51 MESURES POUR LE PATRIMOINE MONUMENTAL

MESURES GÉNÉRALES

1. Pratiquer une politique de vérité des dotations budgétaires où l'on n'ouvrirait d'autorisations de programme-AP- que pour des opérations prêtes à entrer dans leur phase opérationnelle.

2. Réviser la clé de répartition AP/CP pour tenir compte de la durée effective des opérations

3. Faire procéder d'urgence à un état des lieux fiable - sur la base de critères homogènes - de la situation sanitaire des monuments historiques .

4. Augmenter significativement les crédits d'entretien sur cinq ans par un redéploiement de CP consécutif à la révision des clés AP/CP, en attendant de pouvoir le faire en fonction des besoins avec la réforme budgétaire de 2006.

5. Lancer un Plan « Patrimoine monumental », attentif aux résultats en termes de budget exécuté.

6. Demander à la DGCCRF de s'assurer de l'absence de possibles prises illégales d'intérêt des fonctionnaires habilités à accorder subventions et autorisations.

7. Confier des missions d'audit à l'inspection des finances sur :

- la répartition des tâches, l'adéquation des moyens en personnels ainsi que la définition de critères de productivité au sein des CRMH,

- les moyens de renforcer les compétences administratives des services du ministère de la culture et de ses établissements publics intervenant sur les MH en vue de satisfaire aux exigences du contrôle financier et du nouveau code des marchés.

A PLUS LONG TERME

8. Mettre en place un tableau de bord normalisé ainsi que des indices de productivité pour les services centraux et déconcentrés.

9. Définir, conformément à la loi organique du 1er août 2001 sur les lois des finances, un programme « sauvegarde et mise en valeur du patrimoine monumental » comportant des indicateurs relatifs aux interventions financières de l'État, notamment en matière de dépenses fiscales.

10. Recenser régulièrement les interventions des collectivités territoriales de façon à permettre le chiffrage de l'effort public en faveur du patrimoine monumental.

11. Poser le principe de la maîtrise d'ouvrage des travaux sur les monuments classés par le propriétaire et abroger en conséquence le II de l'article 20 de la loi sur la maîtrise d'ouvrage publique du 13 juillet 1985 qui, en prévoyant que l'État peut confier la maîtrise d'oeuvre de travaux sur un monument classé à son propriétaire par voie de convention, contrevient à la lettre et à l'esprit de la loi de 1913.

12. Prévoir que les demandes de protection soient assorties, notamment pour le patrimoine du XXeme siècle, d'une description normalisée du monument sur des bases compatibles avec l'Inventaire général, d'un état sanitaire approfondi, ainsi que d'une étude d'impact financier de la mesure pour les finances publiques.

13. Orienter, grâce à l'action de l'inspection générale, la politique des CRMH et, corrélativement, des ACMH ou des architectes du patrimoine agréés vers un plus grand nombre de remises en état à l'identique .

14. Redéfinir les compétences respectives de l'EPMOTC et du SNT sur la base de principes clairs avec pour souci de garantir l'unicité de la conduite d'opération et en envisageant la sortie du champ de compétence de la DRAC Île-de-France de certains monuments parisiens, à commencer par l'Arc de Triomphe .

15. Faire fonctionner le Centre des monuments nationaux , - recentré sur sa mission première qui est l'accueil du plus large public - à la manière d'un centre de ressources pour des monuments regroupés en pôles régionaux, dotés de la masse critique administrative et articulés autour de monuments « têtes de réseau ».

16. Étudier un rapprochement entre la RMN et le Centre des monuments nationaux -qui rencontrent des difficultés de même nature et ont des compétences complémentaires- par la création de filiales communes pour les éditions et les produits dérivés .

17. Ériger en établissement public -ou en groupement d'intérêt public- le domaine de Chambord , tout en préservant, par le versement d'une contribution forfaitaire, le principe de solidarité entre petits et grands monuments.

18. Prendre les contacts utiles en vue de donner aux collectivités territoriales la responsabilité de certains monuments ou musées - par voie de transfert de propriété ou de convention à long terme -, ainsi qu'en vue de confier, à titre expérimental, à des sociétés privées la gestion de monuments ouverts au public dans le cadre de concessions de service public.

19. Donner une nouvelle impulsion à l'action de la Fondation du patrimoine en lui affectant une ressource propre , le produit des successions vacantes , et en lui permettant de constituer le guichet en charge du patrimoine non protégé .

MESURES INTÉRESSANT LES MONUMENTS PRIVÉS

20. Supprimer la nécessité de subventions de l'État pour permettre aux monuments historiques non ouverts au public de bénéficier des avantages fiscaux en matière d'impôt sur le revenu .

21. Accorder un abattement d'assiette en matière de droits de mutation à titre gratuit -dans la limite de 50 %- aux monuments historiques-indépendamment de toute convention d'ouverture au public au sens de l'article 795 A du code général des impôts-, par la voie d'un agrément tenant compte de critères liés à la situation géographique particulière du monument et à certaines contraintes acceptées par leurs propriétaires notamment en matière de conservation et d'entretien .

22. Aligner le régime des monuments historiques au regard de l'impôt sur la fortune sur celui applicable en matière de droits de mutation à titre gratuit .

23. Mettre en place un « plan d'épargne monuments historiques » , permettant d'opérer par anticipation des versements déductibles du revenu imposable dans les mêmes conditions que les travaux que l'épargne est destinée à financer.

24. Favoriser les emplois saisonniers par un « contrat accueil animation » bénéficiant de charges allégées sur le modèle du « contrat vendange » pour faciliter l'ouverture des monuments historiques, éventuellement articulé sur un régime spécifique de chèques emploi-service .

25. Redonner au propriétaire privé la maîtrise des objectifs du projet de restauration en prévoyant sa consultation obligatoire pour la définition du cahier des charges de l'étude préalable et en mettant en place une instance d'arbitrage de nature à trouver des compromis entre les propriétaires privés et l'Administration, en cas de refus d'autorisation ou de choix par l'ACMH d'un projet jugé inadapté par le propriétaire.

26. Isoler dans le cadre de la mise en oeuvre de la mesure n° 9, les crédits budgétaires destinés à l'aide aux MH en mains privées.

A PLUS LONG TERME

27. Rendre effective une obligation de procéder à des visites périodiques d'entretien -fiscalement déductibles-, notamment avant l'expiration de la garantie décennale, en subordonnant les avantages fiscaux en matière de droits de mutation au respect de cette obligation.

