurité sociale a eu pour conséquence une modification des prélèvements sur les salaires pour chaque type de risque social (tableau 15). L'élargissement de l'assiette de financement de l'assurance maladie a permis de réduire de plus d'un point les prélèvements salariés pour la maladie. Les prélèvements en faveur de la famille n'ont pas été modifiés depuis la création de la CSG en 1991. Ce sont les prélèvements finançant les retraites qui ont le plus augmenté depuis 1992 : presque 3,8 points de hausse en 10 ans. Les cotisations retraites du Régime général n'ont pas été modifiées, mais les cotisations des régimes complémentaires ont fortement augmenté (+2,7 points), et le fonds de solidarité vieillesse, qui finance les prestations retraite non contributives, est alimenté depuis 1994 par une partie de la CSG (1,15 point depuis 2001).

Tableau 15 : Cas type : cotisations sociales versées pour un salaire égal au plafond de Sécurité sociale (salarié non cadre) : structure par risque

 

01/01/1992

01/01/2003

Variation

 

Employeur

Salarié

Total

Employeur

Salarié

Total

totale

Maladie

12,6

6,8

19,4

12,8

5,7375

18,5375

- 0,8625

Famille

5,4

1,045

6,445

5,4

1,045

6,445

0,0

Chômage

3,38

1,67

5,1

4,35

2,4

6,8

1,7

Vieillesse veuvage

13,9

9,4

23,3

15,5

11,5425

27,0425

3,7925

Remboursement dette

0,0

0,0

0,0

0,0

0,475

0,475

0,475

Total

35,26

18,885

54,145

38,05

21,2

59,3

5,105

Sources : Liaisons sociales, Unedic.

3. Impôt sur le revenu des ménages

Graphique 4 : Impôts et cotisations sociales versés par les ménages (hors TVA)

En % du revenu disponible brut des ménages (y compris les EI)

Sources : Comptes nationaux, prévision OFCE.

Dans les années 1990, l'Impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP), progressif, a été complété par la création de la Contribution sociale généralisée (CSG) et de la Contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), impôts proportionnels, affecté respectivement à la Sécurité sociale et au remboursement de la dette de celle-ci. Cela a fortement accru la taxation des revenus (tableau 16).

L'impôt sur le revenu des ménages au sens de la Comptabilité nationale est passé de 4,8 % du PIB en 1990 à 8,5 % en 2000. Cette hausse de 3,7 points est imputable à la CSG et à la CRDS créées dans les années 1990, qui atteignent 4,1 % du PIB en 2000 ; pour le reste, l'impôt sur le revenu a plutôt eu tendance à diminuer.

Tableau 16 : le taux apparent d'impôt sur le revenu

 

1980

1985

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Impôt sur le revenu

7,3

7,8

7,6

8,0

8,3

8,3

8,4

8,2

8,6

9,2

12,7

13,1

13,2

Note : il s'agit de l'impôt sur le revenu au sens de la Comptabilité nationale (y compris CSG-CRDS) en pourcentage du revenu disponible brut.

Source : Comptes nationaux.

Les grandes modifications de la taxation des revenus depuis le début des années 1990 sont les suivantes :

Une grande réforme en 1994 qui a simplifié un impôt très complexe et réduit de moitié le nombre de tranches.

Des baisses de taux à la fin de la décennie.

Une forte diminution des avantages familiaux pour les foyers aisés en 1999.

Une très grande instabilité des nombreux mécanismes d'allègement d'IRPP (dont le nombre a augmenté pendant la première moitié de la décennie et s'est légèrement réduit depuis 1995).

Une réduction des avantages dont bénéficie l'assurance-vie, des mesures en faveur de l'épargne longue et/ou risquée, mais une diminution des seuils en deçà desquels les revenus d'épargne sont exonérés (infra).

La création de la PPE en 2001, impôt négatif conditionnel à l'exercice d'une activité professionnelle et très fortement individualisé (paragraphe 5).
Il reste que l'impôt sur le revenu français se caractérise par la complexité de ses règles de calcul et par leur instabilité. Presque la moitié des foyers fiscaux ne paie pas l'IRPP du fait de l'étroitesse de l'assiette de prélèvement. L'IRPP est très fortement concentré sur les hauts revenus (tableau 17).

Tableau 17 : Répartition de l'impôt sur le revenu (y compris PPE) par déciles en 2002

Déciles

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

Total

Impôt payé en 2000

0,0

0,0

0,1

1,0

2,2

3,6

5,6

8,7

14,6

64,2

100

Impôt payé en 2003 (hors PPE 1 )

0,0

0,0

0,0

0,4

1,6

2,9

4,7

7,9

13,8

68,7

100

Impôt payé en 2003 (y compris PPE 1 )

- 0,2

- 1,7

- 2,4

- 1,7

- 0,9

2,5

4,3

7,6

14,9

75,9

100

1. PPE.

Note : en 2000, les 10 % de ménages ayant les revenus les plus élevés payaient 64,2 % de l'impôt sur le revenu encaissé par l'Etat. En 2003, les 10 % de ménages ayant les revenus les moins élevés ont touché une PPE équivalant à 0,2 % du total recettes d'impôts sur le revenu - PPE versée, tandis que les 10 % les plus aisés ont payé un IRPP équivalent à 75,9 % de ce total.

Sources : Notes bleues de Bercy, septembre 2001, PLF 2002.

Quelques caractéristiques de l'IRPP en France :

Rendement très faible de l'IRPP, assez faible même si l'on ajoute la CSG et la CRDS (rendement inférieur à la moyenne européenne en % du PIB).

Etroitesse de l'assiette du fait des nombreuses exonérations (participation des salariés, de nombreux revenus financiers, les prestations redistributives, les cotisations sociales...) et du mode de calcul (abattements pour frais professionnels et abattement de 20 % sur les salaires et les pensions...).

Forte progressivité (sauf si l'on ajoute la CSG).

Imposition des revenus de l'année précédente, pas de retenue à la source.

Mécanisme du quotient conjugal et familial (avec avantage à partir du troisième enfant), unique en Europe, qui favorise nettement les familles.

Nombre de tranches encore relativement élevé.

Complexité du système (nombreux abattements, CSG en partie déductible en partie non déductible, régime fiscal différent pour les différentes prestations sociales, grande complexité des taxations de l'épargne...

Taxation des revenus d'épargne plus faible que la taxation des revenus du travail, malgré la création de la CSG et de la CRDS (pas spécificité française).

Instabilité des règles.

La principale modification de l'IRPP a été la réforme de 1994 (applicable aux revenus de 1993) : le nombre de tranches a été réduit de 12 à 6 et le système des minorations applicables à l'impôt résultant du barème a été supprimé. Ce système compliquait grandement et inutilement le mode de calcul de l'impôt. La réforme de 1994 a réduit le produit de l'IRPP de 19 milliards de francs selon le gouvernement de l'époque, soit un peu plus de 6 % du rendement de l'IRPP. En 1997, le gouvernement Juppé a mis en oeuvre un plan de réduction de l'ensemble des taux de l'IRPP, qui devait aboutir au bout de 5 ans à une baisse d'un quart de l'IRPP. Seule la première phase de ce plan a été effectuée (sur les revenus de 1996) car la nouvelle majorité parlementaire, élue à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale, a suspendu le plan. Après une stabilisation des taux pendant trois ans, qui ont abouti en 1999 à des recettes record compte tenu du dynamisme des revenus en 1998, le gouvernement Jospin a engagé à partir de 2000 un plan de baisse de l'ensemble du barème sur quatre ans.

Tableau 18 : les taux d'IRPP

 

1974 à 1981 1

1982 à 1985

1986

1987 à 1992

1993 à 1995

1996 à 1998

1999

2000

2001 2

2002

2000 Juppé 3

2002 Fabius 3

1 ère tranche

5

5

5

5

12

10,5

9,5

8,25

7,5

7,05

7

7

2 e tranche

10

10

10

9,6

25

24

23

21,75

21

19,74

20

20,5

3 e tranche

15

15

15

14,4

35

33

33

31,75

31

29,14

28

30,5

4 e tranche

20

20

20

19,2

45

43

43

41,75

41

38,54

35

40,5

5 e tranche

25

25

25

24

50

48

48

47,25

46,75

43,94

41

46,5

6 e tranche

30

30

30

28,8

56,8

54

54

53,25

52,75

49,58

47

52,5

7 e tranche

35

35

35

33,6

 
 
 
 
 
 
 
 

8 e tranche

40

40

40

38,4

 
 
 
 
 
 
 
 

9 e tranche

45

45

45

43,2

 
 
 
 
 
 
 
 

10 e tranche

50

50

50

49

 
 
 
 
 
 
 
 

11 e tranche

55

55

55

53,9

 
 
 
 
 
 
 
 

12 e tranche

60

60

58

56,8

 
 
 
 
 
 
 
 

13 e tranche

 

65

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

1. Il s'agit de l'année du revenu, l'impôt est payé l'année suivante.

2. Ces taux prennent pas en compte la réduction de 5 % de l'impôt sur les revenus soumis au barème, mise en oeuvre à l'automne 2002 par la nouvelle majorité.

3. « 2000 Juppé » correspond aux taux prévus pour 2000 dans le plan pluriannuel de réduction des taux de l'IRPP dont la première étape a été mise en place en 1996 et qui a été interrompu en 1997 par la nouvelle majorité. « 2002 Fabius » est le barème applicable aux revenus de 2002 annoncé en 2000 par le ministre des finances de l'époque, modifié par la nouvelle majorité.

Source : Piketty (1999), projets de lois de finances.

Les tranches sont globalement indexées sur l'inflation. Entre 1980 et 1992, chacun des 12 seuils a en moyenne été augmenté de 5,7 % par an, soit exactement la hausse moyenne de l'indice des prix à la consommation (tableau 19). Entre 1993 et 2001, le premier seuil a été nettement plus augmenté que l'inflation : + 2,5 % par an en moyenne alors que les prix à la consommation augmentaient de 1,4 % en moyenne. La forte hausse du premier seuil a concerné l'impôt payé en 1997 : les prix ont augmenté de 2 % en 1996, alors que la première tranche a été augmentée de 13,3 %. Les six autres seuils, au contraire, ont été légèrement sous-indexés (+ 1,1 % en moyenne entre 1993 et 2001). Ceci a été favorable aux foyers imposés dans les tranches les plus basses et défavorable aux foyers imposés dans les tranches les plus hautes.

Tableau 19 : Evolutions annuelles moyennes des seuils de l'IRPP

 

1980-1992

1993-2001

Prix de consommation

5,7

1,4

1 e seuil

5,7

2,5

Autres seuils

5,7

1,1

Sources : Piketty (1999), Comptes nationaux.

4. L'imposition des revenus du capital

La fiscalité des revenus financiers en France avait été progressivement allégée jusqu'en 1992 du fait de l'addition disparate de mesures visant à favoriser successivement telle ou telle forme de placements. En 1989, l'instauration de la libre circulation des capitaux a amené les pouvoirs publics à permettre aux institutions financières d'offrir un produit totalement exonéré d'impôt pour l'épargne qui peut s'évader facilement, c'est-à-dire l'épargne financière liquide : les SICAV de capitalisation ont été exonérées de toute taxation. Depuis, un retour de balancier est intervenu : les SICAV de capitalisation sont de nouveau imposées ; l'abattement de 1 220 euros a été réservé aux seules actions ; les privilèges de l'assurance-vie ont été partiellement remis en cause. Mais la principale cause de l'alourdissement de la fiscalité sur les revenus d'épargne dans les années 1990 a été la création (et l'augmentation) de la CSG et de la CRDS.

Malgré ces évolutions, les revenus d'épargne restent moins taxés que les revenus du travail, d'autant que les régimes dérogatoires à l'IRPP sont très nombreux. Les exonérations, initialement prévues en faveur des ménages modestes, se sont progressivement multipliées au bénéfice des plus hauts revenus, ce qui a eu tendance à réduire l'effet redistributif de la taxation de l'épargne. Mais cette évolution est justifiée par la concurrence fiscale entre pays européens qui limite les possibilités d'accroître la taxation de l'épargne. Théoriquement, l'impôt français s'applique à l'ensemble des revenus des résidents : pour échapper à la fiscalité française, les ménages doivent changer de résidence. Ce type de comportement, sans devoir être négligé, est évidemment assez marginal. En revanche, les difficultés de la coordination européenne concernant les transferts d'information limitent fortement les capacités effectives des Etats à taxer les revenus étrangers de leurs résidents. Certains pays de l'Union européenne (UE) refusent le transfert d'information entre administrations fiscales. En janvier 2003, un accord de compromis a cependant été signé, qui a pour objectif de réduire l'évasion fiscale transfrontalière. Il reste que l'orientation de l'épargne vers la France pourrait être d'autant plus pénalisée que les contrôles des revenus d'épargne sont très supérieurs à ceux de la plupart de nos voisins : la majorité des pays de l'UE n'obligent pas les établissements payeurs à déclarer à l'administration fiscale les intérêts versés.

Le principe général d'imposition des revenus de capitaux mobiliers est le suivant :

Les placements, dit populaires, sont non imposables (épargne réglementée : livret A, Codevi...), dans la limite de certains plafonds relativement bas.

Les produits de placement à revenu fixe (intérêts) sont soit intégrés au barème de l'IRPP, soit soumis à un prélèvement libératoire de 15 %, selon le choix du contribuable.

Les revenus des placements à revenu variable (dividendes) sont intégrés au revenu imposable avec un avoir fiscal qui supprime la double imposition (impôt sur les bénéfices et IRPP) et un abattement de 1 220 euros (2 440 pour un couple) 139 ( * ) . Ces abattements ont été récemment supprimés pour les foyers fiscaux imposés au taux marginal supérieur. Cet abattement était également valable pour les placements à revenu fixe jusqu'en 1995, mais a été supprimé à partir de 1996.

Les plus-values de cessions de valeurs mobilières sont imposées à un taux forfaitaire de 16 %. Si la valeur des cessions est inférieure à un certain seuil, les plus-values sont exonérées. Ce seuil a été fortement réduit dans la seconde moitié des années 1990 : il valait 342 800 francs en 1995 et seulement 50 000 francs (7 622,45 euros) à partir de 1998. En 2002, il a été augmenté à 7 650 euros.
Les nombreux régimes dérogatoires répondent essentiellement à deux objectifs : favoriser l'actionnariat populaire et orienter l'épargne vers les fonds propres des entreprises. La sédimentation de mesures continuelles rend le système extrêmement compliqué, même si quelques instruments assez simples sont très utilisés (PEA). Six grandes catégories d'épargne mobilière bénéficient de régimes dérogatoires (Conseil des impôts, 1999) : La participation des salariés à la vie de leur entreprise (intéressement, participation, Plans d'épargne entreprise, stocks-options ) ; l'épargne investie en actions (PEA 140 ( * ) , Plans d'épargne populaire) ; l'épargne à risque et l'innovation (FCPR, FCPI, BSCPE, sociétés de capital risque) ; la gestion intermédiée de valeurs mobilières (transparence fiscale des OPCVM) ; l'épargne finançant les PME et la création d'entreprise ; l'épargne investie dans certaines zones ou certains secteurs (investissement dans les DOM TOM, achat de parts de navires, financement du cinéma). Il faut ajouter l'assurance-vie, qui est un moyen très répandu de réduire la facture fiscale.

Au-delà des innombrables modifications des paramètres (abattements, plafonds, taux de réduction...), les années 1990 ont été marquées par la réduction des avantages fiscaux en faveur de l'assurance-vie, et par l'incitation à l'épargne risquée et à l'épargne salariale.

La réduction d'impôt sur les primes versées dans les contrats d'assurance-vie (¼ des primes dans la limite de 4 000 francs majorée de 1 000 francs par enfant à charge) a été supprimée en deux temps (1995 et 1996). Par ailleurs, la loi de finances pour 1998, a supprimé l'exonération des produits de l'assurance-vie dont bénéficiaient les contrats au-delà d'une durée de détention de 6 ans (pour les contrats souscrits entre 1983 et 1989) ou de 8 ans (pour ceux souscrits à partir de 1990). Dorénavant, au-delà de 8 ans de détention, les produits sont imposés à 7,5 %. L'épargnant bénéficie cependant d'un abattement annuel de 4 600 euros (9 200 euros pour un couple marié). Compte tenu de cet abattement, la possibilité de rachats partiels permet dans une grande mesure de supprimer l'imposition.

La loi de finances pour 1998 a créé les contrats en unités de compte (dits contrats « DSK »), dont l'unité de compte est la part d'un OPCVM dont l'actif est constitué pour 50 % au moins d'actions ou titres assimilés, dont 5 % de titres à risque. Les produits des contrats DSK bénéficient d'une exonération totale. Cette mesure est destinée à favoriser les placements en action et le capital risque. Les dispositifs en fonction de l'épargne à risque ont été accrus à la fin de la décennie 1990 par la création des Fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI, loi de finances pour 1997) et des Bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises (BSCPE, loi de finances pour 1998). Les FCPI constituent une dérogation au régime des Fonds communs de placements à risque (FCPR), qui existent depuis 1983. Les FCPR sont constitués d'au moins 50 % d'actions non cotées ou cotées au nouveau marché, dont le siège se trouve dans un Etat de l'Union européenne. Les produits des FCPR immédiatement réinvestis et les plus-values sont exonérés. Les FCPI sont des FCPR dont 60 % au moins du portefeuille est constitué de titres de petites sociétés non cotées, innovantes, et majoritairement détenues par des personnes physiques. Les placements dans les FCPI offrent une réduction d'impôt de 25 % dans la limite de 12 000 euros ( le double pour un couple). Les BSCPE sont des stocks-options (encadré) à fiscalité allégée en faveur des sociétés jeunes (moins de 15 ans). L'objectif est de favoriser l'émergence de nouvelles sociétés à fort potentiel de croissance mais qui n'ont pas les moyens de verser des rémunérations élevées. Les entreprises concernées sont les sociétés non cotées et les sociétés cotées sur les marchés européens des valeurs de croissance.

Hormis la création des BSCPE, la fiscalité des stocks-options (SO) a été modifiée plusieurs fois au cours des années 1990. La loi de finances pour 1995 a réduit les avantages fiscaux en faveur des SO, alors que la réforme de mai 2000 rendu la fiscalité des SO progressive et a introduit une incitation fiscale en faveur de la conservation des actions acquises par la réalisation de l'option.

La fiscalité des stock-options

Les stock-options (SO) sont un mode d'intéressement lié à l'évolution de la valeur boursière de l'entreprise. Le détenteur de stock-options a la possibilité d'acheter des actions de sa société à un prix fixé pendant la période dite d'attribution. Lors de la levée de l'option, l'entreprise prend à sa charge la « plus-value d'acquisition », PVA, c'est-à-dire la différence entre le prix d'achat de l'action au moment de la levée de l'option et le prix effectivement payé par le détenteur de l'option*. La plus-value d'acquisition est une rémunération pour le dirigeant, qui devient, de ce fait, sensible à la valeur de l'entreprise. Si l'action est conservée après la levée de l'option et revendue plus tard, le bénéficiaire peut réaliser une « plus-value de cession » au moment de la vente de ses actions si le prix de vente est supérieur au prix d'achat de l'action. La rémunération que procure les stock-options est aléatoire puisqu'elle dépend de l'évolution de la valeur financière de la firme. Mais avant la levée de l'option, le bénéficiaire d'un plan de stock-options ne peut pas perdre de l'argent.

Supposons qu'une action vaut 100 aujourd'hui. L'entreprise autorise à un dirigeant d'acquérir une quantité donnée d'actions au prix de 90 dans les 5 ans à venir. On dit que l'entreprise accorde un « rabais » de 10 %. Au bout de deux ans, l'action vaut 110 et le dirigeant décide d'exercer son option, c'est-à-dire d'acheter l'action. La plus value d'acquisition (PVA) est donc de 20 (110 - 90). Si le dirigeant revend instantanément les actions qu'il a acquises ainsi, il n'encourt pas de risque. S'il attend pour revendre l'action, il risque de perdre de l'argent au cas où le cours de l'action diminue. Si le cours continue à augmenter, et si le détenteur de l'action la revend 120 euros, il enregistre une plus value de cession (PVC) de 10 (120 - 110). C'est au moment de cette cession que s'effectue la taxation de la PVC, mais aussi de la PVA.

La plus-value de cession est soumise au régime normal des plus-values sur valeurs mobilières : soit un taux de prélèvement de 16 % au-dessus d'un seuil de 7 650 euros de cession auquel s'ajoutent 10 % de contributions sociales. Le taux de prélèvement sur la plus-value d'acquisition dépend de la durée écoulée entre la date d'attribution et la date de cession de l'action. Le prélèvement est effectué l'année de la cession. Si l'action est revendue avant la fin de la période dite d'indisponibilité (cinq ans avant 2000, quatre ans après), le bénéficiaire est imposé au barème progressif de l'IRPP. La progressivité est réduite selon le mécanisme du quotient en fonction de la durée écoulée entre la date d'attribution de l'option et la revente des titres. Pour un ménage qui se situe dans la tranche marginale supérieure d'imposition sur le revenu (à 49,58 % en 2003), le taux de prélèvement se situe entre 50 et 60 % si la cession a lieu avant cinq années pleines. Avant 1990, si l'action était revendue après la période d'indisponibilité, la PVA était exonérée d'impôt, bien qu'en cas de cession immédiate après la réalisation de l'option, le risque financier soit nul. Les avantages fiscaux des stock-options sont censés favoriser la prise de risque et l'innovation, éléments essentiels de la croissance économique. Cependant, les SO peuvent être utilisés comme un mode de rémunération sans risque de perte et très avantageux fiscalement. C'est pourquoi l'écart avec la taxation des salaires a été réduit dans les années 1990.

Tableau 20 : La taxation des plus-values d'acquisition

Durée entre l'attribution de l'option et la cession des actions

Prélèvements sociaux

IRPP

Total

Options attribuées entre le 20/09/1995 et le 26/04/2000

- 5 ans

Assimilé à un salaire*

52 à 63

+ 5 ans

10

30

40

Options attribuées à partir du 27/04/2000

- 4 ans

Assimilé à un salaire*

52 à 63

+ 4 ans

On distingue deux situations :

1) Actions conservées moins de deux ans

PVA 152 500 euros

10

30

40

PVA > 152 500 euros

10

40

50

2) Actions conservées plus de deux ans

PVA 152 500 euros

10

16

26

PVA > 152 500 euros

10

30

40

Bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises (BSPCE)

Durée d'activité dans l'entreprise au moment de la cession

- 3 ans

10

30

40

+ 3 ans

10

16

26

* Dans le cas où la PVA est requalifiée en salaire, le taux de taxation de la PVA est le suivant :

Salaire annuel

Cotisations sociales

IRPP

Total

0,5 MF (75 000 euros)

20

32

52

1 MF (150 000 euros)

16

47

63

1,5 MF (225 000 euros)

8

51

59

Note : les calculs sont effectués sur la base d'un barème inchangé (taux marginal à 54 %) de façon à ne montrer que l'effet de la modification de la fiscalité des SO.

Source : Dupont & alii ,(2000).


A partir de 1990, les PVA des SO cédées au-delà de 5 ans n'ont plus été exonérées, mais taxées à 16 %. Ce taux a été porté à 30 % en 1995. Avant la réforme de 2000, le taux de prélèvement total s'établissait donc à 40 % (30 % d'impôt sur le revenu et 10 % de contributions sociales) au-delà du délai de cinq ans. La loi interdit les rabais supérieurs à 20 %. Tout rabais supérieur à 5 % est dit « excédentaire » : la partie du rabais qui excède 5 % est considérée comme du salaire et imposé comme tel, et non au taux de la PVA.

La double réforme décidée par le gouvernement Jospin (BSPCE et nouvelles régulations économiques) avait pour objectif de concilier une plus grande justice sociale (progressivité), le renforcement de l'incitation à la prise de risque (portage et BSCPE) et l'amélioration de la compétitivité fiscale de la France (taux à 26 %). La période d'indisponibilité a été réduite à 4 ans mais une progressivité a été introduite dans l'imposition des plus-values d'acquisition : désormais, la partie de la plus-value supérieure à 150 000 euros est soumise à un taux spécifique supérieur de 10 points au taux normal ; ceci accroît le taux de prélèvement sur les plus-values importantes au-delà de la quatrième année. Toutefois, si le détenteur des stock-options conserve ses actions (portage) pendant au moins deux ans après la réalisation de ses options, il bénéficie d'une réduction de la fiscalité : les deux taux sont réduits respectivement à 16 % et 30 % (+ 10 % de contributions sociales). Le portage a l'avantage d'inciter les bénéficiaires à conserver des actions de l'entreprise donc à supporter un vrai risque.

Les dispositifs d'épargne salariale consistent en des incitations fiscales en faveur de l'épargne à long terme constituée dans le cadre de l'activité. Les avantages fiscaux en faveur de l'épargne salariale ont récemment été étendus par la création du Plan partenarial d'épargne salariale volontaire (PPESV) et du Plan d'épargne inter-entreprise (PEI). Ces dispositifs complètent les Plans d'épargne entreprise (PEE) créés en 1967. Les avantages fiscaux des PEE sont élevés puisque lorsque les fonds sont bloqués au moins 5 ans, les versements effectués par l'entreprise sont exonérés de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu (mais pas de prélèvements sociaux) sous un plafond de 2 300 euros par an 141 ( * ) , ainsi que les revenus accumulés. Les versements des salariés, limités au quart de leur rémunération brute, ne sont exonérés que s'il s'agit des sommes issues de l'intéressement. Les PEE ne concernaient en pratique que les grandes entreprises. La création des PEI a pour objectif de généraliser l'épargne salariale aux PME. Les PPESV sont très proches des PEE. Le plafond est double, mais le blocage des fonds est de 10 ans. L'abondement des entreprises bénéficie des mêmes avantages fiscaux que pour les PEE et ouvre, en plus, droit à une provision de 25 % à l'impôt sur les sociétés (soit une réduction de 8,3 % des sommes versées). Devant les inquiétudes des syndicats et des gestionnaires de caisses de Sécurité sociale sur la perte de recettes sociales pouvant être induite par le projet, les parlementaires ont décidé que la part de l'abondement patronal qui dépasse 2 300 euros par an sera soumise à une contribution au taux de 8,2 %, versée au Fonds de solidarité vieillesse.

S'agissant des revenus d'épargne, la grande innovation des années 1990 est l'introduction de la CSG et de la CRDS, qui a fortement augmenté les prélèvements sociaux : création de le CSG en 1991 et de la CRDS en 1996, augmentation du taux de CSG en 1993, 1997 et 1998, élargissement du champ d'application de la CSG sur les revenus d'épargne en 1997. En 1998, les prélèvements sur les revenus de valeur mobilière non soumis à prélèvement libératoire (1 % en faveur de la CNAVTS et 1 % en faveur de la CNAF) ont été fusionnés et leur assiette a été élargie à celle de la CSG. L'ensemble des revenus d'épargne est aujourd'hui soumis à 10 % de prélèvements sociaux. Contrairement à l'impôt sur le revenu, la fiscalité sociale sur l'épargne connaît très peu de régimes dérogatoires puisque seules six catégories de produit d'épargne réglementée 142 ( * ) sont exonérées. Cette augmentation de la fiscalité sociale permet de réduire l'écart de taxation entre revenus d'épargne et revenus du travail, mais elle porte atteinte à la compétitivité des produits d'épargne français.

La fiscalité française taxe non seulement les revenus du capital, mais aussi les patrimoines eux-mêmes. Les trois impôts sur le patrimoine français sont l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF), les droits de mutations et les taxes foncières. L'impôt sur les grandes fortunes, introduit par la gauche au début des années 1980, taxait les gros patrimoines. Il a été supprimé entre 1986 et 1988. Réinstauré sous le nom d'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) après le changement de majorité, il n'a pas été de nouveau remis en cause. Au contraire, le gouvernement Juppé l'a augmenté en limitant les possibilités de réduction d'impôt pour les foyers dont le cumul entre l'impôt sur le revenu et l'ISF dépassait 85 % du revenu. Depuis 1997, le barème de l'ISF n'est plus indexé sur les prix, ce qui induit une augmentation réelle de l'impôt. En 1999, les taux ont été accrus et une sixième tranche a été introduite au taux de 1,8 %, qui constitue depuis lors le taux marginal maximal. Du fait de ces augmentations, le rendement de l'ISF, qui équivalait à 0,9 % du PIB en 1990, atteint 2,5 % du PIB en 2002. A l'inverse, les droits de mutation à titre onéreux ont été sensiblement réduits, passant de 0,56 % du PIB en 1990 à 0,03 % du PIB en 2002. Les droits de mutation sur les acquisitions de logements et de terrains à bâtir ont été fortement allégés fin 1998 et fin 1999 143 ( * ) .

5. Mesures d'incitation au travail des non qualifiés

A la fin des années 1990, des mesures fiscales d'incitation à la recherche d'emploi pour les inactifs et les chômeurs ont été mises en place. Jusqu'à présent, la politique économique cherchait essentiellement à augmenter la demande de travail (par exemple en réduisant les cotisations patronales pour diminuer le coût du travail et inciter ainsi les entreprises à embaucher). Les débats d'experts et les politiques mises en oeuvre dans certains pays de l'OCDE ont fait apparaître le problème du faible intérêt financier à travailler au SMIC (à temps partiel) compte tenu des prestations sociales de solidarité dont bénéficient les exclus du marché du travail.

Un certain nombre de mesures ont donc été prises pour réduire les trappes à inactivité, c'est-à-dire à augmenter l'écart entre le revenu des travailleurs à bas salaire et les prestations d'assistance, sans diminuer ces dernières et sans accroître le coût du travail, bien que l'effet sur l'emploi de ce type de mesures soit loin d'être clair (chapitre 5). Les Smicards à temps plein profitent de ces mesures, alors que, les exclus du marché du travail (chômeurs, Rmistes, retraités modestes) en bénéficient peu (puisque l'objectif de ces dispositions est de favoriser l'activité). Il ne s'agit donc pas de mesures redistributives, même si ce sont les salariés modestes qui en bénéficient. Le mode de calcul des allocations logement a été réformé. Les dégrèvements de taxe d'habitation dont bénéficient les bas revenus ont été revus de façon à ne pas pénaliser les salariés à bas revenus par rapport aux bénéficiaires de minima sociaux (infra). Les taux du bas du barème de l'IRPP ont été sensiblement modifiés et le mécanisme de la décote a été modifié. Enfin, les possibilités de cumul entre RMI et salaire ont été renforcées. Mais la principale nouveauté est la création de la Prime pour l'emploi (PPE) le 30 mai 2001.

Initialement, le projet adopté par le Parlement était la suppression de la CSG-CRDS pour les Smicards et sa réduction pour les bas salaires. Cette mesure a été refusée par le Conseil constitutionnel car elle instituait une progressivité de la CSG (considérée comme un impôt sur le revenu) sans prendre en compte la structure du foyer fiscal, ce qui a été jugé pénalisant pour les familles. La réduction dégressive de CSG-CRDS a donc été remplacée par une prestation versée par le fisc (ou venant en déduction de l'impôt sur le revenu payé).

La prime est calculée sur la base du revenu d'activité individuel. La structure familiale est prise en compte par des majorations. Un plafond sur l'ensemble du revenu fiscal du foyer (11 972 euros pour une personne seule en 2003) évite que la prime ne soit versée à des salariés ayant de faibles revenus du travail et d'importants revenus de placement et/ou un conjoint ayant un revenu d'activité élevé. La prime est maximale pour les salariés au SMIC pour lesquels elle représente 4,4 % du salaire imposable. Au-delà d'une rémunération horaire au SMIC, la prime est décroissante jusqu'à 1,4 fois le SMIC et nulle ensuite. Elle est également nulle pour les salariés à temps partiel très court (lorsque le revenu d'activité est inférieur à 0,3 SMIC). La coexistence de plusieurs garanties mensuelles complique le dispositif. En 2003, la prime est maximale (478 euros) pour un Smicard bénéficiant de la deuxième garantie mensuelle de rémunération, c'est-à-dire si son entreprise est passée à 35 heures entre juillet 1999 et juin 2000. Un Smicard à 39 heures reçoit 443 euros. Le gouvernement Jospin avait prévu que la prime augmente de 50 % en 2003, mais le nouveau gouvernement n'a conservé cette augmentation que pour les salariés à temps partiel inférieur à 50 %. A temps plein, la prime n'est pas modifiée, et la PPE des salariés qui travaillent entre 50 et 100 % du temps plein augmente de moins de 50 %. La modification du dispositif en 2003 est donc globalement favorable aux temps partiels.

Des majorations familiales sont introduites, de montant très faible et arbitraire : 79 euros par an pour un conjoint inactif en 2003, 32 euros par an par enfant, 64 euros pour le premier enfant d'un parent isolé. Rappelons à titre de comparaison que les allocations familiales sont de 1 329 euros annuels pour les deux premiers enfants (soit 664 pour chacun), auxquels il faut ajouter 1 702 euros par enfant à partir du troisième. Pour un couple sans enfants, si l'un des conjoints est au SMIC à mi-temps en 2002 et si l'autre personne est à plein temps avec un revenu de 1,5 SMIC, le couple touchera une PPE de 322 euros fin 2003. La prime sera presque trois fois supérieure (886 euros) si les deux conjoints ont un emploi à temps plein au SMIC, bien que leur revenu total soit identique 144 ( * ) . Si l'un gagne le SMIC et l'autre 2 SMIC, la prime est de 443 euros alors qu'elle est nulle si les deux gagnent 1,5 SMIC. Il s'agit bien d'une subvention à l'emploi, et non d'un élément de la fiscalité. Sinon, comment justifier qu'un couple avec 2 enfants reçoive 586 euros s'il a un salaire au SMIC ; 950 euros s'il bénéficie de deux salaires au SMIC ? La mesure est peu généreuse pour les familles avec enfants et ne prend pas en compte des charges de famille. On peut se demander si le Conseil constitutionnel aurait validé une telle mesure s'il avait été saisi. La nouvelle prime est annuelle et non mensuelle, ce qui ne peut que nuire à son impact incitatif : une personne qui retrouve un emploi en janvier 2002 ne la touchera qu'en novembre 2003. Elle accroît la charge de travail de l'administration fiscale en compliquant un système déjà particulièrement peu simple. Pour atteindre le même objectif d'incitation à l'emploi, il aurait été préférable de mettre en place une ristourne dégressive de cotisations salariales (ce qui est identique à ce qui était initialement prévu pour la CSG-CRDS) remboursée par l'Etat aux caisses de Sécurité sociale. La hausse de salaire net aurait été instantanée (chaque mois). Le plafond global de ressources ne pouvait plus être pris en compte, mais la hausse de revenu induite par la mesure aurait été imposée au barème progressif. Parallèlement, une hausse des allocations familiales était possible, y compris le versement d'allocations dès le premier enfant.

6. La fiscalité indirecte

La fin des années 1980 et le début des années 1990 ont été orientés par les décisions européennes. La directive n°92-77 du 19 octobre 1992 a fixé des niveaux minimaux à 15 % pour le taux normal et 5 % pour le taux réduit et défini le champ d'application de ce dernier. Par anticipation de la directive européenne, le taux majoré de 33 % a été réduit à la fin des années 1980 (28 % en 1988 ; 25 % en 1990) et complètement supprimé en avril 1992. Le taux intermédiaire a également disparu et les taux réduits ont été unifiés. Au total, cela a réduit les recettes nettes de TVA de 8 % (Conseil des impôts, 2001).

Actuellement, le taux normal vaut 19,6 % et le taux réduit vaut 5,5 %. Le taux normal est passé de 18,6 % à 20,6 % en 1995 et a été diminué d'un point mi-2000. Il y a également un taux super réduit de 2,1 % qui s'applique, notamment, aux publications de presse et aux médicaments remboursables par la Sécurité sociale. Des taux particuliers sont applicables en Corse et dans certains départements d'outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Réunion). Le taux réduit de 5,5 % concerne la plupart des produits alimentaires ou agricoles, certains produits tels que ceux destinés à la consommation animale, les médicaments non remboursables, les livres ainsi que certaines prestations de services (fourniture de logement, fourniture de repas aux cantines d'entreprise, transports de voyageurs, certains spectacles). Son champ a récemment été étendu (en respect de la directive européenne) :

A la fin de la décennie, des mesures ciblées ont été prises pour stimuler l'emploi (réductions en faveur des secteurs économiques utilisant abondamment de la main-d'oeuvre) ou avec un objectif social. Les principales activités qui ont récemment pu bénéficier du taux réduit sont :

Opérations de construction de logements sociaux à usage locatif, LFI 1997.

Travaux d'amélioration des logements sociaux, LFI 1998.

Abonnements au gaz et à l'électricité, LFI 1999.

Collecte et tri sélectif de déchets ménagers, LFI 1999.

Travaux portant sur les locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans, LFI 2000.

Services à la personne, LFI 2000.

Equipements de production d'énergies renouvelables des particuliers, paquet fiscal 2001-2003.
Enfin, le décalage d'un mois pour l'imputation de la TVA déductible a été supprimé en 1993, ce qui a été bénéfique pour les entreprises. Par ailleurs, en 1996, la franchise de TVA a été fortement relevée, pour atteindre 100 000 francs (15 244,9 euros) et 175 000 francs (26 678,6 euros) ou 500 000 francs (76 224,5 euros) suivant la nature de l'activité (en 1998) dans le cadre de la création des régimes « micro BIC » et « micro BNC ». Corrélativement, le régime forfaitaire a été supprimé.

La Taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) est une accise qui taxe les consommations de produits pétroliers et représente grosso modo 150 % du prix hors taxe. Les recettes de TIPP représentent 1,81 % du PIB en 2000, comme en 1989. En 1992, elles étaient descendues à 1,7 % du PIB et étaient montées à 1,9 % en 1994. Les taux de TIPP sont indexés pour prendre en compte l'inflation. En 1998, le gouvernement avait prévu un relèvement progressif de la TIPP sur le gazole (7 centimes par an) destiné à atténuer en 7 ans son avantage fiscal par rapport au supercarburant en comparaison de ce qui se pratique en Europe. Une partie de la hausse est remboursée aux transporteurs routiers. Par contre, la TIPP sur l'essence sans plomb n'a pas été augmentée depuis 1999, ce qui induit une baisse relative de son prix. L'augmentation des cours du pétrole en 2000 et les revendications corporatistes qui ont suivi ont poussé le précédent gouvernement à réduire la fiscalité sur les carburants pesant sur les professions revendicatrices. L'augmentation prévue de la TIPP sur le gazole a été supprimée et la taxation du fioul domestique réduite de 30,4 %. Par ailleurs, a été mis en place un mécanisme de stabilisation de la fiscalité sur les carburants par le biais d'une modulation de la TIPP destinée à compenser les augmentations de TVA consécutives aux hausses de prix. Ce dispositif de « TIPP flottante » a été abandonné par la nouvelle majorité fin 2002.

