ANNEXE N° 1
COLLOQUE DU 27
JUIN 2001
ORGANISÉ SOUS L'ÉGIDE
DE LA COMMISSION
DES FINANCES
ET DE LA DÉLÉGATION POUR LA PLANIFICATION
« L'INFORMATION ÉCONOMIQUE EN FRANCE EST-ELLE
SATISFAISANTE ? »
Présidé par
M. Alain LAMBERT, Président de la Commission des Finances
M. Joël BOURDIN, Président de la Délégation pour la
Planification
Animé par M. Philippe MABILLE, journaliste aux Echos
(
La
séance est ouverte à 9 heures 05.)
M. MABILLE
.- Mesdames et Messieurs, je vous remercie d'être ici ce
matin pour ce colloque sur l'information économique en France.
Nous avons réuni un parterre très « haut de
gamme », où Bercy est évidemment très
représenté. Il ne manque finalement que le directeur du Budget et
le directeur du Trésor pour être au complet. Je ne m'interrogerai
pas sur la raison de leur absence, je suis sûr qu'ils ont de bonnes
motivations et que ce n'est pas pour des raisons de non-transparence de leur
part !
Le sujet de la transparence -vous le savez tous- est un sujet qui a pris dans
l'actualité budgétaire, politique, etc., une acuité
particulière ces dernières années à l'occasion de
la question des plus-values fiscales de 1999-2000, appelée l'affaire de
la cagnotte. Au-delà de ces péripéties, ce qui est
intéressant et ce que chacun des participants va probablement montrer ce
matin, c'est qu'il y a un vrai questionnement sur la transparence de
l'information économique dans ce pays, que les choses ont bougé
ces dernières années et que l'on observe un mouvement qui est
maintenant irréversible, dont l'une des pierres d'angle va être
l'adoption de la réforme de l'ordonnance sur les lois de finances,
demain au Sénat.
Je laisse au président Alain LAMBERT le soin de nous dire quelques mots
d'ouverture des débats avant que l'on présente les intervenants.
M. LAMBERT.- Merci beaucoup. Avec Joël BOURDIN, je vous souhaite à
tous la bienvenue à la Haute Assemblée. C'est un plaisir pour
nous de vous accueillir ici.
Comme Philippe MABILLE le dit, ce colloque vient à point puisque
résonne dans la maison une réforme qui vient d'être
adoptée en seconde lecture à l'Assemblée nationale -je
parle sous le contrôle de Philippe AUBERGER- qui viendra en séance
publique devant le Sénat demain et qui pourrait connaître un
aboutissement, ce qui serait un grand événement, à mes
yeux, pour nos finances publiques.
Vous avez fait le choix ce matin de travailler sur cette question de
l'information économique. Elle est d'une grande importance parce que la
réforme que nous avons voulu engager, Assemblée nationale et
Sénat, avec l'accord du Président de la République, du
Premier ministre, du ministre de l'économie et des finances,
précisément reposait sur l'idée que l'information
économique et budgétaire qui est transmise au Parlement
était très formelle mais trop incomplète pour permettre
à la représentation nationale, au fond, d'apprécier, de
contrôler la bonne utilisation des deniers publics. De surcroît, il
nous apparaissait de plus en plus, au fil des années, que notre appareil
public ne disposait pas de l'instrument de pilotage dont tout grand appareil
doit disposer.
Nous avons naturellement travaillé beaucoup sur les règles de la
comptabilité budgétaire.
Ce diagnostic a été partagé par l'Assemblée, le
Sénat sans
a priori
partisan, ce qui peut sembler rare en France,
mais en même temps il est important de souligner que ce pays n'est jamais
aussi grand que lorsque, faisant vivre ses idées les plus fortes au plan
philosophique, il sait en même temps s'accorder pour trouver les
instruments qui lui sont nécessaires pour réussir dans la
compétition dans laquelle il est inscrit.
Je suis fier d'être représentant du peuple français,
très modestement, avec bien d'autres présents dans cette salle,
et d'avoir contribué comme les autres ici à ce que la
maturité de la représentation nationale s'exprime dans cette
réforme dont chacun reconnaissait qu'elle était urgente, mais qui
avait connu tant d'échecs qu'on pouvait penser qu'il n'était plus
utile de remettre l'ouvrage sur le métier.
C'est un immense encouragement à la réforme en
général dans notre pays.
Vous êtes, les uns et les autres, dans votre spécialité les
meilleurs ; je dis cela sans flagornerie. Il est donc très
important pour les participants de ce colloque que vous ayez tous
accepté de venir parce que je sens que vos échanges seront d'une
très grande qualité.
Nous avons travaillé -je parle sous le contrôle de Joël
BOURDIN, chacun sait le rôle qui est le sien, outre que nous partageons
tous deux des responsabilités à la commission des finances, lui
étant président pour la délégation du Sénat
pour la planification- sur l'information économique et nous avons
mesuré que cela ne se résumait naturellement pas à
l'information comptable et budgétaire. Il fallait impérativement
que nous allions plus loin dans nos travaux.