28. Étudier l'aménagement du régime de la dation permettant sous conditions de maintenir le bien in situ et relancer les réflexions sur l'adaptation du droit des fondations afin de permettre aux familles d'assurer la pérennité du monument et de son contenu.

29. Réévaluer le rôle des associations représentatives, qui doivent être consultées pour la définition de la politique régionale dans le cadre de « tables rondes » régulières au niveau national comme au niveau local.

30. Donner plus d'indépendance aux commissions consultatives, Commission régionale du patrimoine et des sites-CRPS - et commission supérieure des monuments historiques-CSMH -, en y augmentant la place des personnalités qualifiées appartenant notamment au monde associatif, ainsi que celle des élus.

MESURES DE DÉCENTRALISATION

31. Réfléchir à la possibilité, en vue de limiter les retards pris dans le montage des financements, de substituer aux négociations au coup par coup un barème prédéfini fixant sur des bases objectives les participations des différentes collectivités publiques, soit au niveau du financement d'un organisme conducteur d'opération, soit dans le cadre d'une mesure de décentralisation conférant des responsabilités opérationnelles à une collectivité « chef de file ».

32. Restructurer les DRAC en intégrant les services patrimoniaux dans le cadre d'une structure unifiée, organisée autour d'unités fonctionnelles -services juridiques, financiers, techniques, documentaires , etc...- et dirigée par un conservateur régional capable d'effectuer au jour le jour les arbitrages nécessaires en sa qualité de « patron » des services patrimoniaux.

A PLUS LONG TERME

33. Étudier la faisabilité , dans la perspective d'une nouvelle répartition des compétences entre l'État et les collectivités locales, de la restructuration du parc actuel de monuments protégés, en deux catégories correspondant à deux labels :

• le label « Monument de France », accordé à un nombre restreint d'édifices essentiels, soumis au contrôle continu par les services du ministère de la culture des travaux de restauration (maîtrise d'oeuvre confiée à un architecte en chef qui resterait en tout état de cause nommément désigné ) et bénéficiant d'une aide systématique de l'État,

• le label « Patrimoine national », qui caractériserait des monuments, méritant une aide variable de la collectivité -selon leur situation géographique, leurs caractéristiques, leur degré d'ouverture au public-, comportant au minimum pour les travaux autorisés un avantage fiscal en matière d'impôt sur le revenu, et soumis en contrepartie, à un certain nombre d'obligations en termes notamment d'entretien ou de maîtrise d'ouvrage-recours à un architecte agréé-, sans que, en principe, les services du ministère de la Culture assument la maîtrise d'oeuvre et la maîtrise d'ouvrage d'opérations sur des immeubles n'appartenant pas à l'Etat.

Un tel schéma pourrait s'accompagner d'un rapprochement, voire d'un alignement, des régimes juridiques des monuments actuellement classés et inscrits , étant entendu que ceux qui refuseraient le nouveau régime unifié pourraient toujours conserver le bénéfice de la déductibilité dans le cadre de l'article 156 du code général des impôts.

34. Transférer la gestion des monuments labellisés « patrimoine national » -ainsi que ce qu'il est convenu d'appeler le Patrimoine non protégé - aux régions , qui seraient compétentes pour les travaux voire pour la définition des périmètres de protection, des monuments protégés à leur initiative [sauf à prévoir, pour quelques années, un visa de l'État pour les autorisations de travaux sur les anciens monuments classés ainsi que sur les anciens inscrits, non classés pour des raisons contingentes].

35. Préserver l'intervention régalienne de l'État pour la décision de protection elle-même , qui continuerait d'être de la compétence formelle de l'État, sauf pour celui-ci à s'engager dans un cadre contractuel à donner systématiquement suite aux demandes de protection des régions.

36. Adapter la loi de 1913 pour régler les problèmes juridiques que soulèvent le transfert de compétences aux régions et leur éventuelle subdélégation aux départements, ainsi que pour mettre à plat , au-delà du code du patrimoine en préparation, l'ensemble des procédures d'autorisation et d'avis afin d'éliminer les superpositions d'avis et les interférences administratives

37. Augmenter les pouvoirs des communes en matière de protection en leur permettant notamment d'élaborer des documents d'urbanisme comportant des listes d'immeubles à conserver et d'assortir les permis de construire portant sur ces immeubles de prescriptions spécifiques

38. Transférer le pré-inventaire aux départements en les incitant à fixer une date butoir pour la fin des opérations et à associer services de l'Inventaire et zones d'environnement protégé, ZPPAUP, villes et pays d'art et d'histoire, ainsi que , éventuellement, la responsabilité de la définition des méthodes de l'Inventaire au CNRS .

39. Recentrer les compétences des CRMH sur leurs missions régaliennes et confier les opérations lourdes-comportant par exemple la réaffectation d'un bâtiment- à des organismes de niveau régional ou interrégional, établissements publics ou services à compétence nationale, spécialisés dans la conduite d'opération , pour le compte des collectivités publiques propriétaires. Il s'agit à la fois de concentrer des compétences dans des matières très techniques, notamment en matière de marchés publics, et de faciliter au niveau des ressources de ces établissements la globalisation des financements, ainsi que de mettre à la disposition des collectivités qui souhaiteraient exercer leurs prérogatives de maître d'ouvrage, des compétences de « programmiste ».

40. Renforcer les compétences et l'autorité du CRMH en sa qualité de maître d'ouvrage en lui donnant plus de latitude pour choisir le maître d'oeuvre et déterminer le programme des études préliminaires et préalables.

MESURE RELATIVES AUX PERSONNELS

41. Amorcer sans délai l'augmentation du nombre des ACMH , ainsi que la désectorisation de leurs compétences en matière de maîtrise d'oeuvre.

42. Transformer les ACMH inspecteurs généraux en fonctionnaires , en leur laissant la responsabilité d'un monument majeur.

43. Revaloriser les vacations perçues au titre de leurs fonctions de conseil pour les ACMH, notamment pour délivrer les avis préalables aux travaux devant être exécutés sur les MH non attribués nominativement.

44. Prévoir une mobilité administrative obligatoire préalable à l'accession à certains grades pour tous les fonctionnaires de cadre A des CRMH et des SDAP, de l'Inventaire général, voire pour les ACMH.

A PLUS LONG TERME

45. Supprimer , à terme , dans un souci d'harmonisation européenne, en ce qui concerne la maîtrise d'oeuvre, le monopole territorial des ACMH, qui recevraient en dotation un certain nombre de monuments classés labellisés « monuments de France » et pour lesquels ils seraient compétents, quelle que soit l'importance ou la nature de l'opération, entretien ou restauration.