La fiscalité sur le tabac a été considérablement accrue au cours des années 1990. Le produit du droit de consommation tabac a augmenté de 250 % en euros constants entre 1991 et 2001, malgré une diminution de 14 % de la consommation de cigarettes. Les recettes de droits sur le tabac sont passées de 0,3 % du PIB à 0,6 % en 2001. Les plus fortes hausses ont eu lieu en 1993 et 1994 (augmentation du prix de 13 à 15 %) et en 2003. La hausse des taxes sur le tabac permet d'augmenter les recettes de l'Etat ou de la Sécurité sociale tout en réduisant la consommation de tabac. Selon l'INSEE, l'augmentation de 1 % du prix des cigarettes réduit la consommation de 0,3 %. Elle risque cependant de stimuler le trafic parallèle et le commerce frontalier.

7. La fiscalité locale

Entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1990, les impôts locaux ont augmenté continuellement en proportion du PIB, passant de 3,1 % en 1978 à 5,7 % en 1996 (y compris transfert de recettes fiscales, tableau 21). Cette évolution a coïncidé avec une augmentation des dépenses des administrations locales, passées de 7,6 % du PIB en 1978 à 10,1 % en 1996. La première moitié des années 1990 a été marquée par une augmentation d'un point des dépenses locales en proportion du PIB, financée essentiellement par une hausse des impôts locaux. Après deux années de stabilité en 1997 et 1998, les impôts locaux ont augmenté beaucoup moins vite que le PIB à partir de 1999, pour atteindre 5,1 % du PIB en 2001. Les taux des quatre impôts locaux directs 145 ( * ) ont augmenté en moyenne de 2,5 % entre 1993 et 1996, mais de seulement 1,3 % en 1997, de 0,8 % en 1998 et de 0,4 % en 1999, et se sont stabilisés en 2000 et 2001 146 ( * ) . La croissance des taux d'imposition a de nouveau été plus forte en 2002 (+ 2,1 %).

Outre ces évolutions de taux, décidées par les collectivités, les principales mesures concernant la fiscalité locale ont été prises par le gouvernement Jospin à partir de 1999 : de 1999 à 2003, suppression progressive de la part salariale de l'assiette de la Taxe professionnelle (TP) ; en 1999, forte baisse des Droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ; en 2000, la réforme de la taxe d'habitation (TH) et suppression de la part régionale de la TH ; en 2001, suppression de la vignette automobile sur les particuliers. Des réformes de la fiscalité locale avaient été votées au début des années 1990, mais n'ont jamais été appliquées : impôt départemental sur le revenu (1990), révision des valeurs locatives sur lesquelles sont fondées taxe d'habitation et taxe foncière (1991).

Tableau 21 : Les ressources des administrations publiques locales

 

1978

1990

1996

2001

 

% du PIB

% du total

% du PIB

% du total

% du PIB

% du total

% du PIB

% du total

Impôts (hors transferts de RF)

2,8

41

4,1

46

4,8

47

4,2

41

Transferts de recettes fiscales (RF)

0,3

4

0,7

8

0,9

9

0,9

9

Autres recettes

3,7

54

4,2

47

4,5

44

5,1

50

Total

6,8

100

9,0

100

10,2

100

10,1

100

Source : Rapport économique et financier 2002 et 2003.

La loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a induit un fort développement des groupements de communes à fiscalité propre. La part des bases de TP soumises au régime de « taxe professionnelle unique » est par exemple passée de 7 % en 1999 à 46 % en 2002. Cette évolution a pour conséquence une profonde modification de la répartition des recettes fiscales entre collectivités.

Les baisses d'impôts locaux décidées par le gouvernement Jospin ont tendance à grignoter l'autonomie budgétaire des administrations locales. Pour les quatre taxes directes locales, la part prise en charge par l'Etat est passée de 22 % en 1999 à 33,5 % en 2002. Les collectivités locales, comme la Sécurité sociale, voient leurs ressources propres progressivement érodées par des réformes successives qui restreignent peu à peu leur autonomie de financement. En outre, la logique même des contraintes globales que fait peser sur le solde des administrations publiques le pacte de stabilité européen, de même que celle des plans pluriannuels de finances publiques soumis par le gouvernement aux instances communautaires, accentuent la domination de l'Etat sur les décisions de financement et de dépenses des autres administrations publiques. Cependant, ces mesures n'ont pas porté atteinte aux recettes des administrations publiques locales car les transferts en provenance de l'Etat ont augmenté dans le même temps.

La réforme de la taxe professionnelle et la diminution des DMTO ont été évoquées plus haut. La taxe d'habitation (TH) est proportionnelle à la valeur locative du logement, avec des abattements (pour charges de famille) et des dégrèvements (pour les bas revenus). Comme la valeur locative du logement augmente moins vite que le revenu, cet impôt apparaît légèrement dégressif. Etablies dans les années 1970, les valeurs locatives sont aujourd'hui très injustes. Devant la difficulté d'une réforme profonde de la TH, le gouvernement Jospin a mis en place des ajustements à la marge de la taxe afin d'en atténuer les principaux défauts. En outre, la part régionale de la taxe a été supprimée pour un coût estimé à 880 millions d'euros. Le rendement de la TH était passé de 14 % de l'IRPP en 1985 à 21 % en 1998. Suite aux mesures, elle ne représentait plus que 18,6 % de l'IRPP en 2001, malgré la diminution de ce dernier.

Jusqu'à la réforme de 2000, la taxe d'habitation comportait un système de dégrèvements à la fois compliqué (quatre dispositifs étaient empilés) et mal conçu. Les effets de seuil étaient importants : pour un franc de plus gagné, la taxe d'habitation pouvait passer de 1 541 à 2 189 francs . A revenu égal, les Rmistes ne payaient pas de taxe d'habitation alors qu'un salarié gagnant un ½ SMIC payait 1 541 francs. Dorénavant, le dégrèvement ne dépend que du revenu. La taxe d'habitation est plafonnée à 4,3 % du revenu imposable, diminué d'un abattement de 3 533 euros pour la première part de quotient familial, majoré de 1 021 euros par demi-part supplémentaire 147 ( * ) . Les personnes dont le revenu dépasse 16 290 euros (plus 3 806 euros pour la première demi-part supplémentaire et 2 994 euros pour les demi-parts suivantes) ne bénéficient pas de dégrèvement. On remarque avec étonnement qu'une famille avec 2 enfants représente 3 parts fiscales pour l'impôt sur le revenu, 2,16 pour la limite inférieure de l'exonération de la taxe d'habitation et 1,78 pour sa limite supérieure. La réforme du dégrèvement va néanmoins dans le sens d'une simplification, d'une suppression d'effet de seuil et d'une plus grande justice fiscale.

8. La fiscalité écologique

La principale taxe « verte » française est la TIPP. Pour le reste, la volonté d'utiliser l'instrument fiscal pour favoriser l'environnement est relativement récente. Lors de la précédente législature, le gouvernement a renoncé à ses ambitions initiales dans ce domaine. On a vu ce qu'il en a été concernant la TIPP.

Une Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) a été mise en place en 1999, regroupant cinq anciennes taxes fiscales et parafiscales (qui rapportaient déjà 300 millions d'euros). L'objectif de la fiscalité écologique est d'inciter à la protection de l'environnement, en application du principe « pollueur-payeur ». Les recettes de la TGAP sont affectées au financement des réductions de cotisations patronales selon le principe du « double dividende ». Une telle stratégie n'affecte pas globalement les coûts de production, donc les prix, tout en incitant les entreprises à utiliser plus de travail en économisant l'énergie et les produits polluants.

Initialement, la TGAP concernait la pollution atmosphérique, le stockage des déchets ménagers, les déchets industriels dits spéciaux, les huiles de base et les nuisances sonores (trafic aérien). En 2000, elle a été étendue aux lessives, aux grains minéraux naturels, aux produits anti-parasitaires à usage agricole. En 2001, le gouvernement a mis en place une taxation des consommations intermédiaires d'énergie, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les consommations d'énergie des entreprises sont relativement peu taxées en France, alors que la plupart des communes et des départements taxent les consommations d'électricité des ménages et que le fioul domestique est assez fortement taxé (par rapport aux autres pays européens). C'est la raison pour laquelle la TGAP-énergie ne devait concerner que les entreprises. Intégrée à la TGAP, cela aurait permis d'augmenter son rendement de 600 millions d'euros. La création de la TGAP-énergie a été interdite par le Conseil constitutionnel car elle portait atteinte au principe d'égalité devant l'impôt compte tenu des nombreuses exonérations et ristournes qui étaient prévues. Ces réductions de taxes avaient un objectif économique : la consommation d'énergie est très concentrée sur un nombre restreint de secteurs. La mise en place uniforme d'une telle accise aurait donc eu pour conséquence une forte modification des prix relatifs et un risque de délocalisation des entreprises les plus lourdement taxées vers les pays moins « verts ». A défaut d'harmonisation européenne, les exceptions prévues pouvaient donc se justifier. La plupart des pays ayant décidé d'accroître les taxes sur les consommations d'énergie ont mis en place des dispositifs similaires.

En septembre 2000, le gouvernement a décidé la suppression de la vignette automobile pour les particuliers (soit 1,8 milliard d'euros). Cette mesure favorise la voiture individuelle au détriment des transports collectifs. La vignette avait en outre le mérite d'être une taxe progressive, qui mettait un frein à la montée en gamme, qui frappait spécifiquement un bien ostentatoire. De plus, les voitures les plus consommatrices étaient les plus taxées. Enfin, l'avantage fiscal d'exonération de vignettes, attribuée aux seuls véhicules non polluants (GPL, électrique), est désormais caduc. Le gouvernement a donc sacrifié une grande part de sa politique environnementale en septembre 2000.

Cependant, des incitations fiscales ont été prises en faveur des énergies alternatives : taux réduit de TVA sur la collecte, le tri et le traitement des déchets ménagers en 1999, crédit d'impôt pour l'acquisition d'un véhicule « propre » (fonctionnant au GPL ou à l'électricité) ou pour l'achat d'équipements d'énergie renouvelable tels que les panneaux solaires, etc. en 2000.

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MESNARD .O., 2001 : « Les retraites en 2000 », Etudes et résultats DREES, n° 147, décembre.

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OBSERVATOIRE DES FINANCES LOCALES, 2002 : « Les finances des collectivités locales en 2002 », disponible sur le site internet de la Direction Générale des Collectivités Locales.

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Chapitre 3. 3 : Les réformes fiscales au Royaume-Uni

Gaël Dupont et Catherine Mathieu

Au Royaume-Uni, les prélèvements obligatoires sont parmi les plus bas de l'UE : 37,9 points de PIB en 2000, contre près de 41 points en moyenne dans l'UE. Les prélèvements sur les salaires y sont faibles (6,3 % du PIB contre 12,8 % pour l'UE), alors que la plupart des autres prélèvements sont un peu plus élevés. La fiscalité locale ne représente que 1,5 point de PIB en 2000 et ne couvre que 20 % des dépenses des collectivités locales, le reste provenant de transferts de l'administration centrale. Le niveau actuel des prélèvements obligatoires est au-dessus de la moyenne des trente dernières années, mais inférieur au point haut de 1982 (38,8). Depuis la fin des années 1970, le poids de la fiscalité indirecte s'est accru (TVA et fiscalité pétrolière), tandis que celui de fiscalité locale s'est réduit. La progressivité de l'impôt sur le revenu a été réduite. Le gouvernement travailliste élu en 1997 a rationalisé et simplifié le système de cotisations sociales, baissé le taux de l'impôt sur les sociétés mais accru la fiscalité des dividendes, dans le but de favoriser l'investissement. Des crédits d'impôt ont été mis en place pour inciter au retour à l'emploi et réduire les trappes à pauvreté, principalement pour les familles avec enfants.

I. Principales caractéristiques du système fiscal

1. Structure des prélèvements obligatoires

Le Royaume-Uni fait partie des pays qui ont les taux de prélèvements obligatoires les plus bas de l'UE : 37,9 points de PIB en 2000, contre près de 41 points en moyenne dans l'UE (chapitre 1). Il se distingue aussi par la faiblesse des prélèvements sur les salaires (6,3 % du PIB contre 12,8 % pour l'UE, 17,4 pour la France, soit un peu moins que les Etats-Unis 6,9 %). Le bas niveau des cotisations sociales explique la faiblesse du taux de prélèvements obligatoires au Royaume-Uni, alors que les autres prélèvements sont plutôt un peu plus élevés. Le faible poids de la fiscalité locale est aussi une spécificité britannique : la part des taxes perçues par les administrations locales ne représente que 1,5 point de PIB en 2000 et ne leur permet de financer que 20 % de leurs dépenses (quasi exclusivement via la Council tax ), le reste provenant d'un transfert de l'administration centrale.

Le niveau actuel est au-dessus de la moyenne des trente dernières années (36,1 points), mais inférieur au point haut de 1982 (38,8). Le taux de prélèvements obligatoires a nettement baissé de 1982 à 1993, où il ne représentait plus que 33,9 points de PIB, avant de remonter régulièrement par la suite (graphique 1).

Graphique 1 : Taux de prélèvements obligatoires au Royaume-Uni

En points de PIB



Source : ONS, United Kingdom National Accounts , The Blue Book , édition 2001.

Tableau 1 : Evolution de la structure des prélèvements obligatoires au Royaume-Uni (1)

 

En % du PIB

En % des recettes

 

1979

1992

1997

2000

1979

1992

1997

2000

Impôts sur production et les importations

12,9

14,1

14,2

14,6

38,1

40,1

39,9

38,6

TVA

4,0

6,8

6,8

6,9

11,8

19,3

19,2

18,2

Impôts et droits sur les importations, hors TVA

0,6

0,3

0,3

0,2

1,6

0,9

0,8

0,6

Impôts sur les produits, hors TVA et impôts sur les importations

4,6

4,4

5,0

5,5

13,6

12,6

14,1

14,6

Alcools

1,2

0,8

0,7

0,7

3,5

2,4

2,0

1,8

Tabac

1,3

1,0

1,0

0,8

3,7

2,8

2,7

2,2

Carburants

1,4

1,8

2,3

2,4

4,1

5,2

6,4

6,4

Autres (2)

0,8

0,8

1,1

1,6

2,2

2,1

3,1

4,1

Impôts sur la production

3,7

2,6

2,1

2,0

11,0

7,3

5,8

5,3

Dont : impôts locaux

1,9

0,0

0,0

0,0

5,6

0,0

0,0

0,0

Impôts courants sur le revenu, le patrimoine etc.

15,0

14,8

15,0

16,8

44,1

42,1

42,1

44,2

Impôt sur le revenu des ménages

10,9

11,2

9,6

11,2

32,1

31,8

27,1

29,6

Impôt sur les bénéfices des sociétés

2,0

1,9

3,1

3,6

5,9

5,5

8,8

9,4

Impôts locaux

1,4

1,4

1,3

1,5

4,1

3,8

3,7

3,9

Autres impôts (3)

0,7

0,3

0,9

0,5

2,0

0,9

2,5

1,4

Cotisations sociales obligatoires

5,8

6,1

6,2

6,3

17,2

17,2

17,5

16,5

Autres impôts en capital (4)

0,2

0,2

0,2

0,2

0,6

0,6

0,5

0,6

Total des prélèvements obligatoires

34,0

35,2

35,6

37,9

100,0

100,0

100,0

100,0

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Part perçue par l'administration centrale

29,6

32,8

33,6

35,7

 
 
 
 

Part perçue par les administrations locales

3,4

1,4

1,3

1,5

 
 
 
 

Part perçue par l'Union européenne

1,0

1,0

0,7

0,7

 
 
 
 

(1) Selon la décomposition du SEC 95. Pour l'ONS, les crédits d'impôt correspondent à une dépense, et non à une diminution de recettes.

(2) Principalement : droits de timbres, jeux et paris ; taxes d'aéroport et taxes sur les contrats d'assurance (à partir de 1994).

(3) Principalement : taxe automobile payée par les ménages (0,3 point en 2000) ; recettes pétrolières (0,2 point en 2000). En 1997 et 1998 s'ajoutent 0,3 point de taxe sur les entreprises privatisées ( Windfall tax ).

(4) Il s'agit principalement de l'impôt sur les successions.

Source : ONS, United Kingdom National Accounts , The Blue Book , édition 2001.

Graphique 2 : Structure des recettes des administrations publiques britanniques

En % du PIB



Source : ONS, United Kingdom National Accounts , The Blue Book , édition 2001.

Les changements de tendance du poids de la fiscalité britannique ne sont, pour l'essentiel, pas liés aux alternances de gouvernements : 1979-1997 pour les Conservateurs, retour des Travaillistes en mai 1997. En effet lors de l'accession de Margaret Thatcher au poste de Premier ministre en 1979, le taux de prélèvements obligatoires n'était que de 34 points de PIB. Au cours des trois années suivantes, le taux a augmenté de 5 points et ce n'est qu'à partir de 1983 que les mesures fiscales se sont traduites par une baisse du taux de prélèvements obligatoires, le ramenant en 1993 au niveau dont les Conservateurs avaient hérité en 1979. L'arrivée des Travaillistes au gouvernement en mai 1997 a conduit à une augmentation du taux de prélèvements obligatoires.

Si l'on compare les poids des différents prélèvements en 1979 et en 2000, il apparaît clairement que le poids de la fiscalité indirecte s'est accru (tableau 1 et graphique 2). C'est surtout vrai pour la TVA (+ 2,9 points de PIB en 20 ans) et la fiscalité pétrolière (+ 1 point), tandis que le poids des droits d'accise sur les alcools et le tabac a baissé. La part des cotisations sociales est restée quasiment stable depuis le début des années 1990 (elle avait augmenté dans la première moitié des années 1980 jusqu'à 6,9 points de PIB). Le poids de l'impôt sur le revenu n'a pas connu de bouleversement, et celui de l'IS a eu tendance à augmenter. La fiscalité locale a été allégée au début des années 1990, avec la suppression des impôts locaux sur la production au profit d'une taxe définie au niveau national et la suppression de la Community charge en 1993, remplacée par la Council tax .

Les prélèvements obligatoires atteignaient 357,4 milliards de livres en 2000. Les principales sources de recettes sont l'impôt sur le revenu des ménages qui, y compris les revenus du patrimoine, représente près de 30 % des recettes, puis la TVA (18,2 %), les autres taxes sur les produits (14,6) et les cotisations sociales (16,5).

Un des objectifs des Conservateurs était d'augmenter le poids des impôts indirects et de réduire celui des impôts directs. Le taux de TVA a certes été relevé de 8 % à 15 % à l'arrivée des Conservateurs puis à 17,5 % en avril 1991, pour financer la baisse de la fiscalité locale (réduction de la C ommunity charge ou poll tax avant sa suppression en 1993), mais les autres droits d'accise ont globalement été abaissés dans le même temps. Le taux marginal supérieur de l'impôt sur le revenu des ménages a été abaissé de 83 % à 40 %, mais l'imposition des sociétés s'est alourdie. Finalement, les parts relatives des fiscalités indirecte et directe ne sont pas nettement différentes aujourd'hui de ce qu'elles étaient en 1979, malgré les nombreux changements opérés dans le système fiscal en 20 ans.

2. Principales mesures fiscales depuis 1979

Principales mesures fiscales sous les gouvernements conservateurs 1979-1996

Au pouvoir pendant 18 ans, les Conservateurs (Margaret Thatcher jusqu'en novembre 1990, John Major par la suite) ont modifié la plupart des prélèvements obligatoires. Les principales évolutions de la fiscalité britannique ont été les suivantes :

Impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP ou IR) : très forte diminution des taux, surtout du taux marginal supérieur qui est passé de 98 % dans certains cas à 40 % du revenu imposable ; après 1992, gel des abattements à l'IR ; pourtant, pas de diminution sensible de la part de l'IR dans le PIB.

Impôt sur les bénéfices des sociétés (IS) : 1984, baisse du taux (de 52 % à 35 % puis 33 % en 1991-1992) et élargissement de la base ; cela a plutôt augmenté les recettes d'IS.

TVA : le taux normal passe de TVA de 8 % à 15 % en 1979 et à 17,5 % en 1991 (pour financer la baisse de la Community charge ou Poll Tax ), introduction de la TVA sur les carburants.

Autres impôts indirects : hausse des taxes sur le fuel (5 % en termes réels) et le tabac (3 % en termes réels), hausse prévue chaque année (mécanisme dit « escalator », augmenté puis supprimé par le gouvernement de Tony Blair).

Cotisations sociales : réduction du lien entre prestations et cotisations ; suppression du plafond des cotisations employeurs en 1985. Diminution du saut d'entrée pour les salaires passant au-dessus du seuil en deçà duquel les salaires sont exonérés de cotisations ( Lower Earnings Limit , LEL) en 1985 et 1989 : lorsque le salaire atteignait le LEL, le taux de cotisations passait de 0 à 19,45 % de l'ensemble du salaire (9 % employés et 10,45 % employeurs) avant 1985, à 10 % après la réforme de 1985 (5 + 5 %) et à 7 % en 1989 (5 % employés et 2 % entreprises). Mais des effets de seuil intermédiaires ont été introduits.

Orientations fiscales du New Labour depuis 1997

Le gouvernement travailliste, dirigé par Tony Blair, poursuit depuis 1997 plusieurs objectifs principaux de politique économique, renouvelés sous une forme ou une autre dans chacun des budgets annuels : stabilité macroéconomique (objectif prioritaire, avec la mise en place de règles de politique monétaire -- cible d'inflation -- et de règles budgétaires -- solde public courant nul en moyenne sur un cycle économique et dette publique maintenue à des niveaux « stables et prudents ») ; augmentation de la productivité (pour rattraper le niveau de productivité des autres pays du G7, la productivité par tête étant estimée 38 % plus élevée aux Etats-Unis, 18 % en France, 9 % en Allemagne) ; augmentation des possibilités d'emploi pour tous, justice sociale, principalement en faveur des familles, mais aussi réduction de la pauvreté (enfants et retraités) ; enfin, protection de l'environnement. Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement a entrepris dès son arrivée la « modernisation » du système fiscal et de protection sociale. Le budget 2002 (présenté en avril dernier) ajoute à la liste des objectifs l'amélioration de la qualité des services publics, notamment dans le secteur de la santé.

Augmentation de la productivité

Les modifications de la fiscalité des entreprises doivent permettre d'accroître l'innovation et l'investissement. Le taux d'imposition des bénéfices des sociétés a été réduit de 33 à 30 % (à 20 % pour les petites entreprises, à 10 % pour les premières 10 000 livres de bénéfices). Cette baisse a été financée par la suppression du remboursement de l'avoir fiscal sur les dividendes versés aux actionnaires exonérés (fonds de pension...). Un crédit d'impôt a été créé pour stimuler la recherche et développement dans les PME. La taxation des plus-values a été également modifiée : dorénavant, la taxation se réduit avec la durée de détention. En avril 2002, le taux d'imposition des petites entreprises a été abaissé à 19 % au lieu de 20 %, et à 0 % au lieu de 10 % pour les plus petits bénéfices.

Augmentation du taux d'emploi ( making work pay)

La fiscalité directe des ménages et les prestations sociales ont été modifiées de façon à rendre le travail financièrement intéressant pour les salariés du bas de l'échelle. Le taux de la première tranche de l'impôt sur le revenu a été réduit de 20 à 10 % en avril 1999. Dans le cadre de cette stratégie de retour à l'emploi, un salaire minimum a été instauré (3,6 livres de l'heure en octobre 1999, 3,7 à partir d'octobre 2000, revalorisé à 4,1 en d'octobre 2001, 4,2 à partir d'octobre 2002) ; des aides supplémentaires pour les familles actives avec enfants (sous forme de crédits d'impôts) ont été progressivement mises en place, ainsi qu'un crédit d'impôt pour les personnes handicapées ayant ou retrouvant un emploi. Le salaire plancher à partir duquel salariés et employeurs paient des cotisations sociales a été fortement augmenté (en laissant les droits à prestations inchangés), ce qui a permis d'exonérer un million de personnes supplémentaires, selon le Trésor. La création du Working Families' Tax Credit (WFTC), en octobre 1999, a sensiblement amélioré le niveau de vie des foyers avec enfant, dont une personne au moins travaille plus de 16 heures par semaine. A partir de 2003, le WFTC de base (hors suppléments pour enfants) sera étendu aux foyers sans enfants sous le nom de Working Tax Credit 148 ( * ) . La création d'un crédit d'impôt pour les retraités les plus pauvres ( Pension Credit ) en 2003 vise à favoriser l'emploi en garantissant aux actifs ayant cotisé d'avoir des retraites supérieures à celles versées par l'assistance. En plus d'inciter à l'emploi, ces mesures augmentent sensiblement le niveau de vie des personnes à bas revenu.

Justice sociale

Outre l'augmentation forte des allocations pour enfant ( Child Benefit ), deux mesures ont amélioré nettement le niveau de vie des familles ayant des enfants. Les réductions d'impôts pour couples mariés ( Married Couples Allowance ) ont été supprimées et remplacées par un crédit d'impôt (non remboursable) pour enfant ( Children's Tax Credit , CTC). Le WFTC a également un effet positif sur le niveau de vie des familles avec enfant. En 2003, le Child Tax Credit (composante du WFTC) et les prestations familiales attribuées sous conditions de ressources aux personnes sans emploi (principalement l' Income Support et la Jobseeker's Allowance) seront supprimées et remplacées par un crédit d'impôt unique, un nouveau Child Tax Credit (CC) . Les exonérations fiscales sur les dons aux oeuvres de charité ont été étendues. Les mesures favorisant l'épargne sont classées par le gouvernement dans la catégorie des mesures en faveur de la justice pour les familles et les communautés : le taux minimum de 10 % a été étendu aux revenus d'épargne à compter d'avril 1999 et les avantages fiscaux des Individual Savings Accounts (ISA) créés à cette date sont censés favoriser l'épargne de la moitié de la population qui n'épargne pas ou peu.

Protection de l'environnement

Une taxe sur la consommation d'énergie par les entreprises a été mise en place en avril 2001. En compensation, les cotisations patronales ont été réduites de 0,3 point. Les secteurs signant des accords de réduction d'émission bénéficient d'exemptions à hauteur de 80 % de la taxe (cela afin de ne pas peser sur leur compétitivité). Le taux réduit de TVA est appliqué sur les travaux effectués par les ménages, permettant d'économiser l'énergie. La vignette automobile ( Vehicle Excise Duty, VED) a été réformée pour prendre en compte les émissions polluantes (en fonction du nombre de chevaux et du type de carburants). La hausse des taxes sur les carburants ( Fuel Duties ) a cependant été gelée en termes réels en 2000, suite à la hausse des prix du pétrole. Celle sur la consommation d'énergie l'a été également.

Amélioration de la qualité des services publics

Le gouvernement s'est engagé dans la voie de l'amélioration de la qualité des services publics dès sa première législature (augmentation de la part de l'investissement public net dans le PIB, mesures en faveur des secteurs de l'éducation et de la santé). Le budget 2002 a mis en avant de façon explicite l'objectif d'amélioration de la qualité des services publics, particulièrement dans le secteur de la santé. Les mesures décidées s'appuient sur les conclusions du rapport Wanless (2002), qui visent notamment à réduire les délais d'accès aux soins et les taux de mortalité, et à améliorer la productivité des services de santé. La part des dépenses de santé dans le PIB devrait atteindre 9,4 points en 2007-2008 et 12,5 points d'ici 20 ans, contre 7,7 points de PIB en 2002-2003. Pour financer la hausse prévue des dépenses de santé de 7 % par an en termes réels à l'horizon 2008, les taux de cotisations sociales vont être relevés à partir de 2003. L'augmentation des taux prévue pour 2003 devrait représenter 0,35 point de PIB pour les employeurs (3,9 milliards de livres), 0,32 point de PIB pour les salariés (3,55 milliards de livres), 0,04 pour les travailleurs indépendants (0,45 milliard de livres), soit 0,7 point de PIB au total. Ce supplément de recettes est légèrement supérieur à l'augmentation prévue des dépenses de santé, ce qui permet de respecter les règles de stabilité budgétaire du gouvernement.

On ajoutera à la liste des objectifs celui de la rationalisation du système fiscal. Le système ubuesque de cotisations sociales a été remis à plat. La simplicité administrative a été accrue, la fiscalité de l'épargne unifiée. Toutefois, le WTC reste une prestation compliquée.

Le gouvernement Blair n'a pas remis en cause les mesures prises par les conservateurs (modifications profondes concernant la TVA, l'IRPP, l'IS) ; il a poursuivi à un rythme ralenti la diminution des taux de l'IS et de l'IR, mais en la finançant par des hausses d'assiettes (IS sur les fonds de pension) ou d'autres prélèvements (cotisations patronales).

II. Le système fiscal actuel et ses principales modifications depuis 1992

1. Fiscalité des entreprises

La fiscalité des entreprises a subi d'importantes modifications depuis 10 ans. Les principales évolutions sont les suivantes :

Réduction de 33 à 30 % du taux d'imposition des bénéfices (- 3,3 milliards de livres en 2000-2001, - 3,75 en 2001-2002).

Suppression du remboursement du crédit d'impôt versé aux actionnaires exonérés (+ 5,4 milliards).

Suppression de l' Advance Corporation Tax (ACT), pré-paiement de l'impôt sur les bénéfices lors du versement des dividendes, et introduction d'un paiement trimestriel pour les grandes entreprises (+ 2 milliards).

Taxation des services publics privatisés.

Introduction d'une fiscalité portant sur l'utilisation industrielle et commerciale d'énergie dans le but de réduire les émissions de CO2.

Mesures spécifiques pour les PME (- 1,2 milliards de livres en 2001-2002) : taux réduit, crédit d'impôt pour la R&D, réductions d'impôts pour les employés bénéficiant d'options ; création d'un taux 0 à partir de 2002 pour les petits bénéfices (265 millions de livres en 2003-2004).

2. Fiscalité des ménages

La diminution de l'impôt sur le revenu et des cotisations salariés a été en partie compensée par la hausse des taxes sur le tabac et l'essence (tableau 2). Concernant l'impôt sur le revenu, les principales mesures sont la diminution du taux de base (payé sur la tranche intermédiaire) et du taux inférieur. La baisse du taux supérieur, initiée par les Conservateurs n'a pas été remise en cause. L'abattement pour couple marié a été supprimé au profit d'un crédit d'impôt pour enfant et le WFTC a été créé. La fiscalité de l'épargne a été simplifiée, rationalisée et rendue plus neutre.

Les mesures fiscales et sociales prises depuis 1997 ont des effets redistributifs forts (surtout en bas de l'échelle des revenus). Elles permettent d'accroître de 8,8 % le revenu disponible moyen du décile le plus pauvre, alors que les 10 % les plus riches perdent 0,7 % en pouvoir d'achat (Myck, 2000), mais les inégalités restent grandes (voir par exemple, Lefresne, 2001). Les foyers avec enfants et les retraités voient leur revenu disponible croître sensiblement, alors que la fiscalité des foyers d'âge actif sans enfant est alourdie. Le pouvoir d'achat des retraités célibataires augmente de plus de 4 %, celui des familles monoparentales de 6,5 % et celui des couples sans travail avec enfants de presque 10 %. A l'inverse, le pouvoir d'achat des couples monoactifs sans enfant diminue de presque 2 %.

Le gouvernement travailliste a aussi poursuivi la politique des Conservateurs dans le domaine des réductions d'impôts pour charges d'intérêt pour emprunts immobiliers. L'allégement avait été réduit par les Conservateurs en 1991 ; il a été encore réduit (à 10 % des intérêts à partir d'avril 1998), avant d'être supprimé en avril 2000.

Tableau 2 : Impact des principales mesures ayant affecté les ménages de 1997 à 2000

En milliards de £

Total

- 3,62

Impôt sur le revenu

- 7,11

Abattement pour couple marié

3,12

Taux d'imposition et abattements individuels

- 5,08

WFTC

- 3,35

Crédit d'impôt pour enfant ( Children's tax credit )

- 2,18

Cotisations sociales

- 2,39

-- Salariés

- 2,64

-- Travailleurs indépendants

0,25

Fiscalité indirecte

6,20

TVA sur le fuel domestique

- 0,51

Tabac

1,74

Carburants

4,71

Dépenses

- 0,32

Allégements pour les intérêts hypothécaires

3,15

Allocations familiales ( Child benefit ) et majorations pour enfants de l'aide sociale

- 2,03

Augmentation du revenu minimum garanti ( allowances and capital limits )

- 0,75

Allocation d'hiver pour les retraités ( winter allowance )

- 1,07

Suppression d'aides pour parents seuls et d'aides pour les moins de 18 ans

0,39

Note : Un signe (-) correspond à un impact favorable pour les ménages.

Source : Myck (2000).

III. Les réformes des principaux impôts

1. Impôt sur les sociétés

Les travaillistes ont réduit le taux normal d'imposition des bénéfices de 33 à 30 %, ce qui poursuit la tendance à la baisse engagée en 1984. C'est un des taux les plus bas de l'OCDE, mais la part des recettes dans le PIB est supérieure à celle des autres pays du G7. Entre 1996-1997 et 2000-2001, la part des recettes d'IS dans le PIB a diminué. Le taux applicable aux PME a été réduit de 23 à 20 % (jusqu'à 300 000 livres de bénéfices) en 2000 et à 19 % en avril 2002. Au 1 er avril 2000, un taux réduit de 10 % jusqu'à 10 000 livres de bénéfices a également été introduit, ce taux a été abaissé à 0 au 1 er avril 2002. Aujourd'hui, l'imposition des bénéfices est progressive (et assez originale, tableau 3).

La création du taux 0 pour l'impôt des sociétés qui déclarent moins de 10 000 livres de bénéfices imposables est une surprise du budget 2002. Sa logique n'est pas évidente ; on comprend mal pourquoi certains bénéfices échapperaient à toute imposition ; elle introduit une inégalité de traitement entre les personnes qui déclarent des revenus perçus à titre individuel (soumis à l'IR) et celles qui, se constituant en société, peuvent échapper à l'imposition à concurrence de 10 000 livres de bénéfices. En se constituant en société, un travailleur indépendant peut se verser un traitement de 4 615 livres (plafonds de l'abattement de l'impôt sur le revenu) et réaliser des bénéfices de 10 000 livres, qu'il s'attribuera sous forme de dividendes, en échappant à toute imposition. Il devient donc possible de gagner 15 000 livres sans être imposable. Un salarié, avec le même revenu, devrait s'acquitter de 3 827 livres d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales 149 ( * ) . Le budget estime que le coût de la mesure sera de 265 millions de livres (0,23 point de PIB) en 2003-2004 et de 450 millions en 2004-2005 (0,39 point de PIB), estimant que la proportion de personnes qui se constitueront en société sera faible. L' Institute for Fiscal Studies (Blow et al. , 2002) estime pour sa part que la mesure est potentiellement coûteuse, pensant vraisemblable que 50 % des travailleurs indépendants décident de se constituer en société ce qui leur permettrait d'économiser plus de 500 livres d'impôt par an et représenterait un coût budgétaire de 1,2 milliard de livres (de 2,5 si tous les travailleurs indépendants se constituaient en société).

Tableau 3. Imposition des bénéfices en 2000-2001

Bénéfice annuel, en £

Taux marginal

Taux moyen

< 10 000

10

10

10 001 - 50 000

22,5

10 à 20

50 001 - 300 000

20

20

300 001 - 1 500 000

32,5

20 à 30

> 1 500 000

30

30

Sources : HM Treasury, Budget , Adam et al. (2001).

Modalité de perception de l'IS et fiscalité des dividendes

Le gouvernement Blair a supprimé à partir de 1999 le système de l'Advance Corporation Tax (ACT) et a fortement réduit le système d'imputation qui évitait la double imposition des dividendes.

L'ACT consistait en un pré-paiement de l'impôt sur les bénéfices au moment du versement des dividendes (à hauteur de 20/80 e des dividendes versés). L'ACT venait en déduction de l'IS qui était versé 9 mois après la clôture de l'exercice. L'actionnaire bénéficiait d'un crédit d'impôt remboursable de la valeur de l'ACT, ce qui permettait une suppression partielle de la double taxation. Pour un bénéfice avant impôt de 100 versé sous forme de dividende et avec un taux d'IS de 31 % et un taux marginal d'IRPP de 40 %, l'IS valait 31, le dividende versé 69, l'ACT 17,25 (donc le solde de l'IS, 13,75) et l'IRPP 17,25. L'imposition totale atteignait donc 48,25, soit 8,25 de plus que dans le cas d'une imputation totale (tableau 4). Les dividendes reçus par une entreprise actionnaire d'une entreprise résidente étaient (et restent) exonérés, pour éviter toute double imposition. Les impôts sur les dividendes versés par des filiales étrangères étaient imputés pour le calcul de l'impôt sur les bénéfices de l'actionnaire, mais un système de plafonnement de la part que l'ACT pouvait prendre dans l'IS versé sur chaque source de revenu avait pour conséquence une taxation plus forte des bénéfices étrangers. Pour limiter la pénalisation des groupes britanniques, deux régimes fiscaux ont été mis en place en 1994 : le foreign income dividend (FID) regime et le régime des international headquarters companies (IHC).

Les mesures prises par le gouvernement Blair ont quasiment supprimé le régime d'imputation qui empêchait la double imposition. Depuis le 2 juillet 1997, le crédit d'impôt n'est plus remboursable aux entreprises et fonds de pensions, qui étaient exonérés d'impôt sur ces dividendes, ce qui fait passer l'impôt total payé sur les bénéfices distribués de 12,5 à 30 % (tableau 4). Depuis le 6 avril 1999, le crédit d'impôt n'est plus remboursable pour personne et est réduit à 1/9 e du dividende.

A cette date, le système de l'ACT a été supprimé : le recouvrement de l'IS est dorénavant effectué sous forme d'acomptes trimestriels pour les grandes entreprises (les autres continuent de payer l'IS avec un an de décalage, mais sans pré-paiement même dans le cas de versements de dividendes).