Nous avons acquis la conviction que nos compatriotes avaient de plus en plus
besoin d'être rassurés sur l'usage qui est fait des contributions
de toutes natures qui sont levées sur eux. Si nous voulons nous
prévaloir de vivre en démocratie, il nous a semblé
indispensable de rappeler les grands principes de notre République,
résumés dans les articles 14 et 15 de la Déclaration des
Droits de l'Homme et du Citoyen. Je me dis souvent que la France donne des
leçons de démocratie au monde entier et les textes fondamentaux
qui sont nos textes de référence, nous finissons par les oublier.
Ces articles 14 et 15 prévoient que « tous les citoyens ont le
droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la
nécessité de la contribution publique, de la consentir librement,
d'en suivre l'emploi, que la société a le droit de demander des
comptes à tout agent public de son administration ».
Deux cents ans après, on s'est un peu éloigné de cette
exigence et si elle ne peut pas s'exercer aussi simplement qu'on
l'écrivait à cette époque, il faut que nous ayons le
génie d'inventer les instruments qui permettent d'aboutir
néanmoins à ce résultat.
J'ai souhaité travailler en observant de près ce qui se fait dans
d'autres pays ; j'ai travaillé avec les responsables
budgétaires de l'OCDE et j'ai vu que cette ambition était
partagée par de très nombreux pays.
Notre commission des finances a engagé un travail important sur ce
sujet. Notre collègue Gérard BRAUN a présenté un
rapport d'information important sur « La réforme de l'Etat
à l'étranger ». Joël BOURDIN a
présenté un rapport très important sur « Les
lacunes de l'information statistique relatives aux administrations
publiques » en s'appuyant sur les travaux de REXECODE. Il a voulu
accéder à une demande constante de notre commission, en
réalisant un travail très important sur « L'information
économique aux Etats-Unis » qui fascine beaucoup -disons le
franchement- nos collègues au Sénat. Et à
l'évidence la délégation était l'organe
approprié pour effectuer cette mission.
Ces deux rapports sont à votre disposition à l'entrée de
la salle. Ils mettent en lumière un certain nombre de bonnes pratiques
en matière d'information, ils ouvrent des pistes pour
l'amélioration de l'information économique de notre pays.
Je retiens en même temps l'idée qu'il appartient à chaque
pays, en fonction de ses traditions, de ses institutions, de trouver sa voie
pour améliorer la qualité, la transparence, la diffusion de
l'information. C'est pourquoi il est indispensable de confronter les points de
vue. C'est la chance que donne une table ronde comme celle qui est
organisée ce matin qui permettra à chacun de s'exprimer.
J'ai déjà été trop long, je voudrais simplement
pour conclure, vous dire qu'après tout, on a fait de grandes
déclarations à propos de changement de siècle, de
millénaire. Si nous nous habituions à l'idée que c'est le
moment de changer un peu nos habitudes, tout simplement, les uns et les autres,
chacun dans les fonctions que nous occupons, nous aurions déjà
fait un grand pas.
Changer les habitudes, c'est nous mettre tous en réforme, voir comment
nous pouvons faire progresser notre pays en menant des actions là
où nous sommes, refonder la démocratie en ce début de
siècle, faire en sorte que le bon usage de l'argent public puisse
être garanti par la représentation nationale et pas seulement dans
des émissions de télévision, aussi bien
réalisées qu'elles soient.
Les citoyens français seront mieux informés en faisant en sorte
que leur représentation nationale assume les missions pour laquelle elle
a été instituée.
C'est le voeu que je forme, je suis sûr que vous y parviendrez et je ne
manquerai pas de lire l'ensemble des échanges que vous aurez ce matin.
Je vous remercie.
M. MABILLE.- Merci. Je passe la parole à Joël BOURDIN qui va
présenter l'ensemble des participants à cette première
table ronde.
M. BOURDIN.- Mon cher Président, chers collègues, Mesdames,
Messieurs, permettez-moi tout d'abord, vous qui avez accepté
d'intervenir lors de ce colloque, de joindre mes remerciements à ceux
que vient de vous adresser le président Alain LAMBERT.
Vous êtes les principaux acteurs de l'information économique
aujourd'hui en France. Vos propos constitueront donc -je n'en doute pas- une
contribution essentielle à la réflexion en cours sur les moyens
d'améliorer l'information économique en France.
L'information économique me semble être, en effet, une condition
essentielle de la démocratie, ce que vient de rappeler Alain LAMBERT.
C'est parce que j'ai cette conviction que je préside depuis maintenant
trois ans la délégation du Sénat pour la planification
dont une fonction est de contribuer, modestement certes, mais avec constance,
à éclairer le débat public et en particulier celui qui se
tient au Sénat sur les enjeux économiques à moyen et long
terme.
Que l'on ne se méprenne pas cependant ; à la question qui
constitue l'intitulé du colloque, « L'information
économique en France est-elle satisfaisante ? », je
réponds plutôt par l'affirmative. En effet, la France dispose
d'organismes remarquables, dont certains sont représentés ici,
qui donnent la preuve que l'excellence n'est plus à faire dans ce
domaine.
