D. UN RECRUTEMENT ET UNE FORMATION À PARFAIRE
La
mission a souhaité porter une attention particulière à la
question du
recrutement
et de la
formation
qui lui est apparue
déterminante pour le devenir des futurs avocats.
En outre, l'institution récente du Conseil national des barreaux, qui
dispose d'un véritable
rôle de direction
en matière
de formation professionnelle
153(
*
)
et dont l'autorité est
reconnue par tous en ce domaine, a permis de donner un nouvel élan
à ce sujet crucial.
Celui-ci a en effet accompli un travail important pour
l'harmonisation des
programmes et les
modalités de la formation dispensée dans
les Centres régionaux de formation professionnelle des avocats (CRFPA)
et durant le stage
. Le Conseil national des barreaux a également
activement participé à l'élaboration des programmes et des
modalités de l'examen d'entrée aux CRFPA et au CAPA.
En dépit des efforts accomplis, force est de constater que le
système actuel de recrutement et de formation révèle
quelques
faiblesses
auxquelles il conviendrait de remédier.
1. Les critiques adressées au mode de recrutement et à la formation initiale
A titre
liminaire et avant même d'aborder les critiques qui ont été
exprimées, il convient de rappeler brièvement le mécanisme
actuel de recrutement des avocats et les grandes étapes de leur
formation initiale.
L'accès aux CRFPA
est conditionné à l'obtention
d'un
diplôme du niveau de la maîtrise en droit
ou d'un
diplôme équivalent, et à
la réussite à un
examen d'entrée
organisé par l'Université
154(
*
)
.
Cet examen permet de sélectionner les candidats qui entrent ensuite au
CRFPA, celui-ci assurant leur formation pendant une période de
douze
mois
, en alternant des périodes d'enseignement et de stages
pratiques préparatoires
155(
*
)
.
L'élève avocat, à l'issue de cette année de
formation, doit subir un examen, le certificat d'aptitude à la
profession d'avocat (CAPA), organisé par le CRFPA
156(
*
)
.
Après sa réussite au CAPA, l'élève avocat doit,
préalablement à son inscription à un barreau, accomplir
un stage d'une durée de deux ans
, pendant lequel il sera inscrit
sur la liste de stage. A l'issue de ce stage, le CRFPA délivre un
certificat de fin de stage.
a) Une nécessaire réflexion à mener en amont de la formation initiale des avocats sur le rôle de l'Université et des Instituts d'études judiciaires
L'Université dispense essentiellement un enseignement
théorique.
Le Conseil national des barreaux et la Conférence des bâtonniers
se sont déclarés satisfaits du partenariat avec
l'Université. Toutefois, comme cela a déjà pu être
souligné à propos des magistrats (
voir supra
), la place
des droits international et communautaire au sein des programmes d'enseignement
nationaux paraît
insuffisante
et mériterait d'être
développée, surtout au cours des premières années
passées à l'Université.
Il paraît d'ailleurs d'autant plus indispensable de renforcer les
enseignements que les CRFPA ne dispensent pas de formation théorique
générale en droit communautaire
157(
*
)
.
Au cours de sa visite du CRFPA de Bordeaux, magistrats et avocats ont
signalé les difficultés actuelles auxquelles devaient faire face
les Instituts d'études judiciaires, à l'exception notable de
celui Paris, qui «
ne remplissent plus leur office
»
et ne paraissent pas en mesure de remplir la double mission qui leur a
été assignée, d'une part, préparer les futurs
auditeurs de justice et avocats au concours d'entrée dans la
magistrature et à l'examen d'entrée au CRFPA et, d'autre part,
assurer leur formation.
La fuite des étudiants vers les préparations privées
observée depuis quelques années révèle que les
Instituts d'études judiciaires ne sont désormais plus en mesure
d'assurer pleinement la préparation aux concours.
Une réflexion doit donc être menée afin de
revaloriser
leur rôle
en matière de préparation aux concours, afin
qu'ils puissent trouver toute leur place
au sein du cursus de formation des
avocats
.
b) L'inadaptation de la formation initiale aux besoins des professionnels
Sans
revenir sur la nécessité de diversifier l'examen d'entrée
au CRFPA aux différents cursus universitaires afin d'élargir le
mode de recrutement et le profil de candidats retenus
158(
*
)
,
le principal reproche
adressé à la formation dispensée par les CRFPA
réside dans son
insuffisante démarcation à
l'égard de l'enseignement de l'Université.
Ainsi que l'a
souligné le Conseil national des barreaux, «
la formation
reste
trop
théorique
». Une place plus
grande devrait être donnée à la pratique.
