C. L'IMBROGLIO DES STRUCTURES COMPÉTENTES EN MATIÈRE DE PRÉVENTION, OBSTACLE À LEUR EFFICACITÉ

1. L'empilement des structures

Tout au long de ses travaux, la commission a pu constater le nombre et la diversité des structures publiques appelées à intervenir dans le domaine de la prévention, tant au niveau national qu'aux divers échelons locaux, celles-ci impliquant les acteurs des différents champs (éducatif, sanitaire, social et répressif). Cependant, la multiplicité, la dispersion et le manque de coordination des actions qui en résultent altèrent leur lisibilité, amoindrissent les résultats auxquels elles pourraient prétendre et rendent difficile leur évaluation.

Cet empilement de dispositifs de prévention fortement imbriqués les uns dans les autres s'explique par la diversité de la problématique des drogues et des approches préventives pouvant être mises en oeuvre, par les multiples facteurs des comportements de consommation et surtout par l'absence, jusqu'à une date récente, d'une véritable politique globale en matière de prévention.

Se sont ainsi sédimentés, au niveau national , des dispositifs interministériels (MILDT) et des dispositifs propres à chaque ministère (éducation nationale, santé, intérieur ...). Outre les innombrables associations, se sont par ailleurs ajoutés, au niveau local, des dispositifs transversaux fondus dans des programmes généralistes.

On trouve ainsi au niveau de l'agglomération les contrats de ville, dont la thématique santé comporte généralement un volet consacré à la prévention des conduites à risque ; les contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), fusionnant depuis leur création en 2002 les deux dispositifs préexistants que sont le conseil communal de prévention de la délinquance (CCPD) et le contrat local de sécurité (CLS) et abordant le problème des drogues à travers celui de la délinquance ; les contrats intercommunaux de prévention de la délinquance (CIPD), pour certaines villes, dont l'approche est semblable à celle du CLSPD ; et enfin les contrats éducatifs locaux (CEL), ayant une démarche axée sur la consolidation des facteurs de protection reconnus.

A l'échelon départemental ont par ailleurs été instaurés des programmes départementaux de prévention de la dépendance. Enfin, à l'échelon régional , on trouve d'une part les programmes régionaux de santé (PRS), dont les thématiques sont définies annuellement à partir des besoins identifiés dans la région, et d'autre part les programmes d'accès à la prévention et aux soins pour les personnes en situation de précarité (PRAPS), imposés par la loi pour une durée de trois ans, plusieurs de ces PRS et PRAPS ayant défini la prévention et la prise en charge des dépendances comme une priorité.

2. Une coordination défaillante

La coordination de l'ensemble de ces actions de prévention, très souvent menées en partenariat (deux tiers des actions rassemblant au moins deux partenaires, au premier rang desquels les associations et les services de l'Etat), est en principe assurée par des structures spécifiques. Au niveau national, la MILDT, outre les actions d'information et de communication qu'elle mène pour son propre compte, doit financer, soutenir et orienter les différents acteurs nationaux intervenant dans le champ de la prévention, et notamment les vingt départements ministériels qu'elle pilote.

En ce qui concerne l'échelon local , c'est au niveau départemental que doit être opérée la coordination. Le chef de projet « drogues et dépendances », désigné dans chaque département par le préfet, peut en effet s'appuyer sur le comité de pilotage de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances ainsi que sur le conseil départemental de prévention de la délinquance pour élaborer des plans départementaux de prévention déclinant les grands axes définis au niveau national par le plan pluriannuel de la MILDT. Il associe à son action des représentants des dispositifs transversaux connexes couvrant la ville ou la région, ainsi que les divers acteurs déconcentrés ou locaux.

Ces deux instruments de coordination, MILDT et chef de projet, ne remplissent toutefois qu'imparfaitement leur tâche. Tout d'abord, même si d'indéniables progrès ont été effectués par la MILDT pour conférer un caractère véritablement interministériel à ses travaux, le pilotage auquel elle se livre, notamment dans le domaine de la prévention, ne semble pas encore optimal. Cette lacune persistante a été soulignée dans le rapport de suivi rendu public en juillet 2002 par la Cour des comptes, publié quatre ans après son rapport public sur le dispositif de lutte contre la toxicomanie.

Mme Nicole Maestracci, précédente présidente de la MILDT, a elle-même indiqué lors de son audition que « tout en reconnaissant qu'un effort de cohérence et de mise à disposition de moyens a été fait », ce second rapport observait que « la politique de prévention (de la MILDT) reste très déficitaire » . Elle avait par ailleurs concédé dans sa note effectuant un premier bilan de son action à la tête de la MILDT que « l'organisation excessivement verticale de l'administration française résiste toujours, peu ou prou, aux tentatives de créer des méthodes de travail plus transversales ».

Plus encore au niveau local, l'hétérogénéité et la dispersion des actions menées n'ont pas été réellement endiguées par la mise en place du chef de projet. Il apparaît en effet que ce dernier, faute de temps, ne se consacre pas pleinement à sa mission, les préfets choisissant dans plus d'un cas sur deux un directeur départemental de l'action sanitaire et sociale ou un médecin inspecteur, et dans les autres cas des sous-préfets ou des directeurs de cabinet de préfet. Par ailleurs, le renouvellement très fréquent des chefs de projet les empêche de s'investir comme ils le devraient dans leur tâche.

Des coordinateurs régionaux, désignés par les préfets de région pour assurer notamment la complémentarité avec les programmes régionaux de santé et les programmes de formation des échelons déconcentrés, ont certes été mis en place, mais leur nombre et leurs moyens demeurent notoirement insuffisants pour pouvoir compenser les carences des chefs de projet départementaux.

Dans la note précitée portant sur le premier bilan du plan triennal 1999-2002, il est clairement souligné que « la question essentielle est celle de la disponibilité des chefs de projet pour effectuer une tâche qui est devenue de plus en plus lourde » . Tout en reconnaissant qu'il était indispensable que ces chefs de projet continuent à être choisis parmi des personnels de haut niveau, Mme Maestracci précisait qu'« il est nécessaire (...) qu'ils puissent s'appuyer sur un cadre de catégorie A pour conduire les dossiers ».

Quant au ministère de la ville, il a indiqué dans sa réponse au questionnaire lui ayant été adressé par la commission que « l'enjeu majeur de la coordination de la politique de lutte contre la drogue et la toxicomanie au niveau local, ainsi que l'accent particulier qui doit être mis sur la prévention plaident pour le renforcement et la pérennisation des moyens mis en oeuvre, notamment autour de postes identifiés et dédiés à temps plein à la mission des chefs de projet drogues et dépendances, à l'échelon régional et/ou départemental ».

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