46. Maintenir en matière d'expertise, la compétence territoriale des ACMH qui, à terme , ne devraient exercer les fonctions de conseils de l'administration que, sauf exception, pour un seul département .

47. Instaurer un système de liste d'aptitude qui s'accompagnerait de l'augmentation du nombre d'architectes habilités à intervenir sur les MH dans le cadre d'une procédure d'agrément des architectes français ou européens ayant reçu la formation adéquate et pouvant faire état d'une expérience professionnelle en matière de monuments historiques.

48. Renforcer les moyens de l'École de Chaillot et d'une façon générale la formation des architectes en matière d'intervention sur le bâti existant.

49. Prévoir l'intervention d'un architecte figurant sur la liste d'aptitude pour tous les monuments historiques , qu'ils soient labellisés « patrimoine national » ou « monument de France », y compris pour les bâtiments publics ne relevant pas du ministère de la Culture et non mentionnés dans une convention avec l'administration concernée.

50. Rattacher les ABF aux DRAC-ou du moins resserrer leurs liens fonctionnels - en leur qualité de conservateurs des monuments et en matière d'abords, pour en faire pour un part de leur activité l'échelon départemental, qui manque aux conservations régionales des monuments historiques .

51. Étudier la reconnaissance de filières professionnelles patrimoniales dans la fonction publique territoriale , selon un schéma parallèle à celui de la fonction publique d'État avec notamment la création d'un grade de conservateur général, afin de favoriser le passage d'une fonction publique à l'autre sans perte de qualification.

« Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde « Victor Hugo »

« Less is more » Ludwig Mies van der Rohe

A l'origine de l'enquête, il y a un constat paradoxal : les crédits consacrés au patrimoine monumental ne sont pas intégralement consommés, loin s'en faut, tandis que l'état sanitaire des monuments historiques serait, au moins selon certaines données officielles, singulièrement préoccupant.

Après six mois d'investigations, le rapporteur débouche dans une large mesure sur un autre constat, un constat d'impuissance .

Impuissance d'abord, parce que l'on assiste souvent, sinon à la paralysie du système du fait des rivalités internes entre services, du moins à une concurrence dans l'excès de zèle, dont les conséquences sont une augmentation des délais et des coûts et un certain nombre de blocages voire de dérives : la science, l'histoire de l'art, le devoir de mémoire ou le respect de l'environnement ne sont, dans bien des cas, que l'alibi des uns et des autres pour préserver leur domaine de compétences.

Impuissance ensuite, parce que, au fur et à mesure de son enquête, le rapporteur s'est rendu compte qu'il n'était pas si facile de persister dans les idées simples qu'il avait cru être en mesure de dégager lors de ses premiers contacts, et que les principes de bon sens qu'il lui semblait devoir être appliqués, devaient tenir compte de comportements ou de situations, qui avaient leurs raisons d'être et constituaient globalement des garanties pour les monuments.

Mais, le « patinage » de la machine administrative, qui n'est que la manifestation d'une certaine bureaucratisation de l'action culturelle de l'État, ne tient pas seulement à la conjonction d'ambitions corporatistes s'avançant masquées derrière les exigences de l'intérêt général ; il résulte également d'un souci de rigueur accrue sur le plan administratif.

C'est ainsi que, d'une part, l'initiative, à priori heureuse, d'imposer des études préalables au lancement des opérations sur les monuments historiques, a eu en fait pour conséquence un alourdissement des travaux, presque toujours orientés vers une restitution plus perfectionniste.

D'autre part, la recherche d'une mise en concurrence systématique des entreprises, le souci croissant de rigueur dans l'application des procédures administratives, la mise en oeuvre d'un nouveau code des marchés plus adapté aux produits et prestations courantes qu'aux monuments historiques, ont abouti à une complexité croissante et à un allongement de la durée des opérations.

Tout cela apparaît largement dans le sens de l'histoire administrative et c'est pour cela qu'il faut être modeste dans les ambitions du présent rapport qui tend plus à dégager des orientations, indiquer des possibilités, parfois alternatives et à faire évoluer les esprits, qu'à déboucher immédiatement sur une nouvelle organisation de notre régime de protection des monuments historiques.

L'adaptation, un moment évoquée, de la loi du 31 décembre 1913 doit être mise en chantier, sans que l'on sache s'il doit s'agir d'un toilettage ou d'une véritable refonte dans la perspective d'un large mouvement de décentralisation.

En tout état de cause, elle dépasse largement le cadre de la présente étude, dont l'ambition est moins d'apporter des solutions définitives qu'à ouvrir le débat sur la base de considérations économiques et financières.

A tous les stades de son enquête, votre rapporteur n'a rencontré que des personnels de haute qualité, imprégnés du souci du service public. Et pourtant, si tant de compétences conjuguées ne parviennent qu'à des résultats inégaux, c'est sans doute qu'en dépit de la souplesse de la rédaction de la loi de 1913, le système inventé au XIX eme siècle a atteint ses limites.

Or, la conviction du rapporteur est que cette organisation administrative devra évoluer pour toute une série de raisons structurelles :

1°) on ne pourra pas continuer à classer ou inscrire toujours plus de biens sans ajuster la part de la richesse nationale que l'on consacre à la protection et à la mise en valeur du patrimoine monumental : le classement, parce qu'il emporte un certain nombre de précautions et de garanties matérielles, a un coût qui doit être présent à l'esprit de l'instance qui prend la décision, ne serait-ce qu'à cause des avantages fiscaux de droit et des droits à subventions qui en résultent ;

2°) on ne pourra pas, non plus, se prévaloir bien longtemps de l'exception française et faire comme si l'Europe n'existait pas et comme si la logique libérale qui l'anime, allait épargner la culture : ailleurs, dans les autres pays européens, la culture est une activité qui, si elle échappe parfois à la loi du marché, n'est, en aucun cas, le monopole des acteurs publics ;

3°) on pourra, encore moins, s'arc-bouter indéfiniment sur nos principes jacobins pour faire de l'État central le seul dépositaire de l'intérêt général : indépendamment de toute réforme d'ensemble des collectivités territoriales, il faut reconnaître que les régions, les départements voire certaines structures communales, ont su faire preuve de leurs capacités à faire aboutir des projets complexes, dont on croyait, il y a peu, que seul l'État et ses fonctionnaires d'élite pouvaient les mener à bien ;

4°) on ne pourra pas, enfin, soustraire durablement le secteur de la culture aux obligations de résultat qui devront s'imposer à l'action administrative dans le cadre de la réforme de l'État, telle qu'elle s'est manifestée par l'adoption de la nouvelle loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances : si gouverner, c'est choisir, administrer, c'est arbitrer ou plutôt faire arbitrer en toute transparence par les responsables élus les principales options de la politique suivie sur le terrain.