Tableau 4 : Cas types d'effet de la réforme de la fiscalité des dividendes

 

Personne physique

Actionnaire exonéré

Système

Ancien 1

Ancien

Nouveau 1

Ancien

Ancien

Nouveau

Taux d'IS

31

30

30

31

30

30

Taux d'IR

40

32,5

32,5

Remboursement de l'AF

Non remboursement

Bénéfice

100

100

100

100

100

100

Impôt (IS)

31

30

30

31

30

30

Dividende (Div)

69

70

70

69

70

70

Avoir fiscal (AF)

17,25

17,5

7,78

17,25

17,5

17,5

Div + AF

86,25

87,5

77,78

86,25

87,5

87,5

IR actionnaire

17,25

10,94

17,50

- 17,25

- 17,50

0,0

IR actionnaire + IS

48,25

40,94

47,50

13,75

12,50

30,0

Double imposition

8,25

8,44

15,00

 
 
 

1. Ancien système, avoir fiscal (AF) de 20/80 et remboursement de l'AF aux actionnaires exonérés ; Nouveau système, AF de 10/90 et non remboursement de l'AF aux actionnaires exonérés. Avant la réduction de l'avoir fiscal et la suppression de son remboursement aux actionnaires exonérés, le taux de l'IS était de 31 % et le taux d'IR sur les dividendes était de 40 % (pour les personnes imposées à la tranche supérieure) ; en 2000-2001, le taux d'IS était de 30 % et le taux d'imposition des dividendes était réduit à 32,5 %. Dans les deux exemples, la colonne intermédiaire permet séparer l'effet de l'évolution des taux de l'effet des réformes de l'avoir fiscal.

Source : Auteurs.

Intérêt et objectif des réformes

Au total, la hausse de la fiscalité des dividendes fait plus que compenser la diminution du taux d'imposition. La suppression de l'ACT simplifie le système et réduit les distorsions économiques (il aurait suffi de le modifier à la marge pour atteindre cet objectif). L'objectif de la suppression du remboursement du crédit d'impôt est de stimuler l'investissement : dans l'ancien système, les bénéfices distribués à des actionnaires exonérés étaient au total moins taxés que les bénéfices non distribués (tableau 4). Cela incitait à un excès de versement de dividendes, au détriment de l'autofinancement. Ce raisonnement est critiquable : le principe de l'imputation est de taxer le dividende distribué au taux dû par l'actionnaire, ce qui justifie le remboursement du crédit d'impôt c'est-à-dire (d'une partie) de l'IS payé. La raison d'être de l'IS est de taxer les bénéfices réinvestis. Les mesures en faveur des PME ont également pour objectif de favoriser l'innovation et l'investissement.

Imposition des bénéfices retirés de l'exploitation de pétrole et de gaz

Le budget 2002 a introduit à partir d'avril une surtaxe de 10 % pour les bénéfices retirés de l'exploitation du pétrole et du gaz en mer du Nord, jusqu'alors soumis au taux de l'IS de 30 %. Ceci devrait rapporter 450 millions de livres en 2003-2004. La mise en place de cette surtaxe est facilitée par le maintien des prix du pétrole à des niveaux relativement élevés. Le gouvernement a par ailleurs lancé une consultation sur la suppression des royalties, payées sur les recettes des champs de pétrole dont l'exploitation a commencé avant 1982 (les champs dont la date de début d'exploitation est antérieure à 1982 paient actuellement un taux d'imposition marginal de 73,8 %, en tenant compte aussi de la PRT ( Petroleum revenue tax ), contre 40 % pour ceux dont la date de début d'exploitation est postérieure à mars 1993).

2. Cotisations sociales

Avant la réforme d'avril 1999, le système britannique de financement de la Sécurité sociale présentait deux particularités. La première particularité n'a pas été remise en cause : les salariés à très bas revenu (salaire inférieur à la Lower Earnings Limit , LEL) ne sont pas couverts par la Sécurité sociale ( National Insurance ) : ils n'acquièrent pas de droits, mais ni le salarié, ni son employeur ne paie de cotisations. Seconde particularité, les effets de seuils étaient très lourds : une faible augmentation du salaire brut pouvait se traduire par une augmentation très forte des cotisations dues. Les réformes travaillistes ont eu un objectif double : améliorer l'incitation au travail et rationaliser/simplifier le système. La réduction du coût du travail n'était pas un objectif prioritaire car le salaire minimum et les cotisations sociales sont bas.

Le seuil en deçà duquel les salaires sont exonérés a été fortement augmenté ces dernières années (+ 20,8 % par rapport à une stabilisation en pouvoir d'achat par rapport à 1999), ce qui accroît l'incitation au travail et réduit le coût des salariés peu rémunérés. Cette réduction des cotisations sur les bas salaires a été financée par une forte hausse du plafond des cotisations salariés ( Upper Earnings Limit , UEL, passé de 535 livres en 2000-2001 à 575 en 2001-2002). Depuis 2001, les seuils au-dessus desquels les salariés et les employeurs paient des cotisations sociales ( Primary Threshold , PT, pour les cotisations salariés et Secondary Threshold , ST, pour les cotisations patronales) sont égaux à l'abattement individuel d'impôt sur le revenu (89 livres en 2002-2003) et l'assiette des cotisations sociales a été alignée sur celle de l'impôt sur le revenu pour plus de simplicité (tableau 5). Le gouvernement a créé une tranche de revenu où les salariés sont assurés sans que les cotisations soient payées : tranche à taux 0, pour les salaires hebdomadaires compris entre le LEL (75 livres en 2002-2003) et le PT/ST (89 livres).

Mais la principale mesure est la suppression, en avril 1999, des effets de seuil ( entry fees et steps ) par la mise en place d'un taux fixe sur le salaire tronqué. Auparavant, les taux de cotisations variaient selon la tranche dans laquelle se situait le salaire ; le changement de taux s'appliquait à l'ensemble du salaire. Les taux de cotisations patronales étaient croissants, ce qui conduisait à des taux marginaux de cotisation infinis (graphique 3). Le système est aujourd'hui plus simple puisque les cotisations sont proportionnelles sur la part du salaire supérieure à un certain seuil et, pour les cotisations salariés, en dessous d'un plafond (UEL). Auparavant, le taux de cotisation patronale allait de 3 à 10 % de l'ensemble du salaire selon le niveau de celui-ci ; en 1999-2000, il était de 12,2 % de la part du salaire supérieure au ST. Le taux de cotisations patronales a été réduit de 0,4 point en contrepartie d'une hausse de la fiscalité écologique. En 2002-2003, il est de 11,8 %. Les réformes n'ont pas modifié les recettes de cotisations patronales, mais ont sensiblement réduit les recettes de cotisations salariés. En 2003-2004, les taux de cotisations sociales employeurs et salariés seront relevés de 1 point pour financer l'augmentation des dépenses de santé (bien qu'il ne s'agisse pas de prélèvements affectés).

Les cotisations sociales des non salariés, qui étaient particulièrement faibles, ont été augmentées. Les non salariés dont les bénéfices annuels étaient compris entre 3 955 et 4 535 livres en 2001-2002 payaient une cotisation forfaitaire de 2 livres par semaine (dite « classe 2 ») ; ceux dont les bénéfices étaient au moins de 4 535 livres payaient une cotisation de 7 % (dite « classe 4 ») sur la fraction de leurs bénéfices comprise entre 4 535 livres et 29 900 livres (seuil maximum). A partir de 2003, le taux de 7 % sera aussi relevé de 1 point ; un taux de 1 % sera appliqué aux bénéfices supérieurs au seuil maximum (indexé sur l'inflation).

Tableau 5 : Cotisations sociales au Royaume-Uni

Salaire
hebdomadaire, £

Cotisations employeur (1)

Salaire
hebdomadaire, £

Cotisations salariés (1)

1998-1999

0 - 64

0 %

0 - 64

0 %

64 - 110

3 % * (salaire total)

64 - 485 (2)

10 % * (salaire - 64) + 2 %* 64

110 - 155

5 % *(salaire total)

> 485 (2)

10 %* (UEL - 64) + 2 % * 64

155 - 210

7 % * (salaire total)

 
 

> 210

10 % * (salaire total)

 
 

2001-2002

0 - 87

0 %

0 - 87

0 %

87 - 575

11,9 % * (salaire - 87)

87 - 575

10 % * (salaire - 87)

> 575

11,9 % * (salaire - 575)

> 575

0 % * (salaire - 575)

2002-2003

0 - 89 (PT/ST)

0 %

0 - 89

0 %

89-585 (UEL)

11,8 % * (salaire - 89)

89 - 585

10 % * (salaire - 89)

> 585

11,8 % * (salaire - 585)

> 585

0 * (salaire - 585)

2003-2004

0 - 89

0 %

0 - 89

0%

89-585 (3)

12,8 % * (salaire - 89)

89 - 585 (3)

11 % * (salaire - 89)

> 585 (3)

12,8 % * (salaire - UEL)

> 585 (3)

1 %* (salaire - UEL)

(1) Lorsque les salariés bénéficient d'un fonds de pension et renoncent à l'affiliation au Serps, les cotisations sont réduites en deçà de l'UEL. En 2002 - 2003, le rabais est de 1,6 point pour les salariés. Pour les employeurs, il est de 3,5 points lorsque le fonds est à prestations définies et de 1,0 point quand le fonds est à cotisations définies.

(2) Un salarié gagnant 84 livres paie 3,28 ( = 0,1*(84-64)+0,02*64), un salarié gagnant 500 livres paie 43,38 (= 0,1*(485-64)+0,02*64), un salarié gagnant 1 000 livres paie la même chose.

(3) Le seuil UEL sera indexé sur l'inflation en 2003-2004.

Sources : HM Treasury, Budgets , IFS .

Graphique 3 : Cotisations sociales employeurs en fonction du salaire hebdomadaire

En livres par salaire



Note : Les seuils sont aux prix 1998.

Source : IFS.

3. Impôt sur le revenu des ménages

En 2000, l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) représentait 11,2 % du PIB, comme en 1992. L'impôt est individualisé. Les principales mesures prises dans les années 1990 sont la poursuite de la diminution des taux et de la simplification de la fiscalité des revenus d'épargne, l'individualisation de l'impôt, et la modification des abattements et des crédits d'impôts qui ont eu pour effet de défavoriser les couples sans enfant et de favoriser les retraités ayant cotisé et les ménages qui travaillent et/ou ont des enfants. Ces derniers sont pris en compte via un crédit d'impôt appliqué à un des deux parents (ou partagé entre eux). De façon générale, les crédits d'impôts jouent un rôle important dans le système et ont été nettement développés depuis 1997. L'impôt est collecté par les entreprises qui versent au fisc les sommes que celui-ci a calculé en prenant en compte les caractéristiques du contribuable (nombre d'enfants...) et les autres revenus. Le barème ne contient que 3 tranches et les contribuables bénéficient d'un abattement forfaitaire de 4 535 livres (soit 17,8 % du revenu moyen ; l'abattement est supérieur pour les personnes ayant plus de 65 ans).

Les taux d'imposition ont diminué quasiment continûment depuis la fin des années 1970. Sous les Conservateurs (1979-1996), la baisse des taux a été très forte, surtout concernant le taux marginal supérieur qui est passé de 98 % dans certains cas à 60 % du revenu imposable puis 40 % (tableau 6). Le passage de 60 à 40 % du taux marginal en 1988, s'est accompagné d'une très forte diminution du nombre de tranches. Les Conservateurs ont supprimé le taux le plus bas ( lower rate ) un an après leur arrivée au pouvoir et ont diminué progressivement le taux intermédiaire ( basic rate ). Ils ont aussi réintroduit un taux réduit dans le budget pré-électoral de 1992. Après 1992, les abattements à l'IRPP ont été gelés. Les Travaillistes n'ont pas remis en cause la baisse des taux marginaux les plus élevés. Ils ont abaissé le taux réduit à 10 % à partir d'avril 1999 (au lieu de 20 %) et ont réduit le taux moyen de 1 point à 22 % en avril 2000. La baisse du taux réduit n'a concerné que les très petits contribuables, puisqu'elle s'est accompagnée d'une très forte diminution du seuil au-delà duquel le revenu est imposé au basic rate .

Sur 45 millions d'adultes, environ 27,6 sont soumis à l'impôt sur le revenu (61 %). Les réformes de l'IRPP se sont traduites par une augmentation du nombre de contribuables payant les taux les plus élevés (10 % aujourd'hui, contre 3 % en 1979-1980). Ceci reflète le fait que l'indexation des tranches n'a pas toujours suivi l'inflation, que les revenus ont en moyenne progressé plus vite que les prix et que la dispersion des revenus s'est accrue sur la période. Cela explique que, malgré la forte baisse des taux, la part de l'IRPP dans le PIB n'ait que très peu varié en presque un quart de siècle. Depuis 1979-1980, soit en 22 ans, le seuil au-delà duquel le taux supérieur est dû a diminué de 7,8 % en terme réel. Au contraire, l'abattement (seuil en deçà duquel le contribuable ne paye pas d'IRPP) a augmenté de 44,4 % à prix constant.

Tableau 6 : Taux et tranches d'imposition sur le revenu des personnes physiques

Année fiscale

Lower rate
(%)

Basic rate
(%)

Higher rate(s) (1)
(%)

Lower rate
Tranche en £/an

Basic rate
Tranche en £/an

1973-1974

--

30

40-75

--

5000

1974-1975

--

33

38-63, 73, 83

--

4500

1975-1976

--

35

40-75, 83

--

4500

1976-1977

--

35

40-75, 83

--

5000

1977-1978

--

34

40-75, 83

--

6000

1978-1979

25 (2)

33

40-75, 83

--

8000

1979-1980

25 (2)

30

40-60

--

10000

1980-1981

--

30

40-60

--

11250

1981-1982

--

30

40-60

--

11250

1982-1983

--

30

40-60

--

12800

1983-1984

--

30

40-60

--

14600

1984-1985

--

30

40-60

--

15400

1985-1986

--

30

40-60

--

16200

1986-1987

--

29

40-60

--

17200

1987-1988

--

27

40-60

--

17900

1988-1989

--

25

40

--

19300

1989-1990

--

25

40

--

20700

1990-1991

--

25

40

--

20700

1991-1992

--

25

40

--

23700

1992-1993

20

25

40

2000

23700

1993-1994

20

25

40

2500

23700

1994-1995

20

25

40

3000

23700

1995-1996

20

25

40

3200

24300

1996-1997

20

24

40

3900

25500

1997-1998

20

23

40

4100

26100

1998-1999

20

23

40

4300

27100

1999-2000

10

23

40

1500

28000

2000-2001

10

22

40

1520

28400

2001-2002

10

22

40

1880

29400

2002-2003

10

22

40

1920

29900

Note : Avant 1983-1984, une surtaxe de 15 % était appliquée sur les revenus d'épargne au-dessus d'un certain seuil (7 100 livres en 1983-1984).

(1) « - » indique une série de taux ayant 5 points d'écart ; par exemple en 1987-1988, il y avait des tranches d'imposition aux taux : 40, 45, 50, 55 et 60 %.

(2) S'applique aux 750 premières livres de la personne imposable et aux premières 750 livres de son conjoint.

Sources : HM Treasury , IFS.

Tableau 7 : Impôt sur le revenu : abattements, tranches et taux d'imposition en 2001-2002

 

En £, par an

En % du salaire moyen (1)

Abattements

 
 

Individuel :

 
 
Moins de 65 ans

4535

17,8

65 à 74 ans

5990

23,6

75 et +

6260

24,6

 

Couples mariés (2) :

 
 
Moins de 65 ans

0

0,0

65 à 74 ans

5365

21,1

75 et +

5435

21,4

 

Crédit d'impôt pour enfant ( Children's Tax Credit ) (2)

5200

20,5

Revenu imposable

 
 

1 e tranche ( lower-rate band ) - 10 %

0 - 1880

 

2 e tranche ( basic-rate band ) - 22 %

1881 - 29400

 

3 e tranche ( higher-rate band ) - 40 %

29401 - +

 

(1) Salaire moyen à temps plein des hommes en avril 2001.

(2) Allégement d'impôt limité à 10 %.

Sources : HM Treasury, Budget 2001 , Adam et al .(2001).

Dans les années 1990, la prise en compte de la situation familiale a été fortement modifiée. Avant 1990, les couples mariés étaient soumis à une imposition conjointe (les textes stipulaient que, d'un point de vue fiscal, le revenu de l'épouse était considéré comme le revenu de son mari). L'imposition conjointe a été supprimée par les Conservateurs en 1990, mais le statut marital restait pris en compte par le biais d'un abattement fiscal accordé aux couples mariés ( married couple's allowance, MCA). Cet abattement a été progressivement réduit à partir de 1993 par les Travaillistes, et supprimé en avril 2000 (sauf pour les couples où un conjoint est né avant 1935).

Jusqu'en 2001, les enfants n'étaient pas pris en compte dans le calcul de l'imposition sur le revenu excepté par le biais d'un crédit d'impôt en faveur des familles à faible revenu avec enfant et dont un des parents au moins travaillait : le Family Income Supplement créé en 1971, remplacé en 1988 par le Family Credit , lui-même remplacé par le Working Families' Tax Credit (WFTC) en 1999. La diminution du MCA a dégagé des ressources qui ont permis, dans un premier temps, d'augmenter les allocations familiales. La suppression de cette allocation a financé la mise en place du Children's Tax Credit (CTC) à partir d'avril 2001, en faveur de toutes les familles, dont l'un des parents travaille, ayant au moins un enfant de moins de 16 ans à charge. Il s'agit d'une réduction d'impôt non remboursable, indépendante du nombre d'enfants, versée aussi bien aux couples mariés qu'aux couples non mariés et aux célibataires. Lorsque aucun des membres du foyer n'est imposé au taux marginal supérieur, le CTC est forfaitaire et les couples décident de la répartition du crédit entre chacun des deux adultes. Lorsque l'un des deux est imposé à la tranche marginale supérieure, celui qui gagne le plus doit recevoir le crédit d'impôt qui est réduit de 1/15 e de livre pour chaque livre de revenu au-dessus du seuil de la tranche supérieure 150 ( * ) . Pour les hauts revenus, le CTC est donc nul.

La prise en compte des enfants par le CTC a donc des effets très différents du quotient familial. En France, chaque enfant permet une réduction d'impôt d'autant plus forte que le revenu est élevé (jusqu'à un certain plafond). Au Royaume-Uni, la réduction d'impôt est forfaitaire puis dégressive (dans le cas du WFTC, l'aide pour chaque enfant est forfaitaire, mais elle est supprimée au-delà d'un certain revenu). En France, chaque enfant induit une diminution de l'IRPP, qui est plus forte à partir du troisième enfant, alors que le second enfant (et les suivants) ne rapportent rien dans le cas du CTC 151 ( * ) (et une somme identique dans le cas du WFTC).

Le gouvernement a prévu d'unifier, à partir de 2003, la prise en compte des enfants dans l'impôt sur le revenu par la création d'un crédit d'impôt unique, le Child Tax Credit (CC) . Il s'agira en fait d'une prestation globalement dégressive, avec deux paliers. Le WFTC sera remplacé par un crédit d'impôt ( Working Tax Credit ) pour les plus de 25 ans exerçant un emploi, y compris ceux n'ayant pas d'enfant.

Le gouvernement a également prévu la mise en place d'un crédit d'impôt pour les retraités les plus pauvres ( Pension Credit ), ayant cotisé, afin d'accroître l'incitation au travail et à l'épargne : en l'absence de crédit d'impôt, des retraités ayant cotisé pendant leur vie active peuvent en effet se retrouver avec une retraite identique à la retraite d'assistance (notamment si leur carrière est incomplète). Le Pension Credit permettra de réduire à 40 % le « taux de prélèvement marginal apparent ». Ce crédit d'impôt entrera en vigueur en octobre 2003.

Depuis 20 ans, la fiscalité de l'épargne a été simplifiée, rationalisée et rendue plus neutre 152 ( * ) . Aujourd'hui, l'épargne des ménages se porte essentiellement sur trois produits qui permettent de ne pas payer d'impôt sur les revenus d'épargne : l'épargne retraite, l'épargne logement et les Individual Savings Accounts (ISA). L'ISA, créé en avril 1999 en remplacement de deux dispositifs proches, permet d'épargner jusqu'à 7 000 livres par an. Comme dans le cas de l'épargne logement, les revenus d'épargne et les retraits sont exonérés. A l'inverse, l'épargne retraite est exonérée à l'entrée, mais les rentes sont imposées. Une part du capital accumulé peut même être sortie en capital, en franchise d'impôt. Finalement, seuls les très gros épargnants sont concernés par la taxation des plus-values. Celles-ci sont imposées au barème de l'IRPP. Mais depuis le budget de mars 1998, un système de dégressivité temporelle a été mis en place : seul un certain pourcentage de la plus-value est imposé et ce pourcentage est d'autant plus faible que la détention est longue. Par contre, l'inflation n'est plus prise en compte dans le calcul de la plus-value.

4. Mesures d'incitations au travail

Le Working Families' Tax Credit (WFTC) annoncé dans le budget 1998, est une mesure centrale de la politique de modernisation du système fiscal et de la protection sociale. Il vise à réduire les trappes à pauvreté et à chômage. Il a été mis en place en même temps que le salaire minimum (avril 1999) et la création du taux de l'IR à 10 %.

Le WFTC est entré en vigueur en octobre 1999, en remplacement du Family credit (FC). Le WFTC est versé aux familles avec enfants, dont l'un des parents travaille au moins 16 heures par semaine, dont un enfant a moins de 18 ans ; avec une épargne inférieure à 8 000 livres. Dans le but de renforcer l'aspect incitatif au travail, le WFTC, qui est géré par l'administration fiscale (et non sociale) est versé avec le salaire (donc par les entreprises), et non comme une prestation sociale (ce qui était jusqu'alors le cas pour les crédits d'impôt, tels le FC). Il ne se substitue pas aux allocations familiales versées par ailleurs.

Le WFTC est un dispositif à plusieurs étages :

Un crédit de base ( basic credit ), versé à un parent seulement (au choix).

Un crédit supplémentaire ( 30-hour tax credit ), si la personne travaille au moins 30 h par semaine.

Un crédit par enfant ( child tax credit ) (deux taux selon que l'enfant a plus ou moins de 16 ans).

Un crédit pour garde d'enfant ( Childcare tax credit ) : 70 % des frais de garde, à hauteur de 135 livres par semaine (depuis juin 2001) pour une famille avec un enfant et 200 livres pour une famille avec 2 enfants ou plus.

Tableau 8 : Evolution du WFTC

En £, par semaine

 

1999-2000

2000-2001

2001-2002

2002-2003

Crédit de base

1 par famille

52,30

53,15

59,00

62,50

Crédit supplémentaire, à partir de 30h travaillées par semaine

 

11,05

11,25

11,45

11,65

Crédit par enfant

 
 
 
 
 
Moins de 11 ans
 

19,85

25,60

26,00

26,45

11-16 ans

 

20,90

25,60

26,00

26,45

16-18 ans

 

25,95

26,35

26,75

27,20

 

Crédit pour garde d'enfants, 70 % des coûts avec un maximum de...

1 enfant
2 enfants et +

100,00
150,00

100,00
150,00

135,00
200,00

135,00
200,00

Plafonds de revenu au-delà de laquelle la dégressivité s'applique

 

90,00

91,45

92,00

94,50

Dégressivité

 

55 %

55 %

55 %

55 %

Source : HM Treasury, Budget (2000, 2001, 2002).

Exemple de calcul du WFTC

Soit un couple avec 2 enfants de moins de 11 ans, où les deux adultes travaillent, celui des deux demandant le crédit travaillant plus de 30 heures, dont les revenus nets (après cotisations sociales et impôt sur le revenu) hebdomadaires sont de 300 livres, et qui ont des frais de garde d'enfants de 150 livres par semaine. Le crédit initial est de 262,05 (62,5 + 11,65 + 2*26,45 + 135), d'où il faut enlever : 0,55*(300 - 94,5) = 113,03. Il reste donc : 149,02 livres. Au final, les revenus hebdomadaires de cette famille seront de 449,02 livres.

A l'été 1999, 2,2 millions d'enfants (1/5 des enfants) vivaient dans des familles où les parents étaient sans emploi. En 1998, le gouvernement anticipait qu'1,5 million de familles toucheraient le WFTC en 2001, ce qui a été pratiquement atteint : à la mi-2001, 1,3 million de foyers (soit 2,5 millions d'enfants) recevaient le WFTC (sur 7 millions de familles), dont 600 000 couples et 650 000 familles monoparentales (dont 27 000 hommes seuls avec enfants). Les familles concernées touchent en moyenne 80 livres par semaine. 60 % bénéficient du crédit de 30 heures ; 12 % d'un Childcare Tax Credit - pour un montant moyen de 37,3 livres par semaine. Le montant moyen brut du « salaire principal » est de 171 livres. En avril 2001, le WFTC garantissait un revenu minimum de 214 livres par semaine

Les études réalisées par l'IFS (voir, par exemple, Blundell et Reed, 2000) estiment que le WFTC aura des effets modérés sur l'offre de travail (de moins de 30 000 emplois). Par contre, le WFTC a des effets redistributifs importants. Pour les femmes mariées, le nouveau système donne une légère incitation à rester à la maison ou à réduire son temps de travail.

Tableau 9 : Evolution du nombre de bénéficiaires du FC/WFTC depuis 1992

 

Mai 1992

Mai 1997

Mai 1999

Mai 2000

Mai 2001

Total, milliers (1)

396,7

747,7

821,3

1061,4

1259,5

Prestation moyenne, £ par semaine

37,69

57,85

62,99

73,28

79,57

(1) Hors Irlande du nord jusqu'en mai 1997 (environ 3,5 % des bénéficiaires).

Source : Inland revenue , Working Families' Tax Credit Statistics , 2001.

Par ailleurs, le DPTC ( Disabled Person's Tax Credit ), a été introduit en même temps que le WFTC. Le DPTC concerne des handicapés travaillant 16 heures ou plus par semaine. En 2001, 29 000 travailleurs le percevaient, pour un montant de 73 livres par semaine (soit 60 % de personnes en plus, par rapport aux bénéficiaires de la Disability working allowance en juillet 1999).

2003 : Créations annoncées du Working Tax Credit, en remplacement du WFTC, et du Child Tax Credit

Le Working Tax Credit (WTC) va se substituer au WFTC et au DPTC en avril 2003, l'objectif étant d'étendre l'aide conditionnée à l'emploi aux plus de 25 ans, qui n'ont pas d'enfant, et travaillent au moins 30 heures par semaine. Le WTC sera déterminé sur une base annuelle, comme le nouveau Child Tax Credit . Les personnes ayant des enfants ou étant handicapées pourront bénéficier du WTC à partir du moment où elles travaillent au moins 16 heures par semaine. Un complément de crédit d'impôt sera versé aux couples avec enfants travaillant à eux deux au moins 30 heures par semaine (et dont l'un travaille au moins 16 heures), ainsi qu'aux handicapés travaillant au moins 30 heures par semaine. Le crédit pour frais de garde (C hildcare Tax Credit ) sera maintenu à l'identique par rapport aux WFTC et DPTC.

Tableau 10 : Principales composantes du WTC

En £, par semaine

2003-2004

Composante de base

29,20

Composante couple ou parent seul

28,80

Crédit supplémentaire, à partir de 30h travaillées par semaine

11,90

Crédit pour garde d'enfants, 70 % des coûts avec un maximum de...

Pour 1 enfant

Pour 2 enfants et +

135,00

200,00

Seuil au-delà duquel la dégressivité s'applique

97,00

Dégressivité

37 %

Source : HM Treasury , Budget 2002 .

Le Child Tax Credit intégrera toutes les aides existantes en faveur des enfants dans un seul crédit d'impôt. Il comprendra les allocations familiales ( Child Benefit , 16,05 livres par semaine pour le premier enfant et de 10,75 par enfant à partir du deuxième enfant, tableau 11) ; un crédit d'impôt ( Child Credit ) par famille (10,45 livres), versé intégralement pour les revenus ne dépassant pas 5 060 livres par an, et avec une dégressivité de 37 % au-delà ; un crédit d'impôt pour chaque enfant (27,75 livres), versé intégralement pour les revenus annuels de 50 000 livres au plus, avec une dégressivité de 1/15 ensuite.

Les familles dont le revenu est inférieur à 5 060 livres par an (soit 97 livres par semaine) et celles qui reçoivent actuellement l' Income support ou la Jobseeker's allowance recevront le Child Tax Credit maximum (54,25 livres pour le premier enfant). Les familles percevant moins de 50 000 livres de revenus toucheront un crédit d'impôt de 26,50 pour le premier enfant. Le Child Tax Credit sera versé par l'administration fiscale à la personne déclarée principale responsable de l'enfant. Il sera calculé sur les salaires bruts, et non plus sur les nets comme c'est le cas dans le dispositif actuel.

Tableau 11 : Principales composantes du Child Tax Credit

En £, par semaine, 2003-2004

 

1 er enfant

Par enfant,
au-delà du 1 er enfant

Allocations familiales ( child benefit )

16,05

10,75

Crédit d'impôt ( Child tax credit ) :

 
 
composante « famille »

10,45

 

composante « enfant »

27,75

27,75

 

Montant maximum du crédit d'impôt

54,25

38,50

 

Montants hebdomadaires

Montants annuels

Plafonds de revenu pour bénéficier du montant maximum

253,76

13 000

Premier seuil de revenu (composante « famille »)

97

5 060

Dégressivité (pour la composante « famille »)

37 %

 

Second seuil de revenu (composante « enfant »)

958,90

50 000

Second seuil de dégressivité (composante « enfant »)

1/15

 

Sources : HM Treasury, Budget 2002 , « The Child and Working Tax Credits », The modernisation of Britain's Tax and Benefit System , Number Ten, avril 2002, HM Treasury, Inland Revenue.

Exemples de calcul du WTC et du Child Tax Credit

Le calcul se fait globalement. Lorsque les revenus sont supérieurs à 97 livres par semaine, la dégressivité s'applique d'abord au WTC, puis au crédit pour frais de garde d'enfant et enfin au Child Tax Credit .

Une famille dont les deux parents travaillent (et l'un des deux plus de 16 heures), avec des revenus de 97 livres par semaines, deux enfants et des frais de garde de 60 livres par semaine bénéficiera du WTC maximum : 69,9 livres ; de 42 livres au titre du crédit pour garde d'enfant (60*0,7) et du Child Tax Credit maximum de 65,95 livres, soit au total d'un crédit d'impôt de 177,85 livres : c'est le montant maximum de crédit d'impôt pour le cas type de famille considéré.

On considère maintenant la même famille, mais avec des revenus de 300 livres par semaine. Cette famille a un revenu supérieur de 203 au seuil (300-97), la dégressivité de 37 % au-delà de 97 livres de revenus représentant 75,11 livres ((300-97)*0,37). En déduisant ce montant du montant maximum calculé plus haut (177,85), on obtient le droit à crédit d'impôt de cette famille : 102,74 livres. Cette famille a des revenus trop élevés pour bénéficier du WTC (75,11 > 69,9). Mais elle a droit à un crédit d'impôt pour garde d'enfant de 36,79 livres (42 livres - (75,11-69,9)) et au Children Tax Credit pour 65,95 livres. S'y ajoutent les allocations familiales pour 26,8 livres. Le crédit d'impôt est supérieur de 23 livres à celui du système du WFTC et CTC actuels.

5. Fiscalité indirecte

TVA

Le taux de TVA est de 17,5 % depuis avril 1991. A partir d'avril 1994 le fioul domestique a bénéficié d'un taux réduit de 8 %, taux qui a été abaissé à 5 % en 1998. Certains produits sont taxés à un taux 0. C'est en particulier le cas des produits alimentaires, de la construction de bâtiments neufs, des livres et de la presse, des vêtements d'enfants, de la distribution d'eau et des médicaments. D'autres sont exonérés : location de logements résidentiels, certains services (éducation privée, santé...). Selon Adam et al. (2001), l'ensemble des réductions et exonérations de TVA représente 25 milliards de livres, pour un total annuel de recettes de 61 milliards.

Tableau 12 : Evolution des taux de TVA depuis 1979

Budgets

Mesures

1979

Remplacement des taux de TVA de 8 et 12,5 % par un taux unique de 15 %

1991

Augmentation du taux de 15 à 17,5 %

1994

Taux réduit de 8 % sur le fioul domestique

1997

Taux réduit sur le fioul domestique abaissé de 8 % à 5 %

Source : HM Treasury, Budgets .

Droits d'accise

Alcools, tabac et carburants supportent des taxes spécifiques (tableau 13), auxquelles s'ajoute la TVA. Les recettes des droits d'accise proviennent principalement de la fiscalité pétrolière (22,5 milliards de livres). L'alourdissement de la fiscalité pétrolière avait été engagé par le gouvernement conservateur (la fiscalité pétrolière se situant par ailleurs au début des années 1990 dans la moyenne de l'UE) et a été poursuivi par les Travaillistes (tableaux 14 et 15). Les protestations qui ont suivi la hausse des prix du pétrole en 2000 ont amené le gouvernement à stopper l'augmentation prévue des taxes sur les carburants. La fiscalité sur le tabac a aussi été alourdie jusqu'en 2000 (et est stable depuis en termes réels), tandis que celle sur les alcools a été allégée.

Tableau 13 : Droits d'accise, année 2001-2002 *

 

Droits d'accise
En pence

Droits d'accise
En % du prix

Fiscalité totale
En % du prix

Alcools

 
 
 
Bière ( pint )

26

14,4

29,3

Vins (bouteille de 75 cl)

116

35,9

50,8

Alcools forts (bouteille de 70 cl)

548

44,8

59,7

 

Carburants

 
 
 
Avec substitut de plomb (litre)

51

64,8

79,7

Sans plomb (litre)

49

64,2

79,1

Diesel (litre)

49

63,2

78,1

 

Tabac

 
 
 
Cigarettes (paquet de 20)
 
 
 

Droit spécifique

183

 
 

Taxe ad valorem (22 % du prix de vente)

96

64,2

79,1

* Aux prix d'avril 2001, y compris la TVA.

Sources : HM Treasury, Adam et al. (2001).

Tableau 14 : Part de la fiscalité dans le prix de vente, en %

 

Essence
sans plomb

Diesel

Cigarettes

Bière

Vin

Alcools

1979

--

49

70

34

47

77

1992

66

66

76

33

48

66

2000

76

75

80

30

52

62

Sources : HM Treasury, Adam et al . (2001).

Tableau 15 : Evolution des droits d'accise

Budgets

Carburants

1993, K. Clarke,
printemps

Engagement d'augmenter les droits d'au moins 3 % en termes réels

1993, K. Clarke,
automne

Engagement d'augmenter les droits d'au moins 5 % en termes réels, au lieu de 3 %

1994

Augmentation des droits supérieure à l'inflation, droits sur le diesel alignés sur ceux de l'essence

1995

Augmentation de la fiscalité sur les carburants de 3,5 pence ou 5 % en termes réels (y compris TVA)

1996,

Augmentation de la fiscalité sur les carburants de 5 % en termes réels

1997, G. Brown

Engagement d'augmenter les droits de 6 % en termes réels par an au lieu de 5 %

1998

Elargissement de l'écart de fiscalité entre le diesel et le sans plomb

2000

Gel des droits en termes réels

2001

Gel des droits, et baisse de 2 pence pour l'essence sans plomb et celle « à faible contenu en soufre » ; 3 pence pour le diesel « à faible contenu en soufre »

2002

Gel des droits en termes nominaux

Budgets

Tabac

1993

Augmentation des droits supérieure à l'inflation

1994

Augmentation des droits supérieure à l'inflation

1995

Augmentation de la plupart des droits de 3 % en termes réels

1996

Augmentation de 5 % en termes réels (sauf tabac indexé)

1997

Engagement d'augmenter les droits d'au moins 5 % en termes réels, au lieu de 3 %

2000

Droits sur les cigarettes augmentés de 5 % en termes réels

2001

Augmentation suivant l'inflation (+1,8 %)

2002

Augmentation suivant l'inflation (+1,9 %)

Budgets

Alcools

1993, automne

Pas d'indexation pour les droits sur la bière et les alcools, augmentation supérieure à l'inflation autres produits

1994

Augmentation des droits de 4 % en moyenne

1995

Gel des droits sur la bière, le vin et le cidre ; baisse de 4 % sur les alcools

1996

Gel des droits sur la bière, le vin et le cidre ; baisse de 4 % sur les alcools

2001

Gel des droits

2002

Gel des droits sur la bière, le vin et les alcools, baisse de 2 % sur le cidre

Source : HM Treasury, Budgets .

Autres droits d'accise

Parmi les taxes apparues dans la période sous revue, on citera :

Les taxes d'aéroport, à partir 1994 (1 milliard de livres de recettes).

Les taxes sur les contrats d'assurance, à partir de 1994.

Des taxes environnementales : taxes sur les déchets polluants depuis 1996, « climate change levy » : fiscalité écologique introduite en avril 2001 pour réduire les émissions de CO2, portant sur l'utilisation industrielle et commerciale d'énergie, à des taux différents selon les types d'énergie. (recettes attendues : 0,8 milliard de livres) ; différenciation de la fiscalité automobile selon la cylindrée, et depuis mars 2001 selon le taux d'émission de CO2 pour les véhicules neufs.

6. Fiscalité locale

Fiscalité foncière ( Council tax ) : elle existe depuis 1993 (en remplacement de la poll tax ). Les propriétés sont évaluées sur leur valeur de marché de 1991, un barème s'applique ensuite, selon huit tranches fixées au niveau national (valeurs en livre, et taux de fiscalité par rapport à un taux central). Le taux central est fixé par les autorités locales (recettes estimées à 14,7 milliards de livres en 2001-2002)

Fiscalité des entreprises ( non-domestic rates ) : Les entreprises sont imposées selon un taux basé sur la valeur marchande (réévaluée tous les 5 ans) de leurs actifs immobiliers (17,5 milliards de livres de recettes). Depuis 1990, cette fiscalité ne relève plus des administrations locales mais est déterminée au niveau national, le taux d'imposition étant désormais le même, pour une valeur marchande donnée, quelle que soit la localisation géographique des entreprises

Références bibliographiques

ADAM S., L. CHENNELLS, A. DILNOT, C. FRAYNE et N. ROBACK, 2001 : « A survey of the UK tax system », Briefing Note n° 9, IFS.

BLOW L., M. HAWKINS, A. KLEMM, J. MCCRAE et H. SIMPSON, 2002 : « Budget 2002: business taxation measures », Briefing Note n° 24, IFS.

BLUNDELL R. et H. REED, 2000 : « The employment effects of the working families tax credit », Briefing Note n° 6, IFS.

HM TREASURY : Budget , différents numéros.

LEFRESNE F., 2001 : « Royaume-Uni - La pauvreté, ses caractéristiques, l'ambiguïté de l'action gouvernementale », Chronique internationale de l'IRES n° 69, mars.

MYCK M., 2000 : « Fiscal reforms since May 1997 », Briefing Note n° 14, IFS.

WANLESS D., 2002 : Securing Our Future Health: Taking A Long-Term View , HM Treasury.

