III. SÉCURITÉ : ACCIDENTS
Les recommandations du rapport Boiteux ayant servi de référence à plusieurs études (valeurs tutélaires des dommages corporels et matériels), les écarts entre l'études du CGPC et de l'INRETS sont faibles. La littérature est cependant riche sur ce sujet et fait apparaître des monétarisations très diverses de la vie humaine. Ces divergences résultent de plusieurs facteurs explicatifs qui peuvent se combiner :
- Champ pris en compte dans une approche par le coût des dommages : coûts médicaux et sociaux, coûts matériels, frais généraux, perte de production annuelle pour la collectivité, préjudice moral... ;
- Montant retenu pour la valeur tutélaire : pour une personne tuée, pour une personne blessée (en fonction de la gravité...), pour les dommages matériels ;
- Source des données pour les statistiques des accidents ;
- Année de référence du calcul de l'étude...
A. DÉFINITION, CHAMP ET ÉLÉMENTS DE CADRAGE GÉNÉRAUX
La valeur la plus appropriée retenue pour évaluer l'insécurité routière correspond au coût externe c'est à dire au coût non supporté par les usagers eux-mêmes. Est donc déduite du coût social d'insécurité la part déjà couverte par les compagnies d'assurance sous forme d'indemnités visant à couvrir les dommages. Une partie du coût social est donc déjà internalisé sous forme de primes versées. Le résultat correspond au coût social net ou coût externe d'insécurité.
B. PRISE EN COMPTE SUIVANT LES ÉTUDES ET MÉTHODOLOGIES ADOPTÉES
- L'étude de l'INRETS accorde sa préférence aux méthodes directes d'évaluation des dommages car le recours à l'évaluation d'une stratégie d'évitement reviendrait à poser des hypothèses délicates sur le changement de comportement des individus. Le présent rapport passe en revue les études existantes sur le sujet et retient pour valeur de référence le résultat officiel du rapport au Plan, tout en acceptant une fourchette haute déduite des comparaisons internationales. Il applique les résultats issus de calage sur la méthode de Le Net à l'année 1991. Les autres études auxquelles il est fait référence sont : Quinet qui, dans sa revue internationale en 1994, pointe une fourchette entre 0,4% et 1,6% du PIB, correspondant à des coûts sociaux (sans déduction des dépenses prises en charge par les assurances) ; l'application à la France en 1991 de l'estimation de Jeanneraud dans son approche sur Neufchatel en 1993 qui aboutit à 24 milliards de francs ; l'étude menée par le CETUR-SOFRETU qui retient une fourchette entre 1,86 et 3,6 millions de francs comme valeur tutélaire de la vie humaine ; la CCTN qui arrive à un coût externe de 0,6% du PIB soit 41 milliards de francs. Le montant retenu par l'étude de l'INRETS est un coût externe de 45 milliards de francs, soit un coût social total de 60 milliards de francs (statistiques d'accidents X valeurs tutélaires recommandées par le CGP pour 1994 retropolées pour 1991) dont 15 milliards sont couverts par les assurances. Sont ajoutés, dans le tableau synthétique présenté, les 5 milliards de francs comptabilisés dans le rapport INRETS dans la partie « Dépenses publiques liées à l'activité routière en France » : il s'agit des dépenses de sécurité sociale liées aux accidents et non remboursées par les assurances. Il subsiste un doute quant à leur éventuelle double comptabilisation.
- L'étude du Conseil Général des Ponts et chaussées utilise les séries des accidents de la route, leur ventilation en fonction de la nature des routes et le calcul des valeurs tutélaires préconisées par le rapport du Conseil Général au Plan. Le rapport Boiteux calcule la valeur tutélaire des coûts de l'insécurité routière en faisant référence à une étude datant de 1993 (Le Net) fondée sur la méthode du capital humain compensé et distinguant trois natures de coûts : les coûts marchands directs (coûts médicaux et sociaux, coûts matériels, frais généraux, etc.), les coûts marchands indirects (perte de production annuelle cumulée actualisée moyenne) et les coûts non marchands (préjudice moral). Le présent rapport ne retient que la première composante du coût. Le blessé « moyen » n'est pas pris en compte, ne correspondant à aucune définition en matière de sécurité médicale ou de terminologie routière. La monétarisation du coût consiste à appliquer les valeurs tutélaires déterminées par le rapport Boiteux actualisées pour l'année 1997 au nombre de victimes par réseau, puis à en déduire les indemnités versées par les compagnies d'assurance. Le coût est ensuite ventilé entre les divers usagers en fonction de leur implication dans les accidents (source : DSCR, Gendarmerie).
- L'article du CCFA retient un montant compris entre 24 et 45 milliards de francs en se basant sur les études menées par ailleurs (1989-1999). Il précise que la « valeur de la vie humaine » prise en compte dans ces études est discutable, qu'il est nécessaire de prendre en compte la baisse des accidents depuis 25 ans et qu'une part très importante des effets sont déjà internalisés par les usagers (primes d'assurance et taxe prélevée par la sécurité sociale sur les contrats d'assurance...).
- L'étude de l' OICA base ses calculs en affectant au nombre de tués et de blessés un coût unitaire du dommage par tué et par blessé et en tablant sur la prise en charge par l'usager du coût du dommage matériel. La valeur retenue pour un tué est de 650 000 ECU (environ 4 250 000 francs) et pour un blessé de 15 000 ECU en moyenne (environ 98 000 francs). A titre indicatif, le montant du coût pour l'Europe de l'Ouest est ainsi estimé à 45,5 milliards d'ECU en 1985, à 39,7 milliards en 1995 et projeté à 25 milliards à l'horizon 2010 avec une forte hausse des gains de sécurité avec le meilleur équipement des véhicules et « sous condition d'une gestion routière active et progressive » de la part des pouvoirs publics.
- L'étude de l' Infras/IWW retient un montant de l'ordre de 150,5 milliards de francs (23,1 milliards d'euros). La monétarisation du coût externe des accidents intègre trois composants : les coûts additionnels de prise en charge par le système de santé, par la société et le coût non monétaire de la souffrance et de la perte. Sur ce dernier point, l'étude distingue la douleur et la souffrance (appelée Risk Value) liées au sinistre en lui-même de celles liées au préjudice associé. La « Risk Value » du sinistre est estimée par la méthode de l'évaluation contingente. Un échantillon d'individus est questionné sur le montant qu'ils seraient prêts à payer afin de réduire la probabilité d'occurrence d'un sinistre sur la route. L'Infras retient une valeur de 1,5 millions d'euros 1995 pour un sinistre, correspondant à la moyenne de valeurs retenues dans la littérature européenne sur le sujet. Cette valeur correspond à la valeur de la vie humaine. L'auteur précise que la disposition moyenne à payer est impersonnelle et antérieur à un quelconque sinistre. La « Risk Value » associé au préjudice est un pourcentage de la valeur précédemment calulée pour les sinistres. L'étude retient le ratio établi par l'ECMT (1998), soit 13% pour un préjudice grave et 1% pour un préjudice léger. Ces pourcentages sont eux mêmes issus d'une étude de O'Reilly et al. (1994) sans que soit précisée l'approche utilisée. Le montant du préjudice moral est donc 200.000 euros et 15.000 euros respectivement pour un préjudice lourd et léger.