I. LES LEÇONS À TIRER DES DYSFONCTIONNEMENTS DU SYSTÈME

S'il est évidemment excessif de parler de blocage, s'agissant d'un système qui assure, globalement, le maintien en l'état de notre parc de monuments historiques, l'expression de dérive paraît plus appropriée pour décrire l'état d'une machine administrative qui semble entrée dans une phase de rendements décroissants et incapable de faire jouer des mécanismes d'autorégulation.

Pour expliquer le grippage de la « pompe à finances », votre rapporteur spécial ne saurait s'en tenir aux simples raisons de procédures ; il en est d'autres, plus générales, tenant au mauvais fonctionnement de la machine administrative et pas seulement financière.

A cela il faut ajouter - en conservant la métaphore mécanique - des dérapages résultant certes de fautes de pilotage, mais révélateurs sinon d'erreurs de programmation initiale du moins de ratés dans la mise en jeu de mécanismes correcteurs.

A. LE GRIPPAGE DE LA MÉCANIQUE FINANCIERE

L'engorgement du moteur financier pour de multiples raisons techniques, soulignées dans l'excellent rapport commandé par Mme Catherine Tasca sur le problème de la sous-consommation des crédits, n'épuise pas la question mais permet au rapporteur spécial de procéder à des recommandations de portée immédiate, indépendamment des réformes touchant à l'organisation et aux structures de l'Administration.

1. Le rapport Labrusse : un diagnostic technique

Par une lettre du 25 janvier 2002, Mme Catherine Tasca, ministre de la Culture et de la Communication, a commandé à M. Rémi Labrusse, professeur des universités, un rapport sur les causes de nature à expliquer l'importance des reports de crédits et l'insuffisance des taux de consommation des crédits des titres V et VI du budget de son ministère.

Le rapport, qui a été réalisé en collaboration avec les services de la direction du Patrimoine et de l'Architecture, a été remis le 15 février 2002.

Source : Contrôle financier.

a) Le constat

Le rapport a, tout d'abord, réalisé une forme d'état des lieux. Il rappelle, ainsi, que les crédits d'investissements du ministère de la Culture ont été de 0,976 Mds d'euros (6,4 milliards de francs), en 2001, soit 35,4 % du budget total et que les crédits reportés sur l'exercice 2002 représentent 15,1 % du budget total et 42,7 % des crédits d'investissements .

Bien que le rapport ait souligné que la situation du ministère ne soit pas exceptionnelle comparée à celle des autres départements, et notamment aux ministères de l'Intérieur et de la Justice, il a reconnu que la position relative au ministère de la Culture s'est fortement dégradée depuis 2000, surtout pour les crédits du titre V.

Le taux de consommation peut être estimé dans un premier temps en rapportant le volume des autorisations de programme (AP) « affectées » au volume des AP « ouvertes ». Globalement, ce taux est de 71 %, ce qui représente une moyenne entre les titres V et VI où il atteint respectivement 52 % et 93 %. En 2001, les taux d'affectation les plus faibles concernent les AP d'intérêt local, dites de la catégorie II, sur le titre V, dont le taux d'affectation est de 66 %, ainsi que sur le titre VI, sur lequel le taux d'affectation est de 59 %. En revanche, au niveau central, les taux d'affectation sont plus élevés, puisqu'ils approchent respectivement pour les deux titres 80 et 98 % en 2001.

Il faut aller au-delà de ces chiffres car, bien que théoriquement des AP affectées doivent être engagées au cours d'un même exercice et donner lieu à un premier paiement, la réalité est très différente. Ainsi, le taux d'engagement des AP affectées atteint son minimum en 2001, pour les AP d'intérêt local du chapitre 56-91, c'est-à-dire pour les travaux d'équipement culturel, gérés par les DRAC, pour ne se monter qu'à 69 %.

En fait, le reliquat effectif d'autorisations de programme non consommées en 2001 est égal au volume des AP ouvertes non affectées, 227,15 M€ (1,49 milliard de francs), auquel s'ajoute celui des AP affectées et non engagées, 407 M€ (2,67 milliards de francs), soit un total de 632,66 M€ (4,15 milliards de francs) .

Les taux de consommation en termes de crédits de paiement ne sont guère plus importants.

Les reports de crédits de paiements (CP) d'une année sur l'autre sont en forte croissance. De 0,94 M€ (614 millions de francs en 1997), ils sont passés à 417 M€ ( 2.735 millions de francs en 2001) , ce qui représente une multiplication par 4,5. Ces reports sont principalement concentrés sur le titre V et en particulier sur le chapitre 56-20, qui concerne les opérations de restauration dont l'État est maître d'ouvrage. A cela s'ajoute la croissance des reports sur le chapitre 56-91 qui a trait principalement aux opérations d'équipements effectuées par l'EPMOTC pour le compte de l'État. Or, il faudrait tenir compte des crédits délégués à cet établissement et non engagés par lui. La trésorerie de cet établissement se montait ainsi à 89 M€ (583,6 millions de francs) au 31 décembre 2001, chiffre à comparer aux quelques 30,5 M€ (200 millions de francs) de travaux mandatés pour ledit exercice. Au total , le taux de consommation, c'est-à-dire le rapport entre les mandatements nets et les ouvertures nettes de crédits, s'établit à 57 % en 2001 , soit sensiblement plus que les 87 % enregistrés en 1997.

Le rapport note que la crise concerne tout spécialement le chapitre 56-91 où l'on est passé d'un taux de consommation de 78 % en 1999 à un taux de 38 % en 2001, et ce en dépit de l'évolution globalement modérée des crédits.

En définitive, M. Rémi Labrusse met en cause « la capacité des directions à lancer des opérations pour lesquelles elles ont obtenu les crédits ... tout se passe comme si, à ce niveau de dépense, les limites du système de gestion des opérations des monuments historiques par l'État étaient atteintes ».

Le rapport fournit également un certain nombre d'informations quantitatives intéressantes. Depuis 1998, sur un stock d'opérations de l'ordre de 25.000 qui se répartissent de façon à peu près égale entre titres V et VI, près des ¾ portent sur un montant inférieur à 76.000 € (500.000 francs). Le montant moyen est particulièrement faible pour le chapitre 66-20 où la moyenne est de l'ordre de 35.000 €. C'est non sans raison que le rapport peut parler d' émiettement de l'action de l'État.