Chapitre 3. 4 : Les réformes fiscales en Italie

Paola Veroni

Après avoir atteint l'objectif de stabilisation de la dette et celui de participation à la monnaie unique, les différents gouvernements italiens ont pu s'orienter vers une réduction progressive de la pression fiscale. D'abord la fiscalité d'entreprise a été reformée par une baisse du taux d'imposition des bénéfices et par une plus forte neutralité de l'impôt selon le type de financement des entreprises, cette dernière orientation ayant toutefois été remise en cause par le gouvernement Berlusconi. La politique fiscale s'est ensuite orientée plus graduellement vers la réduction des prélèvements sur le revenu des ménages, d'abord par une baisse des taux de l'impôt sur le revenu, puis par une refonte du barème rendu moins progressif, cette dernière réforme n'ayant encore été que partiellement appliquée. Le système de protection sociale a été réformé par une transformation du système public des retraites d'un dispositif à prestations définies à un dispositif à cotisations définies, sans modification du taux de cotisation. La réforme de la Constitution vers une plus forte décentralisation a doté les régions de fonctions accrues, et imposé un fédéralisme fiscal, qui substitue aux transferts de l'Etat des recettes propres aux régions, la solidarité nationale n'étant que partiellement assurée par un fonds de péréquation entre les régions.

En 2001 le taux de prélèvement obligatoire (42,3 %) se situe au-dessus de la moyenne de l'Union européenne (40,8 %). Au début de la décennie 1990, les gouvernements issus de la recomposition des forces politiques, ont hérité d'un taux de prélèvement obligatoire (TPO) très élevé, dépassant le seuil de 40 % en 1992. Durant la période 1975-1983, la croissance automatique de la base imposable avec l'inflation avait engendré une forte hausse du prélèvement. A partir de 1989, les tranches du barème sont indexées sur l'inflation, et ce sont des mesures discrétionnaires qui poussent le TPO italien au-dessus de la moyenne de l'Union en 1993, avec une hausse de 5,3 points. Cette hausse est rendue indispensable par le cumul des déficits et la hausse de la dette tout au long des années 1970 et 1980 et le retard de l'assainissement budgétaire. Celui-ci se fait plus par hausse des recettes que par baisse des dépenses. Deux pics « historiques » du taux de prélèvement en 1993 (44 %) et 1997 (44,5 %) marquent l'engagement à la participation à l'Union monétaire. Le gouvernement de Centre-gauche, qui atteint le double objectif de stabilisation de la dette et de la participation à la monnaie unique au prix d'une hausse de la fiscalité, peut ensuite engager un relâchement de la pression fiscale.

Graphique 1 : Taux de prélèvement obligatoire

En % du PIB



Source : ISTAT.

I. Structure des prélèvements obligatoires

L'Italie se caractérise par un fort prélèvement sur les salaires, notamment par les cotisations sociales (38 % des prélèvements obligatoires en 1980 et 36,7 % en 1990). Malgré les efforts de réduction du coût du travail au cours de la décennie, leur part dans les recettes fiscale en 2000 (30 %) reste supérieure à celle de la moyenne de l'Union européenne (23,9 %). L'impôt sur les revenus des entreprises, qui a enregistré un pic au début de la décennie 1990, retrouve en 2000 (5,5 %) sa part dans le prélèvement de 1980 (5,3 %), soit un poids plus faible que dans la moyenne des pays de l'Union (8,3 %). La part de l'impôt sur le revenu des ménages continue de progresser depuis 1980 (19,2 %), mais reste encore en 2000 (23,8 %) en dessous de la moyenne européenne (40,7 %). L'Italie, caractérisée encore en 1990 par une faible part des recettes des collectivités locales (5,5 %), décentralise 10,7 % de son prélèvement en 2000, grâce à la hausse de l'imposition des entreprises par l'IRAP (5,4 % des recettes fiscales en 2000).

Tableau1 : Evolution de la structure du prélèvement

Prélèvement obligatoire

en % du PIB

en % des prélèvements

1980

1992

1995

2000

1980

1992

1995

2000

Total

31,4

42,7

42,2

42,4

100

100

100

100

Impôts directs dont :

9,7

14,6

14,7

14,5

30,8

34,0

35,0

34,1

- IS (IRPEG, DIT, ILOR, ICIAP)

1,7

2,2

2,2

2,3

5,5

5,1

5,1

5,3

- IRPP (IRPEF)

6,0

9,0

9,0

10,1

19,2

20,8

21,4

23,8

Impôts indirects dont :

8,8

11,3

12,1

15,1

28,0

26,2

28,7

35,6

- TVA

4,5

5,1

5,2

6,3

14,3

11,9

12,3

14,9

- IRAP

--

--

--

2,3

--

--

--

5,4

Impôts en capital dont :

0,1

2,0

0,6

0,1

0,3

4,6

1,4

0,2

- Impôt sur le patrimoine net d'entreprise

--

--

0,5

--

--

--

1,2

--

Cotisations sociales

11,9

15,1

14,8

12,7

38,0

35,1

35,0

30,0

Source : ISTAT.

II. Principales mesures fiscales de 1992 à 2002

Les gouvernements de « techniciens » (cabinet Amato 1993, Ciampi 1994, Dini 1995) sortant de la recomposition des forces politiques après l'opération « mains propres » ont opéré une gestion d'urgence de la consolidation budgétaire sans stratégie déterminée. Elle s'est traduite par une multiplication de mesures : révision des tranches et des déductions de l'impôt sur le revenu, augmentation des cotisations sociales, hausse des taux de la TVA, introduction de l'ICI (impôt municipal sur les entreprises) et de l'impôt sur le patrimoine net d'entreprise. Par contre, l'absence de clivage politique a permis au gouvernements Amato et Dini de procéder à une réforme radicale du système de retraites par répartition, modifiant d'abord le calcul de la prestation et transformant ensuite le système à prestations définies en un schéma à cotisations définies.

Les gouvernements du Centre-gauche (Prodi de 1996 à 1999, D'Alema 2000 et Amato 2001) ont d'abord appelé les entreprises et les ménages à contribuer à la stabilisation budgétaire en 1997, les premiers par l'eurotaxe (restituée à la hauteur de 60 % en 1998), les deuxièmes, par une taxe sur les fonds d'indemnités de fin de carrière. S'est ouverte ensuite une période d'importantes réformes : la fiscalité d'entreprise est modifiée par la suppression de plusieurs impôts et l'introduction de la DIT ( Dual Income Tax ), un mécanisme d'imposition des bénéfices à deux taux différents et de l'IRAP, un impôt régional sur la valeur ajoutée nette d'entreprise. Les cotisations maladie ont été supprimées et une baisse progressive des cotisations employeurs s'est engagée. La réforme du système de retraites, engagée par le cabinet Dini en 1995, a été poursuivie. L'IRPP a été réformé : le nombre de tranches a été réduit de 7 à 5, les taux ont été baissés, le seuil d'exemption et le crédit d'impôt pour enfants à charge ont été progressivement augmentés. Les revenus de l'épargne (intérêts et plus-values), soustraits à l'IRPP, ont été soumis à une retenue à la source à un taux proportionnel.

La campagne électorale, qui s'est conclue en mai 2001 par l'élection du deuxième cabinet Berlusconi, a été centrée sur des projets de baisse du prélèvement par une réforme radicale de l'IS et de l'IRPP. Le nouveau gouvernement de droite a remis entièrement en cause la réforme du Centre-gauche, réintroduisant la loi Tremonti-bis, réédition des mesures d'incitation à l'investissement déjà en vigueur de la mi-1994 à la mi-1996. Elle assurerait la transition vers une réforme complète de la fiscalité, qui envisage, la suppression de la DIT et de l'IRAP et la baisse du taux de l'IS à 33 %. Une réforme radicale de l'IRPP est annoncée, mettant en place un barème à deux tranches avec un taux supérieur à 33 %, couplé avec un impôt négatif.

III. Les réformes de la fiscalité des entreprises

Après une importante réforme au début des années 1970, l'Italie suit un parcours inverse à celui de la majorité des pays européens, qui réalisent d'importantes baisses du taux de l'imposition sur les sociétés financées par l'élargissement de la base imposable. De 1980 à 1997 le taux légal est réduit de 10 points dans la moyenne des pays européens, tandis qu'en Italie il augmente de 17 points. Le taux d'imposition sur le bénéfice des sociétés passe de 36,25 % à 53,2 %. En 1993 un impôt sur le patrimoine net d'entreprise a été introduit, d'abord temporairement, puis de façon définitive. En 1995, la loi Tremonti rend déductible de l'IS les dépenses d'investissements en biens d'équipement, mais il ne s'agit que d'une mesure conjoncturelle. Ce n'est qu'en 1996 que le gouvernement de Centre-gauche introduit une réforme plus structurelle. En 1998, année de son entrée en vigueur, le différentiel entre le taux italien et le taux moyen européen est devenu inférieur à 6 points.

1. La réforme de 1998

La réforme, introduite par un gouvernement de Centre-gauche, touche aux principaux aspects du système de prélèvement, mais les innovations les plus importantes concernent les revenus d'entreprises et les revenus du capital. Sous contrainte du maintien du niveau des recettes, la réforme se donnait quatre objectifs principaux :

1) Simplification de la relation entre le contribuable et le système fiscal ;

2) Décentralisation par un transfert de la responsabilité des dépenses et des recettes aux administrations locales ;

3) Baisse du taux légal et élargissement de la base imposable ;

4) Neutralité de l'imposition.

Elle se veut une réforme d'ensemble cohérente, concernant aussi le système de recouvrement des impôts et la lutte contre la fraude fiscale.

L'introduction de l'IRAP

Le paysage fiscal d'avant la réforme comportait, outre l'IS à 37 %, une multiplicité d'impôts sur les entreprises, levés à tous les niveaux administratifs :

• Taxe sur l'enregistrement à la TVA ;

• ILOR, impôt local sur le bénéfice d'entreprise (de 16,2 %) ;

• ICIAP, impôt municipal sur les entreprises ;

• Impôt sur le patrimoine net des entreprises (0,75 % du capital, soit un prélèvement sur les profits entre 5 et 10 %) ;

• Cotisation au système de santé assise sur les rémunérations des salariés, payée par les salariés (1 %) et l'employeur (11,46 %).
L'objectif de simplification a été atteint par la substitution à ces impôts d'un impôt unique, l'IRAP (impôt régional sur l'activité productive) plus facile à établir et plus difficile à frauder. Une base imposable plus large (la valeur ajoutée) permet un taux bas (4,25 %), réduisant ainsi l'incitation à la fraude. Son introduction répond aussi à un objectif de neutralité par rapport aux facteurs de production, car tous (y compris le capital) sont imposés au même taux. La réforme de 1998 a atteint son objectif de baisser le taux d'imposition des bénéfices à recettes constantes (tableau 2). Avec la substitution de l'IRAP à l'ILOR le taux d'imposition des profits s'est réduit de 53,2 à 41,25 %.

Graphique 2 : Impôt sur les sociétés : part des principaux impôts dans le prélèvement total

En %



Source : ISTAT.

L'IRAP, dont les recettes permettent de financer 40 % des dépenses courantes des régions, permet d'abandonner partiellement les transferts de l'administration centrale en faveur de l'autonomie fiscale. L'affectation de 90 % de ces recettes au financement du système de santé complète la réforme de 1992, qui avait attribué une gestion autonome de la santé aux administrations locales. Le renforcement progressif de l'autonomie permettra aux régions d'augmenter le taux de l'IRAP (à ce jour d'un point au maximum) en plus du taux actuel fixé par l'Etat et de le moduler selon les secteurs.

Tableau 2 : Réforme de 1998

Impôts supprimés

Perte de recettes
Milliards de lires
(points de PIB 1998)

Impôts introduits et modifiés

Recettes induites
Milliards de lires
(points de PIB 1998)

Cotisations maladie

41 300
(2,0)

Elargissement de la base imposable de l'IRPP (suppression cotisations)*

5 200
(0,3)

Impôt sur le patrimoine net

7 000
(0,3)

Elargissement de la base imposable de l'IS (suppression cotisations)

5 500
(0,3)

ILOR

19 000
(0,9)

IRAP

52 300
(2,5)

ICIAP + enregistrement TVA

3 300
(0,2)

Modification IRPP*

7 600
(0,4)

Total

70 600
(3,4)

Total

70 600
(3,4)

*La redéfinition de la structure de l'IRPP a contribué à maintenir inchangé le taux moyen d'imposition sur le revenu.

Source : Banque d'Italie.

La réforme de l'IS

Une modification majeure est intervenue dans l'imposition des bénéfices, avec l'introduction de la Dual Income Tax (DIT), qui substitue au taux unique de 37 % de l'IS deux taux d'imposition :

• Un taux allégé ( b =19 %, correspondant à celui appliqué à la tranche inférieure de l'IRPP) est appliqué à la rentabilité « ordinaire » du capital investi. Celle-ci se calcule en appliquant un taux d'intérêt calculé sur la base du taux des obligations publiques et privées (actuellement i e =7 %) au patrimoine net. La définition du patrimoine net pour le calcul de la rentabilité « ordinaire » est restreinte au patrimoine généré, à partir de 1996, par réinvestissement des profits ou par nouvelles émissions.

• Un taux plus élevé ( h =37 %, égal au taux de l'IS dans l'ancien système) est appliqué aux bénéfices supplémentaires.
Le taux moyen de l'impôt dépend du poids relatif des deux composantes des profits. La DIT introduit ainsi un prélèvement progressif sur le revenu d'entreprise basé sur le taux de rentabilité du capital utilisé. Le système est proche des systèmes scandinaves de DIT. L'idée d'imposer les revenus du capital à un taux proportionnel et inférieur à celui appliqué au revenu du travail, ainsi que le partage des bénéfices en deux composantes, est commune aux deux systèmes. Mais en Italie la DIT a été étendue aux sociétés de capital et non pas uniquement aux sociétés de personnes. La réforme italienne ressemble donc plus à l'Allowance for Corporate Equity (ACE) proposée au Royaume-Uni, à cette différence que dans le régime italien les profits « ordinaires » ne sont pas totalement exemptés d'imposition.

Cette réforme a été guidée par des considérations d'efficacité : réduire le taux marginal sur les bénéfices et répondre à la concurrence fiscale par la baisse du taux moyen, trop élevé par rapport aux niveaux européens. Lors de son introduction la DIT comportait un taux minimal d'imposition moyenne de 27 %. Ce taux était atteint pour une part de bénéfice de référence égale ou supérieure à 55,5 % de la totalité des bénéfices. Quand la part des bénéfices de référence passait de 0 à 55,5 %, le taux moyen d'imposition décroissait de 37 à 27 %.

Compte tenu des réductions du taux légal dans plusieurs pays européens en 2000 et 2001 plusieurs innovations furent introduites, qui accentuent la baisse d'imposition associée à la DIT :
• Suppression du plancher d'imposition moyenne de 27 %. Le taux moyen peut être de 19 % si tout le capital est nouveau.

• Introduction de la Super DIT permettant aux sociétés de personnes de calculer la rentabilité « ordinaire » sur l'intégralité du capital ; pour les sociétés de capital un multiplicateur (+ 20 % en 2000 et + 40 % en 2001) est appliqué au nouveau capital permettant ainsi de calculer la rentabilité « ordinaire » sur une partie du capital ancien.

• Introduction de la loi Visco pour les années 1999, 2000 et 2001, permettant qu'une partie additionnelle du revenu net déclaré soit soumise au taux de 19 % : l'investissement en biens d'équipement neufs, les bénéfices destinés aux réserves et les apports en espèces.

• La loi de finances pour 2001 a accéléré la réforme de l'impôt sur les bénéfices résiduels par la baisse d'un point (de 37 à 36 %) du taux ordinaire, qui aurait dû se poursuivre pour atteindre 35 % en 2003. Le taux d'imposition de la DIT est aujourd'hui de 32,5 % en moyenne, mais il diminuera jusqu'à 25 %, lorsqu'un montant plus important des bénéfices sera assujetti au taux de 19 %.

• La loi de finances pour 2000 a aussi introduit des déductions fiscales dans les zones défavorisées, notamment le Mezzogiorno (crédit d'impôt de 15 % à 60 % pour les nouveaux investissements et de 100 % pour la création d'entreprise) pour la période 2001-2006.

Résultat de la réforme de l'IS

Le taux d'imposition total (comprenant l'IRAP) varie de 23,25 % (un des plus bas d'Europe), pour les entreprises bénéficiant entièrement de la DIT à un maximum de 40,25 %, le plus élevé en Europe. Certains documents indiquent un taux maximal de l'impôt sur les bénéfices plus élevé (50 %), qu'ils calculent en y imputant entièrement le poids apparent de l'IRAP (13 %). Cet impôt étant assis sur toutes les autres composantes de la valeur ajoutée pèserait aussi sur les bénéfices. Ce calcul ne correspond cependant pas au taux légal et n'est donc pas approprié pour les comparaisons internationales.

Effets sur les choix financiers et réels

Dans l'ancien système l'imposition des bénéfices T 1 résultait de la somme du taux de l'impôt sur les revenus d'entreprise (IS, 37 %) et du taux de l'impôt local sur le revenu (ILOR, 16,2 %). La base imposable était constituée des bénéfices fiscaux : le revenu, F(K), net de la charge d'intérêt (iB) et des amortissements (A).

T 1 = 1 [F(K)- A-iB]+ k [E].

L'impôt sur le patrimoine net (E) ( k =0,75 %) avait pour base le capital accumulé dE 1 /dt, généré par les profits réinvestis (F(K)-iB-A) net des dividendes (D) et de l'impôt sur les bénéfices (T 1 ).

dE 1 /dt=F(K)-iB-A-D-T 1

A partir de 1995 les émissions de nouvelles actions ont été exclues de cette base imposable, introduisant ainsi un biais au détriment du financement par réinvestissement des profits.

Après la réforme l'impôt est le résultat de trois éléments.

T 2 = [F(K)-A]+ b [i e E]+ h [F(K)-A-iB-i e E] où l =4.25%; b =19% et h =36%

Dans la base imposable de l'IRAP, qui remplace l'ILOR et l'impôt sur le patrimoine net, la charge d'intérêts n'est pas déductible, donc s'applique à [F(K)-A]. Après la réforme le taux de l'IS est différentié : b =19% s'applique à la part des bénéfices correspondant à une rentabilité « ordinaire » du capital, calculée comme la somme des augmentations de capital, E, (par apport des actionnaires ou profits réinvestis) depuis 1996, multipliée par un taux i e =7 %. Le taux « normal » de l'IS h =36% s'applique aux bénéfices résiduels [F(K)-A-iB-i e E].

Après la réforme le patrimoine net est généré par les bénéfices réinvestis nets des dividendes, de l'impôt sur le bénéfice et par les émissions de nouvelles actions (Q).

dE 2 /dt=F(K)-iB-A-D-T 1 + Q

Avant la réforme le taux marginal d'impôt était très différencié : le choix du financement par la dette (dont le coût marginal de 5 %) était favorisé par la déduction des intérêts. Cet avantage était d'autant plus élevé que le taux légal sur les bénéfices était de 53,2 %. Le coût du capital financé par dette était inférieur au taux d'intérêt de marché impliquant un taux marginal négatif. Le réinvestissement des bénéfices (coût marginal de 12,3 %) était pénalisé par rapport aux émissions nouvelles (coût marginal de 10,7 %), parce que soumis à l'impôt sur le patrimoine net, qui exemptait ces dernières. Avec un faible taux d'imposition personnel sur les revenus d'intérêt (12,5 %) l'imposition plus favorable des plus-values et des dividendes n'arrivait pas à compenser l'effet total des deux prélèvements.

La réforme n'a pas entièrement supprimé l'avantage fiscal de l'endettement, mais elle l'a réduit par rapport au financement par émission d'actions. L'imposition du revenu personnel ne contrebalance pas cet écart car le même taux est appliqué aux intérêts, aux dividendes et aux plus-values (12,5 %). La réintroduction de la charge de la dette dans la base imposable de l'IRAP rend ce dernier neutre par rapport au choix de financement (le coût marginal du financement par la dette passe à 5,4 % et le coût marginal du financement par fonds propres baisse à 8,5 %). L'introduction de la DIT et la suppression de l'ILOR permettent une réduction additionnelle du coût du financement par fonds propres (6,4 %). Par contre la déduction fiscale des charges d'intérêt assurée par l'imposition des bénéfices résiduels ( h i) fournit toujours un avantage par rapport à la déduction pouvant être obtenue grâce au dualisme de la DIT à un financement par action ( h - b )i e ). L'introduction des émissions d'actions dans le patrimoine net d'entreprise supprime la discrimination entre réinvestissement des profits et émissions.

L'IRAP pèse également sur les deux facteurs, capital et travail, mais son introduction n'est pas neutre. Le coût du capital est plus élevé dans le nouveau système à cause de l'absence de déduction des charges d'intérêt de la base imposable de l'IRAP. L'effet total sur le coût du capital est toutefois contrebalancé par la plus faible imposition du capital réinvesti introduite par la DIT.

Les distorsions du système d'imposition ont été réduites, sans diminution des recettes fiscales. L'impossibilité de déduire l'IRAP payé de la base imposable de l'IR et de l'IS a soulevé des fortes critiques. Toutefois, les recettes de l'IRAP se sont révélées inférieures aux anticipations des autorités. Cette mesure a eu pour effet de pénaliser les entreprises à basse rentabilité et fortement endettées. L'introduction de la DIT favorise les jeunes entreprises au détriment des sociétés à forte capitalisation.

2. La réforme de 2001

Le nouveau gouvernement de droite a remis entièrement en cause la réforme du Centre-gauche. Il introduit une loi Tremonti-bis, réédition des mesures d'incitation à l'investissement déjà en vigueur de la mi-1994 à la mi-1996. La loi prévoit l'exclusion de la base de l'impôt sur les sociétés (IS) de 50 % du volume des investissements et des dépenses en formation (dans la limite de 20 % de la masse salariale), excédant la moyenne des 5 dernières années. Ces mesures concernent les investissements effectués en 2001 et en 2002.

• La DIT est suspendue pour toute décision d'augmentation du patrimoine prise après le 30 juin 2001. Le choix entre les deux mesures est possible pour les opérations décidées avant cette date. Le cumul est prévu pour les dépenses pour la formation et lorsque la base imposable soumise au taux de 19 % est inférieure à 10 % de la base imposable totale.

• La possibilité d'opter entre la Tremonti-bis et la Loi Visco pour toute opération d'investissement ou de mise en réserve des bénéfices, décidée avant le 30 juin 2001, est instaurée. Mais la nouvelle mesure se substitue à la loi Visco pour toute opération après cette date.

• Pour les déductions fiscales dans les zones défavorisées le choix entre les deux mesures reste permis pour les investissements effectués après l'entrée en vigueur de la loi Tremonti-bis.
La déduction accordée par la loi Tremonti-bis s'applique sur l'investissement indépendamment de la source de financement. La Tremonti-bis est uniquement une mesure de promotion de l'investissement, qui déconnecte le prélèvement de la structure du patrimoine, alors que la DIT réduit le prélèvement en fonction de l'augmentation du patrimoine et la loi Visco en fonction de l'utilisation de l'autofinancement pour les investissements. Donc l'objectif de neutralité fiscale par rapport aux formes de financement n'est plus poursuivi.

La loi Tremonti-bis crée une segmentation du prélèvement entre entreprises sur des bases purement accidentelles et aboutit à la coexistence de trois taux d'imposition : 0 % (Tremonti) 19 % (Visco), entre 19 % et 36 % (DIT). Elle ne répond pas à l'objectif de simplification du prélèvement ni à celui de la baisse structurelle du taux d'imposition engagé par la DIT. C'est une mesure conjoncturelle.

Pour son financement le gouvernement compte sur les économies réalisées par la suppression des déductions existantes et par la croissance engendrée par la plus forte demande de biens d'équipement.

Tableau 3 : Effets des mesures d'incitation à l'investissement sur les recettes fiscales

VARIATION DES RECETTES
milliards de lires

2001

2002

2003

2001-2003

Effets directs

 
 
 
 

Loi Tremonti-bis dont :

- pour investissement

- pour formation

- 6 755

- 6 115

- 640

- 14 410

- 13 060

- 1350

 

- 21 165

- 19 175

- 1 990

Suspension loi Visco

+ 2 800

 
 

+ 2 800

Suspension DIT ( hypothèse d'option exercée par la moitié des ayants droit )

+ 1 890

+ 1 890

+ 1 140

+ 4 920

AUTRES MESURES MINEURES

+ 8

+ 153

+ 83

+ 244

EFFETS INDIRECTS

 
 
 
 

TVA

- sur les investissements additionnels

- sur la consommation engendrée

+ 1 120

+ 930

+ 2 390

+ 2 910

+ 2 910

+ 3 510

+ 6 750

Recettes sur chiffre d'affaire additionnel dont :

- IS et IRPP

- IRAP

+ 3 435

+ 3 060

+ 375

+ 5 960

+ 5 310

+ 650

- 4 310

- 3 840

- 470

+ 5 085

+ 4 530

+ 555

I. TOTAL

+ 3 428

- 1 107

- 177

+ 2 144

Source : Ministère du Trésor.

La loi Tremonti-bis assurerait la transition vers une réforme complète de la fiscalité annoncée au cours de la campagne électorale, qui envisage, outre la suppression de la DIT et de la Loi Visco, la baisse du taux de l'IS à 33 % et l'élargissement de la base imposable pour inclure partiellement les dividendes et les plus-values des participations substantielles. La proposition de réforme introduit une limitation de la déductibilité des intérêts pour rééquilibrer la perte de neutralité du système. Mais la DIT fait que, dès 2002 en régime encore transitoire, le taux de prélèvement effectif de l'IS est de 32-33 % ; il serait descendu à 25 % à régime complet, lorsqu'une part de plus en plus importante des bénéfices aurait été assujettie au taux de 19 %. En tout cas toute baisse du taux en absence de DIT le rendrait supérieur au 19 % payé par les entreprises nées après 1996 ou par celles ayant beaucoup augmenté leur actif récemment. Une alternative aurait été d'accélérer la DIT et continuer ainsi autant la baisse du prélèvement que la desincitation à l'endettement. Mais les bénéficiaires de la DIT sont les entreprises fortement capitalisées et à forte capacité d'autofinancement. Ce profil n'est pas représentatif des PME familiales qui constituent une partie importante du tissu industriel italien et de l'électorat du Centre-droite. Néanmoins cette réforme enlève un élément d'automatisme à l'allègement de la fiscalité implicite dans le mécanisme de la DIT et remet à la discrétion des gouvernements toute baisse ultérieure.

Le programme électoral comprenait aussi l'abolition de l'IRAP, accusé de trop accentuer les prélèvements sur les bénéfices (33 % de DIT plus 5 % d'impact moyen de l'IRAP). Mais le coût de sa disparition (2,3 points de PIB en 2000), et le problème du financement des régions, ont réorienté le gouvernement vers une redéfinition graduelle de la base imposable. La dernière proposition se limitait à l'exclusion de la masse salariale de la base imposable. Une simulation effectuée sur les seules sociétés de capital estime la réduction d'impôt à 60 % (1,6 point de PIB).

IV. Les cotisations sociales

Au cours de la décennie 1990 l'Italie a poursuivi une politique d'allégement des cotisations sociales, qui sont passés de 14,3 points de PIB en 1990 à 12,7 en 2000 (plus en ligne avec la moyenne de l'UE de 12 points de PIB). Une accélération est imprimée à partir de 1998 lorsque le Pacte social signé avec les partenaires sociaux engage le gouvernement à une baisse progressive des cotisations. Le taux légal de cotisation varie selon la taille de l'entreprise, le secteur d'activité et le statut du travailleur (ouvrier ou cadre). Le taux moyen effectif est inférieur, car l'Etat réduit le coût du travail dans les régions méridionales. Cette politique de dégrèvement différentié et de fiscalisation des charges sociales perd progressivement de l'importance, suite aux directives de l'UE.

Tableau 4: Taux légal des cotisations sociales en 2001

 

Taux légal

Salariés des grandes entreprises industrielles

ouvriers

cadres

A la charge de l'employeur

33,8

31,66

Retraite

23,81

23,81

Chômage

1,91

1,91

Fonds de garantie du TFR

0,20

0,20

Allocations familiales

2,48

2,48

Chômage partiel (Cassa Integrazione Guadagni)

2,80

2,80

Assurance maladie et maternité

2,68

0,46

A la charge du salarié

9,19

9,19

Retraite

8,89

8,89

CIG

0,30

0,30

Total

43,07

40,85

Indépendants

 

Retraite

Entre 15,80 et 18,80 selon le secteur d'activité

Assurance maladie et maternité

Forfaitaire 9,8 euros annuels

Sources : Relation générale sur la situation économique du pays, Ministère du Trésor.

1. Incitations au travail pour les moins qualifiés, baisse du coût du travail, élargissement de l'assiette

Il existe plusieurs politiques de baisse des cotisations poursuivant des objectifs différents.

• En 1984 l'introduction du « contrat de formation » (un CDD de 12-24 mois ayant pour objectif la formation et l'insertion des jeunes âgés entre 16 et 32 ans) permettait une baisse des cotisations employeurs de 25 % financée par la fiscalité générale.

• L'Italie a opéré une substitution du financement d'une prestation universelle par le seul facteur travail à une contribution de la fiscalité générale, lors de la suppression des cotisations santé et de l'introduction de l'IRAP. Les recettes de cet impôt régional sur la valeur ajoutée sont destinées pour 90 % au financement des dépenses régionales de santé. La suppression des cotisations santé au taux de 11,46 % a été permise par l'imposition au taux de 4,25 % de toutes les composantes de la valeur ajoutée, capital et travail compris.

Effet de l'introduction de l'IRAP sur le coût du travail

L'introduction de l'IRAP répond à l'objectif de neutralité par rapport aux facteurs de production. La réduction du coût du travail a été évaluée à 1 %.

Le coût unitaire du travail dans l'ancien système était w (1+cso+csa (1-)) avec w = rémunération du salarié, csa=taux des cotisations maladie (11,46 %) à la charge de l'employeur, =part de la cotisation maladie soumise à réduction (le taux de cotisation était réduit à 6,76 % pour les entreprises manufacturières dans le Centre-Nord du pays et à 4,76 % dans le Sud), cso= taux des autres cotisations sociales.

Dans le régime IRAP, il vaut w (1+cso)(1+ ) avec =4,25 %.

La variation du coût du travail est w( (1+cso) - csa (1-)). La réduction du taux légal de 11,46 à 4,25 % représente seulement en partie la variation du coût, qui est fonction des cotisations sociales à la charge de l'employeur et de et n'est donc pas homogène entre secteurs et régions bénéficiant de différents régimes de réduction.

• Les lois de finances pour 1999, 2000 et 2001 ont mis en oeuvre des clauses du Pacte social de 1998 baissant de 0,2 point les cotisations patronales pour l'indemnité de maternité (0,66 %) et supprimant les cotisations pour famille (0,8 %) et accidents du travail. Ceux-ci ont été mis à la charge de la fiscalité générale, notamment par les recettes engendrées par la lutte contre la fraude et, comme prévu par les accords de Kyoto, par la carbon tax . Mais cette dernière forme de financement n'a été appliquée qu'en 1999.

• Depuis 1990, les entreprises installées dans les zones moins développées du Sud de l'Italie bénéficient d'une exemption de cotisations, totale jusqu'en 1997 et partielle de 1998 à 2001. La loi de finances pour 1999 a rajouté, pour toute création d'emploi sur tout le territoire national, une exonération totale de cotisation, ainsi qu'un crédit d'impôt pour toute embauche par une PME. La loi de finances pour 2001 a modifié ce cadre introduisant un crédit d'impôt pour toute création d'emploi jusqu'en 2003 dans tout le pays, avec un crédit d'impôt additionnel pour le Sud. Néanmoins l'avantage relatif des régions méridionales a été réduit.

• La dernière mesure en faveur de la baisse du coût du travail a été proposée par le gouvernement Berlusconi. Elle consiste enune baisse de 3 à 5 points des cotisations retraite au système public pour toute embauche de jeune (participant au nouveau système public de retraite à cotisations définies). De cette baisse, 2 points seraient attribués aux fonds de pensions privés, pour en accélérer le développement. Le restant se traduirait en baisse du coût du travail pour l'entreprise. Cette baisse du coût du travail compenserait l'entreprise de la perte de l'indemnité de fin de carrière (une forme obligatoire de retraite professionnelle, financée et gérée par l'employeur avec une contrainte de rentabilité très faible), qui serait transférée aux fonds de pension privés.

Tableau 5: Evolution de la structure des cotisations sociales

 

En % du PIB

En % du prélèvement

 

1990

1995

2000

1990

1995

2000

Total

14,4

14,8

12,7

36,7

35,0

30,0

Retraite

11,3

11,9

12,7

28,6

28,2

30,0

Santé

3,2

2,9

0,0

8,1

6,8

0,0

A la charge de l'employeur

10,7

10,4

9,0

27,1

24,6

21,2

Retraite

8,2

8,4

9,0

20,7

20,0

21,2

Santé

2,5

2,0

0

6,4

4,7

0

A la charge du salarié

2,5

2,5

2,4

6,3

5,9

5,7

Retraite

2,2

2,3

2,4

5,6

5,4

5,7

Santé

0,3

0,2

0

0,7

0,6

0

Indépendants

1,2

1,8

1,3

3,2

4,2

3,1

Retraite

0,9

1,2

1,3

2,2

2,7

3,1

Santé

0,4

0,6

0

1,0

1,4

0

Non travailleurs**

0,1

0,1

0,0

0,1

0,3

0,1

Retraite

0,0

0,0

0,0

0,1

0,1

0,1

Santé

0,0

0,1

0

0,0

0,1

0

Cotisations socialisées

0,7

0,4

0,0

1,8

0,8

0,1

Retraite

0,6

0,4

0,0

1,4

0,8

0,1

Santé

0,2

0,0

0*

0,4

0,0

0*

* La socialisation est faite à la charge de la fiscalité régionale.

** Ce groupe comprend le clergé, les femmes au foyer et les individus inactifs cotisant sur une base volontaire.

Source : INPS.

2. Les cotisations retraite

Depuis le début des années 1990 le système de protection sociale a été l'objet de trois réformes radicales : en 1992 la réforme Amato, en 1993 la loi d'encadrement de l'assurance complémentaire retraite, en 1995 la réforme Dini et en 1997 la réforme Prodi. Elles ont réformé un système qui attribuait des taux de rendement complètement déconnectés de l'évolution des variables déterminant sa soutenabilité macroéconomique. Le traitement des individus était inégal selon leur profession et leur parcours de carrière, en raison de la diversité des règles entre secteur et du principe « à dernier salaire identique, pension identique » indépendamment de l'effort contributif. Les titulaires de pensions d'ancienneté (un dispositif permettant un départ à taux plein avec 37 ans de cotisations sans condition d'âge ou à 57 ans avec 35 ans de cotisations) bénéficiaient, compte tenu de leur jeunesse, d'un taux de rendement plus élevé. Les taux de cotisations effectifs étant déjà très élevés (8,9 % pour les employés et de 23,8 % pour les employeurs dans le secteur privé), une réduction des dépenses s'imposait. Le grave déséquilibre financier se voit dans l'écart entre le taux de cotisation effectif et le taux de cotisation d'équilibre : en 1997, après les deux réformes de 1992 et de 1995 ils étaient encore 32,7 % contre 41 % respectivement.

• La réforme Dini a introduit des changements fondamentaux dans la structure des prestations par la transformation du système de Sécurité sociale en un dispositif à cotisations définies et par l'unification des conditions d'acquisition des droits. Le dispositif continue à fonctionner selon le financement des prestations courantes par les cotisations versées dans l'année. Mais il introduit un principe de capitalisation virtuelle par la création d'un compte individuel pour chaque assuré, financé par un quota fixe du salaire, le taux de cotisation d'équilibre (33 % pour les salariés, 20 % pour les indépendants, 10 % pour les autres), utilisé pour calculer la prestation. Ainsi la valeur actualisée des pensions perçues au cours de la période de retraite est égale au capital virtuel des cotisations accumulées durant la vie active. La réforme a fait le choix crucial de stabiliser le taux de cotisation et réduire le taux de remplacement au lieu de choisir un taux de remplacement et d'en déduire un taux de cotisations (qui aurait dû augmenter avec la date de naissance de l'assuré). Ce nouveau système, s'appliquant uniquement aux travailleurs avec moins de 18 ans de cotisation en 1995, leur fera recevoir des retraites plus faibles que celles qu'ils assurent à leurs parents. Le taux de remplacement passe de 88 % pour les adhérents à l'ancien système à 64 % pour les nouveaux assurés.

• La possibilité d'augmenter la prestation par l'adhésion aux plans professionnels, qui demeure facultative, est difficilement envisageable. En effet avec un taux de cotisations effectif au système par répartition de 32,7 % et un de 7,4 % pour l'indemnité de fin de carrière (TFR), le taux de cotisations obligatoire de 40 % est déjà une charge trop importante sur les salariés et les employeurs. Et cela malgré le fait que le taux de rendement assuré par le système par répartition (de l'ordre de 1,5 % en terme réel compte tenu de la faiblesse de la croissance anticipée pour les prochaines 40 années) soit inférieur à celui que l'on pourrait obtenir sur les marchés financiers. Le transfert de l'indemnité de fin de carrière aux fonds de pension privés est donc indispensable, bien qu'insuffisante pour financer le deuxième pilier sans augmenter le taux de cotisation obligatoire.

• Le premier pas vers le développement du deuxième pilier est la loi de 1993 établissant le processus de constitution des fonds de pension et permettant de verser la cotisation annuelle de TFR aux fonds de pension. Lorsque la négociation collective le prévoit, les assurés peuvent convertir une part du paiement annuel du TFR dans les fonds de pension, alors que les nouveaux assurés doivent placer entièrement le quota annuel de TFR dans les fonds de pension.

• La loi 2000 introduit deux nouvelles formes d'épargne retraite : la participation sur base individuelle (outre celle déjà prévue depuis 1993 sur base collective aux fonds négociés ou fermés, crées par des accords de branche) aux fonds non négociés (ou fonds ouverts) et les formes individuelles réalisées par des contrats d'assurance-vie à des fins de prévoyance. Elle prévoit le plein transfert des droits et intensifie l'harmonisation avec le système d'imposition de l'épargne financière. Elle a aussi rendu fiscalement moins rentable la liquidation anticipée de l'indemnité de fin de carrière, une fois qu'elle a été transférée aux fonds. Avec cette moindre liquidité du TFR l'objectif de couverture du risque vieillesse a primé sur celui de protection du risque chômage ou santé.
Cependant aujourd'hui la cotisation moyenne aux fonds négociés est de 4,66 % (2,26 % si l'on exclut le quota versé pour le TFR), bien inférieure à la contribution maximale admise en déduction fiscale. Il s'agit d'une cotisation insuffisante, permettant de couvrir moins que la moitié des pertes de couverture du premier pilier engendrées par la réforme de 1995.

