B. FAVORISER UNE PARTICIPATION PLUS IMPORTANTE DES CITOYENS
1. En encourageant le développement des procédures alternatives au procès conduites par des magistrats non professionnels
S'agissant du petit contentieux, il convient de poursuivre le mouvement amorcé vers une justice de proximité plus simple, plus souple, plus rapide, plus réactive et gratuite en promouvant sous une forme nouvelle des mesures alternatives de règlement des conflits en amont du procès. Cette justice de proximité pourrait s'appuyer en particulier sur les tribunaux d'instance et sur le développement du réseau des maisons de justice et du droit (MJD), voire d'antennes de justice.
a) En matière civile : instaurer des « juges de paix délégués » dotés de prérogatives importantes pour régler les conflits à l'amiable.
Afin de
favoriser le développement des procédures alternatives au
conflit, pourrait être envisagée en matière civile la mise
en place d'un «
juge de paix
délégué
».
Ce magistrat non professionnel de carrière aurait, comme les
conciliateurs et les médiateurs actuels, vocation à agir pour
rapprocher les parties et leur proposer les solutions qu'il juge
équitables, en amont d'une procédure judiciaire.
Il aurait suivi une formation appropriée et serait correctement
indemnisé.
Il serait assisté d'un greffier.
Il serait nommé par le président du tribunal de grande instance,
sur proposition du juge de proximité, et
disposerait, par
délégation de celui-ci, de pouvoirs propres,
moindres
cependant que ceux des magistrats professionnels mais nettement
supérieurs à ceux des conciliateurs et des médiateurs
actuels.
Les accords intervenus par son entremise auraient ainsi
automatiquement
force exécutoire.
En cas de désaccord, et dans l'hypothèse où les parties
envisageraient de poursuivre la procédure, le juge de paix
délégué transmettrait au juge de proximité le
constat de désaccord
, accompagné de sa
proposition de
règlement du conflit
. Le juge de proximité aurait la
possibilité d'avaliser directement cette proposition sans appeler les
parties à l'audience.
Les
juges d'instance
- en tant que «
juges de
proximité
» - seraient appelés à jouer
un
rôle d'animation
- voire de contrôle ou de supervision si
nécessaire - de l'ensemble de ce dispositif.
Le juge de paix délégué ne pourrait donc pas imposer une
solution aux parties sans l'aval du juge de proximité. Son
autorité serait d'autant plus reconnue que ses propositions de
règlement seraient fréquemment validées par le juge de
proximité.
Le juge de paix délégué jouerait, en quelque sorte, le
rôle d'un arbitre à l'autorité morale incontestée -
à l' «
autorité morale de
conviction
» selon la formule du premier président de la
Cour de cassation - et aux compétences juridiques reconnues. Il serait
proche des citoyens et connaîtrait leurs problèmes au quotidien.
Sous le regard du juge de proximité et agissant essentiellement en
équité, il serait l'expression d'une justice « hors du
Palais », facilement accessible et à l'écoute de
chacun. Ce magistrat issu de la société civile traiterait les
affaires dont il serait saisi
« avec peut être moins de
science juridique mais à coup sûr plus de connaissance du terrain
et des hommes
» pour reprendre la formule de notre
collègue Pierre Fauchon.
Le recours à ces juges de paix délégués ne serait
pas rendu obligatoire
. Les expériences passées et
actuelles de conciliation préalable obligatoire se sont en effet
révélées être des échecs.
De manière à favoriser le passage devant ces juges de paix,
l'accès
direct à la justice traditionnelle « dans le
Palais » serait cependant rendu plus contraignant
.
L'assignation deviendrait ainsi la règle
pour toute saisine du
tribunal non précédée d'une tentative de conciliation dans
les domaines où elle aurait été possible.
Il pourrait également être envisagé d'aller plus
loin
, en confiant au juge de paix délégué le
pouvoir de trancher lui-même les conflits
actuellement
jugés en dernier ressort par le juge d'instance (actuellement, selon
l'article R. 321-1 du code de l'organisation judiciaire, affaires d'un
montant n'excédant pas 3.800 €). Dans ces conditions, le juge
de proximité jouerait un rôle d'appel et le passage par la justice
de paix serait alors obligatoire pour ces affaires.
Dans cette approche centrée sur le citoyen, le développement
du « guichet unique » trouve également toute sa
place.