On remarque, également, l'absence d'informations par catégorie de bâtiment, tout comme, semble-t-il, par catégorie de propriétaire.

b) L'analyse

Le rapport distingue quatre causes au phénomène de la sous-consommation : deux considérées comme non majeures, relatives à des facteurs conjoncturels ou aux procédures comptables ; deux autres qualifiées, au contraire, de fondamentales : le mode de fixation des crédits et l'organisation de la maîtrise d'ouvrage. On sera bref sur les causes conjoncturelles qui touchent, d'une part, aux crédits « tempête » ouverts en loi de finances rectificative 2000, qu'il a été difficile de dépenser rapidement pour des raisons techniques évidentes, et, d'autre part, à la situation de surchauffe qu'a connu le secteur du bâtiment en 1999 et en 2000.

En revanche, les procédures comptables de mise à disposition des crédits jouent un rôle non négligeable dans l'engagement tardif de la dépense. Le rapport admet que les cinq étapes administratives préalables à la dépense (délégation, individualisation, subdélégation, affectation et engagement) constituent, pour les crédits d'intérêt local une procédure lourde pouvant constituer « un facteur de blocage » . Au niveau central, en ce qui concerne les AP d'intérêt national, dites de catégorie I, on constate également des lenteurs, notamment pour les AP déléguées au Service national des travaux : il peut s'écouler un délai compris entre 9 et 13 semaines avant que ce service puisse disposer des crédits.

En revanche, le rapport parle « d' inadéquation de la programmation budgétaire ». Sous cette expression, il entend à la fois les effets des « contrats de gestion » et, plus généralement, la façon dont est négocié le niveau des dépenses en capital inscrites en loi de finances.

Depuis 1999, le ministère des finances conclut un contrat dit de gestion avec le ministère de la culture par lequel celui-ci s'engage à maintenir à un certain niveau les crédits non consommés et reportés sur l'exercice suivant. Les montants étaient de 160,5 M€ (1.053 MF) en 1999, 164,6 M€ (1.080 MF) en 2000 et 259,2 M€ (1.700 MF) en 2001 .

Le rapport fait toutefois remarquer que le volume de reports imposé se situe en-dessous de la masse constatée en fin de gestion et n'est donc pas à l'origine de la sous-consommation des crédits.

Il observe de façon générale, que les crédits d'investissements du ministère de la culture sont déterminés en fonction de contraintes budgétaires globales et « non en fonction d'appréciations réelles des besoins ni des capacités dont dispose concrètement l'administration pour y répondre au cours de l'exercice » .

Le ministère des finances est « d'autant plus volontiers disposé à envisager des ouvertures souvent surdimensionnées par rapport à la programmation réelle que, de ce fait même, il a l'assurance qu'une partie substantielle n'en sera pas consommée » .

De son côté, le ministère de la culture est, comme le reconnaît le rapport entre les lignes, complice de cette stratégie dans la mesure où l'ouverture des crédits a, pour reprendre les termes mêmes de M. Labrusse « un effet d'affichage ». Il y a d'autant plus intérêt que les possibilités de report assurent une disponibilité des crédits sur une base pluriannuelle.

La conclusion du rapport est sans ambiguïté : « ainsi, dans l'ensemble, une négociation véritablement ancrée dans la réalité de la programmation des opérations d'investissement n'apparaît, ni nécessaire, ni même souhaitable à aucune des deux parties ».

Ceci est d'autant plus vrai que, même pour les chapitres d'opérations 56-91 et 66-91, le ministère pratique une politique de préfinancement, même s'il sait très bien que celle-ci, pour de multiples raisons, ne pourra pas être entreprise dans l'immédiat.

A cet égard, le rapport note pudiquement « là-aussi, la situation reste souvent déterminée par d'autres critères que l'état des besoins » .

Sur un plan technique, le calcul des CP à ouvrir sur les AP « se fait à partir de clés de répartition automatiques dont la pertinence n'apparaît pas clairement » . Celles-ci tendent à répartir les crédits de paiement sur quatre ans à raison de 25 % pour la première année, 30 % pour la deuxième et la troisième, et 15 % pour la dernière .

Or, à l'évidence, la répartition quadriennale est trop courte , de plus son rendement est trop fort en début de période, le maximum d'activités intervenant plutôt 3 ou 4 ans après le début des opérations.

En matière de CP, le rapport rappelle que leur calcul est assez arbitraire, signalant à cet égard qu'au 31 décembre 1997 l'État n'avait pas été en mesure de faire face à ses créanciers avec près de 144,8 M€ (950 millions de francs) de restes à payer au 31 décembre 1997.

Mais l'essentiel du retard peut être imputé aux « difficultés dans la conduite des missions de programmation et de maîtrise d'ouvrage ».

Dans un sens différent de celui développé par la Cour des comptes dans son rapport public pour 2001, M. Labrusse se pose la question de la pertinence du système administratif de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels qui repose au niveau central sur un établissement public l'EPMOTC, établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels de l'État, un service à compétence nationale, le Service national des travaux (SNT) et des cellules internes de maîtrise d'ouvrage dans certaines directions comme à la direction des musées de France, ainsi qu'au niveau local sur les conservations régionales des monuments historiques.

Ainsi que le rapporteur spécial a pu le constater lui-même également, M. Remi Labrusse signale que de nombreuses administrations ont tendance à vouloir travailler avec l'EPMOTC ou avec des cellules internes aux directions et non avec le SNT, qui serait « le maillon faible » du système.

A cet égard, le rapport souligne que la situation résulte pour une large part de ce que ce service n'a pas de rattachement administratif clair-il a été longtemps sous l'autorité directe du cabinet du ministre- et où il est amené à s'occuper d'un nombre important d'opérations moyennes, dont la « programmation demeure confuse, souvent soumise à des aléas qui ne ressortent pas strictement à la logique administrative ». Cette situation devrait évoluer avec la parution prochaine d'un arrêté précisant les compétences de ce service.

En clair, le rapport reconnaît que ce service est largement victime des revirements et des atermoiements du pouvoir politique. En l'occurrence, c'est donc moins l'opérateur qui est en cause que le maître d'ouvrage.

