C. UN MOUVEMENT À POURSUIVRE
1. Un bilan globalement positif
a) Une justice plus efficace et plus rapide
Le
succès des pôles économiques et financiers amène une
note d'espoir face au contexte de malaise généralisé qui
caractérise actuellement la justice.
L'intervention des pôles a eu un
impact très positif
sur la
qualité
et la
rapidité
du traitement des affaires
économiques et financières complexes.
A Paris, les
stocks s'amenuisent
. Le bilan de la première
année d'activité (2000) révélait un excédent
de 5 % des affaires nouvelles. Un an après, à la même
époque, cette tendance s'est
inversée
avec un
excédent de 8 % des affaires terminées par rapport aux
saisines.
Le pôle économique et financier de Paris a permis le
règlement d'affaires particulièrement complexes : MNEF,
Société générale, Lagon vert, qui sont
désormais en instance d'être jugées.
Le pôle a donc pu engager quelques
actions particulières
dans des domaines ciblés très complexes tels que :
- le blanchiment (103 procédures ouvertes étaient en cours
au 1
er
décembre 2000) ;
- le travail clandestin ;
- la corruption, le trafic d'influence et le favoritisme, ce contentieux
connaissant une très nette augmentation dans le domaine des
marchés publics ;
- la délinquance liée aux nouvelles technologies ; les
affaires résolues concernent généralement de jeunes
« hackers » (pirates informatiques).
Mme Claude Nocquet, vice-procureur au tribunal de grande instance de
Paris, a illustré, dans son bilan d'activité, la
complexité de ce contentieux qui concerne souvent des jeunes gens
évoluant dans un monde de spécialistes avides de connaissance.
Les saisines du pôle économique de Marseille s'accroissent, avec
18 saisines sur le fondement de l'article 704 du code de procédure
pénale dont 9 en accord avec le parquet de Nice, 6 en accord avec le
parquet de Toulon et 3 en accord avec le parquet de Grasse.
M. Yves Lebaut, vice-procureur au tribunal de grande instance de
Marseille, s'est déclaré satisfait des délais de
traitement des affaires.
Les tribunaux de grande instance situés dans le ressort de la cour
d'appel d'Aix-en-provence ne lui
contestent plus
sa compétence et
font parfois
appel à ses services
, une procédure ayant en
effet donné lieu à une consultation juridique informelle du
pôle de Marseille par le parquet de Grasse.
b) Des avantages reconnus
Le rayonnement du droit français dans le
monde
Outre son impact très positif sur le fonctionnement de l'institution
judiciaire, la création de pôles spécialisés permet
également de renforcer
l'image de la France
auprès de ses
voisins européens et, plus généralement, des autres pays
internationaux.
En effet, comme l'a expliqué devant la mission M. Guy Canivet,
premier président de la Cour de cassation, «
une
amélioration de la qualité entraînerait, selon moi, une
amélioration du crédit international de la justice
française et, par contrecoup, de la place économique de la
France, si l'on veut bien considérer que le service judiciaire est un
élément de qualité d'une place économique et
boursière.
»
Une activité économique dynamisée
L'institution de pôles dans un domaine spécialisé
(notamment dans des domaines commerciaux ou industriels) peut conduire à
un
développement économique des régions
dans
laquelle ils se situent.
Par exemple, la spécialisation d'une juridiction dans le domaine du
droit des affaires ou encore dans certains grands contentieux commerciaux
pourrait permettre à la France de valoriser son activité
judiciaire par rapport à d'autres systèmes judiciaires
étrangers, ce qui permettrait de favoriser l'installation de certains
grands opérateurs nationaux, confiants dans une justice d'excellence et
hautement spécialisée.
M. Guy Canivet a d'ailleurs illustré cette dynamique très
positive en citant l'exemple des Pays-Bas. «
Ainsi, si l'on prend
l'exemple des Pays-Bas, les Hollandais ont bien compris qu'en matière de
brevets en créant une juridiction très spécialisée,
très performante, toute une partie de
l'activité
économique
, grâce à des avocats et à des experts
spécialisés, pouvait se
développer
autour de la
juridiction.
»
Des juges parfois démunis face à la
spécialisation parfois très poussée des avocats
Nombre de magistrats et d'avocats ont fait part devant la mission des
difficultés éprouvées
par certains
juges
,
qui n'ont pas toujours l'habitude de trancher des litiges liés à
des domaines très pointus, et qui doivent faire face à des
avocats hautement spécialisés
dominant parfaitement le
domaine concerné.
Me Georges-Michel Lecomte, bâtonnier de Marseille, et certains magistrats
ont à cet égard mis en exergue la nécessité de
spécialiser les contentieux les plus complexes afin, d'une part,
d'éviter que certains juges se sentent démunis et, d'autre part,
de leur permettre de faire face à l'avocat
«
à armes égales
».
c) Les pistes d'avenir
Compte
tenu de l'ensemble de ces observations, une
extension
de la
spécialisation dans les
matières les plus complexes
paraît désormais non seulement
indispensable
mais
également
inéluctable
.
Plusieurs pistes pourraient être envisagées, notamment la
spécialisation des juridictions dans des domaines tels que la
propriété intellectuelle
, le
droit de la concurrence
,
le
droit des sociétés
, le
droit bancaire
ou
les
grandes opérations de restructuration des entreprises
.
Il conviendrait, en outre, de déterminer l'échelle de la
spécialisation aux fins de savoir, selon la matière, s'il
convient d'attribuer ce contentieux à
quelques juridictions
spécialisées en petit nombre
ou plutôt à
une
juridiction unique
pour l'ensemble du territoire français.
Afin de renforcer l'efficacité et la crédibilité du
service public de la justice et de permettre aux magistrats de rendre une
justice de qualité, la mission souhaite donc la création de
nouveaux pôles et la poursuite du mouvement actuel de
spécialisation dans des matières très complexes. Une telle
évolution constitue en effet une clef d'avenir cruciale pour la justice
française
.