1. Une procédure d'établissement des listes d'experts peu satisfaisante
En
application de la loi du 29 juin 1971, chaque année les cours d'appel
établissent des
listes régionales
et la Cour de cassation
une
liste nationale
d'experts judiciaires.
M. Jean-Bruno Kerisel a précisé que «
la liste
nationale des experts agréés par la Cour de cassation qui, elle,
ne désigne pas d'expert (...) a été créée
pour permettre, dans des litiges complexes, la délocalisation d'experts,
un expert de Paris pouvant ainsi être nommé dans une ville de
province
. »
La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et
à la qualité du système de santé a récemment
créé une
liste nationale de médecins-experts
spécialisés dans les accidents de santé
. Cette liste
risque toutefois de faire double emploi avec la liste établie par le
Bureau de la Cour de cassation.
a) La procédure d'établissement des listes régionales
Les
demandes d'inscription sur la liste dressée par la cour d'appel sont
adressées chaque année, avant le 1
er
mars, au
procureur de la République près le tribunal de grande instance
dans lequel le candidat exerce son activité professionnelle ou
possède sa résidence. Celui-ci instruit la demande, recueille
l'avis de l'assemblée générale
193(
*
)
des juridictions du ressort du
tribunal de grande instance, puis transmet le dossier et les avis au procureur
général près la cour d'appel.
Le premier président de la cour d'appel, saisi par le procureur
général, désigne un ou plusieurs magistrats pour exercer
les fonctions de rapporteur. La liste est ensuite dressée par
l'assemblée générale de la cour, dans les quinze premiers
jours du mois de novembre, après audition du rapporteur et du
ministère public.
b) La procédure d'établissement de la liste nationale
Nul ne
peut figurer sur la liste nationale des experts s'il ne justifie de son
inscription depuis au moins trois années consécutives sur une des
listes dressées par les cours d'appel
194(
*
)
.
Toute personne désirant être inscrite sur la liste nationale des
experts doit en faire la demande au procureur général près
la Cour de cassation.
Ce magistrat instruit la demande, recueille l'avis du premier président
et du procureur général de la cour d'appel ayant établi la
liste sur laquelle figure l'expert et se fait communiquer le dossier de cet
expert. Si le candidat n'est pas inscrit sur une liste de cour d'appel, l'avis
du procureur général près la cour d'appel du lieu
d'activité ou de la résidence du candidat est recueilli.
Le Bureau de la Cour de cassation dresse la liste nationale des experts au
cours de la première quinzaine du mois de décembre. Il se
prononce sur le rapport d'un de ses membres, le procureur général
entendu.
c) Une réforme nécessaire
Cette
procédure fait l'objet de vives critiques de la part de la
Fédération nationale des compagnies d'experts près les
cours d'appel.
M. Jean-Bruno Kerisel a ainsi déclaré :
«
Les experts sont désignés au travers d'une
assemblée générale de cour d'appel, qui est d'ailleurs
assez opaque. Nous souhaiterions, là aussi, plus de transparence et que
les personnes soient désignées en fonction de leurs
capacités à répondre aux problèmes
(...)
«
Aujourd'hui, à Paris, on compte mille candidats pour
quarante postes. Or les juges ne connaissent pas ces futurs experts. En tant
que président de l'ensemble des compagnies parisiennes d'experts, j'ai
assisté durant six ans aux prestations de serment des experts. En de
telles occasions, on se pose des questions sur la qualité des personnes
destinées à représenter le juge dans les réunions
d'expertise ! Le juge devrait rencontrer les experts stagiaires afin de
pouvoir, ensuite, constituer un corps d'expertise de
qualité
. »
La Fédération préconise la création d'une
commission pour chaque cour d'appel ainsi que pour la Cour de cassation,
susceptible de filtrer les candidatures
. Cette commission serait
composée d'un magistrat du siège de la cour d'appel qui en serait
le président, d'un magistrat du parquet général de la cour
d'appel qui en serait le rapporteur, d'un magistrat du tribunal de grande
instance du ressort, d'un magistrat du tribunal de commerce et d'experts.
Elle souhaite également que les cours d'appel n'établissent plus
une liste d'experts immédiatement inscrits mais «
qu'il
puisse y avoir des experts stagiaires
, comme il y a des avocats
stagiaires, qui deviendraient experts à l'issue d'une ou de deux
années probatoires
. »
La mission d'information juge intéressantes ces pistes de
réforme de l'établissement des listes d'experts et invite la
Chancellerie à soumettre rapidement un texte au Parlement dans la mesure
où elles nécessitent une modification de la loi de 1971.