II. UNE SITUATION PERFECTIBLE QUI APPELLE D'IMPORTANTS PROGRÈS
Votre
rapporteur n'entend pas ici mettre en cause les compétences
professionnelles des gestionnaires du monopole gouvernemental. Elles sont
très largement reconnues et il a pu les éprouver en nombre
d'occasions.
Mais, force est de reconnaître que les conditions de fonctionnement du
système d'information économique débouchent sur une
situation insatisfaisante sous les deux angles ici retenus : l'information
statistique sur les administrations publiques, la diversification et le
pluralisme de l'analyse économique.
Votre rapporteur souhaite donc que des progrès interviennent. Il se
félicite que les débats, qui se sont tenus lors du colloque,
aient permis, de ce point de vue, de mieux formaliser les possibles.
A. UN SYSTÈME BLOQUÉ
Le déséquilibre des moyens au profit des administrations de l'exécutif, combiné avec la situation hiérarchique des producteurs d'informations économiques - ils sont placés sous l'autorité de l'exécutif - débouchent sur le sentiment d'une confiscation de l'information économique et produit des biais, qui sont autant d'occasions d'une déperdition de l'information à vocation décisionnelle.
1. Un sentiment de confiscation
L'impression diffuse d'une confiscation de l'information
économique est inéluctable dans le domaine statistique,
dès lors que la définition des programmes statistiques des
ministères échappe au débat public. L'offre se
déploie sans que, le plus souvent, la demande sociale ne soit
sollicitée et puisse réellement s'exprimer, faute de droit de
saisine, en tant que telle.
En théorie, le Conseil national de l'information statistique (CNIS)
devrait permettre ce dialogue entre producteurs et utilisateurs de
données statistiques. Dans les faits, pour des raisons qui restent
à déterminer avec précision, tel ne semble pas être
le cas. Votre rapporteur n'en citera qu'une illustration.
Le CNIS a, le 16 mars 2000, décidé de créer en
son sein un groupe de travail sur la
clarté et l'accessibilité
des données issues du système statistique public
.
Incidemment, votre rapporteur observe que le mandat du groupe,
présenté en annexe, recouvre nombre des questions abordées
par le Sénat. Pour conduire sa réflexion, le CNIS a
souhaité sonder les utilisateurs de statistiques.
Il aurait été logique que ce sondage soit directement
adressé aux parlementaires concernés et aux commissions
compétentes. Mais, à la connaissance de votre rapporteur, tel n'a
pas été le cas. Votre rapporteur le regrette, d'autant que ce
sondage, présenté en annexe afin que chacun de nos
collègues puisse, à sa convenance, formaliser sa propre opinion
sur le système statistique public, posait autant de bonnes questions.
Une considération importante doit être soulignée. Tandis
qu'au plan national, offre et demande de production statistique peinent parfois
à se rencontrer, la normalisation statistique européenne se
développe et plusieurs règlements importants portant sur les
obligations statistiques des Etats-membres et sur la formalisation des
données de comptabilité nationale sont intervenus. Il
conviendrait, à tout le moins, qu'un bilan de la réglementation
européenne soit régulièrement dressé et
diffusé auprès de tous les utilisateurs nationaux, dont le
Parlement.
Votre rapporteur veut souligner, pour conclure ces observations, certaines
« ouvertures » dont le colloque du 27 juin a
été l'occasion
. Il relève en particulier :
La suggestion du directeur de la Prévision,
M. Jean-Philippe COTIS, que lui soient adressées toutes
observations formulées sur le contenu des travaux de prévision
dont son administration a la charge afin de
faire évoluer ces
produits
;
les réponses favorables données par le directeur
général des impôts, M. François VILLEROY de
GALHAU, à la réalisation de travaux de simulations fiscales
demandés par la commission des finances de l'Assemblée nationale.
A la connaissance de votre rapporteur, cette pratique connaît d'ailleurs
actuellement des prolongements, l'administration fiscale étant en passe
de transmettre à la commission des finances de l'Assemblée
nationale un certain nombre de données fiscales propres à
favoriser la réalisation, par ses propres moyens, de simulations de
mesures fiscales.
2. Un système qui produit des biais, sources d'une déperdition de l'information à vocation décisionnelle
Les caractéristiques du système public d'information économique - sa monopolisation de fait par des organismes placés dans la sphère gouvernementale et, accessoirement, son animation par les ministères gestionnaires - est à la source, semble-t-il, d'une certaine difficulté à produire des informations utiles à la décision et ne donnent pas toujours une image fidèle de l'activité des administrations publiques.
a) Monopole « statistique » et information à vocation décisionnelle font mauvais ménage
Plusieurs illustrations de la relation négative entre un
système monopolistique d'information économique et
décision publique peuvent être citées.