Enfin, M. Rémi Labrusse note que les relations entre le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre sont parfois déséquilibrées, ce qui engendre des dérives financières dans le calendrier des opérations. Les rapports lui paraissent particulièrement inégaux s'agissant des régions. Le rapport de force administratif est tel entre les ACMH et les CMRH que l'on peut dire que « le maître d'oeuvre est largement responsable de sa propre programmation » , le maître d'ouvrage disposant « d'une marge de manoeuvre d'autant plus réduite que, sur un plan à la fois technique et historique, ses compétences ne sont pas considérées, le plus souvent, à l'égal de celles du maître d'oeuvre ». Il en résulte effectivement, selon votre rapporteur spécial, une situation de dérive ou de blocage : soit le maître d'ouvrage abandonne la partie et laisse la bride sur le cou à l'architecte, soit il cherche à affirmer son autorité et engage une relation de contrôle tatillon préjudiciable au dynamisme de la conservation régionale.

c) Les propositions

Les orientations, au demeurant assez nombreuses et variables en importance du rapport se répartissent entre propositions à court et à moyen terme.

A court terme, pour M. Labrusse, une AP ne devrait être inscrite dans le budget que si un ensemble de critères permet de penser, avec une forte probabilité, qu'elle sera engagée au cours de l'année. Cette volonté de « briser la référence dominante à des contraintes macro-budgétaires » paraît relativement optimiste compte tenu de la pratique et, en particulier, de la multiplication des financements croisés.

En revanche, la proposition consistant à modifier la clé de répartition des CP paraît beaucoup plus réaliste. L'allongement de la période actuelle de 4 à 5 ans, voire à 6 ans paraît en effet souhaitable pour votre rapporteur spécial.

Il en résulterait, à court terme, une diminution des ouvertures de crédit de paiement, dont le rapport remarque que l'effet d'affichage ne manquera pas d'être négatif. Celui-ci propose de l'atténuer en augmentant à due concurrence les crédits d'entretien, ce que votre rapporteur spécial ne peut qu'approuver.

Toujours à court terme, M. Labrusse envisage toute une série de mesures pour accélérer la consommation des crédits ouverts. Il s'agit pour l'administration de:

• respecter un calendrier précoce de notifications et de délégations des crédits de paiement ;

• simplifier et accélérer l'étape administrative et comptable de l'individualisation des AP ;

• assurer la pérennité du mécanisme des autorisations de programmes provisionnelles ouvertes et gérées au niveau local ; cette procédure permet aux DRAC d'ouvrir et d'affecter des AP avant même que soient émis des titres de perception à l'adresse des cofinanceurs ; seul le maintien de ce système - qui pose des questions de principe - permet de pallier en partie les délais supplémentaires résultant des financements croisés.

Le rapport insiste également sur les apports de l'informatique pour suivre la dépense. A terme, le logiciel actuel SIAD devrait être complété par un logiciel de gestion, proprement dit, articulant programmation financière, ouverture de crédits, tandis que le suivi de la dépense, ce qui devrait se faire par extension du logiciel AGRIPPA. Par ailleurs, un ensemble d'indicateurs de la dépense d'investissement a été mis en place ce qui devrait faciliter le suivi de la dépense.

En outre, deux réformes paraissent souhaitables à M. Labrusse. D'une part, il conviendrait de mettre en place une procédure de désaffectation et de rapatriement pour les AP affectées mais non engagées au bout d'un certain délai en régions. D'autre part, l'EPMOTC devrait être autorisé à utiliser les crédits de paiement sur une autre opération que celle initialement prévue, cette fongibilité devant lui permettre l'accumulation d'une trésorerie considérable.

A moyen terme, M. Labrusse est favorable aux mesures suivantes :

• la remise à plat des relations entre les différentes instances de maîtrise d'ouvrage au niveau central notamment par une rationalisation des cellules de maîtrise d'ouvrage internes aux directions ;

• la clarification du statut du SNT du point de vue de sa tutelle et de l'adéquation de ses charges à ses capacités de gestion, étant entendu qu'une liste précise des bâtiments qui lui sont affectés, devrait être publiée ;

• le renforcement des équipes des CRMH, qui pourrait notamment se traduire par des changements au niveau des nominations des conservateurs, dont il s'agit d'affirmer la légitimité professionnelle vis-à-vis des maîtres d'oeuvre ;

• la réforme des compétences des CRMH, qui pourraient être cantonnées à la maîtrise d'ouvrage sur les seuls bâtiments appartenant à l'État dans la mesure où si l'État ne s'occupait plus systématiquement de la maîtrise d'ouvrage, cela constituerait une économie de temps et de moyens pour les CRMH.

En dernier lieu, le rapport évoque la question des architectes en chef. Il envisage un développement du vivier des ACMH par une augmentation du nombre de postes à pourvoir, ainsi que par l'ouverture du concours aux candidats de l'Union européenne. En outre, une modification du décret statutaire devrait permettre à certains architectes simplement agréés de se voir confier des missions de maîtrise d'oeuvre.

D'une façon générale, le rapport préconise le renforcement du contrôle administratif sur les ACMH :

• les commandes d'études préalables devraient s'inscrire clairement dans le cadre de la programmation des travaux, avec pour conséquence l'abolition de la distinction entre les études préalables spécifiques liées à des travaux et les études préalables générales indépendantes de la programmation. En tout état de cause, les travaux ne devraient pas intervenir dans un délai excédant trois ans conformément à la circulaire du 5 août 1985, rarement respectée sur ce point ;

• les ACMH devraient être soumis à des contraintes de délais accrus pour l'accomplissement de leurs prestations ;

• enfin, l'intervention de l'inspection générale devrait être rigoureusement recadrée : d'une part, le délai d'approbation de deux mois devrait être respecté, d'autre part, la saisine ne devrait porter que sur les études préalables ;

• dernier point, les inspecteurs généraux se consacreraient essentiellement à leurs tâches d'inspection pour ne conserver que des responsabilités limitées sur le plan opérationnel en tant qu'ACMH.

En conclusion, le rapport estime que ces analyses ne préjugent pas « la nécessité plus générale d'ouvrir la réflexion sur une restructuration globale des métiers de maître d'ouvrage et de maître d'oeuvre ».

2. Les premières conclusions du rapporteur spécial

Votre rapporteur spécial adhère pleinement aux analyses précédentes qui tendent à compléter celles de la Cour des comptes et répondent en tous points aux inquiétudes, qui sont largement à l'origine du déclenchement de la présente enquête. Elles viennent le conforter dans la décision qu'il a prise, à l'automne dernier, de proposer à la commission des finances le rejet du budget de la Culture pour 2002. Il y avait une question de principe dans la mesure où la sous-consommation des crédits avait permis au précédent Gouvernement d'en recycler une partie au profit du spectacle vivant, sans considération pour l'autorisation parlementaire.

