II. DES RÉFORMES DIFFÉRENTES PAR LEUR CONTENU ET PAR LEUR IMPACT
La
plupart des pays européens ont pris des mesures destinées
à accroître l'incitation au travail. Mais ces mesures
diffèrent nettement par leur contenu.
Dans de nombreux pays, les mesures fiscales d'incitation au travail des
personnes peu qualifiées, présentées en annexe de ce
rapport, ont simplement consisté à réduire les
prélèvements sur les revenus du travail les plus modestes :
les taux d'imposition marginaux minima ont été baissés,
des abattements ou des exonérations ont été mis en place.
Des mesures plus substantielles ont été adoptées dans
quelques pays dont la France et le Royaume-Uni, qui ont mis en oeuvre des
dispositifs inspirés de l'impôt négatif à l'image de
l'EITC américain.
Ces trois dispositifs apparaissent cependant très
différents.
A. PRÉSENTATION DES TROIS DISPOSITIFS
1. L'Earned Income Tax Credit
L'
EITC
figure dans le code des impôts des Etats-Unis
depuis 1975. Le dispositif a été progressivement élargi et
renforcé, et la dépense consentie au titre de l'EITC a
été d'environ
32 milliards de dollars
en 2000.
Un foyer sur cinq, soit vingt millions de foyers, bénéficie de
l'
EITC
et 80 % des foyers éligibles touchent effectivement
cette prestation.
L'
EITC
n'est appliqué qu'aux foyers dans lesquels au moins une
personne travaille. Tout bénéficiaire de l'
EITC
doit, de
plus, satisfaire à certaines conditions de ressources, qui varient en
fonction de sa situation familiale. Le barème de la prestation
dépend aussi du nombre d'enfants à charge : en 1999, le
crédit maximum pour un foyer sans enfants s'élève à
347 dollars, tandis qu'il vaut 2 312 dollars pour un foyer avec
au moins deux enfants.
Le graphique ci-dessous retrace le profil de la prestation. Dans une
première phase, le montant de l'
EITC
augmente proportionnellement
avec le revenu ; il est ensuite constant jusqu'à un certain
seuil ; puis il décroît, jusqu'à s'annuler à
partir d'un certain niveau de revenu.
Le barème de l' EITC selon la structure du foyer en 1999
Montant du
crédit d'impôt
(
en dollars
)
Revenu annuel (en $)
Source : Bontout (2000)
En pratique, le montant de l'
EITC
est déduit du montant
d'impôt sur le revenu fédéral dû par son
bénéficiaire ; si l'
EITC
est supérieur au
montant de l'impôt, la différence fait l'objet d'un versement
direct au bénéficiaire. Actuellement, 80 % environ des
dépenses fédérales liées à l'
EITC
correspondent à des versements directs aux ménages.
2. Le Working Families Tax Credit
Le
WFTC
britannique est de création récente, puisqu'il a
été instauré en 1999. Il se substitue à un
dispositif beaucoup moins généreux, le
Family
Credit
, qui existait depuis 1992. La création du
WFTC
répondait à une double préoccupation : relever le
niveau de vie des familles à faibles revenus et les inciter à
l'activité.
Le coût budgétaire du
WFTC
a été de l'ordre
de
5 milliards de livres
en 2001, pour 1 269 000
bénéficiaires recensés au 31 mai 2001.
Le
WFTC
est un mécanisme de crédit d'impôt en faveur
des familles avec enfants. Ses règles d'attribution sont relativement
complexes, puisqu'il dépend à la fois du nombre d'heures
travaillées, des revenus et du patrimoine déclaré par le
ménage, et des caractéristiques de la famille (nombre d'enfants
à charge, âge des enfants et mode de garde). Deux conditions
principales d'éligibilité sont requises : d'une part, l'un
des adultes du foyer doit exercer une activité, salariée ou
indépendante, d'une durée d'au moins 16 heures par
semaine ; d'autre part, le foyer ne doit pas disposer d'un patrimoine
(hors logement principal) d'une valeur supérieure à
8 000 £.
Le graphique ci-dessous renseigne sur le barème du
WFTC
. Le cas
de figure retenu est celui d'un couple mono-actif,
rémunéré au salaire minimum, et ayant deux enfants de
moins de 11 ans. Aucune allocation n'est versée lorsque la durée
du travail hebdomadaire est inférieure à 16 heures. Elle est
constante pour une durée de travail comprise entre 16 et 25 heures.
Puis, l'allocation décroît.
Montant du WFTC (en livres sterling),
en fonction du revenu
net d'activité.
Source : Delarue, 2000
Chaque enfant à charge donne droit à une majoration, dont le
montant croît avec l'âge des enfants. Une majoration
éventuelle peut être versée pour compenser les frais de
garde d'enfants, dans la limité d'un plafond.
3. La Prime pour l'emploi
La Prime
pour l'emploi (PPE), instituée par une loi du 30 mai 2001, est
le dernier-né des trois dispositifs.
En 2001, 8 millions de foyers ont touché la PPE, pour un
coût total de 2,5 milliards d'euros
. Puis, la prime a
été doublée par anticipation dès 2001 (pour sa
composante variable) et son régime a été modifié en
faveur des emplois à temps partiel en 2003.
La prime pour l'emploi ne concerne que les foyers fiscaux dans lesquels une
personne au moins exerce une activité, et dont le revenu
déclaré à l'impôt sur le revenu est inférieur
à un plafond, variable selon la taille du foyer. Son montant moyen
était de 288 € en 2001 et 255 € en 2002.
Le graphique ci-après présente le barème de la PPE
versée en 2001, selon quatre configurations familiales avant
aménagement du dispositif en faveur du temps partiel. On observe que la
prime est nulle jusqu'à un seuil de revenu de 0,3 SMIC.
Au-delà de ce seuil, la prime croît avec le revenu au rythme de
2,2 %. Elle atteint son maximum au niveau d'un SMIC à temps plein,
puis décroît au taux de 5,5 %. Pour un célibataire
sans enfant, la prime disparaît à partir d'un niveau de revenu de
1,4 SMIC.
Montant de la prime pour l'emploi versée en 2001
(en
euros)
Source : INSEE (2002)