De plus, le
taux d'absorption
par le barreau des
élèves-stagiaires semble avoir
atteint ses limites
, comme
l'a signalé un certain nombre d'avocats rencontrés par la
mission. Le président du CRFPA de Bordeaux a d'ailleurs illustré
cette situation en indiquant que 7 élèves sur 143
n'étaient toujours pas parvenus à obtenir leur stage de deux ans
en cabinet d'avocats compte tenu des capacités d'accueil limitées
offertes par ce barreau.
Un décret du 17 octobre 1995 avait pourtant cherché à
remédier à cette difficulté en assouplissant les
modalités d'accomplissement du stage, qui peut désormais
être effectué à mi-temps moyennant un doublement de sa
durée. Toutefois, la disponibilité des maîtres de stage ne
semble pas s'améliorer en raison de la
croissance continue du nombre
d'élèves avocats-stagiaires
(en augmentation de près
de 10 % entre 2000 et 2001)
159(
*
)
.
Afin de répondre à l'ensemble de ces critiques,
récurrentes et émanant de l'ensemble de la profession, le Conseil
national des barreaux a, depuis 1995, mené un
travail de
réflexion
qui devrait «
permettre d'engager une
réforme en profondeur
»
160(
*
)
, selon sa propre expression.
Ses propositions s'articulent autour de deux axes principaux :
- un
allongement de douze à dix-huit mois
de la formation
initiale dispensée par les CRFPA, qui deviendrait une
formation en
alternance
ponctuée de stages d'insertion professionnelle en
cabinets d'avocats et d'enseignements théoriques. Il s'agit comme l'a
fait remarquer le Conseil national des barreaux de
« professionnaliser la formation » ;
- la
suppression du stage de deux ans en cabinet d'avocats
qui
constitue une charge lourde pour la profession qui considère qu'à
l'instar de la plupart des programmes de formation professionnelle, l'Etat
devrait prendre en charge financièrement ce stage, au moins
partiellement.
La mission partage la préoccupation des avocats de
professionnalisation de leur formation initiale par le biais de sa
transformation en formation en alternance.
Les CRFPA ont pour mission principale d'assurer la formation des futurs avocats
en le préparant au CAPA
161(
*
)
. Le président du CRFPA a
expliqué que le fonctionnement des centres de formation reposait sur la
collaboration des avocats, des magistrats et des enseignants provenant de
l'Université.
En principe, il existe un CRFPA au sein de chaque cour d'appel mais des
regroupements sont possibles par décision du conseil d'administration.
Actuellement, la formation est éclatée en
22 CRFPA
.
L'ensemble des avocats entendus par la mission a fait état de
disparités dans la qualité de l'enseignement dispensé
par les CRFPA
.
Un
consensus
s'est dégagé au sein de la profession sur la
nécessité de regrouper ces centres sous l'égide du
Conseil national des barreaux.
Certains regroupements sont d'ores et déjà programmés,
notamment entre les centres de Bordeaux, Toulouse et Pau entre ceux de Lyon,
Grenoble et Chambéry et ceux de Rennes et Caen, ainsi qu'en Alsace.
L'objectif de ces regroupements est de
réduire de 22 à 10
le nombre total de centres, ce qui libérerait les barreaux d'une charge
financière.
Le président du CRFPA de Bordeaux a cependant souligné qu'il
s'agissait moins de parvenir à des économies d'échelle par
une diminution des coûts que
d'améliorer la qualité de
la formation
en regroupant les meilleurs enseignants.
En outre, il a fait valoir que si le CRFPA de Bordeaux tenait une
comptabilité rigoureuse, tel n'était pas le cas d'autres CRFPA,
où «
la gestion des comptes s'avère plus
aléatoire »
.
L'exemple du regroupement entre Bordeaux, Toulouse et Pau illustre ces
difficultés.
Actuellement, le centre de Pau, qui compte 15 élèves, ne
dispose pas des moyens pédagogiques et humains des CRFPA de Bordeaux et
de Toulouse, qui forment chacun une cinquantaine d'élèves.
Une
commission mixte
entre les trois CRFPA et les trois ordres de chaque
barreau a été créée afin de faciliter ce
regroupement.
La mission d'information se félicite d'une telle démarche
initiée par le Conseil national des barreaux et l'ensemble des barreaux
et
note avec satisfaction les efforts entrepris par la profession
pour
offrir aux futurs avocats une formation de
haut niveau
leur permettant
d'affronter la concurrence internationale.