LA MONTÉE DE LA DEMANDE DE LOISIRS CULTURELS
Animateur : Philippe CHAIN, Inspecteur Général de l'Industrie et du Commerce
M. Rameau-Monpouillan et M. Rose, vont évoquer maintenant les produits axés sur la fonction musée, mais qui débouchent également sur l'information et sur la production.
I. LE MUSÉE DU VITRAIL, CURZAY-SUR-VONNE (VIENNE)
M. Cédric RAMEAU-MONPOUILLAN, Directeur du musée et délégué SEMA Poitou-Charentes
Quelle n'est pas la surprise du visiteur qui ose franchir tous les a priori d'une présentation culturelle et artistique en milieu rural ? Du vitrail dans une église, dans un village perdu aux fins fonds du Poitou. Quelle n'est pas sa surprise de découvrir le musée du Vitrail ?
Artiste peintre verrier de formation, M. Cédric Rameau-Monpouillan installe son atelier de vitrail en 1985 à La Jallière (Deux-Sèvres) dans d'anciens bâtiments agricoles restaurés. Il découvre la lumière émanant des vitraux grâce à des voyages et des rencontres avec des verriers. Ces rencontres le conduisent à se former aux techniques du vitrail et à faire des recherches sur l'histoire de cet art.
Dans le début des années quatre-vingt, alors qu'il est en formation de peintre verrier en vitrail en Suisse alémanique, Cédric Rameau-Monpouillan réfléchit à la meilleure manière de faire venir les commanditaires dans son atelier. C'est à ce moment même que naît l'histoire du musée du Vitrail de Curzay-sur-Vonne.
Au début de l'année 1985, une première association loi 1901 est créée pour prendre en charge ce musée dans un bâtiment attenant au futur atelier. Cette association ne bénéficiera jamais d'aucune subvention. Le 25 juin 1985, sont inaugurés le musée et l'atelier du vitrail de La Jallière. A la période de Noël est organisée dans ce même lieu une exposition avec d'autres artisans d'art de la région. Située à proximité d'un site gallo-romain, celui de Sanxay qui est un site d'importance, le musée du vitrail de La Jallière a un succès rapide : 3 000 visiteurs se rendent à l'exposition et à l'atelier du vitrail la première année.
Au mois de juin 1986, en plus de l'activité musée du vitrail, l'association organise les premières fêtes médiévales dans un château tout proche, le château de Marconnay. Pour cette occasion, un grand marché d'artisans d'art est créé dans la cour d'honneur du château. C'est un grand succès, énormément de visiteurs mais aussi d'acheteurs, ce qui est important pour les gens qui travaillent dans les métiers d'art.
Les visiteurs, bien sûr, sont très nombreux dans l'atelier de La Jallière, très vite, M. Rameau-Monpouillan s'aperçoit qu'il est difficile de travailler lorsqu'on reçoit dans son atelier 3 000 personnes par an. Il est nécessaire, à ce moment-là, de trouver une autre solution. Bien sûr, plusieurs possibilités sont évoquées, mais c'est celle de Curzay qui est retenue.
En effet, le maire de cette commune voisine fait une demande de devis pour la création de vitraux dans la partie non cultuelle de l'église ; il s'agit d'une petite église classée du XVe siècle dans laquelle avait été construit un deuxième transept qui n'a jamais été utilisé pour le culte, et c'est dans cette partie que le maire du village demande la réalisation de deux vitraux.
En allant prendre les mesures des fenêtres alors occultées par des parpaings, M. Rameau-Monpouillan découvre un espace tout à fait adapté pour recevoir le musée du Vitrail qui encombre un peu son atelier. Il en fait la proposition à M. le Maire et est invité à présenter le projet devant le conseil municipal. Tout d'abord étonnement, puis scepticisme, et petit à petit cet étonnement et ce scepticisme font place à une envie politique de développement. Curzay-sur-Vonne est une petite commune située sur la rivière la Vonne, à 25 km de Poitiers, à 11 km de Lusignan, en plein coeur du pays Mélusin, pays de légendes, pays de la fée Mélusine, entre le Futuroscope et le Marais Poitevin.
En 1987, la population s'élève à 450 habitants. En dehors des voies de communication, le village, meurt doucement. La boulangerie a disparu en 1983, le café du village est en perte de vitesse. Mais qu'est-ce donc que le développement en milieu rural ? Tout d'abord, un village, une volonté politique, bien sûr, un espace à utiliser et une idée.