Les travaux préparatoires à la réforme de l'ordonnance
organique du 2 janvier 1959 ont été l'occasion de
dresser un bilan du
système d'information comptable
sur les
administrations publiques. Il apparaît particulièrement peu
favorable puisqu'aussi bien, en dépit de quelques progrès, la
comptabilité publique n'a pas connu, au cours des années qui se
sont écoulées depuis ce texte, les améliorations qui,
seules, auraient permis à l'Etat de disposer d'une véritable
comptabilité opérationnelle. Votre rapporteur remarque qu'il
aura, finalement, fallu attendre l'intervention du législateur pour que
soient posées les exigences d'une telle amélioration.
Il en
conclut, à titre personnel, à la nécessité absolue
d'une réglementation du monopole statistique de l'Etat par des enceintes
extérieures au gouvernement
.
Quittant le domaine comptable pour celui des statistiques
, votre
rapporteur veut s'interroger sur les conséquences du modèle
français d'organisation du système statistique public sur la
pertinence des informations produites. Il est sans doute utile de disposer d'un
réseau déconcentré en ce domaine. Mais,
l'expérience montre que laisser l'initiative statistique aux
ministères gestionnaires ne suffit pas. Tout d'abord, le degré de
diffusion de l'effort statistique apparaît inégal selon les
ministères. Ensuite, il semble que la fonction statistique n'y soit
encore souvent qu'un sous-produit des opérations de gestion
confiées à chacun d'eux. Votre rapporteur souscrit à
l'observation du directeur général des impôts tendant
à mettre en évidence le saut qualitatif et les exigences en
moyens que suppose le passage d'une statistique de conséquence à
une statistique élaborée. Il n'en est pas moins convaincu que la
capacité de notre appareil statistique à produire des
informations utiles à la décision imposera cette mise à
niveau. Elle est en toute hypothèse nécessaire, compte tenu des
obligations posées par la nouvelle loi organique sur les lois de
finances en termes d'indicateurs de performances.
A ce propos, votre
rapporteur, instruit par l'expérience, estime que le Parlement, et plus
particulièrement ses commissions des finances, devrait être mis en
mesure de participer effectivement à l'élaboration de ces
indicateurs
.
b) Un système qui ne donne pas toujours une image fidèle de l'action des administrations publiques
Les
retards dans l'organisation comptable de l'Etat
n'ont pas seulement
engendré les manques de données décisionnelles
précédemment mentionnés. Elles ont aussi favorisé
la diffusion d'images comptables trompeuses. Votre rapporteur remarque,
à ce propos, que la seule existence d'un auditeur ou commissaire aux
comptes ne suffit pas, dès lors que ses missions légalement
définies restreignent son contrôle. Ainsi, si dans le domaine qui
était le sien, le jugement des comptes des comptables publics, la Cour
des Comptes a sans aucun doute exercé ses missions avec
efficacité, ce domaine était trop strictement défini pour
répondre à des exigences élevées de garantie de la
sincérité des informations comptables produites par l'Etat. C'est
d'ailleurs sur la base de ce constat que la mission de la Cour a
été largement rénovée par la loi organique du
1
er
août 2001.
Votre rapporteur en tire une conclusion : la réglementation du
monopole de la production d'information statistique de l'Etat passe sans nul
doute par l'instauration, tout comme dans le domaine comptable, d'auditeurs
externes mais, de plus, ceux-ci doivent être dotés des plus larges
prérogatives et compétences, si l'on souhaite les mettre à
même d'exercer un plein contrôle
.
Dans le domaine statistique
, des constats analogues peuvent être
posés. Le suivi des performances est très incertain et,
même, les moyens mis en oeuvre sont mal identifiés. Il est, en
particulier, un domaine où le contraste entre l'information juridique
disponible et la réalité semble maximale, celui de la fonction
publique. Cela a été souligné par plusieurs rapports
récents de la Cour des Comptes et par de nombreux intervenants au
colloque, MM. Michel DIDIER, François DELAFOSSE et Paul
CHAMPSAUR.
Votre rapporteur souhaite, compte tenu de l'influence de l'emploi public sur
la satisfaction collective, qu'une mise à niveau de l'information
publique intervienne dans ce domaine
.
A cet égard, le bilan des
travaux de l'Observatoire de l'emploi public devra être suivi avec
attention.