B. DES DISPOSITIFS QUI DIFFÈRENT SENSIBLEMENT
En dépit d'une inspiration commune, les trois dispositifs étudiés présentent des différences sensibles.
1. Des efforts financiers très disparates, des niveaux de « prestation » très inégaux
En
premier lieu, les montants financiers en jeu sont très
différents
. Les Etats-Unis consacrent 32 milliards de dollars
(à peu près autant d'euros) à l'
EITC
chaque
année. Le Royaume-Uni dépense 5 milliards de livres, soit
environ 8,1 milliards d'euros, au titre du
WFTC
. La PPE
représente un budget de 2,5 milliards d'euros (en 2001). Le
WFTC
représente donc un effort financier trois fois plus
important que la PPE. Une comparaison avec les Etats-Unis suppose de tenir
compte de la différence de population : si l'on admet que le
rapport entre la population française et la population américaine
est approximativement de un à cinq, l'effort financier consenti au titre
de l'
EITC
reste environ deux fois et demi plus important que l'effort
financier consenti au titre de la PPE.
Les mécanismes de crédit d'impôt se distinguent
également par les populations ciblées
. Le
WFTC
ne
concerne qu'un ménage britannique sur vingt. L'
EITC
est
perçu par un ménage américain sur cinq, et la PPE touche
un ménage français sur quatre. Le crédit d'impôt
britannique est donc celui qui, rapporté à la population,
représente la dépense budgétaire la plus importante, mais
aussi la plus concentrée. A l'opposé, le crédit
d'impôt français, qui représente déjà une
dépense moindre, exerce ses effets de manière très diffuse.
Conséquence logique des deux observations précédentes,
le gain financier d'un bénéficiaire du
WFTC
est beaucoup
plus significatif que celui d'un bénéficiaire de la PPE
. P.
Cahuc (2002) calcule que, pour un foyer bi-actif au SMIC avec au moins un
enfant, la PPE versée en 2001 a représenté 4,4 % de
leur revenu déclaré. Par contraste, le montant maximal de l'aide
qui peut être perçue au titre du
Working Families Tax
Crédit
représente 160 % du revenu déclaré
du bénéficiaire. Toutefois, l'aide apportée par le
WFTC
est, en pratique, amputée des deux tiers par la
réduction d'autres prestations sociales, ce qui n'est pas le cas pour la
PPE française. Mais, même en tenant compte de cet important
correctif, le système britannique reste nettement plus
généreux que celui adopté par la France (le gain net est
supérieur à 50 % du revenu déclaré).
L'
EITC
occupe une position intermédiaire, quoique plus proche du
niveau britannique que du niveau français : le montant maxima de
l'
EITC
peut représenter jusqu'à 40 % du revenu
déclaré de son bénéficiaire.
2. Un traitement différent du temps partiel
La PPE
française se distinguait des dispositifs étrangers par une
orientation très nette en faveur du travail à temps plein qui
demeure, même si elle a été un peu atténuée.
Avant l'aménagement de 2003, les deux tiers des foyers
bénéficiaires de la PPE travaillaient à temps plein, et le
montant de la PPE était maximum au niveau d'un SMIC à temps
plein. Au Royaume-Uni, le
WFTC
commence à décroître
à partir de la vingt-cinquième heure de travail hebdomadaire pour
les personnes percevant le salaire minimum. Aux Etats-Unis, le montant de
l'aide est généralement proportionnel à la durée du
travail, et on observe que les célibataires et les couples mariés
sans enfant, qui sont employés au salaire minimum à temps plein,
n'ont généralement pas droit à l'
EITC
.
Cette orientation de la PPE reflète le souci de conserver au travail
à temps plein son statut de norme sociale de référence.
Les systèmes français et britanniques partagent cependant un
objectif commun : ne pas encourager la création d'emplois à
temps très partiel. Cette préoccupation explique la
présence d'un seuil en deçà duquel aucune aide n'est
versée. Ce seuil correspond à 16 heures de travail
hebdomadaire au Royaume-Uni, pour un salarié percevant le salaire
minimum, et à environ 11,5 heures de travail hebdomadaire en
France.
3. Une prise en compte variable de la dimension familiale
Le
WFTC
présente la particularité de n'être
octroyé qu'aux familles avec enfants, ce qui en fait un instrument de
politique de l'emploi, mais aussi de politique familiale. Aux Etats-Unis, le
champ de l'
EITC
a été progressivement élargi, de
sorte qu'il est, depuis 1994, versé à tous les travailleurs, sous
condition de revenus, y compris les célibataires sans enfant. Le montant
du crédit d'impôt est cependant beaucoup plus important pour les
familles avec enfants.
Par comparaison, la prise en compte des charges de famille au titre de la PPE
apparaît assez limitée. Mais il faut rappeler que le
système de prestations familiales est beaucoup plus
développé en France que dans les pays anglo-saxons. La PPE reste
donc, prioritairement, un outil de subvention à l'emploi, et non un
instrument de redistribution au profit des familles.
4. Des modalités d'administration différentes
L'une
des caractéristiques du
WFTC
tient à son mode de gestion
particulier. Alors que la PPE et l'
EITC
sont versés directement
par l'administration fiscale, le
WFTC
est versé au salarié
par son employeur, par le biais de la feuille de paie. L'administration fiscale
britannique examine les conditions d'éligibilité du loyer du
demandeur, et calcule les droits éventuels. Puis, elle communique
à l'employeur la somme qu'il doit verser au salarié, sous forme
de complément de rémunération, ou de baisse des
prélèvements au titre de l'impôt sur le revenu.
P. Cahuc (2002) considère que ce mode de gestion améliore la
lisibilité du dispositif, puisque les salariés perçoivent
immédiatement une amélioration de leur salaire net
résultant de l'application du crédit d'impôt. Dans la
mesure où la lisibilité du dispositif conditionne pour partie son
efficacité, la France aurait intérêt, selon cet auteur,
à s'inspirer du modèle britannique.