Jusqu'ici les gouvernements ont choisi l'option plus conservatrice du maintien du même taux de cotisation et de l'allocation de la nouvelle épargne ou de la réorientation du TFR aux fonds de pension. Cette option a reçu le soutien des employeurs en échange d'une réduction du coût du travail (baisse des cotisations ou modération salariale). Des propositions plus innovatrices suggèrent de laisser le choix aux nouveaux actifs de réduire leur cotisation au régime par répartition, qu'ils devraient placer dans des fonds par capitalisation. Durant la période transitoire, la perte de revenu du régime par répartition serait compensée par une hausse de la fiscalité, ce qui provoquerait un transfert des générations nées avant 1980 vers celles nées ensuite. Une autre proposition plus radicale suggère la transformation progressive du système actuel en système public préfinancé par capitalisation, ceci par une forte cotisation additionnelle temporaire, qui permettrait d'accumuler des actifs importants. Cette proposition, qui suppose une rentabilité trop élevée, a été totalement écartée par le gouvernement.
• Le gouvernement D'Alema en 2000 avait proposé de rendre automatique pour tous les travailleurs l'attribution du total du TFR annuel aux fonds de pensions ; le patronat a réclamé en échange une réforme de la totalité du système de Sécurité sociale et une réduction du taux de cotisation obligatoire, tout en posant un veto sur l'automatisme du transfert.

• Face à ce blocage, le gouvernement Berlusconi utilise le levier des réductions d'impôt et de cotisation pour rendre acceptable le transfert du TFR au deuxième pilier. La dévolution du TFR futur (aux fonds négociés en cas de silence du travailleur) est ainsi encouragée par une baisse des cotisations employeur de 3 à 5 points pour les nouveaux assurés, tout en assurant le maintien du niveau de leur prestation retraite. De cette baisse 2 points seulement seraient dévolus aux fonds de pension et les points restants bénéficieraient aux entreprises en tant que baisse du coût du travail. Au risque politique de faire accepter une baisse des prestations aux nouveaux assurés, le gouvernement a préféré le risque financier, car face à cette baisse du taux de cotisation effectif, le taux d'équilibre du système à cotisations définies reste inchangé à 33 %. La logique de la réforme Dini est renversée et une cause d'instabilité financière est introduite par rapport à l'équilibre tendanciel du système contributif. Cela implique un concours additionnel permanent de l'Etat au financement du système de retraite et en particulier de l'assurance complémentaire ; la fiscalité générale est appelée à financer un instrument en faveur des seuls actifs. Le gouvernement a choisi d'agir dans le cadre conservateur du maintien du système obligatoire à répartition partiellement réformé (cotisations définies pour les nouveaux assurés et prestations définies pour les autres) et d'un deuxième pilier financé uniquement par le TFR. Il a aussi renoncé à résoudre le problème des pensions d'ancienneté (et donc du départ précoce à la retraite) et de l'incompatibilité de certains instruments. Depuis 2001 existe une exonération de cotisation à la charge du travailleur et de l'employeur au cas où les travailleurs ayant rempli les critères de la retraite d'ancienneté, continueraient leur activité dans le cadre d'un CDD d'au moins deux ans, renouvelable plusieurs fois jusqu'à l'âge de la pension de vieillesse et renoncent temporairement à leur retraite. A ce jour l'inefficacité de cette mesure d'incitation au report de la pension d'ancienneté s'est traduite par son application à seulement 240 retraités. Le gouvernement la renforce en attribuant au travailleur au moins 50 % des cotisations épargnées par l'employeur. Il étend ces incitations aux pensions de vieillesse, voulant ainsi réduire l'incitation à choisir l'autre option, rendue possible en 2001, de cumuler retraite (de vieillesse et d'ancienneté contributive de 40 ans) et autres revenus et de continuer à cotiser. Alternative qui permet aussi aux retraités participant encore au système à prestations définies de pouvoir cumuler les cotisations additionnelles aux 40 ans et de bénéficier d'un supplément de retraite selon le calcul à cotisations définies. D'autre part le gouvernement annonce vaguement vouloir supprimer l'interdiction partielle de cumul (permis à la hauteur de 70 % de la pension) entre pension d'ancienneté (pour une période contributive inférieure aux 40 ans) et autres revenus du travail.

La fiscalité sur l'assurance complémentaire retraite

De façon générale, le système italien applique le principe de double taxation du revenu du capital (cotisation exemptée, rendement taxé, prestation taxée, soit ETT) contrairement à la majorité des pays européens (cotisation exemptée, rendement exempté, prestation taxée, soit EET). Le TFR reçoit le même traitement fiscal que toute autre cotisation aux fonds de retraites privés, mais l'employeur peut bénéficier d'un crédit d'impôt sur le revenu d'entreprise pour 3 points de parts de TFR versés aux fonds de pension. Les versements aux fonds de pension payent le même taux de cotisation social salariés que les salaires, alors que les employeurs payent une cotisation réduite égale à 10 %. Depuis 2000 le bénéfice fiscal sur le revenu du travail destiné à l'épargne a été augmenté. Les versements aux fonds sont entièrement déductibles du revenu d'entreprise et du revenu du travailleur à hauteur de 12 % du salaire brut (par rapport au 2 % admis précédemment), avec un plafond de 5 170 euros par an et de 2 fois le TFR versé pour les salariés. Jusqu'en 1999, l'épargne dans un fonds d'investissement ne procurait aucun avantage à l'entrée, mais ses revenus étaient imposés à un taux plus faible (12,5 %). A partir de 1999 les revenus de l'épargne au sein des fonds de pension, ainsi que les revenus de la revalorisation du TFR au sein des entreprises, sont imposés au taux de 11 %. Les prestations versées en rente sont entièrement soumises à l'IRPP, sauf pour la partie provenant de la revalorisation du fonds (déjà taxé à 11 %). La sortie en capital est séparée en deux composantes : la partie provenant du revenu du capital accumulé ou du rendement financier du TFR n'est pas imposée (tant que la sortie en capital ne dépasse le tiers du montant accumulé) ; le capital accumulé par cotisation est soumis à la même imposition séparée que le TFR. Les propositions récentes du gouvernement Berlusconi concernent la baisse de l'imposition du revenu de l'épargne auprès des fonds à 6 % en vue du passage à un système d'imposition de type EET.

3. Incitations à l'épargne salariale

L'Italie n'a pas fait de l'épargne salariale une priorité. Il n'existe aucune autre forme d'épargne salariale obligatoire que l'indemnité de fin de carrière (TFR), qui jusqu'en 1993 était le seul instrument d'assurance vieillesse complémentaire. Il s'agit toutefois d'un instrument, qui fournit un capital versé à la retraite et le déblocage anticipé est prévu uniquement en cas d'évènements spéciaux (achat immobilier, importants besoins familiaux). L'employeur verse chaque année 7,4 % du salaire brut (équivalant au treizième mois) et gère le fonds sans contrainte d'investissement excepté l'interdiction d'achat des actions de l'entreprise. La contrainte de rentabilité étant très faible (1,5 % plus 75 % du taux de croissance de l'indice des prix à la consommation), le fonds constitue une source de financement à très bon marché pour l'entreprise. Depuis 2000, le TFR ne bénéficie plus d'avantages fiscaux par rapport aux autres formes d'épargne complémentaire pour la retraite. Les lois de 1993 et 2000 ont aussi réorienté le TFR à des fins de prévoyance en rendant plus difficile la mobilisation anticipée du TFR transféré aux fonds de pension.

L'actionnariat salarié s'est développé récemment avec le processus de privations. Plus de 50 % des employés des grandes entreprises privatisées en ont acquis les actions. Les actions distribuées gratuitement aux salariés dans le cadre d'augmentations de capital sont exemptées de l'impôt sur le revenu, mais à partir de 2000, cette exonération est maintenue à condition que la distribution profite à l'ensemble du personnel, que les titres soient conservés au moins 3 ans et pour un montant annuel inférieur à 1 550 euros.

4. La lutte contre la fraude

Il y aurait en Italie selon les estimations officielles 3,5 millions de travailleurs (salariés et indépendants) non déclarés, soit 15,1 % de l'emploi . 14,4 % du PIB serait réalisé par l'économie souterraine. La réforme de 1998 avait introduit trois mesures principales : contrôles croisés dans les déclarations de l'IR, de l'IS, de la TVA et des cotisations sociales, qui sont aujourd'hui examinées simultanément, afin d'en vérifier la cohérence ; études sectorielles fixant un niveau standard de revenu à déclarer par les travailleurs indépendants ; mesures rajoutant à la logique de sanction une dimension d'incitation à la déclaration des revenus. Ces mesures en couple avec la réforme fiscale, qui a introduit un élargissement de la base imposable, ont permis une hausse des recettes de l'impôt sur le revenu des personnes et sur les bénéfices de 0,7 point de PIB en 2000.

Depuis 1996, les entreprises installées dans le Sud revenant dans la légalité bénéficiaient d'une régularisation graduelle des cotisations et de l'exclusion de sanction. Pour les périodes d'activité irrégulière, il fallait acquitter 25 % des cotisations sociales annuelles et la totalité de l'impôt fraudé. Pour le salarié la régularisation des charges fiscales sur le salaire était graduelle, mais tout contentieux sur les cotisations était suspendu.

La majorité actuelle a fortement renforcé la dimension incitative et elle a étendu ces mesures à tout le pays . L'objectif est de régulariser un quart des salariés irréguliers et un cinquième des revenus d'entreprise et des revenus du travail (2,7 % du PIB au total).

Les entreprises revenant dans la légalité bénéficient d'un taux réduit de l'IS (ou de l'IRPP) de 10 % la première année, 15 % la deuxième, 20 % la troisième, sous un plafond égal à 3 fois la masse salariale régularisée (gain attendu : 7 milliards d'euros). De même, le taux de cotisation employeur serait de 7 %, 9 % et 11 % au lieu de 23,8 % (gain attendu : 4,6 milliards d'euros). Le travailleur régularisé verrait son taux de IRPP réduit à 6 %, 10 % et 12 % (gain attendu : 3,7 milliards d'euros) et une totale exemption de cotisation. Il pourra choisir d'alimenter son compte retraite par des cotisations volontaires.

Les périodes de travail irrégulier ne seront pas sanctionnées, mais l'entreprise sera soumise à un impôt libératoire de 8 % des salaires non déclarés pour chaque année (gain attendu : 3,7 milliards d'euros). Pour le travailleur la dette envers l'Etat s'annule avec le paiement de 103 euros par année de travail irrégulier (gain attendu : 0,3 milliard d'euros). Le gouvernement espère une hausse des recettes de 0,3 à 0,5 point de PIB par an de 2001 à 2003, période pendant laquelle les mesures sont en vigueur.

Dans la même optique de mobilisation des ressources et de l'émergence de recettes fiscales futures le gouvernement Berlusconi a mis en place une mesure, « le bouclier fiscal » pour permettre la rentrée de capitaux exportés illégalement. L'incitation se fait par la suspension de toute sanction et par la soumission à un faible impôt libératoire (2,5 %) lors de la rentrée des capitaux sur le territoire italien et lors de la régularisation de l'activité jusqu'à mai 2002. Les bénéficiaires sont les personnes physiques et les sociétés en nom personnel.

V. La fiscalité sur les personnes

L'IRPP ( IRPEF ) est le principal impôt du système italien. Sa part dans le PIB passe de 8,3 % à 10,1 % entre 1990 et 2000 (de 21,1 % à 23,8 % du prélèvement et de 58,7 % à 69,3 % des impôts directs). Sa hausse provient de mesures de révision des tranches et des crédits d'impôt entre 1990 et 1993. La suppression de l'indexation totale des tranches à l'inflation, introduite vers la fin des années 1980, y a contribué. En 1997 est introduite une impopulaire eurotaxe, principalement une taxe additionnelle progressive sur l'IRPP de 0,3 point de PIB, qui est restituée à la hauteur de 60 % (0,2 point de PIB) en 1998.

La structure productive italienne caractérisée par une forte composante d'indépendants, et la plus grande difficulté à évaluer les revenus de cette catégorie de contribuables a de facto concentré la charge de l'IRPP sur les salariés. A cause de l'érosion et de la fraude, le taux d'imposition est assez élevé, pour une part de l'impôt dans le PIB en ligne avec les autres pays européens. C'est pour compenser l'évasion possible pour certaines catégories de contribuables qu'au début de la décennie 1990 le précédent système de déductions a été remplacé par un système plus articulé de crédits d'impôt liés aux différentes sources de revenu et à la composition familiale. L'orientation du législateur s'est déplacée du principe d'équité verticale à l'équité horizontale.

L'unité d'imposition de l'IRPP est l'individu, mais certains éléments tels que les crédits d'impôt sont fondés sur la famille nucléaire. Les membres du ménage sont à charge lorsque leur revenu annuel n'excède pas 2 840 euros. Les enfants sont à charge jusqu'à 18 ans (à 26 ans si étudiants). Les couples bi-actifs peuvent choisir à quel époux attribuer la charge de l'enfant afin de bénéficier du crédit d'impôt, qui est attribué sur la base du revenu individuel. Ils peuvent aussi partager la charge (selon la proportion souhaitée) et se répartir ainsi le crédit d'impôt. Le revenu imposable est obtenu par la somme des revenus du travail (salariés, indépendants, entreprises commerciales), des revenus de la propriété immobilière et des revenus du capital.

Le système comporte un ensemble de déductions et de crédits d'impôt, qui répondent à divers objectifs : crédit d'impôt standard pour le conjoint et les enfants à charge et crédit additionnel pour les salariés et les retraités ; déductions des cotisations sociales acquittées par l'employeur et le travailleur, du loyer ou la valeur locative de l'appartement ; crédit d'impôt à hauteur de 19 % pour les dépenses de santé et éducation, les prêts pour l'achat de la résidence principale et les primes d'assurance. L'incidence relative des crédits d'impôt standard diminue au fur et à mesure que l'impôt augmente. Le crédit d'impôt pour les salariés et les retraités comporte un montant fixe et un montant supplémentaire sous condition de ressources. Les crédits d'impôt pour membre de famille à charge sont accordés en fonction décroissante du revenu. Le crédit d'impôt trouve sa limite dans l'impôt minimum nul, car il n'existe pas d'impôt négatif.

Le système de redistribution est donc plus axé sur la déduction et le crédit d'impôt que sur les transferts et les allocations. Ces dernières représentent en moyenne seulement 0,6 % du revenu primaire brut. Le système est expressément orienté vers l'aide des ménages salariés avec enfants à charge et faible revenu. Comme tous les systèmes d'imposition individualisée il favorise les ménages dans lesquels le revenu est réparti de façon paritaire, tout en réduisant la pénalisation de l'offre de travail du travailleur secondaire (à plus faible capacité de gain). Le système qui en résulte est moins progressif qu'en France et légèrement régressif dans la partie haute de la distribution. Le taux marginal est très élevé dans le premier vingtile de la distribution du revenu.

Graphique 3: Evolution du prélèvement sur le revenu

En %



Source : ISTAT.

1. Les principales étapes de la réforme de l'IRPP

La réforme de l'IRPP est assez graduelle et tient compte des marges de manoeuvre permises par la politique de stabilisation budgétaire :

• En 1998 la redéfinition de la structure de l'IRPP permet le maintien du même taux moyen d'imposition malgré la suppression des cotisations maladie à la charge du travailleur, qui étaient précédemment déductibles de l'impôt sur le revenu.
Le nombre de tranches est réduit de 7 à 5 et la hausse du taux des premières tranches compense l'effet net de hausse du revenu net dû à la suppression des cotisations maladie. Si l'abolition de la première et de la dernière tranche a diminué la progressivité de l'impôt (le taux maximal est réduit de 51 % à 46 %), l'augmentation du seuil d'exemption ainsi que du crédit d'impôt pour enfants à charge est favorable aux tranches inférieures.

Avec la redéfinition de l'impôt sur les revenus du capital, plusieurs types de revenus de l'épargne (intérêts et plus-values) sont soustraits à l'IRPP et soumis à une retenue à la source à un taux proportionnel.

Tableau 6 : Barème de l'IRPP avant la réforme de 1998

Tranchesde revenu

 
 

taux

Millions de lires

euros

En % du salaire moyen

 

0-7,2

0-3718

0-18,9

1

7,2-14,4

3718-7437

18,9-37,7

22

14,4-30

7437-15494

37,7-78,6%

27

30-60

15494-30987

78,6-157,2

34

60-150

30987-77469

157,2-392,9

41

150-300

77469-154937

392,9-785,8

46

>300

>154937

>785,8

51

Source : Ministère du Trésor.

• La loi de finance pour 2000 introduit aussi des éléments de progressivité : l'effet régressif de la réduction d'un point du taux appliqué à la deuxième tranche est partiellement compensé par l'introduction d'un crédit d'impôt pour les salaires inférieurs au seuil de la deuxième tranche. La hausse du crédit d'impôt pour enfant à charge et l'introduction d'un crédit d'impôt pour tout enfant d'âge inférieur à trois ans contribuent aussi à la plus forte progressivité de l'impôt.

• Le supplément de recettes fiscales non prévues (appelées « bonus fiscal ») considérées comme structurelles sont restituées par la loi de finances pour 2001 sous forme de la plus importante réduction du prélèvement direct des vingt dernières années (1,1 point de PIB). La baisse généralisée de la charge fiscale (tableau 6) est plus accentuée pour les plus faibles revenus, grâce à la hausse du seuil d'exonération et à l'adaptation au nouveau barème du crédit d'impôt pour les salaires inférieurs au seuil de la deuxième tranche.

Tableau 7 : Barème de l'IRPP 1999-2003 prévu dans la Loi de finances pour 2001

Tranches de revenu

 
 

Taux

Millions de lires

euros

En % du salaire moyen

1999

2000

2001

2002

2003

0-20

0-10329

0-50

18,5

18,5

18,0

18,0

18,0

20-30

10329-15494

50-74

26,5

25,5

24,0

23,0

22,0

30-60

15494-30987

74-149

33,5

33,5

32,0

32,0

32,0

60-135

30987-69722

149-335

39,5

39,5

39,0

38,5

38,0

>135

>69722

>335

45,5

45,5

45,0

44,5

44,0

Source : Ministère du Trésor.

Tableau 8 : Système des abattements en 2001

Tranches de revenu en : Millions de lires

euros

% du salaire moyen

euros

Crédit d'impôt pour les revenus salariaux

0-12

0-6197

0-30

1147

12-19

6197-9813

30-47

décroissante de 1085 à 578

19-30

9813-15494

47-74

542

30-60

15494-30987

74-149

décroissante de 491 à 336

60-100

30987-51646

149-248

décroissante de 284 à 77

>100

>51646

>248

52

Crédit d'impôt pour conjoint à charge

0-30

0-15494

0-74

546

30-60

15494-30987

74-149

497

60-100

30987-51646

149-248

459

>100

>51646

>248

422

Crédit d'impôt pour enfant à charge

<100

<51646

<248

285

<100

<51646

<248

+ 33 pour tout enfant additionnel

>100

>51646

>248

266

Tout revenu

 
 

+ 124 pour tout enfant d'age inférieure à 3 ans

Source : Ministère du Trésor.

Tableau 9: Crédit d'impôt additionnel pour les bas salaires en 2001

Age

Tranches de revenu

 
 
 
 

Millions de lires

euros

En % du salaire moyen

euros

<75

0-9,4

0-4 855

0-23

98

< 5

9,4-18

4 855-9 296

23-45

62

>75

0-9,4

0-4 855

0-23

222

>75

9,4-18

4 855-9 296

23-45

186

>75

18-18,5

9 296-9 554

45-46

93

>75

18,5-19

9 554-9 813

46-47

46

Source : Ministère du Trésor.

L'introduction d'un crédit d'impôt plus élevé, croissant en fonction du rang et décroissant en fonction du revenu individuel (tableau 8) augmente le caractère redistributif vertical mais soulève le problème de la neutralité par rapport au nombre de membres contribuables. Cette mesure favorise les couples mono-actifs appartenant aux tranches intermédiaires de revenu.

La loi de finances pour 2002 poursuit l'objectif redistributif avec le même instrument que les précédentes : mais en accentuant le caractère de redistribution verticale, par l'augmentation des crédits d'impôt différentiés pour enfant à charge, elle renforce le problème de neutralité face au nombre de percepteurs. L'effet progressif de cette hausse, concentrée sur les revenus moyens et bas, est renforcé par la suspension de la réduction du taux de l'IRPP, notamment la baisse d'un point de la deuxième tranche et de 0,5 point pour les deux taux les plus élevés.

Tableau 10 : Crédit d'impôt pour enfant à charge en 2002

Tranche de revenu
en euros

Montant du crédit
en euros

<36151

516

36 151-51 646

303 ou 516 si entre 2 et 3 enfants

>51 646

285 ou 516 si au moins 4 enfants

Tout revenu

+ 124 pour tout enfant d'age inférieure à 3 ans

Source : Ministère du Trésor.

Toutefois l'effet progressif trouve ses limites dans la modalité de baisse du prélèvement par hausse des abattements. La baisse de l'IRPP de 2001 avait déjà fait ressortir le problème de l'existence de ménages, qui n'ayant pas un revenu et donc d'un impôt dû suffisamment élevés pour bénéficier de la hausse des déductions, ne profitaient pas de la réforme. En 2002 environ un tiers de l'augmentation formelle du crédit d'impôt ne correspond pas à une augmentation du revenu disponible. Ce phénomène concerne un cinquième des ménages italiens et 75 % des ménages les plus pauvres.

2. Les propositions de réforme de l'IRPP

Ce problème a inspiré la proposition d'une réforme plus ample de la fiscalité et de la protection sociale autant de la part de la majorité que de l'opposition. Le changement radical qu'elles impliquent ainsi que la situation des finances publiques n'a pas permis l'introduction de ces mesures dans la loi de finance pour 2002.

Les deux propositions ont en commun la réduction du nombre de tranches à 2 et la simplification des déductions attribuées uniquement en fonction de la taille du ménage. Pour garantir la progressivité face à une structure plate des taux, la limitation du nombre de contribuables payant un impôt positif se fait par des instruments différents.

La proposition de la gauche

La proposition de « dividende social » de l'opposition prévoit l'application du taux de 33 % jusqu'à 31 000 euros et de 41 % au-delà. Une déduction universelle sans contrainte de revenu (à partir de 3 100 euros et croissante en fonction de la taille du ménage) serait remboursée (impôt négatif) en cas d'absence de revenu imposable. Elle se substituerait à tous les instruments d'assurance contre le risque d'exclusion et au soutien de la famille (pension sociale, minimum retraite, allocations familiales). Le coût de la modification de l'IRPP correspond à la moitié de ses recettes actuelles, la réforme de l'assistance permettrait de couvrir la moitié du coût, pour une perte nette d'un quart des recettes. Cette transformation changerait le caractère catégoriel de l'assistance italienne en soutien plus universel. Le soutien accordé aux retraités se déplacerait vers les ménages avec enfants à charge et à très faible revenu ou vers les jeunes sans revenus, qui sont aujourd'hui privés d'aides. Toute application graduelle de cette réforme, notamment en réduisant le montant de l'impôt négatif pourrait comporter des fortes pertes en termes de redistribution, dans ce système caractérisé par un impôt pratiquement proportionnel et par des taux marginaux élevés.

La proposition de la droite

La majorité propose aussi une nouvelle structure des taux, mais la garantie de la progressivité et la limitation du nombre de contribuables payant un impôt positif est obtenue par des instruments différents :

Un nouveau barème à deux taux avec une première tranche jusqu'à 103 800 euros imposée à 23 % et un taux de 33 % au-delà, comportant la baisse de 5 points du taux minimal et de 11 points du taux maximal.

Un nouveau seuil d'exemption relevé du niveau actuel de 6 197 euros à 10 329 euros (ou 7 747 euros pour un célibataire, 10 329 pour un couple et 11 362 pour un ménage avec enfants).

La transformation des crédits d'impôt en déductions et leur redéfinition en fonction de critères familiaux permettrait de mieux réaliser la progressivité.
Beaucoup d'éléments ne sont pas définis, notamment le niveau du seuil d'exemption, son évolution en fonction du revenu ou de la taille du ménage. Bien que le texte de loi semble confirmer le maintien d'une imposition individuelle par la définition d'une exemption de nature personnelle, le soutien à la famille semble intervenir dans le dessin des déductions. Les deux différentes hypothèses d'imposition ne produiraient pas des effets très différents, à cause de la structure plate des taux du nouveau barème pour des tranches de revenu très amples.

Le gouvernement a estimé la perte de recettes de l'IRPP à 16/18 %, soit 1,7/1,9 % du PIB. Cette perte correspond à une configuration du barème, qui maintient le seuil d'exemption actuel et qui transforme les crédits d'impôts actuels en déductions. Mais la réforme telle qu'elle a été présentée lors de la campagne électorale impliquerait la complète substitution des crédits d'impôts par un seuil d'exemption universel, plus élevé (10 329 euros) et comporterait une baisse de 40 % des recettes 153 ( * ) , soit 4,2 % du PIB. 85 % des individus seraient avantagés ; les réductions d'impôt augmenteraient avec le revenu, le 15 % exclu des effets de la réforme représente les individus non imposables, car, contrairement au barème proposé par l'opposition, aucun impôt négatif n'est prévu. Dans une autre hypothèse moins coûteuse (le coût estimé est de 6 % des recettes, soit 0,6 point de PIB), l'exemption serait limitée aux revenus inférieurs à 10 329 euros.

Tableau 11 : Barème de l'IRPP en 2002*

Tranches de revenu en euro

Taux

Impôt brut correspondant à chaque tranche

0-10 329

18 %

0-1 859

10 329-15 494

24 %

1 859-3 099

15 494-30 987

32 %

3 099-8 057

30 987-69 722

39 %

8 057-23 163

69 722-103 291

45 %

2 163-38 269

Au-delà de 103 291

45 %

38 369 + 2 324 tous les 5 165 euros additionnels

* Sans exemption ni crédits d'impôt.

Source : Ministère des finances.

Tableau 12 : Barème de l'IRPP réformé *

Tranches de revenu
en euro

Taux

Impôt brut

Différence avec l'ancien barème

0-10 329

0 %

0

jusqu'à -1 859

10 329-15 494

23 %

2 376-3 564

entre 516 et 465

15 494-30 987

23 %

3 564-7 127

entre 465 et -930

30 987-69 722

23 %

7 127-16 036

entre - 930 et - 7 127

69 722-103 291

23 %

16 036-23 757

entre - 7 127 et - 14 512

Au-delà de 103291

33 %

23 757+1 704 tous les 5 165 euros additionnels

à partir de - 14 512 - 620 euros pour chaque tranche de 5 165 euros additionnelle

* Avec exemption de 10329 euros pour les revenus inférieurs à 10329 euros.

Source : Ministère des finances.

Ce nouveau barème comporterait une baisse du prélèvement pour la première tranche de revenu et une très forte baisse pour les revenus supérieurs à 30 000 euros. Mais le gain d'impôt brut, que la hausse du seuil d'exemption impliquerait pour les revenus inférieurs au seuil, est fictif, car dans le système actuel les crédits d'impôt pour les revenus salariaux et pour les personnes à charge les exemptent de facto du payement de l'impôt. Il en résulterait aussi une hausse du prélèvement pour les revenus compris entre 10 329 et 20 658 euros du fait du passage du taux d'imposition de 18 % à 23 % pour la part de revenu correspondant à la première tranche du barème avant réforme. Pour les revenus supérieurs à 20 658 euros cet effet serait compensé par la réduction du taux marginal de 32 % à 23 %. La limitation de l'exemption aux revenus les plus faibles comporterait donc un effet de seuil provoquant un risque de « trappe à la pauvreté » par la forte hausse du taux marginal et une perte pour les classes moyennes. Ce n'est pas surprenant car l'élévation du seuil d'exemption et la baisse des taux marginaux les plus élevés nécessitent une perte pour les déciles intermédiaires de la distribution du revenu. La réforme désavantagerait 45 % des individus, 45 % se trouveraient avantagés et 10 %, notamment le premier décile de la distribution des revenus, n'en seraient pas concernés. Pour éviter cette trappe à la pauvreté l'exemption complète jusqu'au seuil de 10 329 euros pourrait être réduite graduellement jusqu'à un niveau de revenu de 30 987 euros avec un coût plus important (14 % des recettes et 1,5 % du PIB). Cela permettrait le respect de la « clause de sauvegarde » incluse dans la délégation de loi, dictant que le nouveau régime doit être plus favorable ou équivalent au précédent pour chaque individu. Le problème du financement a retardé l'application de la réforme, car la délégation de loi prévoit qu'elle soit effectuée à solde public inchangé. Dernièrement le gouvernement semble s'orienter vers une exemption de 6 200 euros décroissante jusqu'à son annulation pour un revenu de 58 900 euros et une première phase de réforme limitée à la substitution du taux à 23 % aux deux premières tranches non exemptées. Le coût serait de 4,3 % des recettes de l'IRPP, soit 0,4 point de PIB. Pour le financement de la réforme de l'IRPP le gouvernement compte sur les effets keynesiens du multiplicateur de la demande et sur les effets d'offre garantissant l'élargissement de la base imposable par l'encouragement au travail par la moindre incitation à la fraude. Compte tenu des montants en jeu et de la contrainte d'équilibre du solde des ménages, le financement de la réforme ne peut reposer que sur une baisse des prestations sociales.

3. L'impôt sur les successions

Le gouvernement Berlusconi a modifié la progressivité du prélèvement par la suppression de l'impôt sur les successions et sur les donations. La majorité sortante avait déjà transformé le taux d'imposition sur les successions de progressif à proportionnel et avait relevé le seuil d'exemption à 181 000 euros.

VI. La réforme de l'impôt sur le revenu du capital

La réforme de l'impôt sur le revenu du capital introduite en 1998 poursuit le même objectif que la réforme de l'IS: l'imposition faible et proportionnelle de tous les revenus du capital, autant physique que financier.

Naguère, la plupart des revenus du capital étaient exonérés d'impôt. Les plus-values sur les actions n'étaient pas imposées jusqu'en 1990 ; depuis, les plus-values sur les actions non cotées étaient assujetties à un taux préférentiel lors de leur réalisation. Les dividendes, par contre, étaient inclus dans la base de l'IRPP, tout en bénéficiant d'un crédit d'impôt.

Tableau 13 : le prélèvement sur le revenu du capital

Dividendes

Intérêts

Plus-values de cession de participation

Inter-entreprises :

inclus dans la base imposable de l'entreprise qui reçoit. Imposition par l'IS et crédit d'impôt de 56.25 %. L'exception concerne les dividendes communautaires qui sont exemptés de l'IS à la hauteur de 95 %

si non résident retenue à la source de 27 % sauf traité bilatéral. Remboursement à la hauteur de 4/9 de l'impôt italien de l'impôt payé à l'étranger.

Inter-entreprises :

retenue à la source libératoire de :

0 % pour titres de la dette publique et des sociétés cotées

12,5 % pour obligations à maturité > à 18 mois

27 % pour obligations à maturité < à 18 mois

Inter-entreprises :

si participation substantielle, impôt substitutif de 19 %

si participation non substantielle, retenue à la source libératoire de 12,5 %

Particuliers :

si participation non substantielle, choix entre retenue à la source libératoire de 12,5 % ou imposition par l'IRPP et crédit d'impôt de 56.25 % ;

si participation substantielle imposition par l'IRPP et crédit d'impôt de 56.25 %

Particuliers :

retenue à la source libératoire de 12,5 % pour les intérêts sur titres publics et privés émis à l'étranger et à l'intérieur;

retenue à la source libératoire de 27 % pour les intérêts sur les dépôts, sur les titres d'échéance <18 mois des sociétés cotées et des sociétés en général pour les non résidents

Particuliers :

si participation non substantielle, retenue à la source libératoire de 12,5 % sur les plus-values latentes

si participation substantielle retenue à la source libératoire de 27 % sur les plus-values réalisées

Source : Ministère du Trésor.

La réforme réalise une plus forte homogénéité dans l'imposition des différents types de revenus du capital en ramenant le nombre de taux d'imposition de 16 à 2, tandis que l'assiette de l'impôt a été élargie par l'incorporation des plus-values et des revenus tirés des transactions sur produits dérivés. Le système reste celui de l'imputation complète des bénéfices selon lequel les bénéfices distribués sont imposés au niveau de l'actionnaire, si celui-ci est une entreprise, mais ce dernier bénéficie d'un crédit d'impôt qui correspond au montant de l'impôt sur les bénéfices. Pour les particuliers prévaut le prélèvement libératoire à la source. Actuellement la plupart des revenus du capital, plus-values latentes (non réalisées) et dividendes inclus, sont imposés par retenue à la source au taux de 12,5 %, sauf les intérêts sur les dépôts bancaires auxquels s'applique encore le taux de 27 % (tableau 4). La réforme a augmenté la rationalité du système fiscal.

1. Proposition de réforme de la droite

La réforme des revenus du capital identifie comme objectifs fondamentaux la simplification et la suppression de la double imposition. La simplification est réalisée par l'uniformisation de l'imposition de tout revenu du capital par un prélèvement libératoire à un taux unique de 12,5 % (actuellement 27 % pour les intérêts sur les dépôts et les obligations détenues moins que 18 mois). Le prélèvement libératoire à la source s'applique donc autant aux intérêts qu'aux plus-values et aux dividendes de participations non substantielles. Pour ces derniers disparaît l'option du crédit d'impôt, ce qui augmente le prélèvement pour les revenus soumis à un taux marginal de l'IRPP inférieur à 44 %. Cet effet est renforcé par la disparition de la DIT, qui réduisait le taux effectif payé en amont la distribution par l'entreprise. Les plus-values de participation substantielle sont exemptées de prélèvement à la source (actuellement à 27 %) et incluse dans la base imposable de l'IRPP (23 %), avec un gain d'impôt qui peut augmenter si l'inclusion n'est que partielle (probablement à la hauteur de 50 %). Pour les dividendes de participation substantielle le crédit d'impôt est supprimé et l'inclusion dans la base de l'IRPP se fait à la hauteur de 5 %.

Cette proposition constitue une contre-réforme par rapport aux innovations introduites par le Centre-gauche. Face à l'alignement de l'imposition entre intérêts et rendement des actions (avec une disparité entre les différents types de contribuables en fonction du niveau de revenu de l'investisseur et du patrimoine de la société), la réforme propose l'uniformité de l'imposition entre contribuables (un seul taux de 12,5 % pour chaque type de revenu), mais une disparité de traitement entre dette et actions. Elle se couple de la disparition de l'imposition des plus-values latentes de l'épargne gérée, le nouveau critère d'imposition étant celui de la réalisation. Pour les gestions collectives est introduite la possibilité de différer le prélèvement lors de la cession de la participation ou de la liquidation de la prestation. Cette mesure supprime la double imposition du revenu de l'épargne auprès des fonds d'investissement, notamment des fonds de pension, qui caractérisait l'Italie par un système ETT (exemption des cotisations, imposition de la revalorisation du capital ainsi que de la prestation) et qui l'aligne sur un schéma de type EET, dans lequel la seule prestation est imposée. Le coût estimé de la réforme, est de 1 900 millions d'euros, soit 0,2 point de PIB.

2. Impôt sur les plus-values immobilières

En Italie existaient deux types d'impôt sur les plus-values des immeubles :

• L'impôt ordinaire, dû lors de la vente, levé sur la valeur incrémentale à partir de la date d'achat. Depuis 1992 la valeur incrémentale était calculée entre la date d'achat et 1992. De ce fait l'impôt est supprimé à partir de 2003 ;

• L'impôt décennal à la charge des sociétés était levé à la date du dixième anniversaire de possession des immeubles (exclu les biens instrumentaux). Il est supprimé à partir de 2002.
VII. La TVA

La TVA, principal impôt indirect, croît faiblement jusqu'à 1998, date à partir de laquelle les taux ont été alignés sur ceux régnant en Europe. Le taux plancher reste à 4 %, ainsi que le taux intermédiaire de 10 % alors que celui de 16 % a été supprimé et le taux maximal a été relevé de 19 % à 20 %. La plupart des biens et services, jusque là imposés à 16 %, sont assujettis au nouveau taux maximal. Sur la période 2000-2002 un taux réduit est appliqué à certains services intensifs en main-d'oeuvre.

VIII. La fiscalité locale

Plusieurs interventions sur les finances locales se sont succédées depuis 1993 dans le cadre des contraintes imposées par l'assainissement des comptes publics d'abord et par le Pacte intérieur de stabilité ensuite. Ce dernier, introduit en 1998, engage les collectivités locales à contribuer aux objectifs de finances publiques fixés à niveau national. Notamment les collectivités doivent réduire leur déficit annuellement de 0,1 point de PIB. Toute réalisation partielle de cette baisse doit être rattrapée l'année suivante.

Les innovations concernent :
• L'élargissement de l'autonomie fiscale régionale (IRAP, taux additionnel de l'IRPP, accise sur l'essence) ;

• L'amplification des compétences en termes de dépenses (autonomie en matière de transports locaux, d'environnement, de tourisme) ;

• La simplification de la structure des transferts ;

• L'objectif est celui de permettre aux régions d'assurer leurs propres ressources, l'incertitude sur le montant des transferts à la discrétion de l'Etat ayant conduit à l'irresponsabilité financière des collectivités ;

• Le fonds de péréquation institué en 1996 établissait uniquement une participation des régions sur les recettes centrales de l'accise sur l'essence, sans péréquation de la base imposable. Le fonds de compensation interrégional introduit avec l'IRAP se limitait à ajuster ce dernier avec les nouvelles ressources (10 % de l'IRAP non destinés à la santé).
En 2000 une loi institue des dotations supplémentaires financées sur les recettes nationales, en faveur des régions par la création d'un fonds de péréquation fédéral à partir de 2001. La loi supprime tout transfert (pour un montant de 2,5 points de PIB en 2000) en faveur des régions, qu'elle remplace par :
• Le taux additionnel de l'IRPP (à 0,5 % lors de son introduction en 1998) augmenté à 0,9 % avec réduction parallèle du taux national, et possibilité pour les régions de l'augmenter à 1,4 % ;

• La participation aux recettes de l'accise sur l'essence, qui est doublée;

• La participation aux recettes de la TVA.
De plus la loi supprime la contrainte de destination du 90 % des recettes de l'IRAP à la santé et introduit un système de contrôle des dépenses sur la base des orientations du Plan national de santé. La contrainte de destination avait jusqu'ici assuré une offre uniforme de services sur le territoire national.