En 1988, au mois de juillet, le musée de Curzay ouvre ses portes pour la première fois. Une convention de mise à disposition est signée entre l'association de La Jallière et la municipalité de Curzay. Un emploi, qu'à l'époque on appelait TUC, est créé par la commune pour 4 mois, de manière à tenir la billetterie du musée municipal du Vitrail de Curzay quatre après-midi par semaine. Les visiteurs sont peu nombreux. Ils passent de 3 000 à 350. Les visites n'étant plus guidées, ceci pourrait en partie expliquer la baisse du nombre de visiteurs. Pendant trois saisons, la fréquentation évolue peu. Les expositions ne sont plus à la hauteur des prétentions.
Au mois de juin 1991, le maire de Curzay et M. Rameau-Monpouillan font le constat d'une impasse. Le musée ne peut pas fonctionner sans la présence d'une personne spécialisée pour la création et la mise en place des expositions, et pour la présentation au public. Le maire charge Cédric Rameau-Monpouillan de tenir cette place et, à la fin de la saison, le nombre d'entrées a doublé - on pourrait presque dire que c'est un succès.
Lors du bilan de l'année 1993, alors que le musée reçoit 1 700 visiteurs, M. Rameau-Monpouillan fait une proposition au maire de Curzay de façon à mettre en place un véritable projet de développement. Le conseil municipal valide son embauche comme agent contractuel du patrimoine.
Dès le mois de janvier 1994, M. Rameau-Monpouillan conçoit le dossier « Le musée du Vitrail, projet de développement en milieu rural ». La préfecture accorde à ce moment-là un FRILE 10 ( * ) de 225 000 F. Le Conseil général gratifie le projet d'une subvention exceptionnelle d'investissement pour l'aide à la constitution d'un fonds muséographique : 100 000 F. C'est peu, mais ça commence déjà bien. La commune crée deux postes à mi-temps en contrats CES. Un lieu d'accueil est aménagé dans des locaux communaux non utilisés. Une exposition est mise en place : 5 000 visiteurs sont guidés du 10 avril au 24 décembre cette année-là.
Il est difficile, tout le monde le sait, de fonctionner en gestion de régie de recettes, c'est très compliqué, c'est pourquoi M. Rameau-Monpouillan propose à la municipalité de créer une association loi 1901 pour gérer le musée.
En 1995, l'association du musée du Vitrail prend en charge la gestion et les emplois. M. Rameau-Monpouillan est nommé directeur. Les contrats CES sont transformés en contrats CEC. Les travaux entrepris par la Communauté de communes du pays Mélusin permettent de créer un étage dans le musée et de doubler ainsi la surface d'exposition. Ouvert de mai à décembre, le musée reçoit 5 000 visiteurs, deux expositions sont créées cette année-là, « Le vitrail XIX e dans le département de la Vienne » et « L'atelier Lobin de Tours », exposition créée en relation avec la mairie de Tours. La commune, la Communauté de communes et le Conseil général de la Vienne soutiennent ces expositions.
En 1996, un grand événement : Max Ingrand. Cette exposition reçoit 7 000 visiteurs. Le musée du Vitrail développe cette année-là plusieurs emplois en contrats CES, ces personnes sont formées sur place pour présenter le vitrail. Toutes les visites au musée du Vitrail de Curzay sont guidées. Une boutique musée est ouverte, elle présente les réalisations de plusieurs verriers français. Un point information, en relation avec l'Office de Tourisme, est installé dans l'accueil. Il faut également préciser que le musée participe chaque année à des salons touristiques avec le CDT ou le CRT.
En 1997, le projet s'étoffe. Depuis 1994, la construction de l'atelier du musée est en attente. Le bâtiment est terminé en septembre, il reçoit ses premiers stagiaires pour une découverte du vitrail traditionnel. Cet atelier est un centre de formation aujourd'hui reconnu, il est agréé par Jeunesse & Sports. Des artistes et artisans de la profession interviennent comme formateurs. Les publics concernés par l'atelier sont les classes du Patrimoine ou les classes à PAC 11 ( * ) , les stages loisirs pour tous publics, des formations de 40 à 440 heures (à partir de 2003, formations de 1 200 h). Dans cet atelier sont enseignées les différentes techniques du vitrail : le vitrail traditionnel et la peinture, la dalle de verre à la résine époxy, le fusing (collage des verres à chaud), la technique Tiffany.
L'exposition du musée du Vitrail, pour l'année 1997-1998, s'intitule « Il était une fois la saga des Guevel ». Cette famille de verriers confirme le succès du musée de Curzay, plus de 8 000 visiteurs découvrent l'art de la dalle de verre, spécialité de ces artistes. Jean-Pierre Raffarin achète pour la région Poitou-Charentes une oeuvre exposée de Michel Guevel. On va découvrir au fur et à mesure qu'en montant certaines expositions, on peut développer des ventes autour de ces expositions.