Il ne s'agit donc pas de faire le procès d'un système
d'information qui mérite avant tout des compliments, l'objectif de ce
colloque, tel que je le conçois, c'est de contribuer à la
réflexion, sur des améliorations qui pourraient être
apportées à ce système d'information.
C'est dans cet esprit que j'ai été amené à
présenter un certain nombre de propositions. Ces propositions ont pour
seul objectif de favoriser l'émergence d'un débat. Je ne
prétends évidemment pas détenir de vérité
première sur ce sujet, sur ce que doit être l'information
économique, mais j'ai l'ambition, avec la délégation, avec
la commission des finances, de contribuer à l'améliorer.
J'ai récemment, comme cela vient d'être indiqué,
présenté deux rapports sur l'information économique, qui
correspondent aux thèmes de chacune des tables rondes.
Le premier a été effectué dans le cadre de la commission
des finances sous la présidence d'Alain LAMBERT. Il porte sur
l'information statistique et sur les administrations publiques, objet de la
première table ronde.
La commission des finances a commandé pour cela une étude
à l'Institut REXECODE, dont le Directeur, Michel DIDIER, nous fait
l'honneur de se joindre à nous aujourd'hui. Cette étude a
été annexée au rapport que vous avez pu trouver à
l'entrée de cette salle.
C'est donc M. Michel DIDIER qui ouvrira les débats de la première
table ronde.
Notre collègue de l'Assemblée nationale, Philippe AUBERGER, que
je remercie aussi de sa participation situera ensuite l'amélioration de
l'information économique dans le contexte de la réforme de
l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.
M. François DELAFOSSE, nouveau Président de Chambre à la
Cour des comptes, nous indiquera alors le point de vue de la Cour qui nous est
évidemment précieux.
Puis M. Bernard ZIMMERN, Président de l'Institut français de
recherche sur les administrations publiques, nous indiquera en quoi
l'information sur et par les administrations publiques pourrait, selon lui,
être améliorée.
Enfin, cette table ronde se conclura par les interventions des responsables de
deux fournisseurs essentiels d'information sur les administrations publiques,
M. Paul CHAMPSAUR, directeur général de l'INSEE, et M. Jean
BASSERES, que je salue également, directeur de la comptabilité
publique.
Le second rapport sur l'information économique que j'ai
présenté récemment, rendu public il y a un mois, l'a
été dans le cadre de la délégation pour la
planification en parfaite harmonie avec la commission des finances. Il porte
sur l'information économique aux Etats-Unis et sur les enseignement que
la France peut en tirer.
Ce thème de l'information économique, de manière plus
générale, est celui de la seconde table ronde.
Tout d'abord, M. Jean PISANI-FERRY, président
délégué du Conseil d'analyse économique, nous
présentera l'expérience de cet organisme.
M. Jean-Paul FITOUSSI, président de l'Observatoire français des
conjonctures économiques, s'interrogera ensuite sur le système
français d'analyse économique indépendant et M. Philippe
LEFOURNIER, directeur du Centre de prévision de L'Expansion nous donnera
son point de vue sur l'information de la presse, enjeu essentiel s'il en est un
Enfin, comme dans le cadre de la première table ronde, ce sera au tour
des représentants de l'administration de s'exprimer. M. François
VILLEROY de GALHAU, directeur général des impôts, abordera
la question de l'information fiscale, M. Jean-Philippe COTIS, directeur de la
prévision, nous exposera son point de vue sur le rôle de la
direction de la prévision dans la formation économique.
M. Jean-Pierre PATAT, directeur général des études et des
relations internationales de la Banque de France nous indiquera ensuite si,
selon lui, le rôle de la Banque de France dans l'information
économique pourrait être modifié, renforcé.
Il ne sera peut-être pas possible de parvenir aujourd'hui à un
consensus. L'important est que chacun puisse s'exprimer et que des pistes
prometteuses puissent s'ouvrir.
Notre collègue, Philippe MARINI, rapporteur général de la
commission des finances, présentera la synthèse des
débats. Il sera alors temps de nous séparer.
Pour terminer, je souhaite bien sûr remercier M. Philippe MABILLE,
journaliste aux Echos, d'avoir accepté d'animer ce colloque. Il nous a
en effet semblé que le recours à une personnalité
extérieure était un bon moyen à la fois de rendre le
débat plus vivant, voire plus incisif, et de profiter aussi de
l'expérience d'un grand producteur d'information économique.
Monsieur MABILLE, je vous rends la parole.
M. MABILLE.- Merci beaucoup.
« Producteur », je ne sais pas, modeste médiateur
sans doute, on est sûr d'éviter deux écueils :
manipuler et être manipulé par l'information ; cela fera
partie des sujets de notre discussion.
Je vais proposer que chacun des intervenants, dans l'ordre prévu, puisse
s'exprimer pendant une dizaine de minutes.
Je passe tout de suite la parole à M. Michel DIDIER qui va nous
présenter les résultats de l'étude qui a été
réalisée par REXECODE.