Il n'aurait guère d'ajouts à faire à des analyses particulièrement bien argumentées, si l'approche de la présente enquête n'était pas sensiblement plus large que celle du rapport de M. Rémi Labrusse.

Parce que sa perspective est plus globale, votre rapporteur spécial, s'il adhère au diagnostic, considère que les propositions du rapport n'épuisent pas le sujet et qu'il peut être envisagé des réformes d'ensemble de nature à diminuer la sous-consommation des crédits.

Sur le plan politique, au-delà des procédures comptables et indépendamment des questions d'organisation de la maîtrise d'ouvrage sur lesquelles on se réserve de revenir dans un cadre plus large, deux conclusions s'imposent : il faut renoncer aux effets d'annonce budgétaires et placer l'entretien au coeur des préoccupations de l'État.

a) Renoncer aux effets d'affichage budgétaires

En premier lieu, votre rapporteur spécial estime qu'il conviendrait de pratiquer une politique de vérité des dotations inscrites en loi de finances.

Certes, le jeu peut être considéré comme risqué dans la mesure où cela revient à faire travailler les services sans la marge de sécurité des réserves latentes que constituent les dotations souvent inscrites par anticipation.

Cette politique d'accumulation préalable de crédits en vue d'une opération encore à finaliser, est une tentation à laquelle les ministres de la culture ont cédé bien volontiers ces dernières années. D'une part, c'est le moyen de se rapprocher puis d'atteindre en loi de finances initiale le seuil mythique du 1 % et donc de réaliser des effets d'annonce flatteurs ; d'autre part, il s'agit d'un comportement de sage précaution pour un ministre qui, ne sachant jamais de quoi l'avenir budgétaire sera fait, est naturellement tenté de sanctuariser - sous réserve d'annulations toujours possibles - tel ou tel grand équipement ou grande opération.

Comme le suggère M. Rémi Labrusse, si ce n'est de façon explicite mais au moins par a contrario , il faut renoncer aux effets d'affichage budgétaires et s'efforcer d'inscrire au budget que des crédits ayant des chances d'être effectivement dépensés.

Pour votre rapporteur spécial, qui rejoint ici l'attitude manifestée par le nouveau ministre de la culture, il convient effectivement de favoriser le changement d'un état d'esprit très français, dans lequel l'essentiel est d'annoncer des hausses des crédits ouverts pour se désintéresser de la dépense effective.

S'il reste sceptique sur la possibilité de calculer les AP sur la base des besoins réellement exprimés, votre rapporteur spécial n'en adhère pas moins aux propositions techniques du rapport.

La complexité des dossiers, le caractère aléatoire des chantiers et, surtout, l'existence de financements croisés, ainsi que d'une imbrication de pouvoirs de décision multiples lui paraissent rendre a priori imprévisible l'ouverture effective d'un chantier. A la différence de M. Rémi Labrusse, qui n'était d'ailleurs pas mandaté pour ce faire, votre rapporteur spécial peut envisager de changer les règles du jeu, au vu de l'analyse globale du fonctionnement des services du ministère de la culture.

En revanche, la révision de la clé de répartition des crédits , ainsi que la fongibilité des crédits pour l'EPMOTC - voire pour les autres organismes de maîtrise d'ouvrage déléguée, dont la création pourrait s'avérer utile - devraient être de nature à sécuriser les crédits destinés au patrimoine monumental.

Dans le même esprit, le maintien du système des autorisations de programmes provisoires - bien que non conforme à la loi organique en ce sens que cela aboutit à inciter le comptable public à engager une dépense sans disposer au préalable des fonds dans ses caisses -, paraît souhaitable du moins tant que l'on n'aura pas mis en place des circuits limitant les financements croisés.

b) Faire de l'entretien un acte de gestion primordial

Une des suggestions du rapport Labrusse, l'augmentation des dépenses d'entretien, sans être vraiment nouvelle, conduit à réfléchir sur les raisons de cette propension nationale à négliger le patrimoine monumental au quotidien.

Les Français ont tendance à « laisser les édifices à l'abandon pour les restaurer ensuite » affirmait déjà John Ruskin dans son ouvrage Les sept lampes de l'Architecture .

Pour votre rapporteur spécial, le peu d'intérêt porté par l'État a des causes multiples. Celles-ci ne tiennent pas seulement à la nature matérielle des opérations mais aussi à des questions de statut. Il s'agit de tâches humbles, voire ingrates, souvent répétitives, en tous cas peu exaltantes, sur lesquelles il est difficile de mobiliser des propriétaires peu motivés et des administrations lointaines. Il y a un travail de mobilisation des propriétaires, qui doivent être rendus pleinement responsables de l'entretien d'immeubles historiques.

Pour les opérations d'entretien les plus complexes, le rapporteur spécial reconnaît que la détermination du bon niveau de maîtrise d'oeuvre peut encore donner lieu à discussions.

(1) Un parent pauvre budgétaire

Votre rapporteur spécial estime, en outre, que la faiblesse chronique des dotations budgétaires consacrées à l'entretien, ne résulte pas seulement du manque d'intérêt général pour les questions d'entretien ; il s'y ajoute un facteur tenant à la procédure budgétaire : en forçant à peine le trait, on peut dire que tout se passe comme si le ministère des finances était plus enclin à accorder des autorisations de programme, régulables à merci, que des dotations d'entretien des titres III et IV qui, une fois accordées, seront dépensées rapidement et donc difficiles à récupérer.

Il est important de noter que la révision de la clé de répartition automatique de traduction des AP en CP dégagerait, à court terme, des CP qui devraient naturellement s'orienter vers l'entretien et permettre à brève échéance le doublement des dotations que souhaite votre rapporteur spécial.

(2) La nécessaire sensibilisation des propriétaires aux questions d'entretien

Un autre facteur qui pourrait expliquer son faible poids budgétaire, est l'idée, juste dans son principe, mais préjudiciable dans la pratique aux monuments eux-mêmes, que l'entretien relève d'une gestion en « bon père de famille » et qu'il ne faut pas que l'État se substitue au propriétaire , qu'il soit public ou privé, dans l'un de ses devoirs les plus élémentaires.

Une telle attitude est peu réaliste, selon votre rapporteur spécial, qui considère néanmoins qu'il faut mettre en place toute une série d'incitations de nature à encourager le propriétaire à s'occuper de son bien.

En ce qui concerne les monuments appartenant aux collectivités publiques, il ne faut pas exclure une aide de l'État mais on peut estimer, en anticipant sur les conclusions de ce rapport relatives aux perspectives de décentralisation, que le gros entretien devrait être pris en charge de façon collective -départements ou groupements- lorsque le monument ne relève pas d'une commune importante.