Le gouvernement Berlusconi a présenté une proposition de révision de la Constitution pour que chaque région puisse exercer une compétence exclusive en matière de santé, éducation et sécurité. Sous l'hypothèse que l'Etat fournisse aux régions la responsabilité financière de ces fonctions, les ressources à financer par les régions seraient de 3,5 points de PIB, c'est à dire un transfert de ressources de 40 % supérieur à celui réalisé par la loi de 2000 (2,5 points de PIB). Dans ce cas le taux de participation à la TVA devrait augmenter de 38,55 % à 93,46 % pour pouvoir financer les nouvelles compétences régionales. Cela reviendrait à régionaliser complètement la TVA, mais aussi à réduire le degré d'autonomie fiscale des régions. Une augmentation du taux de l'IRAP et du taux additionnel de l'IRPP, dans les limites consenties jusqu'ici, permettrait des recettes additionnelles de 13 %. D'un autre côté l'élargissement de l'intervalle de variation de ces taux pourrait provoquer le risque de compétition fiscale entre régions.

Tableau 14 : Degré d'autonomie financière des collectivités locales*

1990

1995

2000

14,5

25,7

44,6

* Rapport entre les recettes fiscales propres et les dépenses des collectivités locales

FINANCEMENT DU FONDS DE PEREQUATION

Le fonds est financé par une participation prédéterminée égale à 38,55 % des recettes nationales de la TVA (0,5 point de PIB). Un quota de ce montant est attribué à chaque région sur la base du niveau de consommation dans les trois années précédentes, étant la part de la consommation de chaque région dans la consommation nationale,



Le système de péréquation est donc horizontal entre régions riches et régions pauvres à partir de ce fonds prédéterminé. Le niveau du transfert entre régions dépend de la différence entre le quota de participation aux recettes et celui qui dérive de la péréquation . Les régions pour lesquelles cette différence est positive financent la redistribution. Le fonds prévoit une phase transitoire (jusqu'en 2012) durant laquelle on garantit les dépenses historiques en finançant la partie de celles-ci non couverte par les nouveaux impôts additionnels introduits lors de la suppression des transferts d'Etat. Cette garantie est rendue temporaire par un coefficient décroissant avec le temps, jusqu'à son annulation en 2012.

Ensuite le critère des dépenses historiques est remplacé par un critère mixte de péréquation des besoins de services et de la capacité fiscale. Ce critère corrige la différence entre la capacité financière et la moyenne des recettes fiscales des principaux impôts propres (IRAP) et de la participation aux recettes des impôts nationaux (taux additionnel IRPP et accise sur l'essence) , selon un coefficient de « solidarité » égal à 90 %. De plus il garantit prioritairement la couverture des besoins de santé , notamment toute différence par rapport à la moyenne nationale . La péréquation des besoins hors santé n'est que partielle avec égal à 70 %. Le plafond imposé aux transferts au fonds par la fixation du taux de participation aux recettes de la TVA éloigne de l'objectif de péréquation. L'abandon du critère des dépenses historiques déterminera une moindre différence entre et , donc une contraction des ressources destinées à la péréquation. Les régions les plus riches, notamment les grandes régions du Nord de l'Italie, capables satisfaire leurs besoins en termes de santé seront capables de retenir des ressources supérieures à leurs besoins hors santé. Les régions les plus pauvres (où celles pour qui la croissance du revenu est moins rapide que l'évolution des dépenses de santé), notamment les régions méridionales, devront utiliser le levier du taux des impôts propres, étant donné la limite à l'endettement établie par le Pacte intérieur de stabilité. Se pose alors le problème de l'éloignement des ces nouveaux instruments par rapport aux politiques de création d'impôts propres poursuivies depuis 1998 et du manque d'autonomie par rapport à la fixation des éléments constitutifs de l'impôt.

IX. La fiscalité écologique

L'écotaxe, levée sur les émissions polluantes des gaz carboniques a été introduite en 1999 pour financer la baisse des cotisations employeur. Elle a assuré en 1999 une recette de 0,1 % du PIB. Depuis elle a été suspendue à cause de la hausse des prix du pétrole.

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Chapitre 3. 5 : Les réformes fiscales en Espagne

Sabine Le Bayon

Alors qu'auparavant, les réformes fiscales avaient visé la modernisation du système fiscal pour financer l'augmentation des dépenses publiques, dont le niveau était relativement faible par rapport aux autres pays européens, l'accent a été mis dans la deuxième moitié des années 1990 sur la maîtrise des dépenses publiques plutôt que sur l'augmentation de la pression fiscale pour assainir les finances publiques et respecter ainsi le critère de déficit de Maastricht. Les réformes successives de l'impôt sur les sociétés ont visé à accroître la neutralité entre les sources de revenus d'une part et entre les instruments de financement d'autre part, à soutenir les petites et moyennes entreprises par le biais de la création d'un taux d'imposition réduit et à encourager l'investissement, notamment dans les nouvelles technologies. L'impôt sur le revenu des ménages a été réformé en profondeur, afin de traiter plus équitablement les revenus du travail et du capital, de stimuler la natalité, l'épargne et l'offre de travail (en particulier féminin). La réduction de la charge fiscale a été compensée par l'élargissement de l'assiette. La simplification du système fiscal et de la perception de l'impôt a permis de libérer des ressources pour mieux lutter contre la fraude fiscale. L'Espagne s'est engagée dans un processus de décentralisation à plusieurs vitesses. Afin d'assurer aux régions des sources de revenu stables, leurs prérogatives en matière de gestion fiscale se sont accrues au fur et à mesure que des transferts de compétences leur étaient accordés. Les régions perçoivent aujourd'hui tant des impôts indirects que directs et peuvent modifier dans une certaine mesure les taux de ces derniers. Elles doivent désormais respecter la loi de stabilité budgétaire qui impose l'équilibre budgétaire à tous les niveaux de l'administration.

I. Un historique

1. Evolution des taux de prélèvements obligatoires

L'Espagne a un des taux de prélèvement obligatoire les plus bas de l'Union européenne (35,1 points contre 40,8 points en moyenne en 2000). Seules l'Irlande et la Grèce ont des taux inférieurs. Parti d'un niveau très bas (24,6 points en 1980), le taux de prélèvement obligatoire a augmenté jusqu'en 1992 (34,8). Il a ensuite diminué jusqu'en 1995 (32,7), avant de repartir à la hausse.

Sous les gouvernements socialistes (1982-1996), le taux de prélèvement obligatoire a d'abord augmenté de 9 points de 1982 à 1992, puis a baissé jusqu'en 1995 pour soutenir l'activité (graphique 1). La hausse des années 1980 a été liée à l'accroissement des dépenses publiques, qui étaient relativement faibles par rapport aux autres pays européens à la fin des années 1970. L'arrivée du Parti populaire au gouvernement en mars 1996 a coïncidé avec une reprise de la hausse du taux de prélèvement obligatoire : l'effort d'assainissement budgétaire, entrepris pour respecter les critères de Maastricht, a permis à l'Espagne d'atteindre un déficit inférieur à 3 % en 1998 pour la première fois depuis le début des années 1980.

Graphique 1. Taux de prélèvements obligatoires en Espagne (en points de PIB)



Source : INE.

L'Espagne se caractérise, comme le Portugal et la Grèce, par un impôt sur le revenu des ménages plus faible que dans le reste de l'Union européenne (6,6 % du PIB en Espagne en 2000, contre 10,1 % pour l'UE).

De 1982 à 2000, les poids de la fiscalité indirecte et des impôts sur les revenus se sont nettement accrus (de 3,9 et de 4,4 points de PIB respectivement), celui des cotisations obligatoires augmentant légèrement (de 0,8 point de PIB). Après avoir augmenté par paliers jusqu'en 1992, le poids des impôts sur les revenus a eu tendance à légèrement diminuer. La part des cotisations sociales dans le PIB, qui était restée quasiment stable jusqu'en 1988, a ensuite augmenté. Elle est repartie à la baisse en 1994, avant d'augmenter progressivement à nouveau (tableau 1 et graphique 2). La part de la fiscalité indirecte a fortement augmenté jusqu'en 1986, année durant laquelle fut introduite la TVA, puis a connu une légère tendance à la baisse, avant de repartir à la hausse en 1996. Le poids de la fiscalité locale a augmenté par paliers, avec une hausse sensible au début des années 1980, puis une quasi-stagnation de 1985 à 1996 et enfin une forte augmentation depuis 1997 avec le nouveau système de financement des communautés autonomes.

Tableau 1 : Structure des prélèvements obligatoires en Espagne 154

 

En % du PIB

En % des recettes

 

1982

1992

1995

2000

1982

1992

1995

2000

Impôts sur la production et les importations 2

7,8

10,5

10,2

11,7

30,3

30,1

31,1

33,4

dont :TVA

0

5,1

4,8

5,8

0,0

14,6

14,8

16,6

Impôts courants sur le revenu, le patrimoine 3

6,1

11,1

10,1

10,5

23,5

31,8

31

29,9

Cotisations sociales obligatoires effectives 4

11,7

12,9

12,0

12,5

45,3

37,2

36,9

35,6

Impôts en capital 5

0,2

0,3

0,3

0,4

0,8

0,8

1

1,1

Total des prélèvements obligatoires

dont :

25,7

34,8

32,7

35,1

100,0

100,0

100,0

100,0

Prélèvements perçus par l'administration centrale (y compris sécurité sociale)

22,2

30,4

28,2

29,1

 
 
 
 

Prélèvements perçus par les administrations locales

3,6

4,4

4,5

6,0

 
 
 
 
 

1. Selon la décomposition du SEC95 ; 2. Opération D2 ; 3. Opération D5 ; 4. Opération D611 ; 5. Opération D91.

Source : INE.

Graphique 2 : Structure des recettes des administrations publiques en Espagne (en % du PIB)



Source : INE.

En 2000, les principales sources de recettes en 2000 sont les cotisations sociales (35,6 %), puis la fiscalité indirecte (33,4 %) et les impôts sur les revenus (29,9 %)(tableau 1). Depuis 1982, la part des cotisations sociales a baissé (- 9,7 points), tandis que la fiscalité indirecte et les impôts sur les revenus se sont alourdis (+ 3,1 et + 6,4 points respectivement).

2. Principales mesures fiscales prises sous les gouvernements socialistes (1982-1996)

Dans les années 1980, l'Espagne a fortement augmenté ses dépenses publiques, qui étaient en 1975 relativement faibles par rapport aux autres pays européens. Les réformes fiscales durant cette période ont visé la modernisation du système fiscal, pour faire face au besoin croissant de recettes publiques. Par la suite, les réformes avaient plutôt pour but d'accroître la neutralité du système fiscal et de favoriser la création d'entreprise.

La réforme de l'IRPP , mise en oeuvre en 1988, comportait une baisse du nombre de tranches, une réduction du taux marginal maximum de 66 à 56 %, l'application d'un taux nul aux revenus jusqu'à 600 000 pesetas, la non exigibilité de déclaration de revenus au-dessous de 840 000 pesetas (au lieu de 500 000 précédemment). L'assiette fiscale a été élargie en 1992.

La réforme de l'IS en 1996, comportait la modification de la base d'imposition et limitation de la double imposition des dividendes (cf. chapitre suivant II.1).

La TVA a été introduite en 1986 lors de l'adhésion à l'UE.

La baisse du taux de cotisations sociales de 32,1 % en 1982 à 28,3 % en 1996 (pour favoriser l'emploi) a été contrebalancée par la hausse du taux de cotisations d'assurance chômage de 5,4 % en 1982 à 7,8 % en 1996. De plus, l'assiette des cotisations a été élargie et les taux des régimes particuliers ont été augmentés pour les rapprocher de ceux du Régime général.

3. Orientations fiscales des gouvernements de droite depuis 1996

Les réformes ont visé la simplification du système fiscal, la neutralité fiscale et l'incitation au travail, à l'épargne et à l'investissement notamment dans les nouvelles technologies. Selon le Parti populaire, la baisse des impôts doit soutenir la consommation et contribuer à dynamiser l'économie et l'emploi. Pour assainir les finances publiques et respecter le critère de déficit de Maastricht, l'accent a été mis sur la limitation de la hausse des dépenses plutôt que sur l'augmentation de la pression fiscale. L'Espagne a adopté en 2001 une loi de stabilité budgétaire pour imposer l'équilibre des comptes à tous les niveaux de l'administration (administration centrale, régions, collectivités locales). Les déficits ne devront être que temporaires, exceptionnels et justifiés. Cependant, un fonds de réserve sera créé pour faire face à d'éventuelles dépenses publiques imprévues.

II. Analyses des principales réformes

1. Fiscalité des entreprises

Réformes

La réforme de l'impôt sur les sociétés élaborée par les socialistes et mise en oeuvre en 1996 poursuivait plusieurs objectifs :

Accroissement de la neutralité vis-à-vis des diverses sources de revenus.

Réduction des distorsions affectant les décisions d'investissement.

Renforcement de la neutralité vis-à-vis des divers instruments de financement.

Allègement des contraintes fiscales pesant sur l'internationalisation des entreprises.

Favoriser les petites et moyennes entreprises.

Encourager la prise de risque et la création d'entreprises.
Pour cela, les principales mesures prises furent :
Le compte de résultat était désormais la seule base d'imposition. Il n'y avait donc plus de règles fiscales différentes pour le bénéfice d'exploitation, les plus-values nettes et l'augmentation nette de l'actif.

L'amortissement d'actifs intangibles (brevets, marques commerciales) était autorisé.

Pour limiter la double imposition des dividendes versés sur les participations intra-groupe, le seuil de participation fut réduit de 25 à 5 % pour bénéficier de l'exonération sur les dividendes à percevoir au titre d'une participation dans une autre entreprise.

La mesure corrective visant la double imposition internationale des dividendes et plus-values fut appliquée aux entreprises détenant 5 % du capital d'entreprises étrangères (au lieu de 25 % prévus par la loi de 1978).

Les PME bénéficièrent d'une plus grande marge de manoeuvre pour étaler dans le temps les frais d'amortissement du capital.

La période durant laquelle les entreprises peuvent reporter en avant des pertes passa de 5 à 7 ans.

Après son arrivée au pouvoir, la droite a renforcé en juin 1996 certaines mesures prises par les socialistes. Les mesures correctives visant la double imposition internationale des dividendes et plus-values et la double imposition des dividendes versés sur les participations intra-groupe furent étendues aux détentions d'au moins 1 an (au lieu de 2 précédemment). Par ailleurs, les entreprises ont eu la possibilité de réévaluer leurs actifs productifs sur l'inflation pour que leurs amortissements fiscaux soient plus conformes au coût réel du capital, moyennant une taxe de 3 % sur les plus-values résultant de cette opération.
Le gouvernement de droite a aussi adopté en juin 1996 des mesures pour faciliter l'accès des entreprises aux marchés financiers. Elle a ainsi simplifié l'imposition des plus-values. Celles-ci sont soumises à un taux uniforme de 20 % si les actifs financiers, sur lesquels elles sont réalisées, ont été détenus pendant plus de 2 ans.

Depuis 1997, il existe un taux réduit de 30 % pour les petites entreprises, dont le champ fut progressivement étendu. Actuellement, il concerne les 90 000 premiers euros de bénéfices pour les PME dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 5 millions d'euros.

En 1999, le gouvernement a augmenté la période durant laquelle les entreprises peuvent reporter en avant des pertes qu'elles peuvent imputer sur leurs bénéfices futurs qui passe de 7 à 10 ans. Elle a ensuite réduit en 2001 le taux d'imposition sur les plus-values détenues pendant au moins un an à 18 % (contre 20 % pour les actifs détenus pendant au moins 2 ans précédemment).

La réforme de l'IS, prévue initialement pour 2003, a été avancée au 1 er janvier 2002, en raison du ralentissement économique. De nombreuses mesures fiscales ont été adoptées en faveur des PME, de l'investissement, de la modernisation et de l'internationalisation de l'économie :

Les entreprises alimentant un fonds de pension de retraite pour leurs travailleurs peuvent déduire 10 % des fonds de leur base imposable et les limites d'apport de fonds pour la constitution de plans de retraites privés sont assouplies.

Le taux d'imposition sur les plus-values obtenues par les entreprises lors de la vente d'actifs est réduit de 35 % à 18 %, à condition que celles-ci soient réinvesties et non pas redistribuées aux actionnaires.

Un abattement fiscal de 10 % est accordé sur les investissements consacrés à l'achat de brevets jusqu'à 500 000 euros (au lieu de 300 000 euros précédemment).

Un dégrèvement supplémentaire de 10 % est établi pour les investissements en matière de recherche ou d'innovation technologique.

En 2003, des facilités fiscales pour les nouvelles PME sont envisagées, comme l'exonération d'IS pendant les 2 premiers exercices. Par ailleurs, la suppression de l'impôt local sur les affaires (IAE), perçu par les municipalités, est prévue en 2003, conformément au programme électoral de 2000 du Parti populaire. Il pourrait être remplacé par une nouvelle taxe municipale payée par les groupes de télécommunications sur l'installation d'antennes et par les compagnies électriques pour les « droits de passage ».

Système en 2001

Les entreprises sont soumises à l'impôt sur les sociétés (IS : impuesto sobre sociedades ) et à un impôt local sur les affaires (IAE : impuesto de actividades economicas ). Le Pays Basque et la Navarre ont leur propre système d'imposition.

Impôt sur les sociétés

Le taux général est de 35 %, mais il existe un taux réduit de 30 % (tableau 2). Divers crédits d'impôts sont accordés : investissements à l'étranger (25 % du total investi), investissements en R&D (30 %), dépenses de formation professionnelle (5 %) et investissements culturels (15 %). La somme de ces 4 crédits ne peut excéder 35 % de l'impôt sur les sociétés. Un crédit d'impôt correspondant à 10 % des investissements pour préserver l'environnement et à 10 % des investissements liés à Internet peut être déduit.

Tableau 2 : taux selon le chiffre d'affaires et le bénéfice en 2001

Chiffre d'affaires (euros)

Bénéfice (euros)

Taux

< 5 000 000

< 90 000

30 %

< 5 000 000

> 90 000

35 %

> 5 000 000

> 0

35 %

Source : Ministerio de economia y hacienda.

Impôt local sur les affaires

La base de cet impôt dépend de l'activité et de la surface de l'entreprise. Cet impôt est déductible de l'IS. Il devrait disparaître en 2003.

Impôts sur le revenu du capital

Les plus-values des entreprises sont traitées comme un revenu ordinaire et assujetties au taux général de l'impôt sur les sociétés. Dans le cadre de la réforme de 2002, le taux d'imposition est réduit de 35 à 18 % sur les plus-values réalisées sur des actifs détenus pendant moins d'un an, mais réinvesties. Les plus-values réalisées sur les actifs détenus pendant plus d'un an sont taxées à un taux unique de 18 %.

Une retenue à la source de 18 % s'applique sur les intérêts et les dividendes. Cette retenue à la source est portée au crédit de l'impôt final dû par l'investisseur résident.

L'Espagne pratique un système d'imputation partielle : une partie de l'impôt sur les sociétés prélevé sur les bénéfices distribués (50 %) est portée au crédit de l'impôt final sur les sociétés dû par l'investisseur résident (tableau 3). Ce crédit est de 100 % pour les dividendes inter entreprises quand une entreprise a détenu au moins 5 % d'une filiale pendant au moins 1 an.

Tableau 3 : Taxation des dividendes : exemple d'application pour une entreprise actionnaire en 2001

 
 

IS actionnaire versé + IS versé + retenue à la source

46,37

Double imposition

11,37

Source : Ministerio de economia y hacienda.

2. Cotisations sociales

Réformes

Le taux de cotisations de Sécurité sociale a été abaissé pour favoriser l'emploi, mais le taux de cotisations d'assurance chômage a dû être augmenté (tableaux 4 et 5). Les assiettes minimum et maximum des différentes catégories professionnelles ont été unifiées progressivement.

Tableau 4 : Evolution du taux de cotisations d'assurance chômage

 

A la charge des employeurs

A la charge des salariés

1992-1993

6,2

1,1

1994-2001

6,2

1,6

Source : Ministerio de trabajo y asuntos sociales.

Tableau 5 : Evolution du taux de cotisations de sécurité sociale

 

A la charge des employeurs

A la charge des salariés

1992

24

4,8

1993-1994

24,4

4,9

1995-2001

23,6

4,7

Source : Ministerio de trabajo y asuntos sociales.

Système en 2002

Six régimes principaux coexistent : le Régime général et cinq régimes particuliers (travailleurs indépendants, agriculteurs, marins, mineurs et employés de maison). Les fonctionnaires et les militaires disposent par ailleurs d'un régime spécifique. Les taux de cotisations d'assurance chômage et de sécurité sociale sont actuellement de 37,15 % (tableau 6). Pour les travailleurs indépendants, les taux de cotisations sociales sont en général de 28,3 %.

Tableau 6 : Taux de cotisations à la charge des employeurs et des employés du régime général en 2001

 

Cotisations employeurs

Cotisations employés

Cotisations de sécurité sociale

23,6 %

4,7 %

Cotisations d'assurance chômage

6,2 %

1,55 %

Formation professionnelle

0,4 %

0,1 %

Fonds de garantie des salaires

0,6 %

--

Total des cotisations

30,8 %

6,35 %

Source : Ministerio de trabajo y asuntos sociales.

Une partie seulement du salaire est soumise à cotisation. Les salariés dont la rémunération est supérieure au plafond ou inférieure au plancher versent des cotisations de Sécurité sociale correspondant respectivement à la cotisation maximale ou minimale. L'assiette minimum de cotisations varie selon la catégorie professionnelle de l'employé (tableau 7).

Tableau 7 : Assiettes de cotisations selon les catégories professionnelles (en % du salaire moyen)

 

Assiette minimum

Assiette maximum

Employés et coursiers

24,1

119,1

Techniciens qualifiés et assistants

29,8

119,1

Ingénieurs et autres diplômés

35,9

119,1

Source : Ministerio de trabajo y asuntos sociales.

3. Fiscalité des ménages

Réformes

Depuis 1990, les couples mariés ont la possibilité de remplir des déclarations individuelles, et non plus nécessairement conjointes.

La réforme menée en 1992 par les socialistes avait pour but un élargissement de l'assiette fiscale et une incitation à l'épargne de long terme. Pour cela, de nouvelles sources de revenus, comme les avantages en nature, ont été intégrées dans la base imposable. L'Espagne s'est alignée sur les modalités d'imposition des bénéfices non distribués des fonds d'investissement privés des autres pays de l'UE : leurs bénéfices non distribués et leurs plus-values ont été exonérés et les plus-values n'étaient plus imposées, à moins que les ressources ne soient retirées du fonds. Enfin, les plus-values sur les placements détenus pendant au moins 10 ans ont généralement été exonérées.

En 1997, la droite a réduit de 16 à 10 le nombre de tranches de l'IRPP.

La réforme de l'impôt sur le revenu des personnes physiques mise en oeuvre en 1999 poursuivait plusieurs objectifs :

Réduire la charge fiscale et élargir les mesures encourageant le travail.

Accroître la neutralité envers les divers types de revenus et de placements.

Remplacer un ensemble d'exonérations par un revenu minimal exonéré.

Abaisser le coût de perception de l'impôt et libérer des ressources pour mieux lutter contre la fraude fiscale.
Pour cela, les principales mesures prises furent :
Les taux marginaux ont été réduits de 56 à 48 % pour la tranche supérieure et de 20 à 18 % pour la tranche inférieure, tandis que le nombre de tranches a diminué de 10 à 6.

Les revenus du capital et du travail étaient désormais traités plus équitablement. Ainsi, la majorité des exonérations partielles et des crédits sur les revenus de l'épargne financière furent réduits. A l'exception des plus-values à LT, les revenus du capital étaient intégrés dans l'assiette fiscale avec une possibilité de compensation entre pertes et gains. La plupart des exonérations partielles sur les plus-values et les revenus du capital furent supprimées.

Un revenu exonéré assurant un niveau de vie minimal ( minimo exento ), prenant en compte les caractéristiques de l'unité fiscale, remplaça la plupart des allègements fiscaux précédents qui étaient sources d'inégalités horizontales (dépenses de santé ou d'éducation, loyers, prise en charge des personnes handicapées, frais de garde d'enfants...).

La modification des retenues à la source visait à mieux prendre en compte les caractéristiques des personnes physiques et à mieux refléter les charges fiscales effectives. Le seuil à partir duquel il faut remplir une déclaration a été relevé à 21 035 euros (au lieu de 7 212 euros en 1998). Ceci devrait réduire de 5 millions le nombre de déclarations (soit d'environ un tiers) et donner lieu à des remboursements d'impôts. L'Espagne a renoncé à imposer le revenu imputé des logements occupés par leurs propriétaires. Les ressources ainsi libérées par la diminution du coût de la perception serviront à lutter contre la fraude fiscale et à conseiller les contribuables.
Selon les estimations officielles, ces réformes ont entraîné une baisse de la pression fiscale totale de 11 % (tableau 8). Les contribuables auraient ainsi bénéficié d'une réduction d'impôts de 4,85 milliards d'euros en 1999.

Tableau 8 : Effets de la réforme de 1999 de l'IRPP

Revenu (en euros)

Contribuables concernés (en %)

Réduction de la charge fiscale au titre de l'IRPP(en %)

< 12 020

60,3

29,7

12 020-18 030

19,8

15,0

18 030-30 051

14,3

8,3

> 30 051

5,6

6,2

Total

100

11,1

Source : Ministerio de economia y hacienda.

La nouvelle réforme de l'IRPP qui entrera en vigueur en 2003 vise à stimuler la natalité, l'épargne et l'offre de travail (en particulier féminin). Les principales mesures prévues sont :

Les taux d'imposition marginaux maximum et minimum baissent respectivement à 45 % et 15 %, au lieu de 48 % et 18 % actuellement. Le nombre de tranches passe de 6 à 5.

Les abattements personnels et familiaux sont augmentés. L'abattement familial devient progressif à partir du deuxième enfant et non du troisième comme aujourd'hui. Le gouvernement a annoncé une hausse de 16 % de l'abattement fiscal pour le premier enfant, de 25 % pour le deuxième, de 22 % pour le troisième et de 27 % pour les suivants. L'abattement additionnel pour enfant à charge de moins de 3 ans est multiplié par 4.

Une aide de 1 200 euros par an est mise en place pour les mères qui travaillent et ont un enfant de moins de 3 ans. Cette mesure devrait concerner 460 000 femmes.

L'abattement pour les familles ayant une personne de plus de 65 ans à charge augmente de 33 %. En outre, une aide est créée pour assister les personnes de plus de 75 ans et les aides pour les handicapés sont augmentées.

Pour favoriser l'immobilier locatif et la mobilité géographique des travailleurs, des abattements compris entre 25 et 50 % des revenus des loyers, selon que les logements sont occupés ou non actuellement, sont mis en place.

Pour favoriser le travail, l'abattement sur les revenus du travail est augmenté de 17 % pour les bas salaires et de 7 % pour les plus élevés. Cette aide est multipliée par 2 pour les plus de 65 ans continuant de travailler et pour les chômeurs acceptant un emploi dans une autre ville.

Pour faciliter le financement de l'économie et encourager l'investissement productif, les plus-values de plus d'un an seront imposées à 15 % au lieu de 18 % précédemment et les limites d'apports à des fonds de pensions seront augmentées. De plus, pour favoriser l'épargne à long terme, l'impôt sera réduit de 40 % pour une épargne mobilisée plus de 2 ans et de 75 % pour plus de 5 ans.

Selon les estimations officielles, ces réformes devraient représenter une économie moyenne de 11 % pour les contribuables (tableau 9). Les contribuables devraient ainsi bénéficier d'une réduction d'impôts de 3,6 milliards sur deux ans.

Tableau 9 : Effets de la réforme de 2003 de l'IRPP

Revenu (en euros)

Contribuables concernés (en %)

Réduction de la charge fiscale au titre de l'IRPP(en %)

< 12 020

55,6

38,14

12 020-18 030

18,52

18,41

18 030-30 051

17,16

10,51

> 30 051

8,72

6,39

Total

100

11

Sources : Ministerio de economia y hacienda (2002).

Système en 2001

Les personnes physiques sont soumises à un impôt sur le revenu (IRPF : impuesto sobre la renta de las personas fisicas ) prélevé par l'administration centrale et par les communautés autonomes. Les communautés autonomes prélèvent aussi un impôt sur le patrimoine (IP : impuesto sobre el patrimonio ) et un impôt sur les successions et les donations (ISD : impuesto sobre sucesiones y donaciones ). Le Pays Basque et la Navarre ont leur propre système d'imposition.

IRPP

L'imposition se fait selon 2 barèmes permettant de calculer l'impôt revenant à l'administration centrale et celui affecté aux communautés autonomes. Le barème de ces dernières peut être modifié par les régions dans certaines limites. Il y a 6 tranches, comprises entre 18 et 48 %. Le prélèvement s'effectue à la source sur les revenus du travail. Les pensions sont traitées comme des revenus du travail. L'imposition est au choix soit séparée, soit conjointe (ce qui n'est intéressant que si un des conjoints est sans ressource). Les bases et les taux indiqués dans le tableau 10 s'appliquent à tous les contribuables, qu'ils optent ou non pour une déclaration conjointe.

Tableau 10 : Tranches et taux d'imposition de l'IRPP en 2001

Base imposable (en euros)

Taux d'imposition

0-3 678

18 %

3 678-12 874

24 %

12 874-25 134

28,3 %

25 134-40 460

37,2 %

40 460-67 434

45 %

> 67 434

48 %

Source : Ministerio de economia y hacienda.

Chaque contribuable bénéficie d'un abattement personnel de 3 300 euros (6 600 euros pour les couples optant pour une déclaration conjointe). De plus, il existe un abattement sur les revenus du travail dégressif avec le salaire. La prise en compte de la situation familiale s'effectue par le biais d'abattements (tableau 11). Les cotisations sociales sont déductibles, tout comme les cotisations à des fonds de pension privés, dans la limite de la somme la plus faible entre 25 % des revenus du travail et 7 212 euros pour chaque contribuable de moins de 52 ans. Les contribuables bénéficient aussi de crédits d'impôts immobiliers (tableau 12).

Les plus-values des particuliers sont traitées comme un revenu ordinaire et assujetties au taux général de l'impôt sur le revenu. Les plus-values et les moins-values sur les cessions d'actifs détenus pendant au moins 1 an sont taxées à un taux de 18 % (15,3 % pour l'Etat et 2,7 % pour les communautés autonomes). Une retenue à la source de 18 % s'applique sur les intérêts et les dividendes. Cette retenue à la source n'est pas libératoire.

Tableau 11 : Système d'abattements en 2001

Individuels (doublé pour un couple en déclaration conjointe)

En euros

En % du salaire moyen

Moins de 65 ans

3 300

13,1

Plus de 65 ans

3 900

15,5

Revenus du travail

 
 

< 8 110 euros

3 000

11,9

8 110-12 020 euros

3 000-0,1923*
(salaire-8 110)

 

> 12 020 euros

2 250

8,9

Familiaux

 
 

Chacun des deux premiers enfants à charge de moins de 25 ans

1 200

4,8

Chaque enfant à charge de moins de 25 ans à partir du troisième enfant

1 800

7,2

Chaque enfant de moins de 2 ans

300

1,2

Chaque enfant entre 3 et 16 ans

150

0,6

Ascendant à charge de plus de 65 ans dont le revenu ne dépasse pas le salaire minimum

600

2,4

* Le salaire minimum mensuel est de 442,2 euros en 2002.

Source : Ministerio de economia y hacienda.

Tableau 12 : Système de crédits d'impôts immobiliers en 2001

En euros

Crédits d'impôts (en %)

Acquisition ou rénovation du logement principal

 

0-9 015

15

Remboursement du principal et intérêts

 

0-4 508 (les deux premières années)

25

0-4 508 (les années suivantes)

20

4 508-9 015

15

Dépôts d'épargne logement (résidence principale)

 

0-9 015

15

Source : Ministerio de economia y hacienda.

Les personnes physiques actionnaires bénéficient d'un système d'avoir fiscal partiel (égal à 40 % du dividende) (tableau 13).

Tableau 13 : Taxation des dividendes : exemple d'application
pour une personne physique actionnaire en 2001

Bénéfice

100

IS versé (35 %)

35

Dividende reçu

65

Retenue à la source versée (18 % de 65)

11,7

Dividende - retenue à la source

53,3

Avoir fiscal (40 % de 65)

26

Dividende + avoir fiscal

91

Calcul IR actionnaire (48 % de 91)

43,7

IR actionnaire effectivement versé (IR actionnaire - avoir fiscal - retenue à la source)

6

IR actionnaire versé + IS versé + retenue à la source

52,7

Double imposition

4,7

Source : Ministerio de economia y hacienda.

Impôt sur le patrimoine

L'impôt sur le patrimoine est prélevé par les communautés autonomes sur tous les actifs détenus par les personnes physiques résidentes. Chaque contribuable peut déduire de sa base imposable un montant de 0,108 million d'euros (montant modulable par la région). Les communautés autonomes peuvent mettre en place leur propre barème dans certaines limites. Si elles ne le font pas, des taux standards sont appliqués. Il y a 8 tranches et les taux varient entre 0,2 et 2,5 %.

Impôt sur les successions et les donations

L'impôt sur les successions et les donations est prélevé par les communautés autonomes sur la propriété, espagnole ou étrangère, acquise par le biais d'un transfert gratuit. Les non résidents sont soumis à cet impôt sur les actifs espagnols. Des abattements, fonction des liens de parenté, sont déduits de la base imposable. Les communautés autonomes peuvent mettre en place leur propre barème dans certaines limites. Si elles ne le font pas, des taux standards sont appliqués. Il y a 16 tranches et les taux varient entre 7,65 et 34 %.

4. Fiscalité indirecte

La TVA (IVA : impuesto sobre el valor anadido ) a été créée en 1986 au moment de l'adhésion à l'Union européenne. Elle remplaçait un ensemble compliqué de taxes sur le chiffre d'affaires brut qui faussaient les prix relatifs et rapportaient peu à l'Etat. Depuis lors, la plupart des changements de taux ont été liés à l'effort d'harmonisation communautaire (tableau 14). Trois taux existent aujourd'hui : le taux super réduit de 4 % (pour les produits de première nécessité), le taux réduit de 7 % (pour la nourriture, le logement, le transport et le tourisme notamment) et le taux standard de 16 %.

Tableau 14 : Evolution des taux de TVA depuis 1992

Années

Mesures

Janvier 1992

Augmentation du taux standard de 12 à 13 %
Baisse du taux maximum de 33 à 28 %

Juillet 1992

Augmentation du taux ordinaire de 13 à 15 %
Création d'un taux réduit de 6 %

1993

Disparition du taux maximum de 28 %
Création d'un taux super-réduit de 3 %

1995

Hausse du taux super-réduit, du taux réduit et du taux standard de 1 point

Source : Ministerio de economia y hacienda.

Dans le cadre de la TVA réduite pour les activités de main-d'oeuvre, le taux de 7 % s'applique à la rénovation de logement et aux services de coiffure.

5. Fiscalité locale

L'Espagne s'est engagée, après le retour de la démocratie, dans un processus de régionalisation à plusieurs vitesses. La constitution de 1978 prévoyait le transfert progressif de différentes compétences aux régions, mais de façon différenciée étant donnée la diversité des 17 communautés autonomes. On distingue trois groupes de communautés :

La Navarre et le Pays Basque bénéficient d'un régime d'autonomie fiscale spécifique. Outre les compétences accordées aux régions autonomes par l'article 151 de la constitution, ces deux régions bénéficient d'une autonomie totale en matière de prélèvement d'impôts. Tous les impôts sont perçus par la région, à l'exception des taxes aux frontières et des recettes procurées par les monopoles d'Etat. En contrepartie, ces communautés autonomes versent une contribution forfaitaire à l'administration centrale, pour couvrir les dépenses qui ne relèvent pas des régions (défense, politique étrangère et certaines infrastructures comme les aéroports et les ports), financer les dépenses de solidarité destinées aux régions défavorisées et financer le service de la dette contractée avant la décentralisation. Les transferts liés aux services assurés par l'Etat représentent un certain pourcentage du coût de ces services et sont pondérés en fonction de la valeur ajoutée relative de chaque région par rapport au PIB national. Alors que le Pays Basque a assumé immédiatement la totalité des compétences accordées par la constitution, la Navarre ne gère l'éducation et la santé que depuis 1990.

Les 5 régions ayant obtenu leur autonomie au sens de l'article 151 de la constitution (Andalousie, îles Canaries, Catalogne, Galice et Valence) ont choisi d'obtenir le maximum de compétences en un minimum de temps.

Les 10 régions ayant obtenu leur autonomie au sens de l'article 143 de la constitution (Asturies, Cantabrie, La Rioja, Aragon, Castille-Leon, Madrid, Castille-La Manche, Estrémadure, Murcie, Baléares) ont connu un transfert progressif des pouvoirs.

Réformes

Des accords quinquennaux règlent le processus de décentralisation. Chaque nouveau système s'applique à toutes les communautés autonomes, à l'exception de celles qui n'ont pas accepté cet accord et restent soumises à l'ancien accord.

De 1987 à 1991, l'Etat conserve la plupart de ses pouvoirs fiscaux, notamment en ce qui concerne la taxation directe et la TVA. Le système de financement pour la période 1992-1996 vise à renforcer la discipline budgétaire des régions, à réduire le déficit des différentes administrations publiques pour respecter les critères du traité de Maastricht et à accroître leurs pouvoirs discrétionnaires. Les régions doivent désormais soumettre un calendrier annuel d'endettement et des plans de financement. De 1997 à 2001, les ressources fiscales des régions sont accrues.