C'est une autre famille de verriers qui participe à l'exposition 1998-1999, « Loire, un atelier familial à Chartres au XX e siècle ». Une oeuvre est vendue à des visiteurs. Du mois de mars 1999 au mois de mars 2000, l'exposition « Un siècle de vitrail féminin en France » permet de découvrir de nombreuses artistes femmes pratiquant l'art du vitrail depuis le début du XX e siècle. L'exposition « Quelques notes en verre et pour tous », présentée entre mars 2000 et mars 2001 propose des instruments de musique et des vitraux anciens et contemporains. Sept oeuvres de sept artistes différents sont vendues à des visiteurs Mexicains ; le musée du Vitrail se charge de l'exportation au Mexique. Deux autres pièces de création de deux artistes sont vendues à un visiteur français.
En 2001-2002, une rétrospective Jean Mauret est présentée au musée du Vitrail. 70 oeuvres de l'artiste sont mises en scène, des sculptures, des xylographies, des maquettes, des cartons et des vitraux ; c'est l'exposition la plus importante de cet artiste. Un projet est en marche pour faire réaliser par Pierre Buraglio et Jean Mauret les vitraux d'une petite église romane dans les Deux-Sèvres, près de Niort.
En 2002-2003, le thème « Marines » est présenté avec des oeuvres dont certaines ont été conçues spécialement pour cette occasion.
Aujourd'hui, le musée du Vitrail est un lieu incontournable pour le vitrail français. Il emploie 8 personnes pour un équivalent temps plein de 6,6. Il reçoit entre 8 000 et 10 000 visiteurs par an, son budget annuel est d'environ 250 000 € et il s'autofinance à 60 %.
Ses partenaires sont :
- la commune,
- la Communauté de communes,
- le pays,
- le département,
- la région.
En 2001, une convention multipartite et triennale a été signée avec l'ensemble des partenaires. Le musée constitue un fonds verrier important, à la fois par des achats et par des dons, et aussi par un dépôt important. Par son action touristique, il a permis la construction d'une boulangerie pâtisserie alimentation de proximité dans le village de Curzay, et donc l'installation d'un artisan boulanger.
Le café restaurant du village s'est rebaptisé « Café du musée ». Une bonne partie de son chiffre d'affaires est réalisée grâce aux employés du musée, aux stagiaires et aux visiteurs du musée. Un relais & château existe à Curzay depuis juillet 1994, c'est un hôtel 4 étoiles et un restaurant classé. Le musée et le relais château ont organisé ensemble un produit touristique : une journée à Curzay.
Par son rôle d'expert, le musée du Vitrail aide à la mise en place de sites métiers d'art dans la région Poitou-Charentes. Il conseille les collectivités pour la restauration et la création de vitraux. Il envoie des listes de verriers aux commanditaires potentiels. Il fédère autour de lui les verriers de la région et il participe à des rencontres de professionnels en organisant des réseaux. Le département de la Vienne lui a commandé une étude pour la création de vitraux monumentaux pour décorer les halls des hôtels d'entreprises construits sur le site du Futuroscope. Jean-Jacques Fanjat, maître verrier de Lyon, a déjà réalisé une première oeuvre.
Depuis 1998, le musée du Vitrail est chargé par la région Poitou-Charentes du Grand prix régional du vitrail. Ce prix de 14 000 € permet de créer chaque année dans un édifice de la région une oeuvre contemporaine. Les maquettes et panneaux d'essais des artistes participant au concours sont achetés par le musée et entrent dans les collections.
La DRAC Poitou-Charentes vient de passer une convention de dépôt avec le musée concernant les vitraux modernes et contemporains. Le musée a également été chargé de l'inventaire de ces mêmes vitraux pour la région Poitou-Charentes. Ceci représente une reconnaissance du travail du musée du Vitrail par les instances de l'Etat. Le musée est membre de plusieurs associations métiers d'art, tant en région que sur le territoire national, comme la SEMA, la Chambre syndicale nationale du Vitrail, le Pôle régional des métiers d'art en région Poitou-Charentes, et plusieurs publications ont été éditées par le musée.
Il est important de noter que pour faire du développement local, il est nécessaire d'avoir un lieu, un espace, une idée, une volonté politique, mais aussi et surtout un chef de projet.
* 10 Fonds régional d'intervention locale pour l'emploi
* 11 Projet Artistique et Culturel