L'accès à la justice doit être simple, facile et
compréhensible. Le justiciable n'a pas à connaître les
arcanes de l'organisation de la justice ni la complexité des
règles de compétence pour être à même de s'y
retrouver
.
La réussite d'un tel dispositif exige donc trois conditions
essentielles :
- Les juges de paix délégués devraient avant tout
être
correctement formés
aussi bien sur le plan juridique
que sur le plan des techniques de conciliation et de médiation. Faute de
connaissances juridiques suffisantes, les nouveaux magistrats ne pourraient pas
affirmer leur autorité. Les parties devront en effet avoir la certitude
qu'une décision, même prise en équité, ne l'aura pas
été en méconnaissance totale des règles de droit
applicables ;
- ils devraient en conséquence bénéficier
d'une
réelle rémunération
. A l'opposé de ce qui
existe en Grande-Bretagne avec les « magistrates », il
semble que la non-rémunération serait dans notre pays, un
obstacle au recours à des magistrats non professionnels. La mission a pu
constater, lors de sa visite à la maison de justice et du droit de
Lormont, qu'il était en effet difficile, à l'heure actuelle, de
trouver en nombre suffisant des conciliateurs qualifiés ;
- ils agiraient sous le
contrôle du juge de proximité
avec lequel ils devraient avoir
une certaine communauté de vue
.
Un juge de paix délégué dont les propositions de
règlement seraient fréquemment désavouées par le
juge de proximité perdrait en effet tout crédit vis à vis
des justiciables.
La mission propose donc, en matière civile, d'instituer des juges de
paix délégués, magistrats non professionnels de
carrière, correctement rémunérés et formés,
dotés de pouvoir élargis en matière de règlement
des conflits en amont d'une procédure judiciaire.
b) En matière pénale : conforter le rôle des délégués du procureur
Par
analogie avec ce qui est proposé pour le civil, il pourrait être
envisagé
d'élargir les dispositions relatives au
délégué du procureur.
Seraient regroupées sous cette appellation unique les fonctions
actuellement dévolues aux délégués et aux
médiateurs du procureur. Ce représentant du parquet serait en
quelque sorte « un procureur délégué »
sur le terrain dans le cadre de la politique de proximité.
Il deviendrait un
magistrat non professionnel de carrière,
rémunéré, nommé par le procureur de la
République et disposant des délégations requises.
Il pourrait remplir, sur saisine du procureur - qui continuerait à jouer
le rôle de filtre -
l'ensemble des missions alternatives au classement
sans suite
allant du rappel à la loi jusqu'à la composition
pénale en passant par la médiation pénale.
Il
importe, en effet, que l'ensemble des actions relevant de cette justice de
proximité, « hors du Palais », soient conduites par
des « magistrats » - même si, en tant que non
professionnels, ils n'en auraient pas tous les pouvoirs.
C'est la raison pour laquelle il semble
préférable de replacer
les associations dans leur rôle indispensable d'accompagnement et de
soutien
, mais non de conduite de la politique pénale de
médiation ou de composition. Leur rôle doit s'arrêter
là où s'exerce et doit s'exercer celui des pouvoirs publics.
En ce qui concerne le « rappel à la loi », le fait
qu'il relève de la justice de proximité « hors du
palais » ne s'oppose pas à ce qu'il ait lieu au tribunal
même pour lui conférer davantage de solennité et d'effet.
Il doit, cependant, être bien clair que le recours à une
procédure alternative au classement sans suite doit
systématiquement déboucher sur une poursuite en cas
d'échec
.
En tout état de cause, la mise en place de manière
institutionnalisée et plus solennelle des modes alternatifs au
règlement des conflits sous la forme d'une « justice de
proximité hors du Palais » ne doit pas se traduire par un
abandon par l'État de son pouvoir régalien de justice, ni
apparaître comme un palliatif à un manque de moyens. Elle doit, au
contraire, être une réponse utile et adaptée à des
besoins réels.
La mission propose donc, en matière pénale, de conforter les
délégués du procureur qui deviendraient des magistrats non
professionnels de carrière, désignés à titre
individuel par le procureur de la République, correctement
rémunérés et formés de manière à
être susceptibles d'accomplir l'ensemble des mesures alternatives aux
poursuites.