Quote-part régionale des recettes de l'Etat

La quote-part régionale des recettes de l'Etat est la part des recettes fiscales de l'Etat versée aux régions. Elle est déterminée en fonction du coût estimé des compétences assumées par les régions, à l'exception des services sociaux et de la santé, qui ne sont pas financés par des impôts mais par des transferts de la Sécurité sociale. Elle représente 60 % des recettes des régions sur la période 1987-1991. Le système adopté en 1987 représente un progrès par rapport au système précédent, dans le sens où il est automatique et ne nécessite plus de négociations entre l'Etat. On calcule d'abord le montant total des ressources nécessaires aux régions. Celui-ci est ensuite divisé en 2 blocs pour les régions au sens de l'article 143 et pour celles au sens de l'article 151, afin de traiter de la même manière les communautés autonomes disposant des mêmes responsabilités. Puis, ce montant est réparti entre les régions selon plusieurs variables « distributives », comme la population (poids de 94 % pour les régions gérant l'éducation et de 64 % pour les autres) ou la superficie (poids de 3,5 % pour les régions gérant l'éducation et de 16,6 % pour les autres). Une fois que la part de chaque région dans les ressources nécessaires a été calculée selon les variables distributives, il y a une redistribution : 2,7 % du total est versé aux régions à faible revenu et 1,82 % aux régions où le rendement de l'impôt est le plus élevé. Pour la période 1992-1996, on calcule en 1992 le besoin de financement de chaque région B, auquel on soustrait les ressources propres des régions P, à savoir les recettes issues des taxes cédées. Une fois déterminé ce montant pour l'année de base (PIE : participacion en los ingresos del Estado , soit la somme issue des recettes de l'Etat et attribuée aux régions), on le rapporte aux recettes fiscales de l'Etat (ITE : ingresos tributarios del estado , c'est la somme des recettes des impôts directs et indirects, et des cotisations de Sécurité sociale et d'assurance chômage), pour déterminer la quote-part régionale des recettes de l'Etat Q :

Q= PIE / ITE, avec PIE= B - P

Le calcul de la PIE pour les années suivantes s'effectue à partir de la quote-part de l'année de base et des ITE de chaque année. La PIE a été divisée en 2 parties en 1994 à la demande des régions plus riches désirant disposer librement d'une plus grande part des impôts prélevés sur leur territoire : la 1 ère correspondant à la précédente PIE au sens strict, moins 15 % des recettes perçues par chaque région au titre de l'IRPP, la 2 e consistant en 15 % des recettes de l'IRPP. Malgré la réforme de 1997, cette part du PIE représentant 15 % de l'IRPP fut maintenue le temps que le domaine de l'éducation soit transféré complètement aux régions. De plus, 15% supplémentaires de l'IRPP furent affectés aux régions. Quand l'éducation fut transférée aux régions, la part du PIE attribuant 15% de l'IRPP aux régions disparut et la part de l'IRPP cédée aux régions passa de 15 à 30 % (avec une modification du barème spécifique). Le calcul de la PIE pour la période 1997-2001 au sens strict s'est effectué de telle manière que les sommes reçues avec le nouveau financement soient égales à celles obtenues avec le précédent financement.

Impôts rétrocédés et levés par les régions

Les impôts rétrocédés et les impôts levés par les régions représentent 20 % des recettes sur la période 1987-1991. Seules les taxes sur les successions et donations, la fortune, les transactions foncières, les actes juridiques et les jeux sont cédées. Les ressources fiscales des régions furent accrues en 1997, ce qui permis une augmentation de la part de ces ressources dans les recettes totales des régions de 1/4 à 1/2. Initialement, 15 % de l'IRPP perçu dans leur juridiction fut cédé aux communautés autonomes. La cession de l'IRPP se fit par la division du barème initial de l'IRPP en deux barèmes. Le 1 er égal à 85 % était destiné à l'Etat, le 2 e était le barème régional correspondant aux 15 % restants. Ce pourcentage passa à 30 % avec le transfert de l'éducation aux communautés autonomes (en 1998). Les régions eurent par ailleurs la possibilité de créer leurs propres déductions sur l'IRPP et d'en modifier les taux marginaux, qui peuvent varier de plus ou moins 3 %. Depuis 1997, les régions peuvent modifier, dans une certaine mesure, les taxes cédées précédemment. Elles peuvent aussi créer des taxes, du moment qu'il n'y a pas de double imposition d'une même activité économique.

Fonds de compensation inter territorial

Le FCI ( fondo de compensacion interterritorial ) est alimenté par l'administration centrale et vise à aider les régions défavorisées, notamment dans le cadre de nouveaux investissements d'infrastructure. Son système a été modifié en 1990 pour que seules les régions ayant un PIB/habitant inférieur à 75 % de la moyenne européenne puissent en bénéficier. Auparavant, toutes les régions pouvaient obtenir des fonds du FCI et les modalités du système de distribution et les coefficients de pondération étaient tels que les régions les plus développées obtenaient des sommes assez importantes. Ainsi le FCI, qui était initialement utilisé pour financer les nouveaux investissements concernant les services transférés aux régions, a bénéficié aux régions développées qui ont pris en charge de nombreuses compétences. Par ailleurs, un poids important était accordé au solde migratoire (20 %), ce qui a favorisé certaines régions riches avec un solde négatif, en raison du retour dans les années 1980 dans leur région d'origine de personnes ayant émigré dans les communautés prospères dans les années 1970. Le partage de ce fonds entre les régions se fait désormais selon les pondérations suivantes : 87,5 % pour la population, 1,6 % pour l'émigration nette, 1 % pour le taux de chômage, 3 % pour la superficie, 6,9 % pour la dispersion de la population. Le FCI reçoit chaque année une dotation au moins égale à 35 % des dépenses d'investissement civil approuvées dans le budget national.

Les autres transferts comprennent :

Les transferts de la communauté européenne, en particulier en provenance du fonds européen de développement régional (FEDER).

Les subventions et les transferts en capital de l'Etat aux régions, dans le cadre de programmes spécifiques, les aides à l'investissement pour des projets d'intérêt national et les subventions accordées aux gouvernements régionaux pour les compétences sociales dont elles ont la charge (y compris la santé pour les régions concernées).

Une garantie est prévue pour ajuster les revenus des régions, si les recettes fiscales au niveau national ou les recettes des régions tirées de l'IRPP n'augmentent pas autant que le PIB national.

Système en 2002

En juillet 2001, le système de financement des communautés autonomes a été réformé en profondeur, avec l'adoption d'un régime de financement stable, en remplacement des accords quinquennaux en vigueur depuis le début du processus de décentralisation en 1980. Par ailleurs, en décembre 2001, un accord a organisé le transfert de la gestion des dépenses de santé aux 10 régions qui ne les contrôlaient pas encore (Aragon, Asturies, Iles Baléares, Cantabrie, Castille-La Manche, Castille-Léon, Estrémadure, La Rioja, Murcie, Madrid). Le fait que seules les régions acceptant d'assumer la santé puissent bénéficier du nouveau modèle de financement a incité les régions à accepter ce transfert de compétences. Afin d'assurer aux régions des sources de revenu stables, leurs prérogatives en matière de gestion fiscale sont augmentées.

Les régions perçoivent désormais 33 % de l'IRPP (contre 30 % auparavant pour la plupart des régions) et la totalité des impôts sur le patrimoine, les successions et les donations. Elles bénéficient de plus pour la première fois d'une partie des impôts indirects : 35 % de la TVA, 100 % des taxes sur l'électricité et l'immatriculation des véhicules, et 40 % des taxes sur les alcools, les carburants et les tabacs.

Un impôt spécifique est créé pour financer le transfert des dépenses de santé aux communautés autonomes. Il s'agit d'une taxe de 2 centimes d'euro par litre sur les hydrocarbures. Les gouvernements régionaux peuvent l'augmenter de 1 centime d'euro à partir du 1 er janvier 2002, puis en 2003 et en 2004.

L'objectif de ce système est de renforcer la coresponsabilité fiscale des régions, qui continueront de pouvoir modifier les taux des impôts directs et le système de déductions. Ceci leur permet donc d'avoir, non seulement un large pouvoir sur les dépenses (elles vont gérer 51,5 milliards d'euros), mais aussi sur les recettes. Pour respecter la loi de stabilité budgétaire qui entre en vigueur le 1 er janvier 2002 et impose l'équilibre budgétaire à tous les niveaux de l'administration, les régions désirant dépenser plus, devront accroître leur pression fiscale.

Outre les anciens impôts sur lesquels le pouvoir des régions s'accroît et les nouveaux impôts cédés aux CA, un fonds de suffisance a pour but de compléter les besoins des différentes communautés. Il doit couvrir la différence entre les besoins des régions et les ressources fiscales de l'année de base (1999 ici). Cette somme évolue ensuite chaque année de façon à rester constante en pourcentage des ITE ( ingresos tributarios del estado ). Le calcul des besoins de chaque communauté repose sur différentes variables en fonction des compétences gérées :

Pour les compétences générales, les critères sont la population (94 %), la superficie (4,2 %), la dispersion de la population (1,2 %) et l'insularité (0,6 %).

Pour le domaine de la santé, les besoins sont calculés en fonction de la population couverte (75 %), de la population de plus de 65 ans (24,5 %) et de l'insularité (0,5 %).

Enfin, la seule variable influant sur les besoins de services sociaux est la population de plus de 65 ans.
Avec ce système, les régions sont assurées de recevoir au moins le montant de leurs besoins en 1999.

Par ailleurs, un fonds de déplacement est mis en place afin de tenir compte des régions soignant des malades d'autres communautés. Les régions continueront de recevoir des transferts de l'Etat et de bénéficier des mécanismes de redistribution (FCI et fonds structurels de l'UE).

Désormais, les dépenses publiques des régions autonomes (45 % des dépenses publiques totales) sont plus importantes que celles de l'administration centrale (40 %), les municipalités conservant les 15 % restants.

Références bibliographiques

GORDO L. et P. HERNANDEZ DE COS, 2001 : The financing arrangements for the regional autonomous governments for the period 1997-2001 , Banco de Espana, Documento de trabajo n°0003.

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MINISTERIO DE HACIENDA, 2000-2001 : presentacion del proyecto de presupuestos generales del estado 2001 .

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MINISTERIO DE HACIENDA, 2001 : el gobierno informa , 10 septiembre 2001.

MINISTERIO DE HACIENDA, 2001 : el gobierno informa , 22 noviembre 2001.

MINISTERIO DE HACIENDA, 2002 : el gobierno informa , 20 avril 2002.

OCDE, 1984-2001 : Etudes économiques de l'OCDE : Espagne, Paris.

Chapitre 3. 6 : Les réformes fiscales aux Pays-Bas

Odile Chagny

Les Pays-Bas ont un taux de prélèvement obligatoire proche de la moyenne de l'UE. Depuis 1990, ils ont réussi à améliorer leur solde public tout en réduisant leur taux de prélèvement obligatoire par une stricte politique de dépenses publiques. Depuis la réforme fiscale de 2001, leur système fiscal présente quatre originalités : l'impôt sur le revenu est cédulaire, progressif pour les revenus du travail, proportionnel pour les revenus du capital ; un crédit d'impôt sur les revenus du travail vise à augmenter l'incitation au travail et au travail à temps plein ; l'impôt sur les revenus du capital porte sur un revenu fictif uniforme de 4 % du patrimoine net ; enfin, la fiscalité écologique monte en puissance.

I. Une mise en perspective

Les Pays-Bas se caractérisent par un taux de prélèvement obligatoire proche de la moyenne des pays de l'UE (42,4 % en 1999 contre 43 % dans l'UE), une part relativement élevée des prélèvements sociaux (39,4 % contre 30,6 % en moyenne dans l'UE en 2000), qui s'explique par un niveau de protection sociale élevé, ainsi que par une part faible de l'impôt sur le revenu (25,2 % contre 32,3 % en moyenne dans l'UE en 2000), reflet des allégements mis en oeuvre au début des années 1990. La part de la fiscalité locale est minime (5 % des recettes fiscales) : le principal impôt local est l'impôt foncier ; il n'existe pas d'impôt local sur les entreprises.

Les Pays-Bas sont avec l'Irlande l'un des rares pays de l'UE où, dans les années 1990, l'amélioration du solde public s'est accompagnée d'une réduction du taux de prélèvement obligatoire (tableau 1). La consolidation budgétaire mise en oeuvre par la coalition de centre gauche au pouvoir de 1994 à 2002 est passée essentiellement par un contrôle des dépenses (46,4 % du PIB en 1991, 40 % en 2000), via la mise en place de règles budgétaires strictes. L'évolution des recettes fiscales a été pour beaucoup conditionnée dans les années 1990 par les effets de la grande réforme fiscale de 1990, mise en oeuvre à la suite des recommandations de la Commission Oort. L'objectif de cette réforme était de mener de front l'abaissement des taux de l'impôt sur le revenu (le taux marginal supérieur a ainsi été abaissé de 72 % à 60 %) et la suppression de certains avantages fiscaux. La base imposable a été élargie d'un tiers ; l'objectif de simplification du système fiscal est également passé par une réduction du nombre de tranches (de 9 à 4). L'allégement net pour les ménages s'est monté à 1 % du PIB (Bach, 2000). La simplification du système fiscal souhaitée par la réforme de 1990 était cependant inachevée, le recours accru aux exemptions (régime d'assurance-vie et déductibilité des intérêts sur les crédits à la consommation par exemple) se traduisant par une érosion de la base imposable. La réforme de 1990 s'est accompagnée d'une réduction des taux de cotisation sociale employeur (de 40 à 20 %), le financement de la Sécurité sociale ayant été intégré dans l'impôt sur le revenu, ce qui est conforme à son caractère béveridgien.

La combinaison de taux marginaux supérieurs élevés et de prestations sociales forfaitaires reste considérée par certains comme un frein à l'incitation au travail, au moment même où un certain nombre de mesures d'incitation à l'offre (durcissement des conditions d'éligibilité au régime d'invalidité) et à la demande de travail (réduction de cotisations sociales en faveur des bas salaires pour les employeurs, réductions d'impôts pour l'embauche de chômeurs de longue durée) étaient mises en oeuvre.

Enfin, les Pays-Bas se sont lancés dès la fin des années 1980 dans le développement de taxes écologiques et ce mouvement s'est poursuivi depuis.

La grande réforme fiscale entrée en vigueur en janvier 2001 (accord en 1998, vote au parlement en septembre 1999) accentue radicalement les réformes engagées au début des années 1990 : simplification, incitation au travail, réduction du coût du travail, promotion d'une politique de développement durable. Les trois objectifs mis en avant sont la simplification, la justice et la stabilité.

Tableau 1 : Structure des prélèvements obligatoires

 

En % du PIB

En % du prélèvement des APU

 

1991

1992

1995

1998

2000

2001

1991

1992

1995

1998

2000

2001

Total prélèvements

41,8

41,5

39,2

39,1

40,4

39,2

100

100

100

100

100

100

Total fiscalité :

26,5

25,8

23,1

23,7

24,3

24,8

63,6

62,2

59,1

60,8

60,1

63,3

dont Impôts directs

16,1

15,2

12,4

12,2

12,1

12,4

38,6

36,5

31,7

31,1

29,9

31,7

- Entreprises

3,3

3,0

3,2

4,4

4,2

4,4

8,0

7,2

8,1

11,2

10,5

11,1

- Ménages

12,6

12,0

9,1

7,6

7,6

7,8

30,3

29,0

23,3

19,4

18,8

20,0

dont Impôts indirects

10,4

10,7

10,7

11,6

12,2

12,4

24,9

25,7

27,4

29,6

30,2

31,6

Cotisations sociales

15,2

15,7

16,0

15,3

16,1

14,4

36,4

37,8

40,9

39,2

39,9

36,7

Hors cotisations sociales fictives.

Source : OCDE.

Graphique 1 : Taux de prélèvements obligatoires aux Pays-Bas

En % du PIB

Source : OCDE.

II. Les réformes des années 1990

1. L'imposition des sociétés

L'imposition des sociétés, qui n'a pas fait l'objet de réformes spécifiques dans les années 1990, repose sur un système de double imposition des bénéfices (tableau 2). Les bénéfices sont imposés à un taux de 35 %, un taux réduit de 30 % étant appliqué aux petits bénéfices. Plusieurs dispositifs sont mis en place pour compenser la double imposition. En particulier, les dividendes interentreprises tirés de participations substantielles dans des entreprises néerlandaises ou étrangères sont exonérés de l'impôt.

Tableau 2 : Imposition des entreprises

Système classique :

Double imposition des bénéfices (entreprise et actionnaire).

Taux :

Taux de 30 % pour les petits profits (inférieur à 22 689 €), 35 % au-delà.

Gains en capital interentreprises :

Imposables à la réalisation (inclus dans la base imposable) compensables par les pertes.

Mais les gains en capital tirés de participations substantielles (5 % et plus du capital) dans d'autres entreprises, néerlandaises ou étrangères, sont exonérées de l'impôt sur les sociétés.

Mécanismes de compensation de la double imposition :

Pour les entreprises : les dividendes tirés de participations substantielles (5 % et plus du capital) dans d'autres entreprises, néerlandaises ou étrangères, sont exonérées de l'impôt. En cas de participation substantielle, les pertes ne sont pas déductibles.

Dividendes :

Retenue à la source non libératoire de 25 % pour les dividendes.

Source : Ministère des finances.

Le taux d'imposition effectif moyen (celui que supporte un investissement type), qui rapporterait avant impôt une rentabilité de 20 %, se situe avec 31 % dans la moyenne européenne et est donc supérieur à celui de l'Irlande et des pays du Nord de l'Europe. En revanche, un certain nombre de dispositifs du droit fiscal des sociétés sont très favorables à l'implantation de holdings aux Pays-Bas. Les entreprises faisant partie d'un groupe international peuvent ainsi constituer des réserves spéciales allant jusqu'à 80 % du revenu financier qualifié (essentiellement intérêts et royalties). Par ailleurs, les gains en capital tirés de participations substantielles (5 % et plus du capital) dans d'autres entreprises, néerlandaises ou étrangères, sont exonérés de l'impôt sur les sociétés.

2. Les réformes de l'impôt sur le revenu

L'imposition des revenus a fait l'objet d'une réforme d'envergure en 2001, qui modifie radicalement le traitement des différents types de revenus.

L'imposition des revenus avant la réforme de 2001

L'impôt sur le revenu reposait avant la réforme de 2001 sur un barème progressif par tranches appliqué à l'ensemble des revenus (salaires, pensions, revenus du capital, revenus d'une activité indépendante, autres revenus courants).

Les contribuables bénéficiaient d'un abattement de base (8 950 florins, soit 4 061 euros). Les couples sont imposés séparément, mais un conjoint de revenu nul ou inférieur à 8 523 florins, peut transférer sur l'autre conjoint un abattement de ce montant. Pour un couple où l'un des deux conjoints seul travaille, l'abattement se montait donc à 17 473 florins (soit 7 929 euros). Un abattement de 12 % était accordé aux salariés à titre de compensation des frais professionnels. Les personnes âgées bénéficiaient d'abattements spécifiques. Les enfants ne donnaient pas droit à réduction d'impôt, sauf pour les parents célibataires.

Depuis 1990, les cotisations sociales générales, qui financent l'assurance vieillesse, les pensions de réversion, les allocations familiales et les prestations maternité, sont supportées par l'ensemble des contribuables, et donc intégrées dans les deux premiers taux de l'impôt sur le revenu. Les autres cotisations sociales ne sont supportées que par les salariés (assurance maladie, invalidité et chômage).

Les dividendes provenant de participations substantielles (participations supérieures à 5 %) étaient soumis à un prélèvement à la source libératoire de 25 %, l'application d'un taux réduit étant destinée à compenser l'absence d'avoir fiscal. Pour les mêmes raisons, un abattement de 1 000 florins (soit 454 euros) était appliqué pour les autres dividendes, soumis par ailleurs à un prélèvement à la source non libératoire de 25 %. Les revenus d'intérêts n'étaient pas imposés à la source.

La réforme de l'impôt sur le revenu de 2001

La réforme modifie radicalement le traitement des différents types de revenus en introduisant un système cédulaire. Elle vise d'une part à poursuivre l'effort de simplification de la fiscalité et à garantir la stabilité de la fiscalité. Elle est enfin axée sur l'incitation au travail par l'introduction d'un nouveau crédit d'impôt et la baisse des taux marginaux d'imposition.

La réforme introduit un système cédulaire dont la logique générale est de traiter séparément les revenus du travail et du capital. Trois boîtes sont distinguées (tableau 3), chacune intégrant des catégories spécifiques de revenus, imposées selon des logiques différentes, sans compensation entre les différentes boîtes.

La première boîte couvre les revenus du travail (salarié ou indépendant), ainsi que les loyers fictifs des résidences principales. Ces revenus sont imposés selon un barème progressif, qui comprend comme auparavant quatre tranches. Les taux d'imposition marginaux sont abaissés, en particulier pour les hauts revenus.

La principale innovation relative à l'imposition des revenus du travail réside dans le remplacement du système d'abattements par différents crédits d'impôts, dont un crédit supplémentaire pour les personnes ayant un emploi. Un crédit de base est accordé à chaque contribuable. Les conjoints qui ne travaillent pas en bénéficient (de sorte qu'ils ne sont pas désincités à travailler). Des crédits supplémentaires sont accordés aux contribuables ayant des enfants à charge et aux personnes âgées. Enfin, un crédit d'impôt est accordé à toute personne ayant un emploi, salarié ou non. Très faible pour les revenus inférieurs à un demi salaire minimum, il croît ensuite de manière linéaire pour plafonner à 920 euros (en 2001) (graphique 2). Son objectif est triple : il réduit la désincitation fiscale à travailler pour les faibles qualifications, il accroît l'incitation pour les bas revenus à passer d'un temps partiel à un temps plein, tandis que sa non dégressivité atténue la progressivité de l'impôt.

Graphique 2 : Règles de calcul du crédit d'impôt d'emploi

En euros



Source : Ministère des finances.

L'individualisation de l'impôt est renforcée, les conjoints qui paient l'impôt sur leur revenu propre ne pouvant utiliser que les déductions qui leur sont propres. Par contre, le partage des revenus communs au couple (comme les loyers fictifs) et les charges communes (comme les dépenses liées à l'éducation des enfants) est laissé à l'appréciation du couple.

Les revenus provenant de participations substantielles (tableau 3), qui sont inclus dans la deuxième boîte, continuent d'être soumis à un prélèvement libératoire de 25 %. Par contre, de profondes modifications sont introduites pour la taxation des autres revenus du capital, qui font l'objet de la troisième boîte. Ces revenus sont désormais imposés sur la base d'un taux de 30 % appliqué au rendement fictif de 4 % du patrimoine net ; l'impôt sur le patrimoine est en conséquence supprimé 155 ( * ) . L'objectif est d'introduire une neutralité entre placements. Le nouveau mode d'imposition élimine l'arbitrage en faveur des placements générant des gains en capital, auparavant exonérés de l'impôt sur le revenu ; il est fiscalement neutre entre dividendes et bénéfices réinvestis. Le gouvernement escompte de cette plus grande neutralité fiscale un dynamisme plus soutenu des marchés de capitaux, à même de favoriser les investissements en recherche et développement. Si le nouveau mode d'imposition garantit une plus forte stabilité des recettes fiscales, il comporte aussi certains risques pour les contribuables, puisque le rendement fictif ne tient pas compte de leur capacité financière effective.

Tableau 3 : Architecture générale de l'impôt sur le revenu

Boîte 1

Boîte 2

Boîte 3

Base imposable : Revenus du travail (y compris les entrepreneurs individuels et la production de services de logement pour les propriétaires occupants) :

Revenus imposés :


Salaires, traitements, pensions de vieillesse (y compris annuités d'assurance vie), prestations sociales, revenus d'une activité indépendante, loyers fictifs résidence principale (hors intérêts hypothécaires)

Base imposable :

Dividendes, intérêts et gains en capital provenant d'une participation substantielle. (5 % et plus du capital)

Base imposable :

Patrimoine net mondial.

Exonérations : résidence principale, « fonds environne-mentaux », fonds éthiques, capital risque initial en cas de création d'une entreprise, objets d'arts [sauf investissement].

Crédits d'impôt :

Remplacement de l'abattement standard par un crédit d'impôt de1576 euros par personne et par an non remboursable, quelle que soit sa situation (qu'elle travaille ou non)

Crédits d'impôt supplémentaires :

Emploi (salarié ou non)

-- Introduction d'un crédit d'impôt pour les personnes qui ont un emploi. Le crédit est plafonné à 920 euros (au salaire minimum).

Famille

-- Crédit d'impôt pour enfant à charge (38 €) [enfant à charge <16 ans] et revenus du couple inférieur à 54 501 €

-- Crédit d'impôt supplémentaire pour enfant de moins de 16 ans à charge (192 €) pour les revenus inférieurs à 27 251 €.

-- Crédit d'impôt pour enfant à charge de moins de 12 ans (138 €) et accordés quand le revenu est supérieur à 3 938 €

-- Crédit d'impôt pour parents célibataires qui travaillent (1261 €) [enfant <27 ans à charge]

-- Crédit d'impôt supplémentaire pour parent célibataire pour enfant de moins de 12 ans à charge (4.3 % du revenu plafonné à 1 261 €)

Vieillesse

-- Crédits d'impôt supplémentaire pour les personnes >65 ans (248 € maximum) [revenu inférieur à 27 704 €). En contrepartie : les autres crédits d'impôt sont minorés pour > 65 ans.

Pertes et charges déductibles.

Abattement : valeur du patrimoine de 17 600 € , majorée de 2 349 € pour chaque enfant < 18 ans.

La déductibilité des intérêts versés est supprimée.

Taux d'imposition :

Avant réforme : 4 tranches, taux min 33,9 % jusqu'à 15 300 florins (4,5 + 29,4), 37,95 % entre 15,3 et 49 000 florins (8,55 + 29,4) 50 % (49 à 107 800 florins, 60 % au-delà).

En 2001 :

Quatre tranches 32.35 (2.95 + 29.4), 37.6 (8.2 + 29.4), 42 et 52 % (y compris contributions sociales (29,4 %) pour les deux premières).

Taux d'imposition :

Prélèvement à la source libératoire de 25 %.

Taux d'imposition :

Imposition du : rendement fictif (4 % net) du patrimoine net mondial (moyenne de la valeur du patrimoine au 1 er janvier-31 déc.) à un taux de 30 %. Soit 1,2 % de l'actif net.

Source : Ministère des finances.

Le financement de la réforme de 2001

La réforme a été financée pour partie par une augmentation de la TVA, par la majoration de l'écotaxe et par la suppression de certaines déductions, de sorte que l'allégement net est faible (tableau 4). Les allègements nets d'impôts sont importants pour les personnes célibataires ayant un emploi -- en particulier celles qui sont proches du salaire minimum, ainsi que pour les couples ayant deux revenus (OCDE 2000).

Tableau 4 : Financement de la réforme fiscale (en milliards d'euros)

Recettes

 

Dépenses

 

Réduction des déductions

4,4

Réduction des taux d'imposition

7

Augmentation de la TVA (passage du taux normal de 17,5 à 19 %)

2

Crédits d'impôt

3,6

Taxe environnementale (majoration)

1,7

 
 

Impôt sur les revenus imputés du patrimoine

0,2

 
 

Allégement net

8,3

 

10,6

Allègement net

2,3

 
 

Source : OCDE 2000.

2. Les réformes des cotisations sociales et la baisse du coût du travail

Avec un peu moins de 40 % de la rémunération salariale (OCDE, Taxing wages , 2000), le niveau des charges sociales est l'un des plus élevés des pays de l'UE. Des efforts importants ont été entrepris dans la seconde moitié des années 1990 pour réduire le coût du travail des travailleurs peu qualifiés, mais les dispositifs en place ont été récemment partiellement supprimés pour être remplacés par les mesures contenues dans la réforme de l'impôt sur le revenu. L'allégement des charges en faveur des bas salaires comporte deux mesures principales.

Le SPAK (abréviation pour réduction ciblée des cotisations sociales) a été introduit en janvier 1996. Il est ciblé sur les salaires inférieurs à 115 % du salaire minimum et consiste en un allégement permanent des charges sociales patronales. La réduction de charges se montait en 1996 à 538 euros par an, elle a été progressivement relevée et atteint 1 809 euros en 2002. La réduction de coût salarial est de l'ordre de 11 % (tableau 5).

Pour éviter les effets de seuil pour les salaires légèrement supérieurs à 115 % du salaire minimum, un dispositif supplémentaire a été introduit en janvier 1997 (le SPAK transitionnel), qui permet aux employeurs de bénéficier de la moitié du montant maximum du SPAK pour les salaires compris entre 115 et 130 % du salaire minimum. Cette mesure ne s'applique qu'aux salariés qui bénéficiaient auparavant au sein de la même entreprise des allégements du dispositif général. Le SPAK transitionnel est temporaire (limité à deux ans à partir de l'éligibilité au dispositif général). Ce dispositif a été supprimé en 2001 lors de la réforme de l'imposition des revenus.

Enfin, le champ d'application du dispositif SPAK général a été restreint en 1998 aux salariés travaillant plus de 36 heures hebdomadaires (contre 32 auparavant). Pour les salariés travaillant moins de 32 heures hebdomadaires, le seuil de 115 % a été abaissé et appliqué sur une base horaire, afin d'exclure du dispositif les salariés à temps partiel de rémunérations horaires élevées et de cibler les mesures sur les salariés à temps plein peu qualifiés.

Le dispositif d'allégement de charges sur les bas salaires est complété par une mesure ciblée sur les chômeurs de longue durée (de plus d'un an) ou âgés (de plus de 57,5 ans) (le VLW). Ce dispositif est limité à quatre ans. La combinaison des deux mesures permet aux entreprises de bénéficier d'allégements de 23 % du coût salarial. En 2001, le champ d'application de ce dispositif a été élargi aux personnes de plus de 50 ans et le seuil salarial d'application de 115 % a été relevé à 130 %.

En 1997, 88 % du groupe de salariés ciblé par le dispositif SPAK et 79,2 % du groupe ciblé par le SPAK transitionnel étaient touchés, soit au total environ un million de personnes, représentant respectivement 20 et 0,5 % de l'emploi salarié privé. Les salariés à temps partiel sont surreprésentés (76 % des salariés concernés par le dispositif, contre 33 % dans l'ensemble de la population salariée), ce qui s'explique par l'application récente d'un critère horaire dans l'attribution du dispositif. 72 % des salariés concernés ont un niveau d'éducation élémentaire ou secondaire. Selon une étude du Netherlands Economic Institute , les dispositifs en faveur des bas salaires auraient permis une augmentation de 54-64 000 personnes de l'emploi entre 1996 et 1998.

Tableau 5 : Réduction du coût salarial (en euros par an, pour un temps plein adulte en 1999)

Salaire minimum

Sans SPAK

Avec SPAK

Salaire net

Salaire brut

Salaire super brut

Total cotisations sociales

Cotisations salariés

Cotisations employeurs

SPAK en % du salaire super brut

10 177

13 922

17 040

6 862 (40,3 %).

3 745

3 117

--

10 177

13 922

15 230

5 053 (33,2 %)

3 745

1 308

10,6 %

Source : Ministère hollandais des affaires sociales et de l'emploi, 1999.

Tableau 6 : Taux de cotisations sociales en 2001

 

Plafond

Employeurs (total : 16 %)

Chômage (WW) : 3,65 % (générale) + supplémentaire 0.37

57 420 florins (2001) (26 056 euros)

Invalidité (WAO) : 6,1 % (générale) + supplémentaire (2,69 %)

87 957 florins (39 913 euros)

Maladie (6,25 %)

58 986 florins (soit 26 767 euros) (les salariés qui gagent plus de 65 700 florins (soit 29 813 euros) en sont exclus)

Salariés (total : 36,35 %)

Cotisations sociales générales (inclues dans l'IRPP) : 29,4 % des deux premières tranches de l'IR.

59 520 florins (soit 27 009 euros)

Autres cotisations :

 

Maladie (ZFW) 1,7 %

58 986 florins (soit 26 767 euros) (les salariés qui gagent plus de 65 700 (soit 29 813 euros) en sont exclus)

Chômage 5,25 %

57 420 florins (soit 26 056 euros), franchise à 13 140 euros

En ce qui concerne la réduction de la TVA sur les services à fort contenu en main-d'oeuvre, les Pays-Bas ont choisi de pratiquer le taux réduit sur les services de réparations aux ménages, de rénovation de logements et aux coiffeurs.

3. La fiscalité écologique

La fiscalité écologique a été introduite à la fin des années 1980. L'impôt sur les carburants a été introduit en 1988 et son produit affecté au financement de mesures de protection de l'environnement. Le revenu des taxes environnementales (TIPP, taxe automobile, écotaxe) représentait 8,7 % des recettes en 1985, cette part est montée à 14,1 % en 2001.

Les années récentes ont connu de nouveaux développements de la fiscalité écologique, qui sont allés de pair avec la diminution de la fiscalité directe. La taxe de régulation énergétique (l'écotaxe proprement dite) a été introduite en 1996 et a été progressivement relevée par la suite, le dernier relèvement ayant été mis en oeuvre en parallèle avec la réforme de l'impôt sur le revenu. Cet impôt est destiné à favoriser les économies d'énergie des consommateurs et des entreprises. Cet impôt taxe l'utilisation de gaz naturel, de fuel et d'électricité. Pour les deux impôts écologiques, des plafonds d'imposition sont fixés pour les gros consommateurs, afin de ne pas compromettre la compétitivité des entreprises (voir tableau 7).

Tableau 7 : Taux (eurocent par unité) de la taxe de régulation énergétique en 2001

 

Unité

Eurocent

Gaz

0 5000 m 3

12,03

 

5000 170 000 m 3

5,62

 

170 000 1 million m 3

1,04

 

>1millions m 3

0

Electricité

0 10 000 kWh

5,83

 

10 000 50 000 kWh

1,94

 

50 000 10 millions kWh

0,59

 

> 10 millions kWh

0

Source : Ministère des Finances.

Références bibliographiques

BACH S., W. SCHEREMET, B. SEIDEL, D. TEICHMANN, 2001 : « Internationale Entwicklungstendenzen nationaler Steuersysteme -- von der direkten zur indirekten Besteuerung ? », DIW Sonderheft 1/2 2001:

COMMISSION EUROPÉENNE, 1999 : « Reduction of non-wage labour costs, particulary for low-paid labour ».

INTERNATIONAL BUREAU OF FISCAL DOCUMENTATION, 2001 : « European Tax Handbook 2001 », Juhani Kesti L.L.M. Editeur.

MINISTÈRE DES FINANCES, 2001 : « Taxation in the Netherlands 2001 ».

MINISTÈRE DES FINANCES, 2001 : « Greening the tax system ».

OCDE, 1998 : Etude économique de l'OCDE, Pays-Bas.

OCDE, 2000 : Etude économique de l'OCDE, Pays-Bas.

OCDE, 2002 : Etude économique de l'OCDE, Pays-Bas.

* 1 Rapport du Sénat n° 483 (1998-1999), M. Philippe Marini, commission des finances : « La concurrence fiscale en Europe : une contribution au débat ».

* 2 Le taux implicite de taxation des entreprises rapporte les prélèvements directs sur les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés à leur excédent brut d'exploitation.

* 3 Le taux effectif moyen d'imposition des entreprises exprime les prélèvements sur le revenu des entreprises (impôt sur les sociétés + impôts sur les revenus reçus des entreprises), estimé à partir d'un taux de rendement donné.

* 4 Le coin fiscal marginal mesure l'écart entre le rendement avant et après impôt d'un investissement en tenant compte de la fiscalité sur les entreprises mais aussi de la fiscalité pesant sur l'investisseur (fiscalité des dividendes, des intérêts, etc.).

* 5 L'imposition du revenu des ménages comprend ici les impôts sur le revenu au sens des règles de Comptabilité nationale et les cotisations sociales.

* 6 Le choix d'un revenu inférieur (à 70 % du salaire moyen environ) aurait fait apparaître des taux moyens d'imposition nuls dans un grand nombre de pays.

* 7 Sont comparés successivement les taux moyens d'imposition d'un revenu égal à 5 fois le salaire moyen ouvrier et 0,7 puis 1 fois ce salaire et les taux moyens d'imposition d'un niveau égal à 3 fois le SMO et le SMO lui-même.

* 8 Le « coin sociofiscal » représente l'écart entre la charge salariale brute et la rémunération nette réellement perçue par le salarié.

* 9 Cette augmentation masque un mouvement de reflux à partir de 1994 puisque, après avoir atteint 28,5 % du PIB, le poids des dépenses de protection sociale a été allégé en raison d'une progression moins rapide que celle du PIB.

* 10 « Une nouvelle évaluation des effets des allégements de charges sociales sur les bas salaires ». Bruno Crépon et Rozenn Desplatz, Economie et Statistique n° 238, 2001-8.

* 11 INSEE - DP - DARES, 1999.

* 12 Le taux d'emploi mesure le nombre de personnes effectivement employées par rapport à la population en âge de travailler. Le taux d'activité mesure le nombre de personnes participant d'une manière ou d'une autre (emploi, chômage, formation) au marché du travail par rapport à la population en âge de travailler.

* 13 Le salaire de réserve est le niveau de salaire pour lequel le travailleur obtient le même niveau de satisfaction qu'il soit au chômage ou pourvu d'un emploi rémunéré à ce niveau. Un demandeur d'emploi refusera un emploi rémunéré à un niveau inférieur à son salaire de réserve, et acceptera un emploi rémunéré à un niveau supérieur.

* 14 Committee on Ways and Means (1998), Green Book .

* 15 Commission des finances, rapport d'information du Sénat n° 82 (1997/1998).

* 16 Revenu des ménages correspondant à la moyenne de chaque pays, prise en compte de la totalité des prélèvements locaux et sociaux.

* 17 Commissariat général du Plan, La place des actions dans le patrimoine des ménages, mesure et comparaisons, décembre 2002.

* 18 Thierry Laurent, Yannick L'Horty, « Fiscalité de l'épargne en Europe : une comparaison multi-produits », Revue d'économie financière, n° 64.

* 19 Commissariat général du Plan, La place des actions dans le patrimoine des ménages, mesure et comparaisons, décembre 2002.

* 20 En effet : un rendement nominal de 5 %, une fois imposé à 60 %, correspond à un rendement nominal net de 2 %. Si l'inflation est de 2 %, le rendement nominal réel est donc nul.

* 21 Commissariat général du Plan, La place des actions dans le patrimoine des ménages, mesure et comparaisons, décembre 2002.

* 22 Revenu des ménages correspondant à la moyenne de chaque pays, prise en compte de la totalité des prélèvements locaux et sociaux.

* 23 Une participation est dite substantielle à partir d'une certaine proportion du capital.

* 24 Revenu des ménages correspondant à la moyenne de chaque pays, prise en compte de la totalité des prélèvements locaux et sociaux.

* 25 Commissariat général du Plan, La place des actions dans le patrimoine des ménages, mesure et comparaisons, décembre 2002.

* 26 Malgré quelques divergences découlant de différences méthodologiques (comme la prise en compte des abattements). Ainsi, selon l'OFCE, « les Pays-Bas (...) ignorent la distinction entre le court terme et le long terme » et au Royaume-Uni  « l'imposition est décroissante avec la durée de détention ».