DOTATIONS REGIONALES POUR L'ENTRETIEN DES MH EN 2000 ET 2001 en €

2000*

2001*

35-20/20

43-30/40

35-20/20

43-30/40

ALSACE

182 939

243 918

182 939

243 918

AQUITAINE

227 149

518 327

228 674

518 327

AUVERGNE

121 959

518 327

137 204

518 327

BOURGOGNE

243 918

609 796

259 163

640 286

BRETAGNE

243 918

609 796

259 163

640 286

CENTRE

625 041

594 551

640 286

594 551

CHAMPAGNE ARDENNE

243 918

533 572

274 408

495 459

CORSE

25 916

25 916

FRANCHE COMTE

60 980

304 898

60 980

291 178

ILE DE FRANCE-CRMH

830 847

533 572

838 470

487 837

SCN-LRMH

10 671

ILE DE FRANCE-SNT

2 705 970

2 713 593

LANGUEDOC ROUSSILLON

268 310

518 327

297 276

518 327

LIMOUSIN

125 008

259 163

125 008

253 828

LORRAINE

170 743

411 612

198 184

396 367

MIDI PYRENEES

259 163

609 796

274 408

609 796

NORD PAS DE CALAIS

106 714

304 898

137 204

304 898

BASSE NORMANDIE

251 541

350 633

259 163

365 878

HAUTE NORMANDIE

251 541

304 898

259 163

327 765

PAYS DE LOIRE

251 541

533 572

266 786

533 572

PICARDIE

341 486

503 082

274 408

503 082

SCN - Compiègne

106 714

POITOU CHARENTES

282 031

533 572

289 653

533 572

PROV. ALPES COTE D'AZUR

464 970

838 470

472 592

838 470

RHONE-ALPES

198 184

640 286

221 051

640 286

GUADELOUPE

30 490

45 735

30 490

53 357

MARTINIQUE

0

40 399

0

53 357

GUYANE

0

45 735

0

53 357

REUNION

15 245

121 959

15 245

112 812

TOTAL

8 529 523

10 528 891

8 858 812

10 528 891

(euros)

* dotations initiales hors reports et pour 2000 hors dotations exceptionnelles tempête

En revanche, le strict entretien comme celui consistant à vérifier l'écoulement des eaux pluviales relèvera toujours du propriétaire ou de son représentant sur les lieux.

Pour les propriétaires privés, il ne s'agit pas, selon votre rapporteur spécial, d'exclure, bien au contraire, les aides directes pour des opérations d'entretien relativement lourde mais de faire reposer le mécanisme d'encouragement sur des mesures essentiellement incitatives.

Ainsi, votre rapporteur spécial souhaite-t-il que l'on étudie la possibilité de prévoir des visites de contrôle de l'état général d'un bâtiment , une sorte de contrôle technique -constituant bien entendu une charge déductible du revenu imposable- dont l'absence serait sanctionnée par la suppression d'avantages fiscaux. C'est ainsi que le régime favorable qu'il est proposé d'instituer en faveur de certains monuments historiques, mêmes non ouverts au public, en matière d'impôt sur les successions et d'impôt sur la fortune pourrait être subordonné à la production d'un certificat de visite réalisé par un professionnel dont la durée de validité resterait à définir. L'objectif resterait d'inciter les propriétaires à faire procéder à un « check up » de leur monument à une périodicité régulière et de permettre aux services des conservations régionales des monuments historiques d'être alertés suffisamment tôt en cas de difficultés.

En tout état de cause, il est choquant que, faute d'entretien normal, il faille refaire des travaux à des intervalles spécialement rapprochés et que l'État se trouve dans l'obligation de subventionner les conséquences des négligences des propriétaires.

De même, il ne faudrait plus que l'on doive renoncer à faire jouer la garantie décennale, tout simplement parce qu'un propriétaire a omis de signaler une malfaçon, pourtant visible depuis longtemps.

Votre rapporteur estime que dans ce genre de situations où sont entreprises des opérations de restauration anormalement rapprochées, il ne serait pas illégitime de moduler le taux de la subvention versée par l'État. Telle est la raison pour laquelle l'aide de l'État ne doit pas être fixée de façon mécanique en fonction des caractéristiques du bien mais être modulable en fonction des circonstances.

(3) Un débat encore ouvert : à qui confier l'entretien ?

Ce qu'on appelle le simple entretien et la maintenance incombent naturellement au propriétaire, qui peut souvent les faire effectuer lui-même par des professionnels de son choix.

En revanche, dès lors que l'intervention suppose le recours à un professionnel qualifié « Monuments Historiques » et relève de ce qu'il est convenu d'appeler le « gros entretien », il est nécessaire de faire programmer et surveiller les travaux par un maître d'oeuvre qualifié.

Votre rapporteur spécial s'est longuement interrogé sur la personne la plus apte à procéder à la surveillance des opérations d'entretien et corrélativement sur le cadre, départemental, régional ou autre, dans lequel celle-ci devait être organisée.

Face à cette situation, deux logiques d'organisation son apparues concevables. La première privilégie la proximité géographique, la seconde l'unité fonctionnelle au niveau du monument.

Dans un premier temps, votre rapporteur spécial avait considéré qu'il fallait privilégier l'unité de décision au sein d'un même monument. Sachant qu'il est difficile de savoir où finit le gros entretien qui relève de l'architecte des bâtiments de France, et où commence la restauration qui est de la compétence de l'architecte en chef des monuments historiques, il avait envisagé de préconiser de conférer la responsabilité de l'entretien à la conservation régionale et à l'architecte en chef compétent. Mais, il a vite réalisé que, pour les grandes régions, une telle organisation n'était pas viable.

Aussi, votre rapporteur spécial a-t-il estimé qu'il était difficile de ne pas organiser l'entretien dans un cadre départemental. Il convient donc de chercher à augmenter les moyens dont disposent les architectes des bâtiments de France, en leur permettant, soit de recruter du personnel supplémentaire, soit d'avoir recours à des architectes extérieurs qualifiés. Les deux solutions se heurtent à des obstacles financiers auxquels s'ajoutent dans la seconde hypothèse des problèmes juridiques.

A ce stade de l'analyse, votre rapporteur spécial n'a toutefois pas voulu exprimer d'avis définitif sur la question dans la mesure où elle doit être réglée dans un cadre plus large intégrant des perspectives de décentralisation et les réformes pouvant affecter les conditions d'exercice des fonctions d'architecte en chef des monuments historiques.

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