* 27 André Ferrand, rapport d'information fait au nom de la mission commune d'information du Sénat chargée d'étudier l'ensemble des questions liées à l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises, rapport n°386, 2000-2001.

* 28 Commissariat général du Plan, La place des actions dans le patrimoine des ménages, mesure et comparaisons, décembre 2002.

* 29 Là encore, la méthodologie retenue peut conduire à des appréciations différentes. Ainsi, selon le rapport du commissariat général du Plan, dans le cas des Pays-Bas le taux marginal effectif de prélèvement pour un ménage de revenu moyen serait de 50 % pour les obligations et 69 % pour les dividendes.

* 30 Rapport d'information du Sénat n° 82 (1997/1998).

* 31 Selon le quatrième principe, « il vaut mieux essayer d'agir sur la structure de l'épargne que sur son volume. La fiscalité est impuissante à modifier le volume de l'épargne, en revanche elle est très influente sur la structure de l'épargne, c'est à dire sur l'orientation des placements ». Selon le sixième principe, « la fiscalité de l'épargne doit (...) favoriser les titres de fonds propres plutôt que les titres de dettes ».

* 32 Seuls le Danemark, l'Espagne, la France, les Pays-Bas et la Suède ont un système obligatoire d'échange d'information.

* 33 Dans le rapport d'information précité, notre collègue reproduisait le fac-similé d'un document publicitaire d'une banque luxembourgeoise, qui démarchait des épargnants français en leur promettant le secret fiscal.

* 34 Les trois autres (Luxembourg, Belgique, Autriche) devant instaurer une retenue à la source sur les revenus de l'épargne, dont 75 % seront reversés à l'Etat du contribuable.

* 35 « L'absence d'échange d'information, peut en dépit du pré-paiement de l'IS et de la retenue à la source, rendre dans certains cas la fraude intéressante. C'est le cas pour un épargnant français qui supporterait, en détenant des actions au Luxembourg, un taux d'IS de 30 % et une retenue à la source de 15 % en fraudant, et un taux d'IS de 30 % plus l'IR français à 52,75 % sans frauder ».

* 36 Le Figaro, 21 mai 2003.

* 37 La Community Charge (Poll Tax) était un impôt dont le montant était identique pour tous les contribuables, quel que soit leur niveau de revenu. Son montant était déterminé au niveau du district. La Community Charge a été remplacée par la Council Tax en avril 1993. La Council Tax est une taxe d'habitation, assise sur la valeur du logement (que l'occupant en soit locataire ou propriétaire). La logique de la Poll Tax n'a pas totalement disparu, la taille du ménage étant partiellement prise en compte (les ménages d'une seule personne bénéficient en effet d'une réduction de 25 %). La Council Tax correspond à 30 % des recettes des collectivités locales en Grande-Bretagne.

* 38 D'autres typologies sont possibles. Ainsi, en retenant des évaluations légèrement différentes de l'autonomie fiscale, M. Jacques Blanc propose de distinguer, outre le « modèle scandinave », un « modèle hanovrien » (Allemagne, Angleterre, Pays-Bas), où l'autonomie fiscale des collectivités locales est faible, et un « modèle latin » (Italie, France, Espagne) intermédiaire (Finances locales comparées, L. G. D. J., 2002).

* 39 Dans l'ensemble du rapport, le terme de fiscalité est utilisé pour désigner l'ensemble des prélèvements obligatoires, comprenant donc les impôts et les cotisations sociales.

* 40 De 2000 à 2040, la hausse des dépenses de retraites dans le PIB de la zone euro devrait être de 5,8 points selon Chagny et alii (2001), de 3 points selon les projections des gouvernements.

* 41 Ces systèmes, où la part des impôts indirects est plus élevée que la moyenne, peuvent être qualifiés d'archaïques puisqu'ils sont proches de ceux en vigueur dans les pays européens au début du XX e siècle, et que la part des impôts qui s'appuient sur la capacité contributive des citoyens et permettent la redistribution y est plus faible qu'ailleurs.

* 42 Voir notamment le dossier sur les évolutions et les réformes des retraites en Europe (Chagny, Dupont, Sterdyniak et Veroni, 2001). Sur les interrogations concernant l'avenir et les choix envisageables, voir par exemple, Dupont et Sterdyniak, 2000.

* 43 Sur la théorie et la réalité de la concurrence fiscale, voir Marini (1999), Hugounenq, Le Cacheux et Madiès (1999), Le Cacheux (2000).

* 44 Voir notamment Sterdyniak et Villa, 1999.

* 45 Pour une analyse plus détaillée de ces questions, voir Dupont, Le Cacheux, Sterdyniak et Touzé (2000) ; Dupont, Sterdyniak (2001).

* 46 Voir, à ce propos : Dexia, 2002 ; Dafflon, éd., 2002. Ce dernier ouvrage met en outre l'accent sur un aspect important des finances publiques locales européennes, à savoir le contrôle des déficits budgétaires et de l'endettement des collectivités locales, qui sont partout en Europe les principaux investisseurs publics. Le Pacte de stabilité impose, en effet, des limites sur le déficit du secteur public ce qui implique d'imposer aux collectivités locales une certaine discipline budgétaire.

* 47 Il est, par exemple, choquant que la France ne puisse décider seule du taux de TVA qu'elle applique aux coiffeurs, aux restaurants, aux disques... En sens inverse, les instances communautaires doivent vérifier qu'un mouvement de TVA ne masque pas une stratégie protectionniste. Le point délicat est de savoir quels doivent être les critères de décision. Un pays a-t-il le droit de favoriser la consommation de services qui, par définition, ne sont pas importés ?

* 48 Sur les risques de concurrence fiscale et sociale en Europe, voir également la discussion dans Fitoussi et Le Cacheux, éds., 2002.

* 49 Les propositions les plus récentes de la Commission (Commission européenne, 2002) privilégient l'harmonisation de l'assiette, mais celle-ci est insuffisante pour éviter la concurrence fiscale sans accord sur les taux ou sans application stricte du principe de source.

* 50 Même si ce principe est fragilisé par les pratiques d'optimisation fiscale des entreprises multinationales.

* 51 Le déficit public a été réduit de 3,8 points de PIB, grâce à une hausse des recettes fiscales de 1,8 point de PIB, une baisse des charges d'intérêt de 0,8 point, une baisse des dépenses primaires de 1,2 point.

* 52 « Les sommes réellement consacrées par les pays à la politique sociale : une étude comparative », Revue économique de l'OCDE, N°28, 1997.

* 53 Si les décisions fiscales demeurent la prérogative des nations et donc du Conseil statuant à l'unanimité, la surveillance de la mise en oeuvre du marché unique et des pratiques anticoncurrentielles est du ressort de la Commission.

* 54 On parle de situation efficace lorsque le capital est alloué aux projets qui ont les taux de rendement avant impôt les plus élevés. La création d'un nouvel espace économique suppose une réorganisation du capital sur l'ensemble du territoire qui réponde à des impératifs purement économiques. De nouvelles opportunités d'investissement apparaissent, voire certains projets peuvent avoir en fonction de leur relocalisation géographique un taux de rendement avant impôt plus élevé (main d'oeuvre plus qualifiée etc.). La présence d'écarts d'imposition importants fausse cette réorganisation en ce sens que les entreprises sont alors sensibles non plus au taux de rendement avant impôt mais au taux de rendement après impôt. La productivité du capital est réduite, ce qui nuit à la compétitivité internationale de l'Union, minore la production totale et y abaisse le niveau de vie. De façon générale, toute action motivée uniquement par des considérations fiscales entraîne une perte pour la collectivité. Cela ne signifie pas que le taux d'imposition doit être nul, mais que des mécanismes doivent être mis en place pour que les prélèvements fiscaux n'induisent pas de modifications de comportements.

* 55 Voir note (2).

* 56 Dans ce type de raisonnement, ce n'est pas le montant du prélèvement qui est source de distorsions mais sa forme. La présence de taux marginaux non nuls est susceptible de désinciter au travail ou à l'investissement.

* 57 Voir note (2).

* 58 Rapport du Sénat « Mondialisation : réagir ou subir ? La France face à l'expatriation des compétences ».

* 59 Il existe en effet en France une exception au principe de la source : le régime du bénéfice consolidé qui permet à un groupe de sociétés constitué de filiales détenues à plus de 50 % par la société mère de consolider les pertes et les bénéfices de l'ensemble de ses filiales ou succursales sur le plan mondial, c'est à dire de filiales qui, pour certaines, ne sont pas résidentes.

* 60 Les résultats d'une succursale peuvent être imposés une première fois dans son pays d'implantation (que celui-ci applique le principe de la source ou de la résidence et impose les non résidents) et une deuxième fois au niveau de la société mère. Ces cas de double imposition sont en partie résolus par l'existence de conventions bilatérales. Mais ce type de solution s'avère insatisfaisant. La multiplication de ces conventions rend peu lisible le système européen dans son ensemble.

* 61 Ce régime est assez largement répandu en France puisque, d'après les statistiques, 6 000 groupes au sens fiscal du terme -- c'est-à-dire ceux formés de filiales détenues à 95 % au moins par la société mère -- bénéficient de ce régime qui concernent ainsi 23 000 sociétés. Ce régime va très au-delà des grands groupes et s'applique tant aux groupes de petite taille qu'aux grandes PME puisque 90 % des 6 000 groupes concernés ont moins de cinq filiales et que la moitié n'en a qu'une. Il est assez comparable à celui de nos partenaires qui, en général, le réservent à leurs filiales résidentes détenues à plus de 90 %.

* 62 On pourrait rajouter qu'en outre le traitement asymétrique des filiales et des succursales n'a aucune rationalité économique, qu'il crée des distorsions quant à la structure juridique des groupes et constitue une incitation à l'optimisation fiscale.

* 63 Certains pays appliquent une version plus favorable que la directive avec des seuils de possession plus faibles (5 % ou 10 % par exemple).

* 64 Par exemple, la convention franco-italienne (qui est symétrique) stipule que le taux de retenue à la source sur les dividendes distribués par une société française à une société italienne est de 15 %. Cette retenue à la source est remboursée à la société italienne par l'Italie. La France accorde par ailleurs le bénéfice de l'avoir fiscal (au taux de 50 %) si la société italienne paie l'IS en Italie sur les dividendes reçus. Au total, ces dividendes n'ont supporté que l'IS italien et les deux pays se sont partagés les recettes. La France a perçu le taux de retenue à la source et une partie de l'IS. I'Italie a perçu une partie de son IS moins le taux de retenue à la source. Dans le cadre de la convention franco-allemande, le traitement fiscal de la circulation des dividendes entre la France et l'Allemagne est identique à celui de la convention franco-italienne, mais l'Allemagne ne pratiquant pas l'avoir fiscal, la symétrie n'est donc plus respectée. Dans ce cas de figure, la France accorde aux entreprises qui reçoivent des dividendes d'origine allemande un crédit d'impôt ne pouvant excéder l'impôt français.

* 65 D'autres techniques existent pour transférer le bénéfice : la répartition des dépenses des frais de recherche, les prêts entre filiales, la sous-capitalisation.

* 66 En France, l'administration fiscale peut réintégrer dans les résultats d'une entreprise résidente les pertes ou bénéfices résultant de manipulation des prix de transferts. Ce dispositif a été renforcé par l'allongement du délai de reprise de l'administration dans le cadre d'une procédure qui fait souvent appel à l'assistance fiscale internationale.

* 67 Rapport Charzat « Attractivité du territoire » et Rapport de l'Etat de l'Union 2002.

Aérospatiale Matra (France), Dasa (Allemagne) et Casa (Espagne) ont fusionné pour donner naissance au groupe EADS, groupe européen de l'aéronautique, l'espace et la défense localisé au Pays-Bas.

* 68 Pour bénéficier du régime de l'exonération, les opérations de fusion doivent au préalable obtenir un agrément administratif. Dans le cadre des opérations d'apport partiel d'actifs, l'apporteur de ressources et la société bénéficiaire sont imposés. Pour les opérations de scissions, les actionnaires doivent conserver leur titre pendant trois ans, sauf ceux détenant moins de 5 % etc.

* 69 COM 2001(582).

* 70 La Commission, tout comme les entreprises, est défavorable à l'institution d'un taux unique. En 1997, la proposition d'un impôt sur les bénéfices (consolidés) européen (base et taux unique) avait été émise. Il n'en est plus question aujourd'hui.

* 71 Le plan prévoyait de faire passer les taux de {12 ; 25 ; 35 ; 45 ; 50 ; 56,8} sur les revenus de 1995 à {7 ; 20 ; 28 ; 35 ; 41 ; 47} sur les revenus de 2000.

* 72 Dans les dix dernières années, un important dispositif d'exonération fiscale a été progressivement supprimé : la déductibilité des intérêts hypothécaires ( Mortgage Interest Tax Relief , MITR) a été plafonnée dès 1974. Par la suite, le plafond a augmenté beaucoup moins rapidement que l'inflation, ce qui a mécaniquement réduit les charges déductibles en terme réel. Finalement, le MITR a été supprimé.

* 73 Cette approche stipule que chacun doit participer aux dépenses de la nation à proportion de ses capacités contributives.

* 74 Au sein du marché européen, les mouvements d'épargne peuvent générer d'autres types d'inefficacité si tous les agents économiques ne peuvent avoir accès indifféremment à l'ensemble des places financières européennes (les PME par exemple) Mais cette question, pour importante qu'elle soit, relève d'une autre problématique que celle de la fiscalité.

* 75 Avec des divergences cependant selon les pays. La plupart des pays accorde la déductibilité des intérêts d'emprunts pour les achats immobiliers de la résidence principale. La France l'a récemment supprimée mais accorde un traitement très avantageux à l'investissement immobilier locatif.

* 76 Ils dépendent en outre de la situation familiale de l'épargnant.

* 77 Les profits non distribués sont des revenus non fictifs et à ce titre doivent être imposés. D'une certaine façon, ils peuvent être comparés à des revenus distribués que l'actionnaire aurait décidé de réinvestir instantanément dans l'entreprise, la maîtrise de cette décision lui étant fictivement attribuée. Ces profits réinvestis ont pour effet d'accroître (d'un montant théoriquement égal à leur rendement actualisé) le cours de l'action. Cependant, leur montant diffère de la plus-value boursière des titres durant la même période.

* 78 Les systèmes aboutissent généralement à la surtaxation des profits distribués par rapport aux profits non distribués, ce qui induit une asymétrie dans les modes de financement, l'autofinancement étant favorisé par rapport à l'émission d'actions. Les conséquences de ce différentiel d'imposition sur le comportement des épargnants ne font cependant pas l'unanimité. Si l'on considère que la distribution de dividendes représente un signal envers les actionnaires de la bonne santé de l'entreprise, alors leur surimposition fiscale favorise les entreprises « matures » (qui s'autofinancent) par rapport aux entreprises en création. Par ailleurs, l'imposition au taux de l'IS du profit non distribué, à un taux inférieur à celui des dividendes peut se justifier par la contrainte de réinvestissement qui pèsent sur les actionnaires.

* 79 La structure de l'épargne en France est très proche de celle que l'on trouve en Allemagne. Au contraire, le Royaume-Uni se caractérise par une structure de détention relativement plus équilibrée (32 % d'action et 30 % d'obligation). Celle-ci s'explique par la forte proportion de l'épargne placée dans les fonds de pension et des compagnies d'assurance. Ces placements qui bénéficient d'avantages fiscaux par rapport au régime de droit commun sont orientés principalement vers les marchés de capitaux. Il en est de même pour les Pays-bas et la Suède.

* 80 Cette détention d'actifs français par les non résidents peut être interprétée de différentes façons. C'est d'une part le signe de la bonne rentabilité des entreprises françaises. D'un autre côté, certains regrettent que cette bonne rentabilité ne bénéficie pas aux résidents. Enfin, cette structure de détention aurait des conséquences sur le mode de gouvernance des entreprises.

* 81 Le ratio dette sur fonds propres des entreprises reste élevé en dépit de l'amorce d'une diminution depuis le milieu des années 1990 ( il est ainsi passé de 89,4 % en 1996 à 75,8 % en 2000).

* 82 Elle n'est d'ailleurs pas limitée à la réforme de l'imposition des obligations et des dividendes. L'épargne contractualisée est aussi remise en question.

* 83 La généralisation de l'avoir fiscal est critiquée à partir de deux arguments :

1. La généralisation de ce système aurait comme effet que plus aucune imposition ne serait retenue sur les entreprises dans le pays de la source, ces dernières utilisant malgré tout les infrastructures du pays. D'une part, les entreprises paient des impôts locaux. D'autre part, les conventions prennent cet argument en compte à travers l'application d'une retenue à la source remboursée par le pays de résidence (encadré). Elle permet au niveau des Etats une certaine compensation pour la présence de l'entreprise dans le pays de la source puisque celui-ci la conserve.

2. L'application de l'avoir fiscal pose des problèmes pour les entreprises qui sont exonérées d'IS (ou la paient à un taux réduit) et qui distribuent des dividendes. Cela multiplie les taux d'avoirs fiscaux à appliquer. Cependant, il ne s'agit que de problèmes techniques qui peuvent trouver des solutions.

* 84 La future directive comporte les éléments essentiels suivants :

La Belgique, le Luxembourg, l'Autriche perçoivent une retenue à la source fixée à 15 % les trois premières années et à 20 % les années qui suivent.

75 % des recettes fiscales sont restituées à l'Etat de domicile du bénéficiaire des intérêts.

Seuls sont concernés par la directive, les intérêts placés dans des fonds de placement. Les intérêts versés sur des titres placés dans des fonds de thésaurisation ne sont concernés par la directive que si leur proportion dépasse 40 % des avoirs du fonds.

Les obligations émises avant le 1 er mars 2001 sont exclues de la directive pendant la durée de la période de transition.
* 85 La part des diplômés de 3e cycle ou de grandes écoles recrutés comme ouvriers ou employés est passée de 6 % en 1990 à 14% en 2000 (Gautié et Nauzet-Fichet, 2001).

* 86 Elle peut cependant avoir un effet sur les choix d'emploi en affectant les rendements de l'accumulation en capital humain.

* 87 Le non emploi volontaire signifie que les personnes ne désirent pas travailler compte tenu de leur situation familiale, de leur état de santé, du salaire auquel elles peuvent prétendre et de l'interaction des systèmes fiscal et social.

* 88 L'enquête emploi de l'INSEE ne donne que les salaires et ne dit rien quant aux prestations chômage et aux revenus non salariaux.

* 89 Dans les publications de l'OCDE, il est appelé taux moyen pour le différencier du taux marginal que supportent les individus qui travaillent déjà et qui influence le nombre d'heures de travail offert ou l'effort réalisé.

* 90 La perte du RMI, bien que lissée dans le temps par le mécanisme d'intéressement (les droits sont réduits graduellement à la suite d'une reprise d'emploi) ; la perte des droits à l'aide personnalisée au logement, qui se réalise plus ou moins rapidement en fonction de la situation familiale et de la catégorie de logement concernée ; la perte de certaines allocations familiales sous condition de ressources comme le complément familial, l'ARS (Allocation Rentrée Scolaire), ou l'APJE (allocation pour jeunes enfants). Cependant, ces suppressions n'interviennent qu'à un niveau relativement élevé de revenu : 2,5 SMIC.

* 91 Cependant, notons que les taux effectifs élevés décrits dans le tableau n° 2 ne s'appliquaient pas immédiatement après le changement de situation, en raison des mécanismes de calcul de certains prélèvements, comme l'IR, et la perte de l'APL lissée dans le temps (le droit à l'APL est calculé en juillet sur la base des revenus de l'année précédente).

* 92 La réforme 2001 des allocations a unifié les trois types d'AL : aide personnalisée au logement, allocation logement à caractère social, allocation logement à caractère familial : convergence vers un barème commun et correction du dispositif au niveau de la sortie du RMI pour encourager la reprise d'un emploi (ainsi en 2001 la masse des allocations logement augmente de 5 %).

* 93 Ce programme instauré en 1975, a été considérablement élargi par la suite. La réforme de 1996 en a fait le programme phare du dispositif social américain. En 1998, il concernait 19,5 millions de foyers pour un coût de 30 milliards de dollars, soit 1,8 % du budget fédéral (Bontout, 2000).

* 94 En Irlande, le système des abattements fiscaux a été remplacé en 2001 par un système de divers crédits d'impôt qui permettent d'alléger la charge fiscale en fonction de la configuration familiale (nombre d'enfants, personnes handicapées, âges des individus...). Néanmoins, cette réforme n'est pas orientée vers l'amélioration des incitations à travailler des travailleurs peu qualifiés dans la mesure où il n'existe pas de crédit d'impôt associé à la seule condition de travailler.

* 95 Un foyer bi-actif au Smic avec au moins un enfant obtient en 2001 une PPE de 490 euros et de 1 410 euros en 2003.

* 96 De même l'EITC vient s'ajouter au dispositif social déjà en place et ne substitue pas.

* 97 Le bouclage macro-économique est obtenu en supposant que le crédit d'impôt est financé par une taxe proportionnelle sur les salaires supérieurs à 90 % du salaire moyen.

* 98 Le salaire de réserve correspond au niveau de salaire minimal en dessous duquel un chômeur ou un inactif, refuse de travailler.

* 99 Deux facteurs principaux expliquent que la PPE affecte des déciles de niveau de vie très élevés. D'une part le seuil d'éligibilité pour chaque travailleur est élevé (1,4 SMIC qui correspond au passage du 6e au 7e décile). D'autre part les revenus d'activité au sein des couples sont hétérogènes ; de plus les concubins font deux déclarations fiscales séparées. Ceci implique que, même s'ils appartiennent à un ménage relativement aisé, ils perçoivent la PPE (Legendre et al . , 2001, p. 12). Ainsi, les derniers déciles de niveau de vie qui sont affectés par la PPE constituent des cas particuliers de ménages.

* 100 Pour cibler davantage l'aide versée par la PPE vers les familles à faibles revenus, Legendre et al (2001) proposent de modifier le dispositif de la PPE en liant le montant du crédit non plus au revenu annuel en équivalent temps plein mais au revenu annuel d'activité ainsi qu'en ramenant le seuil d'extinction du crédit à un niveau plus faible 1,2 SMIC au lieu de 1 ,4 SMIC actuellement.

* 101 Elle contribue également à la réduction de la pression fiscale supportée par les classes moyennes. En effet, le critère d'éligibilité du ménage étant assez élevé, la PPE est versée à des individus ayant de faibles revenus d'activité mais appartenant à un ménage relativement aisé. Le seuil d'extinction de la PPE assez élevé implique un effet de diffusion assez fort vers le haut de la distribution des revenus. Le WFTC est plus favorablement ciblé vers les ménages les plus pauvres que la PPE.

* 102 Le seuil d'éligibilité du ménage est fixé à 76 000francs (11 586,13 euros) par an pour un célibataire (1,54 SMIC) et à 152 000 francs (23 172,25 euros) pour un couple avec une majoration des seuils de 21 000 francs (3 201,43 euros) par demi-part supplémentaire qui s'ajoute à une part pour la personne isolée et à 2 parts pour un couple (3,08 SMIC) (exemple : le seuil de revenu au delà duquel un couple ayant 2 enfants n'est plus éligible à la PPE est de 152 000 + 21 000 + 21 000 = 194 000 francs soit 29 575,11 euros).

* 103 Doublement de la PPE en 2002 par le versement d'un complément d'en moyenne 947 francs (144,37 euros) avec un minimum par foyer éligible de 160 francs (24,39 euros). La PPE devrait être tripler en législation 2003 mais pas les majorations accordées aux couples mono-actifs et aux familles.

* 104 Le gouvernement britannique prévoit de réformer le système en 2003. Il sera remplacé par un dispositif composé de 3 éléments : Tax employment Credit destiné aux familles sans enfant, Child Credit et Pension Credit.

* 105 Les travailleurs indépendants perçoivent le crédit auquel ils ont droit directement.

* 106 Le taux de recours correspond au rapport entre le nombre de personnes éligibles à un transfert public et qui le demandent et le perçoivent effectivement et le nombre total de personnes éligibles.

* 107 Seule la Grèce ne pratique pas la couverture universelle ; l'accès aux remboursement des soins de santé est restreint à des catégories assez larges de cotisant ou d'ayant cotisé ou d'ayant droits (conjoints,enfants) source MISSOC

* 108 Il n'existe pas d'études comparant les taux de cotisations sociales agrégés aux cotisations volontaires pour les systèmes privés d'assurance vieillesse ou maladie. Il n'existe pas non plus d'études calculant la différence actualisée entre cotisations versées et prestations sociales reçues, sauf pour les Etats-Unis (Mitrusi and Poterba, 2000). Cela étant, ce type de démarche tend à négliger l'aspect redistributif des systèmes de protection sociale.

* 109 Les allègements de charges pour les bas salaires font partie des recommandations de la Commission européenne dans le cadre des stratégies pour l'emploi. Ils ont été réaffirmés au cours du sommet européen de Lisbonne en 2000. Il s'agit plus généralement d'adapter le système fiscalo-social afin qu'il augmente l'emploi. Les efforts (mesurés en point de PIB de cotisations sociales transférées) des différents pays sont très variables comme on peut le voir dans le tableau 5.

* 110 Ce dernier point ne sera traité, ici, que du point de vue de la fiscalité locale et de la marge de manoeuvre des collectivités locales sur le montant et la composition de leurs recettes. Il est, cependant, une autre dimension de l'autonomie financière des collectivités territoriales qui a pris beaucoup d'importance au cours des années récentes et a donné lieu, dans de nombreux pays, à des réformes majeures, suite à l'adoption du Pacte européen de stabilité et de croissance : le déficit public soumis à cette règle inclut en effet les soldes des budgets locaux, et plusieurs pays membres de la zone euro ont donc jugé utile de permettre un meilleur contrôle de ces soldes par le gouvernement central. La France, qui par ailleurs a adopté la pratique des lois annuelles de financement de la sécurité sociale, ne s'est pas engagée dans cette voie, pourtant cohérente avec les engagements européens des gouvernements.

* 111 Le mouvement de regroupement communal relancé depuis trois ans dans le cadre de la loi Chevènement engendre des communautés de communes qui, bien que relativement peu nombreuses et, par bien des aspects, comparables aux communes de la plupart de nos voisins européens, se superposent aux communes préexistantes, en n'assumant qu'une partie de leurs compétences.

* 112 La France est une bonne illustration de cette difficulté, puisque les valeurs locatives qui servent de base à la taxe d'habitation et à la taxe sur le foncier bâti des ménages n'ont pas été révisées depuis 1971, la réévaluation faite en 1991 n'ayant jamais été appliquée par peur des transferts de charges qu'elle ne manquera pas d'engendrer. Mais la France n'est pas la seule de son espèce : au Luxembourg, l'évaluation des bases date de ... 1941 !

* 113 Les Etats et collectivités locales américains ont, quant à eux, assez largement recours à cet impôt.

* 114 Pour une description et une analyse des conséquences de cette réforme, abandonnée dès l'arrivée au gouvernement de John Major, en 1992, voir, par exemple : Le Cacheux et Smith, 1992. La Poll tax a été remplacée par la Council tax , impôt foncier sur les occupants des immeubles, donc proche de la taxe d'habitation, même si l'évaluation des bases se fait de manière très différente, plus proche de la réalité économique du marché de l'immobilier.

* 115 Elles bénéficient aussi depuis 2001 d'une part des recettes des taxes indirectes (TVA et droits d'accise), ainsi que de la possibilité de moduler le montant de ces dernières dans des limites fixées par la Constitution. Voir la fiche « Espagne » pour plus de précisions.

* 116 C'est ce type de raisonnement, fondé sur l'idée du « vote avec les pieds » (Tiebout, 1956), qui avait inspiré l'introduction, au Royaume-Uni, de la Poll tax . Cf. supra .

* 117 Pour des évaluations de l'intensité de la concurrence fiscale entre collectivités locales françaises, voir notamment Paty (2000) et Leprince (2001), ainsi que, très récemment, Leprince, Madiès et Paty, 2003, et Madiès, Paty et Rocaboy, 2003

* 118 De nombreux Etats fédérés américains pratiquent une imposition des bénéfices des entreprises, qui utilise souvent une évaluation des immobilisations dans l'Etat considéré pour répartir le bénéfice imposable lorsque l'entreprise a des activités dans plusieurs Etats. La masse salariale locale, ou la valeur ajoutée des établissements peuvent également être utilisées comme clefs de répartition spatiale des bénéfices. Qu'il en soit ainsi ou que ces grandeurs économiques -- difficilement manipulables à court terme par l'entreprise -- soient incluses dans l'assiette de l'impôt local sur les entreprises n'introduit pas une grande différence quant aux effets économiques de l'imposition.

* 119 On peut, en outre, souligner que le mode actuel de calcul de la taxe professionnelle, en raison des décalages qu'il induit entre le fait générateur -- l'évolution des bases -- et la perception est un facteur d'évolution automatique contra-cyclique des recettes fiscales locales, comme l'illustre la relative aisance financière actuelle des collectivités locales françaises en période de basse conjoncture.

* 120 Selon l'analyse inspirée de l'économiste anglais Pigou, les pollutions et autres atteintes à l'environnement ont la nature d'externalités, ce qui signifie que le coût privé des consommations qui en sont la cause est inférieur à leur coût social. La taxation de ces consommations permet donc de rétablir l'égalité entre coût privé et coût social, en obligeant les agents privés à prendre en compte, dans leurs décisions, les coûts externes qu'ils infligent à la société, et à l'humanité tout entière.

* 121 Le marché des « permis de polluer », dont il a été beaucoup débattu en Europe à propos des négociations internationales sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, relève, contrairement aux apparences, de cette catégorie : il s'agit, en effet, pour les autorités, de fixer d'abord le niveau total des rejets polluants (CO2, par exemple) autorisé, puis d'allouer les permis individuels aux producteurs responsables des émissions polluantes, enfin de leur permettre d'échanger entre eux -- et éventuellement avec des tiers --, sur un marché organisé, ces « permis de polluer ». L'objectif est de répartir de manière économiquement efficace entre les producteurs une quantité politiquement déterminée d'émissions polluantes.

* 122 La détermination du niveau de taxation présuppose que des connaissances scientifiques fiables sont disponibles sur les causes et la nature des émissions polluantes, ainsi que sur les effets néfastes selon certains critères politiquement admis. Il faut aussi s'accorder sur les priorités et sur la dangerosité relative des divers polluants, comme l'illustre le cas, en France, de la taxation du gazole, longtemps bien inférieure à celle de l'essence parce que réputé moins polluant, puis augmentée parce que sa combustion engendre des particules nocives émises dans l'atmosphère.

* 123 L'Allemagne a exonéré l'utilisation du charbon, pourtant gros émetteur de gaz à effet de serre, en raison du poids des charbonnages dans ce pays ; les Pays-Bas ont plafonné les montants acquittés par les plus gros consommateurs des produits taxés ; la France a pratiquement exonéré l'agriculture et la plupart des secteurs consommateurs de produits polluants, de sorte que la TGAP ne concerne plus que très peu d'activités.

* 124 Les exemples de la taxation des alcools, tabacs et carburants illustrent parfaitement cette propriété, ce qui explique son rendement élevé. Toutefois, dans tous ces cas, si l'élasticité de la consommation au prix est relativement faible à court terme, elle est, semble-t-il, sensiblement plus élevée à long terme : ainsi, l'efficacité énergétique de la production en général -- et celles des moteurs de voitures et du chauffage des habitations en particulier -- est-elle sensiblement plus élevée dans les pays qui pratiquent une taxation des carburants et des hydrocarbures que dans les autres ; et elle tend à s'améliorer à long terme.

* 125 Cette solution pour lutter contre le chômage de masse en Europe était déjà préconisée par Drèze, Malinvaud et alii (1994) dans un plaidoyer pour une relance européenne de la croissance s'attaquant simultanément aux problèmes d'offre et de demande. Ironiquement, ce sont plutôt les pays qui sont proches du plein emploi (Pays-Bas, notamment) qui ont, récemment, accru le poids des écotaxes.

* 126 Sur cette importante question, un récent rapport du CAE (Guesnerie, 2002) apporte un éclairage bienvenu.

* 127 Cet impôt, qui représente environ 3 % du PIB, n'est désormais assis que sur le bénéfice des sociétés, si bien que son classement dans les impôts indirects ne se justifie plus.

* 128 Le contrôle juridictionnel de la légalité est exercé en Allemagne par cinq cours suprêmes fédérales, qui interviennent en droit public non constitutionnel et en droit privé : la Cour fédérale de justice, la Cour fédérale administrative, la Cour fédérale des finances, la Cour fédérale du travail et la Cour fédérale du contentieux social. L'ensemble du système juridique est contrôlé par la Cour constitutionnelle fédérale, qui siège à Karlsruhe.

* 129 Compte tenu de la formule de calcul de l'impôt.

* 130 En 2001, le taux maximum de l'impôt sur le revenu était de 43 % pour les revenus de l'entreprise contre 51 % pour les autres revenus.

* 131 Le Conseil des Sages est un organisme regroupant des experts reconnus en économie, qui a pour rôle de conseiller le gouvernement et le Parlement allemand sur les questions de politique économique. Il a été fondé en 1963.

* 132 Le système allemand de retraite repose sur trois piliers d'inégale importance : les régimes obligatoires, contributifs, représentent 85 % des pensions, l'assurance privée en verse près de 10 %, tandis que les régimes d'entreprises en représentent près de 5 %. Il n'existe pas de système public de solidarité, à l'exception de l'aide sociale.

* 133 La loi stipule en effet que des mesures législatives doivent être mises en place dans le cas où le taux de cotisation au régime contributif obligatoire dépasse 22 % en 2030 (19,3% en 2000), ou si le taux de remplacement de la pension « standard » passe en dessous de 67 % en 2030 (70,7 % en 2000).

* 134 Avant la réforme, la part « salaires » était égale à 18 % des salaires et rémunérations versées pendant l'avant dernière année civile précédant l'année d'imposition ou à 10 % des recettes des entreprises de moins de 5 salariés (Observatoire des finances locales 2002).

* 135 Entreprises « dont le capital entièrement libéré est détenu de manière continue, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ou par une société répondant aux mêmes conditions ».

* 136 Baisse de cotisation maladie : 6,8 - 0,75 = 6,05 ; hausse de CSG : 0,95 * 5,1 = 4,845.

* 137 Evidemment, une telle baisse induisait une aide forfaitaire pour les salariés au-dessus du plafond de Sécurité sociale.

* 138 Les taux de cotisation indiqués dans ce paragraphe sont les taux appliqués sur la part des salaires inférieure au plafond de Sécurité sociale, hors cotisations au fonds national de garantie des salaires. Les cotisations payées sur la part comprise entre 1 et 4 plafonds sont assez proches et suivent les mêmes évolutions.

* 139 Cet abattement valait 8 000 francs (1 219,59 euros) depuis 1988.

* 140 Le passage à l'euro a été l'occasion d'une forte augmentation du plafond du PEA, qui est passé de 600 000 francs en 2001 à 120 000 euros en 2002, soit 787 148,40 francs.

* 141 3 450 euros en cas d'investissement en actions ou en certificats d'investissement de l'entreprise.

* 142 Livret A, Codevi, Livret jeune, Livret d'épargne populaire, Livret d'épargne entreprise, plus-values sur la résidence principale.

* 143 En septembre 1998, suppression de la taxe régionale sur les ventes d'immeubles d'habitation, et en septembre 1999, réduction du droit départemental d'enregistrement sur les achats de logement, qui sont passés de 4,6 % à 3,6 % en moyenne.

* 144 On suppose qu'il s'agit du SMIC 39 heures.

* 145 Taxe d'habitation, taxe professionnelle, taxe sur le foncier bâti et taxe sur le foncier non bâti.

* 146 Cette hausse a essentiellement eu lieu dans les départements (+ 3,4 %) qui l'expliquent par la nécessité de financer l'Allocation personnalisée autonomie. Il s'agit de la moyenne pondérée des taux de croissance des taux de chacun des quatre impôts. Pour la taxe d'habitation, par exemple, le taux passe de 19,43 % à 19,87 % soit une hausse de 2,3 %.

* 147 Pour faire simple, la majoration est de 1 806 euros par demi-part supplémentaire à partir de la cinquième. Les ménages de revenu inférieur à l'abattement sont exonérés.

* 148 Le WFTC est considéré comme une dépense et non un impôt, contrairement à la Prime pour l'emploi en France. A partir de 2002, toutefois, seuls les crédits d'impôt dont le montant est supérieur à l'impôt dû seront comptabilisés en dépense par l'ONS. Ils seront dans le cas contraire considérés comme un impôt négatif.

* 149 En reprenant comme Blow et al. (2002) les hypothèses du budget pour 2003 : un revenu de 14 615 sera soumis à 1 133,28 de cotisations employeurs, 973,91 de cotisations salariés et 1 720,28 d'IR.

* 150 En 2001-2002, le CTC plein vaut 520 livres. L'abattement pour le calcul du revenu imposable vaut 4 535 livres et le seuil de la tranche supérieure vaut 29 400. Si le plus haut des deux revenus d'un couple est supérieur à 33 935 livres (4 535 + 29 400), la réduction d'impôt est inférieure à 520 livres. Si le plus haut revenu est de 38 000 livres (soit grosso modo , 1,5 fois le revenu moyen), le CTC est de 249 livres (520 - (38 000 - 33 935)*(1/15)).

Le CTC devient nul pour un revenu supérieur à 41 735 livres, soit 1,6 fois le revenu moyen.

* 151 Si deux parents célibataires se marient, le CTC est divisé par deux...

* 152 Dans les dix dernières années, un important dispositif d'exonération fiscale a été progressivement supprimé : la déductibilité des intérêts hypothécaires ( Mortgage Interest Tax Relief , MITR) a été plafonnée dès 1974. Par la suite, le plafond a augmenté beaucoup moins rapidement que l'inflation, ce qui a mécaniquement réduit les charges déductibles en terme réel. Finalement, le MITR a été supprimé en avril 2000.

* 153 Selon les simulations de l'ISAE et de l'Université de Modène.

* 154 Ce montant n'est pas remboursable, mais peut être reporté sur un exercice ultérieur dans la limite de 7 ans.

* 155 Cet impôt avait pour base le patrimoine fiscal net. Les biens immobiliers faisaient l'objet d'une réévaluation tous les quatre ans, les résidences principales n'étaient prises en compte qu'à hauteur de 60 % de leur valeur. Après un abattement de 200 000 florins (soit 90 756 euros) (250 000 florins ,soit 113 445 euros , pour un couple), le taux appliqué était de 0,7 %. Si le taux d'imposition total (total des impôts sur le patrimoine et sur le revenu en pourcentage du revenu) dépassait 68 %, le montant excédant 68 % était remboursable.

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